La chimiothérapie hyperthermique intra-péritonéale

Le
Praticien
en
anesthésie
réanimation
(2015)
19,
308—314
Disponible
en
ligne
sur
ScienceDirect
www.sciencedirect.com
RUBRIQUE
PRATIQUE
La
chimiothérapie
hyperthermique
intra-péritonéale
(CHIP)
(podcast)
Hyperthermic
intraperitoneal
chemotherapy
(HIPEC)
Sophie
Dagoisa,,
Marion
Grienaya,
Marc
Pocardb,c,
Étienne
Gayata,c,
Rea
Lo
Dicob,
Lucie
Marrya,
Franc¸ois
Barta,
Nathalie
Poiriera,
Matthieu
Le
Dorzea,
Charles
Damoisela,
Clarisse
Evenob,
Alexandre
Mebazaaa,c
aDépartement
d’anesthésie-réanimation,
SMUR,
hôpitaux
universitaires
Saint-Louis-Lariboisière,
AP—HP,
2,
rue
Ambroise-Paré,
75010
Paris,
France
bService
de
chirurgie
digestive,
hôpitaux
universitaires
Saint-Louis-Lariboisière,
AP—HP,
75010
Paris,
France
cUniversité
Paris
Diderot
Paris
VII,
75013
Paris,
France
Disponible
sur
Internet
le
9
octobre
2015
MOTS
CLÉS
CHIP
;
Carcinose
péritonéale
;
Pseudomyxome
;
Chimiothérapie
Résumé
La
chimiothérapie
hyperthermique
intra-péritonéale
(CHIP)
décrite
au
début
des
années
1990
est
une
procédure
utilisée
dans
le
traitement
des
carcinoses
péritonéales
(can-
cers
colorectaux,
maladies
primitives
du
péritoine)
dont
la
survie
était
souvent
inférieure
à
6
mois.
Elle
associe
une
chirurgie
de
cytoréduction
complète
et
une
chimiothérapie
par
voie
intra-péritonéale
et
systémique.
C’est
une
chirurgie
grevée
d’une
morbi-mortalité
élevée
pour
laquelle
la
sélection
des
patients
est
primordiale
afin
de
garder
un
bon
rapport
bénéfice/risque.
Elle
doit
être
réalisée
par
des
équipes
entraînées.
En
phase
peropératoire,
la
prise
en
charge
anesthésique
consiste
principalement
à
maintenir
l’équilibre
hydroélectrolytique,
à
gérer
les
variations
hémodynamiques
et
la
température
du
patient
tout
au
long
de
la
chirurgie
qui
peut
durer
plus
de
10
heures.
Les
complications
postopératoires
les
plus
fréquentes
peuvent
être
chirurgicales
(hémopéritoine,
péritonite,
fistule)
ou
médicales
(hématotoxicité,
embolie
pul-
monaire,
sepsis,
pneumopathie).
Grâce
à
la
CHIP,
la
survie
médiane
des
patients
est
passée
de
6
mois
à
22
à
63
mois
selon
les
séries.
Après
une
phase
de
convalescence
d’environ
3
mois,
la
qualité
de
vie
des
patients
est
bonne.
©
2015
Elsevier
Masson
SAS.
Tous
droits
réservés.
Auteur
correspondant.
Adresse
e-mail
:
(S.
Dagois).
http://dx.doi.org/10.1016/j.pratan.2015.07.009
1279-7960/©
2015
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La
chimiothérapie
hyperthermique
intra-péritonéale
(CHIP)
(podcast)
309
KEYWORDS
HIPEC;
Peritoneal
carcinomatosis;
Pseudomyxoma;
Chemotherapy
Summary
Hyperthermic
intraperitoneal
chemotherapy
(HIPEC)
was
first
described
in
the
early
1990s.
This
procedure
is
used
in
the
treatment
of
peritoneal
carcinomatosis
(colo-
rectal
cancers,
primitive
diseases
of
the
peritoneum)
with
an
expected
survival
time
less
than
6
months.
It
combines
a
complete
cytoreductive
surgical
procedure
with
both
syste-
mic
and
intra-peritoneal
chemotherapy.
It
is
associated
with
a
high
morbidity
and
mortality.
Patient’s
selection
is
paramount
to
keep
a
reasonable
risk/benefit
ratio.
