et, pour couronner le tout, la passivité des Banques centrales et des Etats. Chacun a sa
part de responsabilité dans les dysfonctionnements.
Mais en vérité, si on va au fond des choses, c’est le système économique et financier
lui-même qui est déséquilibré. Depuis trente ans, on a laissé se creuser un écart
extravagant entre la sphère financière et l’économie réelle (celle des biens et services). La
première est en effet aujourd’hui cinquante fois supérieure à la seconde.
En 2005, les marchés boursiers proprement dits atteignaient un montant plus élevé que le
PIB mondial : 51 Tera dollars (51 mille milliards de dollars) contre 44 Tera dollars.
Les transactions sur les marchés des changes, liées aux fluctuations des parités
monétaires et ayant pour objet non seulement les couvertures à terme mais aussi la
spéculation sur les monnaies, étaient plus de dix fois supérieures (avec 566 Tera dollars)
au PIB mondial.
Les transactions sur les produits dérivés, liées aux variations des taux d’intérêt, aux cours
de bourse, aux crédits immobiliers (dont aux Etats-Unis les fameux subprimes) mais
aussi désormais à des spéculations sur les prix des matières premières ou sur les cours du
pétrole et du gaz, excédaient de trente fois, avec 1.406 Tera dollars, le PIB mondial.
Pourquoi cet écart insensé et périlleux ? D’abord, parce que depuis 1971 et la suppression
par les Etats-Unis (sous le Président Nixon) de la convertibilité du dollar en or, le monde
a renoncé aux parités fixes, les taux de change sont déréglementés et fluctuent, et la
valeur des monnaies varie (sauf entre les monnaies européennes rattachées à l’Euro,
même si celui-ci bouge par rapport aux autres monnaies). Ensuite, parce que, depuis les
années 1980, les taux d’intérêt ont été déréglementés et sont eux aussi instables.
Pour faire face à cette double instabilité, s’est développée une industrie financière
globalisée qui, en se réclamant de « l’innovation financière », a proposé des produits de
couverture permettant notamment aux entreprises de s’assurer contre les variations de
prix (des taux de change et des taux d’intérêt). En somme, on a libéralisé les prix pour se
protéger ensuite contre leurs variations ! En est résultée une explosion folle de la sphère
financière, car de la couverture à terme on est passé bien sûr à la spéculation, le risque
étant transféré, selon des chaînes longues et complexes, à des spéculateurs qui en jouent.
C’est au cœur de cette logique folle qu’a surgi la crise des subprimes : des créances
immobilières américaines accordées imprudemment à des ménages fragilisés. Ces
subprimes ont pris leur source dans les produits dérivés de crédits, liés au surendettement
massif des ménages américains.
Les alertes à propos des déséquilibres du système n’avaient pourtant pas manqué. Les
crises, mexicaine en 1994, japonaise en 1995, asiatique en 1997 et 98, russe en 1998,
brésilienne en 1999 et argentine en 2001 avaient montré que le système financier était
fragile. En 1998, mon gouvernement avait alerté sur les risques encourus et fait des
propositions de réformes. Peu d’entre elles ont été retenues. Et, dans le climat de