Les troubles du langage dans la petite enfance : dépister, évaluer et

13
A ctualités sur les pathologies de l’automne
Actualités sur les pathologies de l’automne
La Lettre d’Oto-rhino-laryngologie et de chirurgie cervico-faciale - n° 306-307 - septembre-décembre 2006
Les troubles du langage dans la petite enfance :
dépister, évaluer et prévenir des troubles secondaires
Language disorders in early childhood: detection, screening, secondary trouble prevention
IPA. Dumont*
* Orthophoniste, attachée à l’hôpital Robert-Debré, chargée d’enseignement à l’université de
Paris-VI.
RÉSUMÉ
Un retard dans l’évolution normale du langage doit attirer
l’attention et inciter à réaliser au minimum un examen
audiométrique et une évaluation orthophonique.
Mots-clés : Étapes du développement du langage - Ortho-
phonie - Audition - Dysphasie.
Summary. Any delay in language development requires
an audiometric evaluation and an evaluation by a speech
therapist.
Keywords: Language development steps - Speech therapy -
Hearing - Dysphasia.
L
enjeu de la maîtrise du langage revêt une importance
considérable dans le devenir personnel et scolaire des
enfants, et les attentes de lentourage familial sont très
présentes. Ainsi, pour le jeune enfant, âgé de 2 ans et demi et
dont l’entrée en maternelle est prévue dans quelques mois, les
parents s’inquiètent si leur tout-petit ne dit que quelques mots,
diffi cilement compréhensibles. De nombreuses questions sont
alors posées au médecin :
Mon enfant présente-t-il des troubles du langage ? A-t-il un
retard ? Est-il dysphasique ? Deviendra-t-il dyslexique comme
son cousin ? Quand faut-il s’inquiéter ? Que doit-on faire ?
LE LANGAGE ET LES BASES DE SON ACQUISITION
Le langage est une conquête majeure de l’espèce humaine et
l’on conçoit que son acquisition ne se fasse pas sans heurts. Les
questions de l’origine et des diversités des langues ont longtemps
fasciné les hommes et, à la lumière des travaux des neurologues,
des linguistes, des orthophonistes, des psychologues, on sait
aujourd’hui que la parole s’inscrit dans les développements
fondamentaux de l’humain : développement anatomique, per-
ceptif, moteur, cognitif, aff ectif, social.
En l’absence de problèmes particuliers, cette faculté humaine
de langage émerge chez tous les enfants du monde au cours des
trois ou quatre premières années de leur vie, quelle que soit la
communauté linguistique dans laquelle ils grandissent.
En fait, lenfant sapproprie la langue parlée autour de lui sur la
base de ses capacités spécifi ques et des réponses adaptées de son
environnement à travers des interactions de communication.
L’importance du “travail” réalisé par l’enfant et son entourage
est inapparente, alors que les processus en cours sont complexes
et que les diff érents veloppements en jeu sont multiples et
interactifs.
La construction et l’élaboration du langage sont en lien avec
l’émergence de la personnalité, de la motricité et de la cognition,
dont les grandes étapes couvrent les premières années de la vie
de l’enfant. Les stades de ces développements entre 0 et 4 ans
sont schématiquement représentés dans le tableau I.
Ce découpage en étapes du développement normal fournit des
repères utiles, mais demeure schématique, car chaque enfant
évolue à son rythme, en fonction de son style”, de son parcours
et de son histoire. Cependant, quel que soit le niveau de maîtrise
auquel parvient l’enfant, il utilise le langage pour communiquer,
exprimer des émotions, agir sur l’autre, évoquer des souvenirs,
formuler des concepts… Lacte de parler se situe toujours dans
une intention de communication et une situation d’échange et
de connaissance partagée par le locuteur et l’interlocuteur. Si la
parole est une capacité humaine extraordinairement puissante,
elle est néanmoins fragile et peut se régler sous l’eff et du stress,
de la fatigue ou de l’émotion.