HIPEC
requires
a
good
coordination
between
surgical
teams,
anesthesiologist
and
intensivists
familiar
with
the
management
of
these
patients.
During
intra-operative
phase,
the
anesthetic
management
aims
primarily
maintaining
fluid
and
electrolyte
balance,
reducing
hemodynamic
and
temperature
changes
throughout
surgery
which
can
last
more
than
10
hours.
Surgical
(hemoperitoneum,
peritonitis,
fistula)
or
medical
(hematologic
toxicity,
pulmonary
embolism,
sepsis,
pneumonia)
complications
may
occur.
The
median
survival
time
of
patients
increased
from
6
months
to
22
to
63
months
with
HIPEC.
After
a
convalescence
phase
of
approximately
3
months,
the
patients’
quality
of
life
is
usually
good.
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2015
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Masson
SAS.
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rights
reserved.
Abréviations
CHIP
chimiothérapie
hyperthermique
intra-péritonéale
TDM
tomodensitométrie
IRM
imagerie
par
résonance
magnétique
IPC
index
péritonéal
de
carcinose
La
version
audio
de
cet
article
est
disponible
en
podcast
(Annexe
1
en
fin
d’article).
Introduction
La
chimiothérapie
hyperthermique
intra-péritonéale
(CHIP)
est
une
thérapie
complémentaire
agressive
des
cancers
digestifs
avec
carcinose
péritonéale.
Associée
à
une
chi-
rurgie
de
cytoréduction
tumorale
complète
et
à
une
chimiothérapie
par
voie
intraveineuse,
elle
consiste
à
admi-
nistrer
un
bain
de
chimiothérapie
directement
au
sein
de
la
cavité
péritonéale.
Elle
a
permis
un
gain
de
survie
considérable
dans
les
cancers
dont
l’extension
périto-
néale
était
auparavant
souvent
synonyme
de
décès
à
court
terme.
Cette
technique
comporte
un
taux
important
de
complications
médico-chirurgicales.
Il
est
fondamental
pour
les
anesthésistes
amenés
à
prendre
en
charge
ces
patients
d’appréhender
de
fac¸on
optimale
les
enjeux
de
la
prise
en
charge
pré-,
per-
et
postopératoire
afin
d’en
limiter
les
complications
et
d’améliorer
le
confort
des
patients.
Notre
équipe,
après
8
ans
d’expérience,
a
pris
en
charge
plus
de
550
patients
pour
CHIP.
Indications
Quelles
pathologies
?
Les
indications
de
CHIP
peuvent
être
classées
en
2
catégories
:
les
cancers
pour
lesquels
l’intérêt
de
la
CHIP
est
démontré
depuis
une
dizaine
d’années
:
les
carcinoses
péritonéales
d’origine
colorectale,
appendiculaire
et
les
cancers
pri-
mitifs
du
péritoine
(pseudomyxomes
péritonéaux
et
mésothéliomes
péritonéaux)
[1]
;
les
cancers
pour
lesquels
l’introduction
de
la
CHIP
dans
l’arsenal
thérapeutique
est
plus
récente
et/ou
moins
consensuelle
:
carcinoses
péritonéales
d’origine
ovarienne
[2]
ou
gastrique
[3].
Dans
tous
les
cas,
le
degré
d’extension
de
cette
carcinose
péritonéale
doit
faire
l’objet
d’une
évaluation
préopéra-
toire
la
plus
précise
possible.
Cette
phase
repose
sur
la
confrontation
des
données
radiologiques
(TDM
injectée,
IRM
et
pet-scanner),
biologiques
(dosage
des
marqueurs
tumoraux)
et
chirurgicales
avec
une
place
de
plus
en
plus
importante
donnée
à
la
laparoscopie
exploratrice.
Elle
permet
de
faire
une
estimation
de
l’index
péritonéal
de
car-
cinose
(IPC)
décrit
par
le
Dr.
Sugarbaker.
Cet
index
reflète
le
niveau
d’extension
intra-abdominale
de
la
maladie,
plus
il
est
élevé,
plus
la
maladie
est
étendue.
Outre
son
intérêt
descriptif,
il
a
un
intérêt
pronostique.
Au-delà
d’un
certain
niveau
d’envahissement
(seuil
d’IPC),
l’indication
de
la
CHIP
ne
sera
plus
retenue,
ou
fortement
discutée
car
la
survie
avec
la
CHIP
rejoint
la
survie
spontanée
de
la
maladie
ou
la
survie
avec
chimiothérapie
systémique
seule.
