Recherche sur les maladies polygéniques $$ Contribution de la

CURRICULUM Forum Med Suisse No47 21 novembre 2001 1175
La génétique de l’hypertension artérielle est
complexe, et son analyse à ce jour n’autorise
pas de tirer de conclusions fermes sur le rôle de
gènes spécifiques dans la régulation de la pres-
sion artérielle, au sein de diverses populations.
En recherche animale, l’étude de nombreux
modèles de rongeurs a permis d’établir un lien
entre certains gènes et l’hypertension. Chez
l’homme, seuls quelques syndromes d’hyper-
tension rares sont associés à un défaut géné-
tique mendélien monogénique. Ils donnent un
éclairage intéressant sur les mécanismes à
l’origine de l’HTA essentielle. Par exemple,
dans le syndrome de Gitelman, affection auto-
somale récessive rare, entraînée par des muta-
tions du gène codant pour un co-transporteur
rénal sensible aux thiazides, les sujets homo-
zygotes pour une des mutations ont un risque
augmenté d’HTA essentielle [1]. De même, il a
été montré que le locus du gène dans le syn-
drome de Liddle (voir tableau) est un QTL
(quantitative trait locus) pour la pression arté-
rielle chez le sujet normal [2]. Actuellement, il
n’en demeure pas moins qu’aucun gène majeur
n’a été découvert pour l’HTA essentielle ou pri-
maire, en raison de son caractère hétérogène,
multifactoriel et polygénique. L’influence de
l’environnement sur la variabilité de la pres-
sion artérielle et sur son expression phénoty-
pique finale est cruciale, car les facteurs envi-
ronnementaux interagissent avec les gènes dé-
terminant la pression artérielle et en modulent
leur expression. De plus, l’expression géno-
mique au niveau infra-cellulaire est successive-
ment modifiée par d’autres influences géné-
tiques, par l’interaction gène-gène entre de
multiples loci plutôt que par la variabilité d’un
seul gène, et par des influences environnemen-
tales, aux niveaux cellulaire, tissulaire et orga-
nique [3]. Ceci va profondément diluer l’effet
d’un seul gène sur la pression artérielle. Ainsi,
dans des familles atteintes d’un défaut mono-
génique identique (par exemple dans l’HTA
traitable par glucocorticoïdes), le niveau de la
pression artérielle varie d’une personne à
l’autre. La majorité des études génétiques por-
tant sur l’HTA primaire chez l’homme sont des
études d’association, c’est-à-dire que le poly-
morphisme d’un gène candidat et la fréquence
d’allèles spécifiques est comparée entre les
individus hypertendus et une population
contrôle. En 1992, Jeunemaitre a fermement
établi le lien entre une variante du gène de l’an-
giotensinogène sur le chromosome 1 et l’hy-
pertension artérielle primaire, ce lien n’étant
pas retrouvé dans toutes les ethnies [4]. La na-
ture de la variante moléculaire de la forme ori-
ginale du gène de l’angiotensinogène, semble
de plus avoir été identifiée comme responsable
de la «sensibilité au sodium», c’est-à-dire la
propension a augmenter notablement la pres-
sion artérielle lorsque l’ingestion de sel est éle-
vée. Parmi des centaines d’études publiées,
d’autres associations entre certains gènes et
l’HTA ont été rapportées, mais n’ont pas tou-
jours été confirmées [5]:
– Rénine
Récepteurs adrénergiques β1, β2, α1et α2
(notamment association avec sensibilité au
sodium).
α-adducin, protéine du cytosquelette d’ac-
tine: associée à l’HTA, à la sensibilité au
sodium (modification de la Na-K-ATPase
rénale) et la réponse aux diurétiques thia-
zidiques.
Prostacycline synthase: association entre le
génotype SS de ce polymorphisme et l’hy-
pertension.
G-protéine (allèle 825T): association avec
atteinte ischémique, obésité, HTA chez les
patients Africains-Américains.
Récepteur à l’angiotensine II de type 1.
Polymorphisme du gène de l’enzyme de
conversion de l’angiotensine.
Paracelline-1: protéine responsable du
transport paracellulaire rénal du Mg.
–PPARγ(peroxysome proliferator-activated
receptor γ): mutations associées à la résis-
tance à l’insuline, au diabète, à l’obésité et
l’HTA.