Le langage est avant tout fonctionnel, et pouvoir parler néces-
site de l’apprenti parleur plusieurs compétences simultanées :
capacités physiques, enchaînement des idées, choix des mots et
gestion des mouvements nécessaires à la production des sons
et à la régulation du souffl e pour adapter le débit et l’intensité,
moduler l’intonation et créer des e ets de sens. Même si les
enfants passent par des cheminements comparables entre le
premier cri de leur venue au monde et les récits organisés de
leurs aventures quotidiennes, de grandes variabilités existent,
notamment dans les domaines du lexique et de la phonologie.
Les mécanismes de production claire des mots sont très dépen-
dants des diff érents domaines de veloppement et occupent
l’enfant de nombreuses années avant d’atteindre un état stable. Le
jeune enfant a sa façon propre de parler. Il crée, imite ou répète
des mots qu’il simplifi e phonétiquement afi n de les adapter à
14
A ctualités sur les pathologies de l’automne
Actualités sur les pathologies de l’automne
La Lettre d’Oto-rhino-laryngologie et de chirurgie cervico-faciale - n° 306-307 - septembre-décembre 2006
Tableau I.
Étapes du développement langagier, psychomoteur et psychologique du jeune enfant.
Âge Communication et langage Développement psychomoteur Développement psychologique
0-3 mois Réactions aux voix,
Identi cation de la voix de la mère
Perception catégorielle
Productions : cris, pleurs, vocalisations, soupirs,
bruits de succion
Interactions : mimiques, mouvements buccaux,
sourires
Succion
Ré exes circulaires primaires
Grasping ré exe
Poursuite oculaire
Maintien de la tête
Pas de gestes volontaires
Indi érenciation moi/non-moi
Relation symbiotique
Stade oral
3-6 mois Réactions aux intonations à l’appel du prénom
Reconnaissance des syllabes et des voyelles,
Interactions : routines de communication,
sourires, regard, mimiques
Productions : sons vocaliques et glottaux “areu”,
début de contrôle phonatoire
Babillage exploratoire et en réponse aux procédures
d’attention réciproque
Exploration du regard
Tient assis vers 5 mois
Tend les bras
Saisie manuelle puis préhension volontaire
Coordination main-bouche
Passage à l’alimentation solide
Début d’utilisation des objets
Décentration progressive à travers expérience
sensorimotrice
Stade sadique-oral : début de la morsure
Découverte de l’objet, de l’espace
Ambivalence dans la relation
6-9 mois Interactions : attention conjointe, dialogue vocal
Compréhension : non, bravo, au revoir”
Babillage canonique : “baba, mama, papapa...
Vocalisations face au miroir et aux objets,
Imitations des sons produits par l’entourage
Contours intonatifs de la langue maternelle
Tient assis sans soutien
Saisit ses pieds
Peut passer un objet d’une main dans l’autre,
le jeter, le chercher
Vers 9 mois, commence à ramper,
peut se mettre debout avec soutien ou appui
Angoisse de séparation (8 mois)
Permanence de l’objet
Stade objectal : la mère est perçue comme
un objet total
Repérage des causalités comme résultat
de l’action
9-12 mois Compréhension d’environ 30 mots familiers
en contexte
Identi cation de la structure phonologique
de la langue maternelle
Gestes symboliques : “non, bravo, au revoir, merci,
coucou, pointe du doigt
Babillage varié en longueur et intonation
Production d’une sorte de jargon pour communiquer
Apparition des premiers mots “papa”, “maman”
de façon spéci que
Se déplace à 4 pattes puis se met debout et marche
tenu par une seule main
Prend des objets entre le pouce et l’index et aime les
jeter un à un
Peut attraper une balle
Pointe avec l’index
Explore les trous, les encastrements
Aime vider et remplir
Boit seul à la timbale
Le stade oral s’achève avec le sevrage à la  n
de la première année
Lenfant se reconnaît dans le miroir et se découvre
entier et sujet
D’après Winnicott, stade de l’inquiétude,
position dépressive
12-18 mois Compréhension 100 à 150 mots et petites phrases
en contexte et/ou avec gestes
Interactions : conduites d’étayage, la mère reprend
et enrichit les propositions de l’enfant
Produit environ 50 mots, quelques mots-phrases
Premières associations de deux mots
Monte un escalier à 4 pattes
Fait une tour de 2 cubes
Tourne les pages d’un livre
Peut tenir une cuillère
Aime pousser, jeter, tirer un objet
Explore l’environnement
Peut ébaucher un gribouillage,
imiter un trait, utiliser une  celle, un bâton
Stade anal
Passage de l’action pure aux premières
représentations mentales
Accès au symbolisme
Ouverture sociale
Réactions circulaires tertiaires : faire pour voir
15
A ctualités sur les pathologies de l’automne
Actualités sur les pathologies de l’automne
La Lettre d’Oto-rhino-laryngologie et de chirurgie cervico-faciale - n° 306-307 - septembre-décembre 2006
ses possibilités d’articulation et d’enchaînements phonétiques
et syllabiques, et ce nest que passé 6 ans qu’il possède vérita-
blement les 34 phonèmes qui composent la langue française
(tableau II).
