« Françoise Navez-‐Bouchanine Sociologue de l`urbain, sociologue

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 Présentation-­‐débat Centre SUD : « Françoise Navez-­‐Bouchanine Sociologue de l'urbain, sociologue engagée » Description de l’évènement : Centre SUD, en partenariat avec le Centre de Recherche sur l'Habitat et le Lavue, a organisé une présentation-­‐
débat autour des travaux de Françoise Navez-­‐
Bouchanine Sociologue de l'urbain, sociologue engagée Quel rôle un chercheur peut-­‐il se donner face à l’urbanisation accélérée ? Comment interroger ou accompagner des politiques urbaines et de lutte contre la pauvreté, souvent défaillantes ? C’est à ces questions que s’est confrontée Françoise Navez-­‐Bouchanine dans ses ouvrages et ses divers engagements (enseignement, recherche, conseil…), particulièrement dans les pays du Sud dont le Maroc. A ce titre, son parcours est exemplaire d’une « sociologie partie prenante » telle qu’elle la qualifiait elle-­‐même. Cette soirée-­‐débat, autour de la présentation de deux ouvrages la concernant, et publiés récemment, sera l’occasion de revenir sur des sujets qui restent d’actualité. Cette soirée-­‐débat, autour de la présentation de deux ouvrages la concernant, et publiés récemment, [a été] l’occasion de revenir sur des sujets qui restent d’actualité : -­‐ Effets Sociaux des Politiques Urbaines (2012) -­‐ Les Mondes Urbains (2013) Le premier est l'ultime ouvrage dirigé par François Navez Bouchanine, et le second est consacré à son parcours et à ses thèmes de recherche. Leurs auteurs ont été invités à en discuter. INVITÉS : •
Agnès Deboulet -­‐ Sociologue et urbaniste // Enseignant -­‐ chercheur, Paris VIII Saint-­‐Denis, CRH -­‐ LAVUE •
Philipe Genestier -­‐ Architecte -­‐ Urbaniste en chef de l’Etat // Chercheur au laboratoire RIVES •
Muriel Girard -­‐ Sociologue // Ecole Nationale Supérieure d’Architecture de Marseille, CRH -­‐ LAVUE •
Michèle Jolé -­‐ Sociologue -­‐ ethnographe // Chercheur associé au CRH -­‐ LAVUE •
Gustave Massiah -­‐ Ingénieur et économiste // ACT Consultants, membre fondateur d’AITEC •
Adriana Rabinovich -­‐ Urbaniste // Experte-­‐consultante, NSTools Sàrl Le débat [était] animé par : •
Armelle CHOPLIN -­‐ Géographe // Université Paris Est -­‐ Institut Français d’Urbanisme COMPTE-­‐RENDU 1 10.02.2014 COMPTE-­‐RENDU par Chloé Charpentier 1. Abdou Bouchanine : Introduction Abdou Bouchanine, mari de Françoise Navez-­‐Bouchanine, tenait à intervenir pour parler du souvenir d’une grande chercheuse, décédée il y a 5 ans, sujet et auteur des deux ouvrages présentés lors de la soirée. Françoise Navez-­‐Bouchanine a fait ses études en Belgique et au Maroc. Elle a attaqué de front un domaine où peu de chercheurs s’aventuraient, a forcé des chercheurs et politiques à se rassembler, à unir les compétences pour diagnostiquer l’état embarrassant de l’urbanisation dans lequel se trouvaient les pays du Sud et certains du Nord. Son travail a débuté par le Maroc pour s’élargir au Sud comme au Nord. Elle réalisait ses travaux en laboratoire et in-­‐situ. Son travail visait à la production de savoir pour tous les acteurs concernés et pour répondre aux politiques urbaines incohérentes constatées dans de nombreux pays. Il était marqué par le lien indéfectible entre recherche et action en impliquant un maximum d’acteurs : politiques, institutionnels publics ou privés et surtout les habitants/citoyens. Elle les a tous incités à se poser des questions sur l’habitat insalubre et les situations urbaines précaires. Son parcours croise celui de Abdou Bouchanine aux frontières du rurbain, entre l’urbain et le rural. 2. Michèle Jolé : présentation de l’ouvrage Les Mondes Urbains L’ouvrage correspond aux Actes du colloque de 2009 en Hommage à Françoise Navez-­‐Bouchanine édités l’année dernière par les éditions Karthala. Co-­‐dirigé par Michèle Jolé et Agnès Deboulet. Les auteurs multiples ont écrit quatre chapitres articulés autour des thèmes identifiés pour la journée d’hommage dont un texte inédit de Françoise Navez-­‐Bouchanine repris par Mathilde Chaboche : -­‐
Pratiques habitantes et normes institutionnelles : grand thème de Françoise Navez-­‐Bouchanine -­‐
Urbanité et normes -­‐
Les dimensions sociales des politiques urbaines : cheval de bataille des 15 dernières années -­‐