Ce
seuil
d’IPC
varie
selon
la
nature
de
la
carcinose
:
IPC
>
20
pour
une
car-
cinose
d’origine
colique,
>
10
pour
une
carcinose
d’origine
gastrique
[4].
Le
Peritoneal
Surface
Disease
Severity
Score
est
un
autre
score
utilisé
pour
les
cancers
colorectaux.
Il
prend
en
compte
le
retentissement
clinique
de
la
carcinose,
l’IPC
et
l’analyse
histologique
de
la
tumeur
[5].
Avec
l’ensemble
des
résultats,
chaque
dossier
doit
faire
l’objet
d’une
réunion
de
concertation
pluridisci-
plinaire
(RCP)
associant
chirurgiens,
oncologues,
gastro-
entérologues,
anatomopathologistes
et
radiologues.
À
l’issue
de
cette
RCP,
l’indication
de
CHIP
est
retenue
ou
non.
Classiquement,
les
maladies
avec
métastases
extra-
abdominales,
atteinte
rétro-péritonéale,
ou
progressant
sous
chimiothérapie
restent
des
contre-indications
à
la
CHIP.
Cependant,
les
prises
en
charge
évoluent,
et
les
métastases
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310
S.
Dagois
et
al.
pulmonaires
ne
sont
plus
considérées
comme
une
contre-
indication
absolue
[6].
Quels
patients
?
La
CHIP
est
grevée
d’une
morbi-mortalité
importante.
Actuellement,
dans
les
équipes
ayant
une
activité
régulière
dans
ce
domaine,
la
mortalité
des
CHIP
pour
carcinose
colique
est
schématiquement
de
moins
de
2
%
et
le
taux
de
complication
de
30
%.
Les
patients
proposés
pour
une
CHIP
doivent
donc
avoir
un
état
général
conservé
pour
supporter
ses
risques.
Le
cli-
nicien
peut
s’aider
de
différents
scores
pour
évaluer
leur
état.
En
anesthésie,
les
scores
classiques
d’évaluation
du
risque
(le
score
de
l’American
Society
of
Anesthesiology
[ASA]
pour
le
risque
anesthésique
global,
et
le
score
de
Lee
pour
le
risque
cardiovasculaire)
sont
pertinents.
Un
score
ASA
3
ou
un
score
de
Lee
2
doivent
alerter
l’équipe.
La
décision
de
maintien
ou
non
de
l’indication
sera
prise
lors
de
la
RCP
et
après
une
discussion
entre
l’équipe
d’oncologie,
celle
de
chirurgie
et
celle
d’anesthésie-réanimation.
Une
étude
récente
a
montré
que
le
diabète
était
un
facteur
prédictif
indépendant
de
complications
postopératoires,
d’augmentation
de
la
durée
de
séjour
et
de
la
mortalité
après
une
CHIP,
mais
il
s’agit
d’un
facteur
de
risque
non
spécifique
de
ce
type
d’intervention
[7].
Les
chirurgiens
et
les
oncologues
utilisent
plus
fréquem-
ment
le
statut
OMS
des
patients
(Tableau
1)
et
l’index
Eastern
Cooperative
Oncology
Group
(ECOG)
(Tableau
2)
pour
évaluer
l’état
physiologique
des
patients.
Les
patients
ayant
un
score
OMS
ou
un
index
ECOG
2
ont
un
état
phy-
siologique
jugé
satisfaisant
pour
le
traitement
[6].
Le
statut
nutritionnel
pré-opératoire
fait
l’objet
d’une
évaluation
par
le
chirurgien.
Les
patients
recoivent
tous
une
immunonutrition
la
semaine
précédant
la
chirurgie.
En
pratique
La
chirurgie
La
chirurgie
de
cytoréduction
ou
debulking
a
été
développée
dans
le
traitement
des
cancers
ovariens.
Elle
se
différentie
Tableau
1
Score
OMS.
Activité
Score
Capable
d’une
activité
identique
à
celle
précédant
la
maladie
0
Activité
physique
diminuée,
mais
ambulatoire
et
capable
de
mener
un
travail
1
Ambulatoire
et
capable
de
prendre
soin
de
soi-même.
Incapable
de
travailler
et
alité
moins
de
50
%
du
temps
2
Capable
seulement
de
quelques
activités.