Pour terminer ce survol du cadre de référence des bases du
langage, il faut rappeler que la moire et lattention occupent
une place fondamentale dans toutes les fonctions verbales. Pour
parler, l’enfant doit trouver le mot connu, programmer les gestes
articulatoires qui permettent de le dire et calculer l’organisation
grammaticale pour le positionner correctement dans la phrase.
La parole sollicite la mémoire motrice pour la programmation
du geste, la mémoire auditive pour le contrôle perceptif du mot,
la mémoire sémantique pour le sens des paroles, la mémoire
aff ective pour l’intonation et le choix des expressions adaptées
à la situation et à l’impact souhaité.
Compte tenu de lensemble des facteurs impliqués dans lacqui-
sition du langage, on conçoit que la conquête soit inégale. La
parole parfaite nexiste pas, et les accidents de parcours peuvent
surgir, notamment dans les premières années, mais il importe
de déterminer la frontière entre les aléas de mise en route et
les troubles spécifi ques.
LES SIGNES D’ALERTE DE TROUBLES DU LANGAGE
D’après les observations des enseignants de maternelle, 20 à
25 % des enfants qui commencent leur scolariprésentent
des diffi cultés de langage. Ce calage et ces particularités ne
sont pas systématiquement pathologiques, car chaque enfant
suit son rythme d’acquisition. Cependant, parmi ces écoliers
en diffi culté, certains sont de futurs dyslexiques, d’autres sont
dysphasiques ou bègues, d’autres encore présentent un
retard d’acquisition de la parole ou du langage, qu’il faudra
traiter pour prévenir d’autres diffi cultés. Certains troubles du
langage, comme la dysphasie, sont très invalidants et peuvent,
s’ils ne sont pas pistés et traités précocement, entraver le
développement aff ectif, cognitif et scolaire des enfants qui en
sont atteints. Quatre à 8 % des enfants d’une classe d’âge pré-
sentent des troubles spécifi ques du langage, dont au moins 1 %
une défi cience sévère. Il faut donc repérer le plus tôt possible
les troubles éventuels et les prendre en charge de façon adaptée
afi n de les traiter et de prévenir les troubles secondaires.
Les parents sont fréquemment les acteurs principaux du repérage
des diffi cultés de communication et de langage de leur enfant.
Âge Communication langage Développement psychomoteur Développement psychologique
18-24 mois Comprend des phrases quotidiennes sans geste
d’accompagnement, les questions où”, “à qui”,
Désigne des images
Produit de 50 à plus de 100 mots (variabilité
interindividuelle +++)
Énonce son prénom, “moi”
Émet des petites phrases
Précise sa prononciation
Utilise genre et nombre
Peut ouvrir une porte, allumer la lumière, faire
du tricycle, encastrer des ronds, des carrés, visser,
dévisser, aligner des cubes
Peut changer rapidement de position, sauter
sur deux pieds, monter, escalader,
imiter des gestes de l’adulte
Représentation mentale et passage au stade
préopératoire
24-36 mois Comprend des phrases complexes, la question quand”,
des termes de temps et d’espace
Connaît 3 couleurs et 5 parties du visage et du corps,
Dénomme des images
Interactions : conduites conversationnelles
Utilise “je”
Accroissement exponentiel du lexique, précision
articulation et parole
Production de phrases de 3 ou 4 mots
avec verbe/adjectif /nom, mais inverse
Pose des questions cest quoi ça ?”