Savoirs sociaux, savoirs habitants et savoirs professionnels La question transversale du livre est le rôle du chercheur face aux questions posées par l’urbanisation dans les pays du sud souvent accélérées et les politiques urbaines. Les auteurs ont essayé de formaliser leur compréhension de cet engagement dans leur intervention. Les auteurs, chercheurs engagés, ont aussi été confrontés à cette question dans leur parcours (notamment Gustave Massiah et Jean-­‐François Tribillon puis Maurice Blanc et Philippe Genestier) et probablement impressionnés par le courage et l’opiniâtreté de Françoise Navez-­‐Bouchanine. Françoise Navez-­‐Bouchanine a elle même réfléchi au rôle et à la place du sociologue face aux projets urbains (notamment dans l’article Sociologie et projet urbain à partir d’une expérience Marocaine). Elle identifie trois position possible de la sociologie : instrumentale, critique (académique) ou parti-­‐prenante. Françoise Navez-­‐
Bouchanine s’inscrit dans cette dernière qu’elle privilégie et qui selon elle est la « fondation de sa propre pratique disciplinaire ». Cette position consiste à produire de la connaissance sociale et à participer à la conception elle-­‐même des projets. Les quatre auteurs relèvent une pensée de Françoise Navez-­‐Bouchanine non pas déplorative mais dynamique et critique. 3. Agnès Deboulet : présentation de l’ouvrage Effets sociaux des politiques urbaines Pour se situer dans la prolongation du discours de Michèle Jolé, Agnès Deboulet fait un parallèle avec un colloque Franco-­‐chinois dans lequel il a été présenté ce qui est appelé la sociologie publique versus la sociologie académique et qui aurait beaucoup intéressé Françoise Navez-­‐Bouchanine. Ces sujets montrent que les initiatives se renouvellent et construisent de nouvelles passerelles avec les habitants. COMPTE-­‐RENDU 2 10.02.2014 Jean Rémy parlait d’ « implication distance » au sujet du travail de Françoise Navez-­‐Bouchanine qui permet d’expliquer l’entremêlement des points de vue des différents acteurs comme elle le faisait. Cette diversité des points d’abordage étant par soucis de comparaison. Françoise Navez-­‐Bouchanine a été connue quasiment exclusivement à travers ses travaux sur la Maroc même s’ils allaient au delà. Concernant l’ouvrage présenté lors de la soirée, il s’agit d’une recherche montée au début des années 2000. Cette recherche collective porte sur l’entre deux des politiques institutionnelles et des dynamiques sociales. Pour Françoise Navez-­‐Bouchanine, il s’y jouait le méso-­‐social qui nous permettrait de comprendre mieux les mécanismes de transformation de la ville. La recherche portait un intérêt plus large aux effets sociaux des politiques publiques, pas seulement les effets intentionnels mais surtout les effets non intentionnels de ces politiques publiques. Le cadre d’analyse général porte plutôt sur le Maroc mais est universel. La recherche s’attache aux effets qui se portent tout au long de la temporalité des politiques mais aussi des projets, notamment les chantiers, grands impensés des politiques publiques mais qui produisent des effets sociaux indéniables ainsi que l’après des politiques. Les évaluations prennent rarement en compte le spectre complet des effets sociaux des politiques. On évalue souvent du point de vue des effets escomptés des politiques publiques mais pas du point de vue des effets non attendus. L’ouvrage permet de voir aussi la richesse de ce que les personnes, lorsqu’elles se mettent ensemble, produisent et de constater une gamme très large d’information sur les effets subis et les pratiques. L’ouvrage comporte une introduction de Françoise Navez-­‐Bouchanine sur le cadre théorique, un gros chapitre sur les politiques de relogement, un chapitre sur les effets sociaux des politiques de lutte contre la pauvreté en Mauritanie et un chapitre sur les politiques autoroutières à Beyrouth. 