Alité
ou
en
chaise
plus
de
50
%
du
temps
3
Incapable
de
prendre
soin
de
soi-même.
Alité
ou
en
chaise
en
permanence
4
Tableau
2
Index
ECOG.
Description
Pleinement
actif
le
malade
peut
exercer
son
activité
normale
sans
aucune
restriction
Restreint
dans
les
activités
physiques
fatigantes,
mais
pouvant
ambulatoire,
pouvant
exercer
une
activité
sans
contraintes
physiques
importantes
activité
domestique
légère,
bureau,
etc.
Patient
ambulatoire
et
capable
de
s’occuper
de
lui-même
pour
ses
soins
personnels,
mais
incapable
d’activité
professionnelle
ou
à
la
maison.
Debout
plus
de
50
%
de
la
journée
Ne
pouvant
faire
que
le
minimum
pour
ses
soins
personnels.
Confiné
au
lit
ou
à
la
chaise
plus
de
50
%
de
la
journée
Complètement
handicapé
dans
sa
vie,
confiné
au
lit
ou
à
la
chaise,
nécessitant
l’assistance
pour
sa
toilette
et
ses
soins
quotidiens
d’une
approche
palliative
car
la
résection
tumorale
est
la
plus
complète
possible
afin
d’augmenter
l’efficacité
d’une
chimiothérapie
complémentaire
[8].
La
chimiothérapie
hyperthermique
intra-péritonéale
(CHIP)
n’est
efficace
que
sur
les
tumeurs
microscopiques
car
elle
ne
pénètre
pas
les
nodules
mesurant
plus
de
3
à
6
mm.
Après
évaluation
de
l’extension
de
la
carcinose
péritonéale
selon
l’index
de
Sugarbaker,
la
chirurgie
cytoréductive
doit
concerner
tous
les
implants
tumoraux
supra
millimétriques.
La
qualité
de
la
résection
chirurgicale
est
ensuite
stratifiée
[4]
:
CC0
=
pas
de
résidu
tumoral
;
CC1
=
résidu
<
2,5
mm
;
CC2
=
2,5
mm
<
résidu
<
2,5
cm
;
CC3
=
résidu
>
2,5
cm.
On
parle
de
résection
complète
pour
les
résections
CC0
ou
CC1,
elles
seules
autorisent
à
compléter
la
procédure
par
la
CHIP,
pour
les
carcinoses
d’origine
colique,
ovarienne
ou
gastrique.
Le
but
de
la
CHIP
est
d’exposer
directement
les
reliquats
tumoraux
péritonéaux
à
des
concentrations
élevées
de
prin-
cipe
actif,
en
limitant
le
risque
de
toxicité
systémique
de
la
chimiothérapie.
L’intérêt
de
réaliser
la
CHIP
immédiatement
en
peropératoire
est
justifié
par
la
formation
rapide
des
adhérences
après
la
cytoréduction,
l’implantation
préféren-
tielle
des
cellules
cancéreuses
dans
les
sites
de
cicatrisation
et
leur
contact
avec
des
facteurs
de
croissance
qui
favori-
seront
le
développement
tumoral.
Un
délai,
même
court,
entre
la
chirurgie
et
la
CHIP
compromet
donc
l’efficacité
de
la
procédure.
L’effet
cytotoxique
de
l’hyperthermie
a
été
démontré
in
vitro.
L’augmentation
de
la
température
est
corrélée
à
celle
de
la
cytotoxicité
des
molécules
de
chimiothérapie
et
à
leur
pénétration
dans
les
tissus
tumoraux.
Pendant
l’intervention,
on
administre
une
chimiothérapie
par
voie
intraveineuse
(5
fluoro-uracile
et
acide
folique)
pendant
l’heure
précédant
le
bain
de
CHIP,
afin
d’exposer
simulta-
nément
les
cellules
néoplasiques
aux
agents
cytotoxiques
par
les
2
voies
d’administration
(locale
directe
et
IV).
Le
système
d’administration
(Fig.
1)
comprend
une
pompe
et
un
réchauffeur
permettant
de
maintenir
la
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La
chimiothérapie
hyperthermique
intra-péritonéale
(CHIP)
(podcast)
311
Figure
1.
Le
système
d’administration.
température
du
bain
à
42—43 C.