Propreté diurne et nocturne acquise
Peut sauter sur un pied, marcher sur les pointes ou les
talons, mettre des chaussures et enlever des boutons
Fait des tours de 8 à 9 cubes
Peut faire un “bonhomme têtard” et bouger ses doigts
indépendamment
Stade urétral ou phallique
Crise d’opposition
Apparition de la relation triangulaire
(père-mère-enfant)
Début d’angoisse de castration
36-48 mois Comprend les questions "pourquoi, comment"
en termes de temps et d’espace
Connaît toutes les parties de son corps
Utilise un vocabulaire de 500 mots, comprend
1 000 mots
Utilise les pronoms : "tu, il, elle"
Prononce des sons complexes, est intelligible
Exprime le présent, le futur et le passé
Fait des phrases de plus de 6 mots, peut faire des récits
Se libère de l’action, entre dans l’imaginaire
Peut faire du vélo sans petite roue
Saute à pieds joints
Peut s’habiller seul
Recopie un carré, une croix
Fait des puzzles
Poursuite du stade phallique
Début du complexe d’Œdipe
16
A ctualités sur les pathologies de l’automne
Actualités sur les pathologies de l’automne
La Lettre d’Oto-rhino-laryngologie et de chirurgie cervico-faciale - n° 306-307 - septembre-décembre 2006
Ils interrogent alors leur médecin en lui faisant part de leurs
interrogations, de leurs doutes et de leurs craintes.
Les points sensibles qu’ils évoquent concernent :
La communication : certaines mamans s’inquiètent face à un
bébé qui ne les regarde pas, dort beaucoup, ne rentre pas dans
les jeux d’échanges.
Les productions sonores avant un an : la famille signale que
l’enfant est assez silencieux, quil ne produit pas de syllabes, mais
qu’il est très présent par le regard ou les gestes. À l’inverse, il
peut s’agir d’un enfant qui crie beaucoup.
L’absence d’apparition des premiers mots vers 18 mois : “Il
comprend tout, mais il ne dit pas un mot.
Linintelligibilides propos de l’enfant : “Il narrête pas de
parler, mais on ne comprend rien à ce qu’il dit”.
Une stagnation après l’apparition des premiers mots vers
2 ans : “Il a dit papa/maman, puis il s’est arrêté et ne dit aucune
phrase”.
Les colères fréquentes autour de 3 ans : “Il est infernal, se
roule par terre, on ne le comprend pas”.
Dans d’autres situations, les parents nont rien repéré, et cest
l’école qui signale les diffi cultés et alerte la famille. Les ensei-
gnants évoquent des enfants inintelligibles ou très silencieux, des
enfants qui ne trouvent pas leurs mots, ne font pas de phrases
ou sont très opposants.
LES CAUSES POSSIBLES
De nombreuses raisons peuvent expliquer qu’un tout-petit tarde
à parler ou parle mal, mais attendre que ça se débloque” ou que
ça vienne tout seul” nest jamais la bonne solution.
Entend-il bien ?
Il faut toujours vérifi er l’audition d’un enfant, car les troubles
sensoriels de perception auditive constituent un facteur causal.
Pour bien parler, il faut bien entendre. Une otite séreuse peut
entraîner une perte provisoire, mais il suffi t de 20 à 30 dB de
perte pour entendre le langage de façon confuse et mélanger les
mots, notamment dans le bruit. En période d’apprentissage et de
découverte de la langue, vers 2 ans, les répercussions peuvent
être importantes. Lenfant qui perçoit de façon approximative
le langage ne peut en toute curité ni l’imiter, ni réagir de
façon adéquate.
Lexamen ORL complet est nécessaire. Audiométrie, otoémis-
sions, éventuellement PEA permettront d’évaluer la perception
auditive et d’apporter les soins nécessaires : traitement des surdi-
tés de transmission, appareillage accompagné de prise en charge
orthophonique dans le cas de surdité de perception.
