N°3 Novembre 2005 AVIS D’EXPERT Lacune de la Voie Excrétrice Supérieure : Que Faire ? U ➢ Pr Eric Lechevallier Urologue - Hôpital Savador, Marseille n signe clinique (hématurie, douleur, infection), le suivi d’une tumeur de vessie ou une imagerie (UIV, TDM) peuvent faire le diagnostic de lacune de la voie excrétrice urinaire supérieure (VEUS). Se posent alors 2 questions, celle du diagnostic et celle du traitement. Certains arguments peuvent être en faveur d’une tumeur urothéliale maligne, une intoxication tabagique, une exposition à un carcinogène, une cytologie urinaire positive, un antécédent de tumeur de vessie, notamment une tumeur récidivante, ou infiltrante ou multifocale ou un CIS. Les tumeurs urothéliales de la VEUS représentent 5% des tumeurs du rein, 5% des tumeurs urothéliales et concernent 10% des cancers de vessie. Mais parfois il peut s’agir d’une lacune bénigne et le contexte peut aussi être évocateur (tableau 1). Dans certains cas une néphroutérectomie peut être indiquée d’emblée (tableau 2). Cependant le plus souvent, avant toute décision thérapeutique et notamment avant de réaliser une néphro-urétérectomie dans la crainte d’une tumeur urothéliale, une évaluation de la VEUS est actuellement possible et nécessaire (tableau 3). Cette évaluation est particulièrement justifiée pour les lacunes < 2 cm, de découverte fortuite ou en cas d’insuffisance rénale avérée (clairance créatininémie < 80 ml/mn) ou potentielle. La cytologie mictionnelle est peu sensible (50%), n’est spécifique que pour les tumeurs de haut grade avec un taux de faux négatifs important pour les tumeurs de faible grade. Sa rentabilité peut être améliorée par la cytologie urétérale éventuellement obtenue par brossage. En pratique la cytologie mictionnelle doit être systématique. La cytologie urétérale est réalisée au décours de la pyélographie. En effet la cytologie urinaire doit être concordante avec le grade tumoral de la biopsie de la lacune. L’uro-TDM a une sensibilité diagnostique de 50-80%, notamment pour les tumeurs infiltrantes. Avec les TDM multibarettes la taille limite de détection est de 3 mm. L’uro-TDM est performante pour la multifocalité et le diagnostic de calcul radio-clair. Les tumeurs urothéliales sont des lésions de 40-50 UH avec un faible réhaussement (+ 20 UH). Les 7 Tableau 1 : lacunes bénignes de la VEUS • calcul • polype fibro-épithélial • nécrose papillaire • papille ectopique • urétérite kystique • caillot • syndrome de Fraley • tuberculose • bilharziose • malakoplakie Tableau 2 : indications de néphrourétérectomie d’emblée • tumeur > 3 cm • cytologie urinaire haut grade à bas appareil sain • signes radiologiques d’infiltration • rein détruit Tableau 3 : évaluation d’une lacune de la VEUS • cytologie mictionnelle et urétérale • uro-TDM • UPR – urétéro-rénoscopie – biopsie AVIS D’EXPERT Lacune de la Voie Excrétrice Supérieure : Que Faire ? signes radiologiques d’infiltration sont une taille > 3 cm, des signes obstructifs, une atteinte de la graisse. L’UIV seule et l’uro-IRM ont peu d’indications. L’urétéro-rénoscopie avec un endoscope flexible est l’examen diagnostic de choix pour explorer une lacune de la VEUS. Il doit toujours être réalisé lors de l’urétéro-rénoscopie une cystoscopie, une urétéro-pyélographie rétrograde (UPR) et une cytologie urétérale du côté de la lacune. La lacune est facilement visualisée avec un urétéroscope souple, photographiée et biopsiée avec une pince à biopsie fine adaptée (Figure 1). Toute la VEUS doit être inspectée, notamment toutes les cavités rénales. Une lacune urétérale peut être explorée avec un urétéroscope rigide et enlevée avec une sonde de type Dormia en cas de non disponibilité d’un urétéroscope souple ou de pince à biopsie. La VEUS en amont de la lacune doit cependant être explorée par une UPR et une cytologie. Une sonde urétérale est laissée en place 24h. La rentabilité de la biopsie est de près de 90% avec un taux de faux négatifs de près de 5%. Il n’y a pas de risque de dissémination tumorale. En cas de tumeur urothéliale, la corrélation du grade de la biopsie et de la pièce de néphrectomie est de plus de 90%. La biopsie permet rarement d’obtenir le stade tumoral. Cependant il existe une bonne corrélation entre le grade et le stade tumoral. 90% des tumeurs de faible grade sont superficielles et 70% des tumeurs de grade 3 sont infiltrantes. S’il est possible de disposer d’un laser holmium :yag, après la biopsie, la lacune est détruite au laser. Figure 1 : biopsie urétérale endoscopique 8 N°3 Novembre 2005 Le patient est ensuite revu en consultation avec les cytologies, l’uro-TDM et le résultat de la biopsie. En cas de lésion bénigne, un traitement conservateur est proposé. Il aura été fait si la lacune a été traitée lors de l’urétéro-rénoscopie (destrcution laser, ablation à la sonde Dormia…). Dans ce cas, la consultation confirmera l’indication de traitement conservateur. En cas de tumeur urothéliale, le traitement de référence est la néphro-urétérectomie. La néphrouétérectomie de principe ne se discute pas en cas de tumeur > 3 cm, de haut grade, multifocale, ou avec des signes radiologiques d’infiltration. Dans certains cas très sélectionnés, un traitement conservateur peut se discuter. Les indications de traitement conservateur peuvent être de nécessité (insuffisan- AVIS D’EXPERT Lacune de la Voie Excrétrice Supérieure : Que Faire ? ce rénale, rein unique, tumeur bilatérale…) ou de principe. Les indications du traitement conservateur de principe des tumeurs urothéliales de la VEUS doivent être très restrictives (tableau 4). Ce traitement conservateur permet une conservation rénale dans plus de 70% des mais un taux de récidive important, de plus de 70%. Le traitement conservateur ne peut se concevoir que dans des cas sélectionnés, sous réserve d’une surveillance endoscopique stricte (tous les 3 puis 6 mois), et chez des patients informés et observants. Dans ces conditions, le taux de survie est comparable à celui de la néphrourétérectomie. Les techniques de choix du traitement conservateur sont l’urété- rectomie segmentaire pour les tumeurs de l’uretère pelvien, l’urétéro-rénoscopie souple laser pour les tumeurs urétérales lombaires et des cavités rénales sauf le calice inférieur et la chirurgie per-cutanée pour les tumeurs du calice inférieur rénal. Les lacunes de la VEUS nécessitent une évaluation diagnostique avant leur prise en charge. Les lacunes bénignes ne justifient pas de néphrectomie et doivent être traitées de façon conservatrice. Le traitement de référence des tumeurs urothéliales de la VEUS est la néphro-urétérectomie. Un traitement conservateur peut être proposé dans des cas très sélectionnés chez des patients informés et compliants. Tableau 4 : indications idéales du traitement conservateur de principe des tumeurs de la VEUS • unique • < 1cm • grade 1, 2 • cytologie faible grade • pas d’antécédent de tumeur de vessie • pas de signe radiologique d’infiltration • traitement complet possible • surveillance • information et observance du patient 9 N°3 Novembre 2005