Journal Identification = ABC Article Identification = 0795 Date: March 26, 2013 Time: 9:48 am
204 Ann Biol Clin, vol. 71, n◦2, mars-avril 2013
Biologie au quotidien
s’aggraver, en particulier les effets hématologiques, cutanés
et hépatiques.
Dans tous les cas et quelle que soit la décision prise, cette
dernière doit être justifiée et argumentée en se basant sur
des critères objectifs évaluant la balance bénéfice-risque
du médicament. Si la poursuite du traitement a été préconi-
sée, elle ne peut être justifiée que si on trouve le moyen de
contrôler le risque encouru tout en s’assurant de l’efficacité
attendue. Le dosage des concentrations circulantes chez le
patient prenant ce médicament est capable de répondre à
cet objectif. En effet, le dosage permet de situer les concen-
trations plasmatiques par rapport au seuil d’efficacité.
Nous rapportons deux cas d’atteintes cutanées à l’imatinib
(rash lichénoïde et éruption eczémato-psoriasiforme),
observés en janvier 2010 au Centre national de pharmacovi-
gilance (CNPV) et validés selon la méthode d’imputabilité
de Bégaud et al. [15] afin de montrer la place du dosage
plasmatique de ce médicament dans la prise en charge de
ce type d’effet indésirable.
L’observation 1
Monsieur T., âgé de 68 ans, traité depuis le 25 octobre 2009
par imatinib à la dose de 400 mg/j pour une Gist opérée
le 6 octobre 2009. Le 20ejour de traitement, le patient
a présenté un œdème périorbitaire, suivi de l’apparition
d’un œdème des lèvres, et des extrémités (mains et pieds).
L’évolution a été marquée par la diminution de l’œdème du
visage, mais aussi par la persistance de l’œdème au niveau
des extrémités. Le 14 janvier 2010, soit 82 jours après
le début du traitement, le patient a présenté une éruption
cutanée prurigineuse pour laquelle il a consulté en phar-
macovigilance le 29 janvier 2010. À l’examen clinique,
l’éruption cutanée était de type eczémato-psoriasiforme
avec présence de quelques lésions lichénoïdes localisées
au niveau du tronc, des membres supérieurs et des ais-
selles. Ces lésions étaient associées à des œdèmes du visage
(périorbitaire et des lèvres) et des membres inférieurs. Les
muqueuses n’étaient pas atteintes mais l’examen a objec-
tivé 4 pustules au niveau palmaire. À l’interrogatoire, le
patient a rapporté la notion d’évolution des lésions en 2
phases. Une première phase pendant les 6 premiers jours
était marquée par l’accentuation des lésions et du prurit, et
une seconde phase était caractérisée par la stabilisation des
lésions et la diminution progressive de l’intensité du prurit.
Devant ce tableau clinique et en absence d’autres étiologies,
une origine médicamenteuse a été fortement suspectée et le
rôle de l’imatinib a été retenu puisqu’il était le seul médi-
cament pris par ce patient. Malgré cela, nous n’avons pas
arrêté l’imatinib en raison de la nécessité thérapeutique de
ce produit. Nous avons donc recommandé la poursuite de
l’imatinib à la même dose et la mise du patient sous trai-
tement symptomatique à base de dermocorticoïdes. Une
biopsie cutanée et un dosage des concentrations plasma-
tiques de l’imatinib ont été pratiqués le jour même.
Le patient a été revu à la consultation de pharmacovigi-
lance le 5 février 2010 (soit une semaine après la première
consultation) pour évaluation de l’état cutané après la pour-
suite du traitement pendant une semaine. Au cours de
cette consultation, l’examen clinique a objectivé une nette
régression des lésions eczémato-psoriasiformes et du prurit
avec disparition des pustules. La biopsie cutanée a montré
des remaniements dermo-épidermiques en accord avec une
toxidermie médicamenteuse. La concentration plasmatique
de l’imatinib dosée le 29 janvier 2010 était de 1 790 ng/mL.
La conduite à tenir était de continuer l’imatinib à la même
dose moyennant la poursuite du traitement symptomatique
et la surveillance rapprochée de l’état cutané. Deux mois
après, le patient était encore sous imatinib sans aggravation
de l’état cutané.
L’observation 2
Madame G.D., âgée de 50 ans, est traitée depuis le 18 sep-
tembre 2009 par imatinib à la dose de 400 mg/j pour LMC à
chromosome Philadelphie positive avec une bonne réponse
hématologique à 1 mois et à 2 mois. Le contrôle de la fonc-
tion rénale et hépatique n’a pas objectivé d’anomalie. Le
30 novembre 2009 (soit 74 jours après le début de traite-
ment par imatinib), la patiente a développé une éruption
érythémateuse, maculo-papuleuse, lichénoïde, non pruri-
gineuse. Les lésions sont apparues au début au niveau de
la face interne de la cuisse gauche puis se sont étendues
après une semaine vers la cuisse droite et ensuite vers les
faces internes des 2 bras et vers les flancs. La patiente
a consulté en dermatologie au mois de décembre, mais
elle n’a pas pris le traitement symptomatique qui lui a été
prescrit par peur des interactions médicamenteuses avec
l’imatinib. En raison de l’évolution vers l’extension des
lésions cutanées aux membres inférieurs et supérieurs et
au tronc, la patiente a consulté en pharmacovigilance le
5 février 2010 (soit 67 jours après le début des lésions).
À l’interrogatoire, l’imatinib était le seul médicament pris
par la patiente. Une biopsie pratiquée le 14 janvier 2010
en dermatologie (compte rendu apporté par la patiente) a
montré un aspect cadrant avec une toxidermie lichénoïde.
Le rôle de l’imatinib était fortement suspecté dans la genèse
de ces lésions cutanées et la conduite à tenir préconisée
était de poursuivre l’imatinib à la même dose de 400 mg/j,
de mettre la patiente sous dermocorticoïdes, et de revoir la
patiente après une semaine pour évaluation de l’état cutané.
Un dosage plasmatique de l’imatinib a été pratiqué. Une
semaine après, les lésions cutanées ont nettement diminué
sous traitement symptomatique et ce malgré la poursuite
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