Comment va-t-il ?
Quel est son développement psychologique ?
Apprendre à parler, cest accepter de grandir, et donc de se
mettre à distance de sa maman. Un enfant très anxieux peut
reculer devant l’ampleur de la tâche et des enjeux. De même,
un événement important dans la vie de la famille peut engen-
drer un retard dans le développement, et tout particulièrement
dans les capacités d’expression par le langage : la naissance dun
bébé, une séparation des parents, le décès d’un grand-parent,
un changement de pays… Les rapports avec les frères et sœurs
peuvent aussi avoir des implications : face à une grande sœur très
bavarde et habile à manier l’humour, le cadet préférera demeurer
silencieux pour marquer sa diff érence. Un petit dernier dont
les aînés comprennent tout et auquel ils servent dinterprète ne
ressent pas la motivation de mieux s’exprimer. Ne pas pouvoir
communiquer avec une nounou qui ne parle pas la me langue,
se montrer trop empressé et devancer ses moindres désirs sont
des éléments qui ne favorisent pas l’éclosion du langage…
Tableau II.
Calendrier de développement phonologique (les limites des
traits correspondent à l’âge auquel environ 50 % des enfants pronon-
cent le son correctement et à l’âge auquel le phonème est acquis par la
très grande majorité des enfants).
2 ans 3 ans 4 ans 5 ans 6 ans 7 ans
a ----------
i ----------
ou ----------
o ----------
é ---------------------
è ---------------------
eu ---------------------
u ---------------------
an ---------------------
in ---------------------
on ---------------------
p ---------------
t -----------------------------
k -----------------------------
b ---------------
d -----------------------------
g -----------------------------
m ---------------
n -----------------------------
gn -----------------------------
f --------------
v --------------------------------------------
s ---------------------------------------------------------
z --------------------------------------------
ch --------------------------------------------
j --------------------------------------------
l ---------------------------------------------------------
r ---------------------------------------------------------
17
A ctualités sur les pathologies de l’automne
Actualités sur les pathologies de l’automne
La Lettre d’Oto-rhino-laryngologie et de chirurgie cervico-faciale - n° 306-307 - septembre-décembre 2006
La prise en compte des facteurs environnementaux est
nécessaire.
Comment entre-t-il dans le code linguistique ?
Le langage est un code qui demande des compétences et des
capacis daccès à la catégorisation, à la symbolisation et à
l’organisation. Un enfant a besoin d’aide pour y pénétrer et pour
préciser les règles d’usage. La vie quotidienne, avec sa précipi-
tation, ne permet pas d’être à l’écoute et d’avoir les conduites
d’étayage qui permettent à l’enfant de s’appuyer sur les propo-
sitions de l’adulte pour perfectionner les mots, construire des
phrases correctes
Les questionnaires proposés aux familles permettent de repé-
rer les interactions verbales dans le cadre familial quotidien
et de guider la mise en place d’échanges adaptés. En prenant
soin de proposer des phrases bien structurées, en orientant le
langage vers des récits d’événements, l’expression de sensa-
tions, d’émotions – et pas simplement un langage utilitaire du
type “dépêche-toi ! range tes aff aires !” –, on peut modifi er les
conditions de veloppement et d’appropriation du langage.
Toutes les véritables conversations, les histoires racontées, les
comptines sont autant de déclencheurs du langage pour ceux qui
tardent à utiliser les mots, mais quand des troubles spécifi ques
du langage existent, il faut une guidance familiale très précise
pour amener les parents à utiliser les stratégies accessibles et
effi caces pour l’enfant.
QUELLES SUITES DONNER
AUX PLAINTES DES PARENTS ?
En interrogeant les familles et en se repérant d’après les échelles
de développement normal (tableaux I et II), le médecin peut
confi rmer ou infi rmer la plainte de la famille. Prenant en compte
l’enfant dans sa globalité, il oriente vers les spécialistes (ortho-
phoniste, psychologue, psychomotricien), qui vont eff ectuer les
examens spécialisés. Mais, avant l’analyse des capacités cognitives,
motrices ou linguistiques, le médecin réalisera ou fera réaliser des
examens sensoriels, car il faut rappeler que 15 % des enfants ont
un probme visuel et quun enfant sur 1 000 présente une surdité.