Un
monitorage
précis
de
la
température
est
effectué
à
l’aide
de
capteurs
thermiques
répartis
dans
les
différents
cadrans
de
la
cavité
périto-
néale,
afin
que
la
température
du
bain
soit
homogène.
Une
température
insuffisante
(<
42 C)
risque
de
compromettre
l’efficacité
de
la
procédure,
alors
qu’une
température
trop
élevée
(>
43 C)
accroît
le
risque
de
nécrose
de
l’intestin
grêle
et
de
mauvaise
tolérance
de
l’hyperthermie
centrale.
La
technique
appliquée
dans
le
service
est
celle
dite
«
du
coliseum
à
ventre
ouvert
»
(Fig.
2).
La
quantité
de
liquide
nécessaire
est
déterminée
en
fonction
de
la
sur-
face
corporelle
des
patients
(2
L/m2).
Le
sérum
glucosé
à
Figure
2.
La
technique
dite
«
du
coliseum
à
ventre
ouvert
».
5
%
utilisé
pour
le
bain
permet
la
stabilité
de
l’agent
cyto-
toxique.
La
chimiothérapie
la
plus
fréquemment
utilisée
est
l’oxaliplatine.
La
mitomycine
est
préférée
pour
les
procé-
dures
redux
ou
en
cas
de
neuropathie
périphérique
liée
à
la
chimiothérapie
intraveineuse.
La
durée
du
bain
est
de
30
minutes
pour
l’oxaliplatine,
et
45
minutes
pour
la
mito-
mycine.
En
conséquence,
l’intervention
comporte
plusieurs
niveaux
d’agressivité
:
l’agression
chirurgicale
directe
:
elle
est
liée
aux
résec-
tions
multiples
et
étendues
comportant
au
minimum
une
omentectomie,
une
appendicectomie
(risque
carci-
nologique)
et
une
cholécystectomie
(risque
de
nécrose
postopératoire).
D’autres
résections
ont
leur
propre
implication,
par
exemple,
le
retentissement
des
résec-
tions
diaphragmatiques
sur
la
fonction
respiratoire
postopératoire
;
l’agression
liée
à
la
CHIP
et
l’hyperthermie
locale
sont
responsables
de
dommages
tissulaires
importants,
notamment
au
niveau
du
péritoine.
Elles
provoquent
une
inflammation
systémique
et
des
déperditions
hydro-
électrolytiques
par
fuite
capillaire
et
intra-abdominale
majeure
;
la
durée
importante
de
la
procédure
et
de
l’anesthésie
:
la
durée
de
la
viscérolyse
est
souvent
supérieure
à
5
heures,
et
la
durée
totale
de
l’intervention
est
de
8
à
10
heures
ou
plus
;
la
chimiothérapie
IV
comporte
une
toxicité
propre
(vasoconstriction
coronaire
du
5FU,
thrombopénie
post-
opératoire)
qu’il
convient
de
ne
prendre
en
compte.
La
prise
en
charge
anesthésique
La
prise
en
charge
anesthésique
pré-
per-
et
postopératoire
des
patients
s’effectue
selon
des
protocoles
de
soins
stan-
dardisés.
Consultation
d’anesthésie
Un
délai
minimum
d’une
dizaine
de
jours
est
nécessaire
entre
la
consultation
d’anesthésie
et
la
chirurgie,
afin
d’évaluer
au
mieux
les
patients
et
de
leur
laisser
un
délai
de
réflexion
suffisant.
Au-delà
de
70
ans,
les
patients
ne
seront
éligibles
que
s’ils
n’ont
pas
de
comorbidité
importante
et
si
la
chirurgie
de
cytoréduction
prévue
n’est
pas
trop
agressive
[9].
Ce
délai
est
mis
à
profit
pour
effectuer
une
prépara-
tion
à
la
chirurgie
comprenant
une
immunonutrition,
de
la
kinésithérapie
et
d’autres
mesures
non
spécifiques
comme
l’arrêt
du
tabac
le
cas
échéant
et
l’adaptation
des
traite-
ments
en
cours
et
l’évaluation
de
l’état
cardiovasculaire
et
respiratoire.
Un
programme
d’autokinésithérapie
est
mis
en
place
lors
de
la
consultation,
avec
remise
d’un
spiro-
mètre
personnel
au
patient.
Ces
mesures
s’inscrivent
dans
le
cadre
d’une
politique
dite
d’habilitation
à
la
chirurgie.
