Corécepteurs du VIH et progression de la maladie

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Corécepteurs du VIH et progression de la maladie
Revue critique
de l'actualité scientifique internationale
sur le VIH
et les virus des hépatites
n°62 - janvier 98
CCR2/CCR5
Corécepteurs du VIH et progression de la
maladie
Caroline Quillent
Centre Intégré de Recherches Biocliniques sur le Sida, Hôpital Saint-Joseph,
(Paris)
Gustavo Gonzalez-Canali
Centre Intégré de Recherches Biocliniques sur le Sida, Hôpital Saint-Joseph (Paris)
The role of
CCR5 and
CCR2
polymorphisms
in HIV-1
transmission
and disease
progression
Michael N.L., et
al.
Nature
Medicine, 1997,
3, 1160-1162
http://publications.crips.asso.fr/transcriptase/62_872.htm (1 sur 4) [24/06/2003 10:58:19]
Contrasting
genetic
influence of
CCR2 and
CCR5
variants on
HIV-1
infection and
disease
progression
Smith M.W.,
Dean M.,
Carrington M.,
Winkler C.,
Huttley G.A.,
Lomb D.A.,
Goedert J.J.,
O’Brien T.R.,
Jacobson L.P.,
Kaslow R.,
Buchbinder S.,
Vittinghoff E.,
Vlahov D.,
Hoots K.,
Hilgartner
M.W.,
O’Brien S.J.
Corécepteurs du VIH et progression de la maladie
Science, 1997,
277, 959-965
Deux études confirment l'importance naissante des récepteurs
aux chimiokines et de leur rôle dans l'évolution de l'infection
VIH. Mais ces études parcellaires ne permettent pas encore de
dégager de réelles perspectives thérapeutiques à point de
départ génétique.
Une étude réalisée sur plusieurs cohortes (MACS, SFCC,
MHCS et ALIVE) représentant au total 3003 patients
séropositifs pour le VIH a été publiée récemment par M.W.
Smith et coll.
Le rôle probable mais controversé des récepteurs des
chimiokines dans l’infection par le VIH-1 et dans la
progression de la maladie a conduit de nombreuses équipes à
rechercher de nouvelles mutations dans les gènes codant pour
ces corécepteurs. Ainsi, Smith et coll. ont mis en évidence
une mutation dans le gène codant pour le CCR2 chez 10 à 15
% de la population caucasienne et afro-américaine. Cette
mutation se situe en position 190 (à partir du codon ATG) et
conduit au changement d’un acide aminé (Valine 64 -->
Isoleucine: noté CCR2 64I). Elle se situe dans le premier
domaine transmembranaire de la protéine, qui en comprend
sept. Ce domaine est strictement identique en acides aminés à
celui du CCR5.
Cette mutation a été recherchée de manière systématique dans
différents groupes de sujets infectés ou non par le VIH (3003
séropositifs et 58 exposés non infectés).
Les auteurs n’ont pas démontré de différence significative de
la fréquence allélique de la mutation CCR2 entre les groupes
exposés non infectés et les groupes infectés par le VIH. Cette
mutation à l’état homozygote ne semble pas avoir d’effet sur
la transmission de la maladie, contrairement à ce qui a été
démontré pour la mutation homozygote D32 du CCR5.
Cependant, la comparaison entre les patients rapidement
progresseurs et non progresseurs a permis de mettre en
évidence un effet de la mutation sur l’évolution de la maladie.
Chez les caucasiens, il semble que les sujets séropositifs
CCR2 +/+ progressent 40% de fois plus vite vers le sida que
les sujets ayant la mutation CCR2 64I. Ainsi, la fréquence de
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Corécepteurs du VIH et progression de la maladie
l’allèle CCR2 64I est significativement plus basse dans le
groupe des progresseurs rapides (30%) que dans celui des
progresseurs lents ou non progresseurs (80%).
La proche localisation chromosomique des gènes CCR2 et
CCR5 -10kb sur le chromosome 3- a conduit les auteurs à
déterminer l’incidence des mutations mises en évidence sur
ces deux gènes. Ainsi, parmi 2916 patients, aucune de ces
trois associations (CCR2-64I-64I, CCR5+/D32; CCR2+/64I,
CCR5 D32/D32; CCR2-64I-64I, CCR5 D32/D32) n’a été
mise en évidence. La forte interaction entre ces deux
gènes suggère l’exclusion allélique des mutations : la
mutation CCR5 D32 ne peut être présente que sur un
chromosome qui est CCR2+ sauvage, tandis que la
mutation CCR2 64I se retrouve uniquement sur un
chromosome CCR5 sauvage.