4. Naima Naïma a beaucoup travaillé avec Françoise Navez-­‐Bouchanine au Maroc et souhaite faire une intervention plus intime sur sa relation avec elle. Elle a été impliquée sur le programme d’évaluation d’impact du Programme Villes Sans Bidonvilles au Maroc avec Olivier Toutain (en cours de publication grâce à l’aide de l’AFD). Il traite du problème du transfert des populations des bidonvilles aux sites de recasement. Les populations souvent oubliées après le transfert alors que l’après nécessite un accompagnement. Lors du travail de terrain pour ce travail, elle et Olivier Toutain ressentaient le besoin de partager leur travail avec Françoise Navez-­‐Bouchanine. Notamment lorsqu’ils découvraient des situations d’appropriation de lieux en déserrance par les habitants. Naima, économiste a été emmenée par Françoise Navez-­‐Bouchanine vers les pratiques de terrain mais elles ont longtemps eu des désaccords au sujet de ce que sont le micro et le macro : comment peut-­‐on, lorsqu’on est un état, intégrer le général et le particulier ? Pour elle c’est un gros problème dans les politiques urbaines. Françoise Navez-­‐Bouchanine a toujours eu le courage d’aller sur le terrain mais surtout de pousser les politiques à être en face à face avec les habitants. A ce sujet, lors d’une visite sur un site de relogement avec des politiques, un habitant a fait prendre conscience aux autorités qu’elles relogeaient les gens « d’un logement insalubre à un habitat insalubre » car rien n’existait autour de ce nouveau logement. Grace à ce type de rencontres, ce grand problème a pu par la suite être relayé. 5. Muriel Girard Muriel Girard, en tant qu’ancienne étudiante de Françoise Navez-­‐Bouchanine pour son DESS, son DEA et sa thèse, considère que c’est une personne qui l’a construit intellectuellement et humainement. Elle a contribué à l’ouvrage par un article sur la place des sciences sociales dans le projet patrimonial. Il pose la question du rapport symbolique de la société à son bâti. L’important dans le travail de Françoise Navez-­‐Bouchanine est son intérêt pour les différents acteurs, les différentes pratiques. La connaissance très fine du terrain permet d’appréhender la question du patrimoine au delà de l’objet patrimonial en tant que tel. On ouvre des pistes de réflexions sur la démocratie et la gouvernance si l’on voit le patrimoine comme un outil de cohésion sociale. La question des effets sociaux des interventions patrimoniales est rarement prise en compte. En parallèle, Muriel Girard pose la question de COMPTE-­‐RENDU 3 10.02.2014 l’enseignement dans les écoles d’architecture qui conforment dans une position pour la réflexion sur le patrimoine. 6. Adriana Rabinovitch Adriana Rabinovitch a rencontré Françoise Navez-­‐Bouchanine à Montréal en 1996 lors d’un colloque sur la gestion du développement urbain et des stratégies résidentielles des habitants avec un regard nord-­‐sud. Elle est architecte et non sociologue et a écrit une thèse sur la participation dans les coopératives d’habitation. C’est de cette thèse qu’elle a parlé au colloque à Montréal. Françoise Navez-­‐Bouchanine a apprécié le regard d’une architecte sur la participation qui n’était pas un sujet courant dans les années 80. Son article dans l’ouvrage parle des deux périodes de la participation dans une lecture socio-­‐politique, avec une approche des impératifs techniques du projet. L’article pose la question de la part de participation réelle aux projets et de la part de manipulation. Elle pense que le chemin à parcourir pour lier les disciplines est encore long et nécessaire, notamment entre recherche et opérationnel. 7. Gustave Massiah Gustave Massiah appréciait la capacité d’écoute de Françoise Navez-­‐Bouchanine, son exigence et le mélange entre méfiance dans la récupération et confiance en les habitants. Il souhaite orienter son intervention en posant la question : « De quoi aurions nous discuté avec Françoise aujourd’hui ? » La liaison entre pouvoirs et habitants qu’elle étudiait est toujours au centre de l’interrogation. Les habitants produisent des connaissances mais cela n’empêche pas l’importance de l’expertise et de l’intervention de professionnels. Qui y a-­‐t-­‐il de nouveau sur cette question, quels sont les rapports entre mobilisations et pouvoirs ? Selon Gustave Massiah, on assiste à des mobilisations territoriales/locales (conseils de quartiers, associations d’habitants par exemple) à des grandes luttes pour le logement et à des mouvements au niveau des quartiers. La question de la participation est d’abord la question de