
3 Le yuan et la nouvelle alliance économique entre les États-Unis et la Chine
Au cours des vingt dernières années, la République populaire de Chine (RPC) a connu
une croissance moyenne de près de 9,8 %, ce qui lui a permis de se hisser au sixième rang
du palmarès économique mondial1. Pendant la même période, son commerce total a crû
en moyenne de 16 % par année et, en 2003, la Chine fut la première destination de
l’investissement direct étranger2. La question n’est donc plus de savoir si la Chine aura ou
non un rôle de premier plan à jouer sur la scène économique internationale, mais bien de
savoir comment elle jouera ce rôle3.
Cette question s’est retrouvée à la une au cours de l’été 2003 alors que le ton de
Washington s’élevait en réponse à un déficit commercial bilatéral croissant et à une
politisation de la question en vue des élections présidentielles de 2004. L’attention des
élites politiques américaines s’est alors tournée vers la valeur de la monnaie chinoise, le
renminbi (RMB ou yuan), que certains ont identifié alors comme la source du creusement
de ce déficit. Et, comme les systèmes politiques de la Chine et des États-Unis sont
largement incompatibles, de là à pointer du doigt les stratégies « mercantilistes » d’une
Chine, perçue comme un rival, sinon comme une menace latente à la prospérité des États-
Unis, il n’y a qu’un pas, vite franchi d’ailleurs par plus d’un4. L’exemple du Japon et
1 Le pays occuperait même le second rang sur la base des parités de pouvoir d’achat (PPA). De plus, avec
une croissance annuelle de 9,1 %, la Chine a été responsable de 10 % de la croissance de l’économie
mondiale en 2003 si l’on raisonne en dollars courants, et de 32 % si l’on raisonne en PPA. La contribution
des États-Unis a été, respectivement, de 14% et 20 %. Au taux de change courant, la Chine a contribué pour
28 % à la croissance des importations mondiales, comparativement à 36 % pour les États-Unis. Florence
Astier et Hervé Monet, « La Chine : un moteur pour l’économie mondiale ? », Analyse mensuelle de la
situation économique, Groupe Société générale, février 2004, [En ligne]:
http://groupe.socgen.com/html/eco/fr/tele/eco_f.pdf.
2 Les investissements directs étrangers ont été de 53,5 milliards de $ ÉU. En 2003. Ils étaient de 38,4
milliards de $ ÉU en 2000, de 44,2 milliards en 2001 et de 52,7 milliards en 2002. (World Investment Report,
2003).
3 Voir à ce sujet, notamment : Shuxun Chen et Charles Wolf, Jr., China, the United States, and the Global
Economy, Rand Corporation, 2001 ; Wanda Tseng and Markus Rodlauer (dir.), China. Competing in the
Global Economy, FMI, 2003 ; Richard Ellings et Aaron Friedberg (dir.), Strategic Asia 2002-03: Asian
Aftershocks, The National Bureau of Asian Research, Washington, 2002 ; Zhiong Lan, Weixing Hu et Ken Q.
Wang, « The Growing China and Its Prospective Role in World Affairs », The Brown Journal of World
Affairs, vol. VI, No 2, automne 1999, pp. 43 – 61. Voir également le rapport de la conférence organisée en
octobre 2003 par le CSIS et la Japan Economic Foundation, « Chinese Economic Development : Implications
for the Global Economy » (en ligne).
4 Pendant la campagne électorale de 2000, le candidat Bush et plusieurs membres de son entourage ont
ridiculisé à moult reprises le « partenariat stratégique » avec la Chine que l’administration Clinton voulait
voir émerger. De même, le Quadrennial Defense Review de septembre 2001 avertissait que « a competitor
with a formidable resource base will emerge in the region [Asie Pacifique] »
www.defenselink.mil/pubs/qdr2001.pdf. Pour des analyses partageant ce point de vue, voir John
Mearsheimer, « The Future of the American Pacifier. » Foreign Affairs, vol. 80, No 5. 2001, pp. 46-61, Ted
Galen Carpenter, « Confusion and Stereotypes: U.S. Policy toward the PRC at the Dawn of the 21st
Century, » in T. G. Carpenter et James A. Dorn, (dir.), China’s Future. Constructive Partnership or
Emerging Threat? Washington, Cato Institute, 2000 ; Richard Bernstein et Ross H. Munro,The Coming
Conflict with China. New York, Vintage Books, Random House, 1998 ; ou encore l’article de Aaron
Friedberg, conseiller du vice president Dick Cheney depuis mai 2003, « The Struggle for Mastery in Asia »,
Commentary Magazine, novembre 2000.