Les auteurs concluent que l’effet protecteur CCR2 64I
est équivalent à celui conféré par le génotype
CCR5+/D32. La fréquence de mutant hétérozygote
CCR2 et CCR5 est plus élevée chez les sujets non
progresseurs que chez les sujets progresseurs rapides.
Ainsi, 38 à 45% des patients séropositifs pour le VIH
rapidement progresseurs (qui développent un sida
moins de 3 ans après exposition au VIH) sont CCR2 ou
CCR5 sauvages. En revanche, la survie des ALT,
séropositifs depuis 16 ans ou plus, est liée à un
génotype CCR2 ou CCR5 mutant dans 28 à 29% des
cas
Cependant, il faut préciser que les effets des mutations
CCR2 et CCR5 sont différents. Ainsi, la mutation CCR2
64I ne semble pas protéger contre l’infection par le VIH,
contrairement à ce que l’on observe chez la plupart des
sujets homozygotes CCR5 D32. La délétion de 32pb du
CCR5 conduit à la production d’une protéine tronquée
non fonctionnelle tandis que la mutation CCR2 64I
conduit à un changement conservatif d’un acide aminé.
Cette délétion de 32pb du CCR5 n’a été retrouvée que
chez les caucasiens tandis que la mutation du CCR2
64I est retrouvée dans tous les groupes ethniques,
suggérant ainsi une origine plus ancienne de cette
mutation. On notera que ces corécepteurs, bien
qu’ayant une répartition cellulaire et tissulaire identique,
n’ont pas les mêmes ligands: ainsi le CCR5 se lie avec
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Corécepteurs du VIH et progression de la maladie
Rantes, MIP1-a et b tandis que le CCR2 se lie à MCP-1, -2
et 3.
Le mécanisme d’action de la mutation CCR2 64I peut
s’expliquer par une modification directe de la cinétique
d’infection, ou par un effet indirect de la concentration
physiologique du CCR2 sur la disponibilité du CCR5 à la
surface des cellules cibles, ou par un déséquilibre de liaison
entre les différents gènes du groupes de gènes CCR 1 à 5
(mutation structurale ou régulatrice).
Une étude similaire a été réalisée par N.L. Michael et coll. sur
16 sujets séronégatifs à haut risque et 395 sujets séropositifs
de la cohorte de San Francisco. Comme le groupe précédent,
aucune association de la mutation CCR2 64I avec une
augmentation de la transmission de la maladie n’a a été mise
en évidence. Contrairement à ce qu’a publié le groupe de
Smith, il n’a été montré ni effet de la mutation CCR2 64I sur
la progression de la maladie ni corrélation avec la charge
virale. Ces auteurs suggèrent que les différences observées
sont dues à la faible taille de leur cohorte. Ils proposent donc
d’étudier d’autres populations afin de déterminer le rôle exact
des variants CCR2 sur l’interaction ligand couplé au signal,
sur l’entrée du virus et sur son pouvoir réplicatif in vivo. En
effet, il a été récemment montré que le ligand MCP-1 du
CCR2b et des anticorps dirigés contre le N terminal du
CCR2b pouvait réprimer la réplication du VIH. Il est possible
que de tels effets soient médiés via les corécepteurs majeurs
du VIH, à savoir le CCR5 et le CXCR4.
Ces deux études confirment l’importance nouvelle des
corécepteurs des chimiokines et de leur mode d’action dans
l’infection à VIH et dans la progression de la maladie. De
larges études de cohortes sont encore nécessaires pour
préciser leur rôle exact dans l’infection, l’évolution, et le
pronostic de la maladie à VIH. Dans l’état actuel de nos
connaissances, il est prématuré d’extrapoler les applications
thérapeutiques. Cependant, comme le suggèrent Smith et
coll., les mutations présentes sur les corécepteurs du VIH ont
des implications importantes puisque certains (et d’autres
découverts ou non) sont requis pour l’entrée du VIH dans la
cellule et pour son dissémination. Il est donc probable que
dans un futur proche les stratégies thérapeutiques puissent
s’appuyer sur des critères non seulement virologiques et
immunologiques mais aussi génétiques.
http://publications.crips.asso.fr/transcriptase/62_872.htm (4 sur 4) [24/06/2003 10:58:19]
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