l’autonomie des habitants. Les mouvements sociaux qui concernent l’habitat ne sont pas indépendants des autres mouvements sociaux. Il y a une convergence des différents mouvements sociaux. La crise économique de 2008 a explosé sur la question du logement, sur la manière dont le logement a été instrumentalisé par les pouvoirs financiers (Ex : Detroit et les subprimes, l’Espagne et les questions habitant/logement. Pour l’intervenant, la question nouvelle est la confrontation des habitants avec le pouvoir économique. En 2011, la réponse des peuples à la crise économique, à Tunis, en Egypte, en Espagne, à Washington, etc. sont des mouvements urbains qui posent la question de l’espace public. Ce sont des mouvements d’occupation de l’espace public ce qui apparaît comme nouveau et interpelle le pouvoir économique. D’autres formes, moins visibles sont les PPP (partenariat public privé) qui correspondent à une subordination du public au capital privé et qui transforme l’ensemble de la sphère publique et du rapport au logement. Françoise Navez-­‐Bouchanine avait en partie vu et critiqué le pouvoir international (banque mondiale) et le pouvoir national des politiques publiques qui a beaucoup faibli et se retrouve au pouvoir local. La question de l’expertise professionnelle des mouvements sociaux (Ex : DAL) est une bataille qui doit être menée dans les institutions, notamment les institutions académiques. Lorsque l’architecture était encore aux beaux arts, la question de l’introduction de la sociologie dans l’architecture a été très difficile. Françoise Navez-­‐Bouchanine a introduit la sociologie en architecture non pas en parlant de sociologie mais en parlant des habitants 8. Armelle Choplin COMPTE-­‐RENDU 4 10.02.2014 Armelle Choplin ne connaissait pas Françoise Navez-­‐Bouchanine à la différence des autre intervenants mais conclut l’ensemble des interventions sur pourquoi il faut lire ces ouvrages et en quoi les deux ouvrages présentés sont éclairants. Elle est tombée très tôt sur les ouvrages de Françoise Navez-­‐Bouchanine notamment « Habiter la ville marocaine ». Les deux ouvrages, sujets de la soirée sont à lire pour la place donnée aux habitants et la notion de temps, passé sur le terrain, passé avec les habitants et pour l’écriture qui donne le temps de comprendre vraiment les contextes. Le contenu reflète un engagement qui n’est pas manichéen. Aujourd’hui la jeune génération critique parfois avec des a prioris et rejette tout en bloc. Françoise Navez-­‐Bouchanine essaye de partir sans à priori et prend tous les points de vue, les postures et reste honnête face aux pouvoir publics en leur disant ce qui ne fonctionne pas sans être militante. Dans « Effets sociaux des politiques publiques », les annexes et l’introduction devraient être obligatoires dans toutes les études urbaines pour la grille d’analyse exposée et les modes d’approche. C’est une méthode à apprendre, des pistes à saisir, des choses de référence. La portée de son travail va bien au delà du monde arabe. 9. Questions/Interventions du public Abdou Navez-­‐Bouchanine : Pour donner un complément il soulève la confrontation de Françoise Navez-­‐Bouchanine avec les statisticiens. Notamment dans « Enquêtes mode d’emploi ». Intervenant 2 : Co-­‐auteur d’un des ouvrages et ex-­‐étudiant de Françoise Navez-­‐Bouchanine. Il souligne les relations de confiance et d’égal à égal qu’elle avait envers tous. Intervenant 3 : ème
Un militant associatif dans le 20 qui n’a pas connu Françoise Navez-­‐Bouchanine pose la question d’un débat social autour du Grand Paris et de la présence des habitants. Gustave Massiah : Pour réponse il faut se demander ce qu’est la participation à l’échelle d’une grande métropole comme Paris. D’ici quelque temps (6mois) un travail à ce sujet devrait être organisé avec les syndicats. Chloé Charpentier Mots clés : conférence débat sociologie urbaine – participation habitante – politiques urbaines – recherche-­‐action – précarité – pratiques habitants -­‐ Agnès Deboulet -­‐ Philipe Genestier -­‐ Muriel Girard -­‐ Michèle Jolé -­‐ Gustave Massiah -­‐ Adriana Rabinovich -­‐ Armelle Choplin ENSAPVS – février 2014 -­‐ LAVUE 80 participants COMPTE-­‐RENDU 5 10.02.2014 
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