Les
patients
bénéficient
d’une
prise
en
charge
multidiscipli-
naire
et
rencontrent
le
même
jour,
l’infirmière
d’annonce,
la
psychologue
et
les
kinésithérapeutes
du
service
[10].
Le
patient
est
ainsi
informé
sur
son
parcours
de
soins
lors
de
son
hospitalisation
(séjour
en
unité
de
soin
continu
en
postopératoire)
comprenant
une
information
sur
la
tech-
nique
d’analgésie
(péridurale)
et
les
soins
de
support
qui
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312
S.
Dagois
et
al.
lui
seront
dispensés
en
postopératoire.
Le
risque
hémorra-
gique
est
faible
et
le
recours
à
la
transfusion
rare,
sauf
en
cas
d’anémie
pré
opératoire
ou
lors
des
reprises
chirurgi-
cales
pour
hémopéritoine
(près
de
10
%
des
patients
pour
les
CHIP
par
oxaliplatine).
Une
attention
particulière
est
portée
au
chiffre
de
plaquettes
préopératoire
qui
doit
être
supérieur
à
150
giga/L
en
raison
de
l’hématotoxicité
de
la
chimiothérapie
administrée
en
peropératoire.
Les
throm-
bopénies
postopératoires
peuvent
notamment
compliquer
l’utilisation
de
l’analgésie
péridurale
(j4).
Le
risque
thromboembolique
de
cette
chirurgie
est
majeur
et
doit
faire
l’objet
d’une
prévention
systématique
(ordonnance
de
bas
de
contention
à
mettre
en
pré-
per-
et
postopératoire).
Les
axes
veineux
du
territoire
cave
supé-
rieurs
sont
vérifiés
par
échographie
en
cas
d’antécédents
de
thrombose
notamment
sur
PAC.
En
peropératoire
Conduite
de
l’anesthésie
Les
patients
doivent
être
réchauffés
dès
l’induction
(mate-
las
à
air
pulsé).
Un
cathéter
d’analgésie
péridurale
est
mis
en
place
en
position
thoracique
haute
(T8—T10)
avant
l’induction
de
l’anesthésie
et
peut
être
éventuellement
utilisé
en
peropératoire
(Annexe
1).
Une
technique
alter-
native,
en
cas
de
problème
d’hémostase
contre
indiquant
la
réalisation
de
l’analgésie
péridurale,
consiste
à
utiliser
la
lidocaïne
en
perfusion
intraveineuse
continue
durant
la
chirurgie.
Après
l’induction
de
l’anesthésie
générale,
une
attention
particulière
doit
être
portée
à
l’installation
du
patient,
aux
points
d’appui,
et
à
la
protection
oculaire
au
début
de
la
chirurgie
qui
peut
durer
plus
de
10
heures.
On
évite
toute
fixation
circulaire
de
sonde
ou
de
capteur
de
pression
car
les
patients
développent
des
œdèmes
dès
la
fin
d’intervention,
notamment
dans
les
zones
déclives.
L’entretien
de
l’anesthésie
se
fait
indifféremment
par
voie
veineuse
ou
par
inhalation.
Le
monitorage
de
la
pression
artérielle
invasive
(posi-
tion
radiale)
est
recommandé.
Le
monitorage
de
la
volémie
et
de
ses
variations,
par
Doppler
œsophagien,
permet
d’adapter
le
volume
des
perfusions
(goal-directed
hemo-
dynamic
treatment)
[11],
le
monitorage
de
la
température
centrale
continue
par
sonde
œsophagienne,
de
la
profon-
deur
de
l’anesthésie
(BIS),
et
de
la
curarisation
(qui
doit
être
profonde
=
surveillance
du
post-tetanic
count)
sont
requis.
Enfin,
un
cathéter
veineux
central
est
mis
en
place
pour
la
chimiothérapie
intraveineuse.
Maintien
de
la
volémie
La
première
phase
de
la
chirurgie,
la
plus
longue,
est
celle
de
la
cytoréduction.
Il
est
primordial
de
conserver
une
volémie
adaptée
avant
la
phase
de
chimiothérapie
hyperthermique.
Les
patients
atteints
de
carcinose
ont
un
péritoine
très
inflammatoire
qui
est
le
siège
d’une
exsudation
très
supé-
rieure
au
péritoine
sain.
Les
pertes
liquidiennes
sont
supérieures
à
celles
d’une
chirurgie
abdominale
majeure
(souvent
plus
de
10
mL/kg/h).