D’autres gènes ont été identifiés, dont le lien
avec l’hypertension n’a pas été formellement
prouvé, comme le polymorphisme du gène de
l’enzyme de conversion de l’angiotensine. Une
association entre le polymorphisme de ce gène
Recherche sur les maladies
polygéniques
Contribution de la génétique à l’hypertension artérielle
A. Pechère-Bertschi
Correspondance:
Prof. Dr Jacques Philippe
Division d’Endocrinologie et
Diabétologie
Département de Médecine interne
HUG
CH-1211 Genève 14
CURRICULUM Forum Med Suisse No47 21 novembre 2001 1177
et l’hypertension chez les sujets d’origine Afri-
caine, l’efficacité des inhibiteurs de l’enzyme de
conversion de l’angiotensine à ralentir la pro-
gression de certaines néphropathies, les com-
plications micro- et macrovasculaires et la sen-
sibilité au sodium a été décrite [6, 7]. Des ré-
sultats négatifs ont également été rapportés
entre l’HTA et le gène du récepteur de type 1
de l’angiotensine II, bien qu’il puisse être un
déterminant indépendant de rigidité aortique
et de vasoconstriction coronarienne. De nom-
breuses associations négatives ont été rappor-
tées, dont le polymorphisme pour le gène du
peptide natriurétique auriculaire, et de la syn-
thase endothéliale de l’oxyde nitrique [8]. Pour
identifier de nouveaux gènes responsables de
la régulation de la pression artérielle, leur
localisation doit être d’abord déterminée par
des études de linkage. Ainsi, récemment, un
lien a été montré entre l’HTA essentielle, et un
locus sur le chromosome humain 17q [9]. Au
total, en lieu et place d’un seul gène, il est pro-
bable que la variation de la pression artérielle
est la résultante de combinaisons d’un nombre
limité d’allèles, relativement fréquents dans la
population, avec une héritabilité différente
selon les conditions environnementales, la dif-
ficulté étant que ces effets de l’environnement
sont davantage visibles au sein de populations
qu’au niveau individuel. Ces influences de l’en-
vironnement peuvent déjà s’exercer dans la pé-
riode prénatale, le retard de croissance intra-
utérin permettant de prédire significativement
la survenue d’une HTA ultérieure. Le défi est
maintenant d’établir le lien causal génétique
pour un phénotype donné, c’est-à-dire de dé-
couvrir les déterminants génétiques influ-
ençant l’interaction avec l’environnement qui
prédispose à l’HTA essentielle. Ceci laisse entre-
voir une large place, dans le futur, pour
la pharmacogénomique, traitement ciblé en
fonction de l’anomalie génomique. C’est un
défi, car le produit du gène examiné peut être
hautement pléïotrope, c’est-à-dire impliqué
dans de multiples processus physiologiques et
dans de nombreux tissus [10]. Un projet en
cours d’identification des polymorphismes de
300 000 nucléotides portant sur l’entier du
génôme va prochainement étendre les possibi-
lités de mener des études de génétique molé-
culaire.
Tableau 1. Mécanismes génétiques de l’hypertension chez l’homme.
Mutation génique Phénotype intermédiaire
Récepteur glucocorticoïde Augmentation des glucocorticoïdes
Angiotensinogène Augmentation de l’angiotensinogène plasmatique
Lipoprotéine lipase Résistance à l’insuline
Hyperaldostéronisme glucocorticoïdes-suppressible:
expression d’un gène chimérique issu de la fusion Augmentation des stéroïdes 18-hydroxylés
du promoteur de la 11β-OHase avec la région
codant pour l’aldostérone synthase, dans une région
du cortex surrénalien contrôlée par l’ACTH.
Excès apparent de minéralocorticoïdes:
mutations de la 11β-OH-stéroïde deshydrogénase Diminution du rapport cortisol/cortisone
type 2, qui métabolise le cortisol en cortisone sous
forme kéto-inactive, prévenant l’occupation du
récepteur minéralocorticoïde par les glucocorticoïdes.
Hyperplasie surrénalienne congénitale Augmentation des précurseurs du cortisol
Maladie polykystique rénale Kystes rénaux
Syndrome de Liddle: mutations des sous-unités Hypokaliémie, rénine et aldostérone basses,
βet γdu canal sodique épithélial du néphron distal augmentation de la réabsorption rénale de
(ENaC) sodium
répondant à l’administration d’amiloride
et triamtérène
Syndrome de Gitelman: mutations sur le gène Hypokaliémie
d’un transporteur Na-Cl sensible aux thiazides
Mutations du gène d’un récepteur aux Rénine et aldostérone basses. HTA majorée par
minéralocorticoïdes la grossesse (la progestérone active le récepteur
avec la mutation!) [11]
Pseudohypoaldostéronisme type II Rénine basse, hyperkaliémie, acidose
(syndrome de Gordon) hyperchlotémique [12].
Adapté de [8]
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Références
1 Melander O, Orho-Melaner M,
Bengtsson K, et al. Genetics vari-
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3 Williams SM, Addy JH, Phillips JA,
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9 Baima J, Nicolaou M, Srhwartz F, et
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Hypertension 1999;34:4–7.
10 Lalouel JM. From genetics to mech-
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517–33.
11 Geller D, Farhi A, Pinkerton, et al.
Activating mineralocorticoid re-
cepter mutation in hypertension
exacerbated by pregnancy. Science
2000;289:119–23.
12 Disse-Nicodeme S, Acbard JM, De-
sitter I, et al. A new locus on chro-
mosome 12p13.3 for pseudohy-
poaldosteronism type II, an autoso-
mal dominant form of hyperten-
sion. Am J Hum Genet, 2000;67(2):
302–10.
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