Lexamen neuromoteur des déplacements, des mouvements et
des postures permettra de préciser la part motrice et praxique
dans les troubles sévères de développement du langage.
Si, autour d’un an, lenfant ne produit pas de syllabes dupliquées
et ne cherche pas à entrer en communication, après avoir vérifi é
son audition, il sera nécessaire de pratiquer des examens com-
plets : veloppement moteur, visuel, psychologique, examen
neurologique…
S’il ne dit pas de phrase à 2 ans, mais comprend des ordres sim-
ples et désigne correctement, il faut s’intéresser à ses stratégies
d’interaction, relever précisément (analyse qualitative et quanti-
tative) les niveaux d’expression. S’il ne tente pas de communiquer,
il faut comme toujours vérifi er son audition, mais également
évaluer son développement cognitif et général, car un retard
global, un trouble du comportement, un syndrome spécifi que
sont peut-être en cause. À l’inverse, un enfant opposant nest pas
forcément un enfant avec un trouble du comportement primaire.
En eff et, un enfant dysphasique cherche à communiquer, mais,
n’y parvenant pas, il devient opposant et diffi cile.
Si, à 3 ans, il nassocie pas les mots pour faire des phrases et
produit une syntaxe réduite sans les petits mots-fonctions, il
est nécessaire de pratiquer rapidement une évaluation ortho-
phonique complète.
Sil présente des troubles de l’intelligibiliorale, il est intéressant
de se référer au tableau II du développement phonologique et
de tenter de situer ses caractéristiques de prononciation, mais
aussi un bilan orthophonique s’impose, car le trouble pho-
nologique est parfois la partie visible d’un trouble plus sévère
du langage (tableaux III et IV).
Les médecins peuvent utiliser les outils de dépistage (Dialogoris
0-4, L’Inventaire fraais de développement communicatif, DPL3,
PER 2000, BREV, ERTL4), qui permettent dapprocher les diffi cul-
s et de diff érencier les enfants pour lesquels il faut proposer une
surveillance et ceux quil faut orienter rapidement vers des bilans
complets orthophoniques permettant un diagnostic déventuels
troubles spécifi ques de développement du langage. Il est toujours
essentiel d’éliminer un cit sensoriel, une pathologie neurolo-
gique, un trouble envahissant du développement ou des carences
importantes dans l’environnement de l’enfant.
LES BILANS ORTHOPHONIQUES
Des bilans orthophoniques peuvent être réalisés avec de jeunes
enfants au moyen d’outils standardisés et de situations spé-
cifi ques. Ils ont pour objectifs d’observer et d’analyser avant
deux ans :
– les stratégies de communication de l’enfant et de la famille ;
Tableau III.
Nomenclature générale des actes professionnels (NGAP) :
cotations des actes médicaux d’orthophonie (AMO) en fonction de la
pathologie pour les bilans initiaux et les bilans de renouvellement.
Pathologies explorées Bilan “initial” Bilan de renouvellement”
Problèmes ORL “mécaniques
Troubles de la déglutition
Troubles de l’articulation
AMO 16 AMO 11.20
Problèmes de langage versant expressif
– Langage oral
– Langage écrit
– Logique mathématique
Troubles de la voix
AMO 24 AMO 16.80
Bégaiement AMO 30 AMO 21
Problèmes de langage versant élaboration du langage
– Maladies neurologiques
– Maladies psychiatriques
– Maladies génétiques
– IMC
– Surdités
AMO 30 AMO 21
1 / 7 100%

Les troubles du langage dans la petite enfance : dépister, évaluer et

La catégorie de ce document est-elle correcte?
Merci pour votre participation!

Faire une suggestion

Avez-vous trouvé des erreurs dans linterface ou les textes ? Ou savez-vous comment améliorer linterface utilisateur de StudyLib ? Nhésitez pas à envoyer vos suggestions. Cest très important pour nous !