Le
remplissage
comporte
uniquement
des
cristalloïdes,
avec
un
rapport
Ringer
lac-
tate/sérum
physiologique
de
2/1,
afin
de
limiter
l’acidose
hyperchlorémique
postopératoire.
Les
solutés
de
dialyse
type
Hémosol®,
bien
que
n’ayant
pas
l’autorisation
de
mise
sur
le
marché
dans
cette
indication,
pourraient
consti-
tuer
une
alternative
intéressante.
Le
remplissage,
pouvant
atteindre
16
à
18
mL/kg/h
en
fin
de
procédure,
est
guidé
par
le
monitorage
des
index
hémodynamiques
mesurés
à
l’aide
du
Doppler
œsophagien
ou
des
autres
techniques
de
monitorage
hémodynamique
(index
de
variation
du
volume
d’éjection,
de
variation
de
la
pression
systolique,
etc.)
et
les
mesures
répétées
du
taux
d’hémoglobine
(hémocueTM)
qui
apprécie
le
niveau
d’hémodilution
ou
d’hémoconcentration.
De
même,
on
suit
le
retentissement
hydro-électrolytique
par
des
bilans
biologiques
(ionogramme,
gaz
du
sang,
lactates)
en
particulier
à
la
fin
de
la
phase
de
cytoréduction
et
après
la
CHIP.
La
stratégie
de
remplissage
restrictive,
souvent
pré-
conisée
en
chirurgie
abdominale
lourde,
doit
être
évitée
chez
ces
patients
largement
hypovolémiques.
Elle
majore
l’acidose
lactique
et
augmente
le
risque
de
défaillance
d’organe
notamment
rénale.
Les
vasoconstricteurs
en
limitant
la
vasodilatation
et
donc
les
échanges
thermiques,
majore
et
prolonge
l’hyperthermie
centrale
et
l’inflammation
induite.
Contrôle
de
la
température
La
température
centrale
du
patient
doit
approcher
36 C
au
moment
du
bain
de
chimiothérapie
pour
qu’il
n’existe
pas
une
trop
grande
différence
entre
la
température
du
patient
et
celle
du
bain
de
chimiothérapie.
Augmenter
la
tempé-
rature
à
42 C
dans
l’abdomen
chez
un
patient
hypotherme
provoque
en
effet
un
«
choc
thermique
»
responsable
d’une
vasoplégie
majeure.
Inversement,
si
le
patient
a
une
tem-
pérature
centrale
supérieure
à
37 C
au
début
du
bain,
sa
température
risque
de
dépasser
39 C
en
fin
de
procédure.
Administration
de
la
chimiothérapie
La
chimiothérapie
intraveineuse
est
perfusée
sur
une
voie
veineuse
centrale.
On
prend
soin
de
contrôler
rigoureu-
sement
la
durée
de
la
perfusion
(risque
de
vasospasme
coronaire
avec
le
5FU).
Les
produits
cytotoxiques
doivent
être
manipulés
avec
les
précautions
d’usage
(gants,
lunettes
de
protection,
casaque).
Pendant
le
bain,
tous
les
person-
nels
dont
la
présence
n’est
pas
obligatoire
doivent
sortir
de
salle
d’opération
pour
éviter
tout
contact
accidentel
avec
la
chimiothérapie.
De
même,
les
déchets
souillés
émanant
du
patient
sont
alors
collectés
dans
des
containers
appropriés.
Des
prélèvements
d’air
ont
été
réalisés
pendant
la
procé-
dure
pour
doser
l’oxaliplatine
dans
la
salle
et
n’ont
retrouvé
aucune
contamination
aérienne
par
la
chimiothérapie
dans
la
salle
[12].
Contrôle
de
la
glycémie
Un
pic
d’hyperglycémie
est
toujours
observé
après
la
CHIP,
il
est
secondaire
au
syndrome
inflammatoire
provoqué
par
la
CHIP
et
à
l’insulino-résistance
qui
en
découle.
Il
est
le
plus
souvent
spontanément
résolutif
en
quelques
heures.
Suites
postopératoire
Les
patients
stables
sur
le
plan
hémodynamique
sont
sui-
vis
SSPI
et
transférés
en
unité
de
soins
continus
à
j1
pour
une
durée
de
5
à
7
jours.
L’extubation
est
souvent
possible
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