MÉCANISMES ET DÉFIS DE LA CRISE FINANCÉRE MONDIALE Par Professeur Moustapha KASSE KASSE Introduction L’un des traits du capitalisme mondial est d’être traversé en permanence de crises graves qui peuvent saper ses fondements. En effet, en 40 ans l’économie mondiale a connu 4 crises majeures : 1) la crise des années 1970-1975 qui fait suite aux « Trente glorieuses années ». Elle est également, celle du premier choc pétrolier et du désordre monétaire introduit par deux mesures :le décrochage du dollar en Avril 1971 et le flottement des monnaies en 1973 2) La crise des années 80 avec le second choc pétrolier le resserrement de la politique monétaire américaine (1979) le déclenchement de la crise de la dette 3) La crise du début des Années 90 subséquente à la politique monétaire indûment expansionniste aux excès d’investissements avec la multiplication des créances douteuses Elle a surtout affecté l’Asie 4) La crise issue d’un dysfonctionnement du Système financier international. La crise financière actuelle est d’une ampleur et d’une profondeur sans commune mesure avec celles des 40 dernières années. Si la plupart des économistes et des experts s’accordent sur ce point, les avis divergent souvent à la fois sur les causes, les mécanismes et surtout les conséquences dans un monde globalisé, d’où la nécessité de clarifier ces trois aspects pour introduire nos débats de ce matin. Cela pour la raison bien simple de bien comprendre pour bien agir. Les Chinois représentent la crise par deux idéogrammes représentant le premier le danger et le second l’opportunité qui sont deux aspects d’une même réalité. 1 I/ LA CRISE, QUELLE CRISE ? Si nous voulons qualifier la crise actuelle, 3 éléments indiquent clairement que nous sommes bien en présence d’une crise systémique qu’il importe de bien analyser pour comprendre ses mécanismes et ses conséquences économiques et sociales: 1) Crise idéologique et intellectuelle. En effet, depuis les Trente glorieuses années de croissance, les élites et les pouvoirs publics ont été guidés par le fondamentalisme du marché découlant de la domination du modèle néo-classique standard : les marchés tendent vers l’équilibre et ont une capacité régulatrice pourvu simplement que l’Etat n’intervienne point et qu’il laisse faire et laisse passer. 2) Crise qui se déclenche au niveau de la sphère financière au regard des mutations profondes intervenus dans cette sphère avec la globalisation financière qui a abouti au fonctionnement d’un marché planétaire de l’argent. - la globalisation financière s’est traduite par un méga marché de l’argent sur lequel circulent quotidiennement 1400 milliards de dollars - Cela est rendu possible par les 3 D : la désintermédiation, la déréglementation et le décloisonnement avec l’abolition de toutes les frontières géographiques, institutionnelles et financières. Celui qui investit (ou emprunte ) recherche le meilleur rendement en passant d’un titre à l’autre, d’une monnaie à une autre et d’un procédé de couverture à une autre - Cette sphère financière se développe dans une logique spéculative quasi autonome : elle a de faibles liens avec le financement des échanges et des investissements dans l’économie 3) Crise qui se mondialise par ses effets de dominos. Elle démarre en Août 2007 sur un segment particulier du marché immobilier (le marché des subprime a haut risque) pour se propager aux banques, aux investisseurs et à tous les utilisateurs des nouveaux instruments financiers. Partie des Etats-Unis, elle se propage au reste du monde capitaliste au Centre comme à la Périphérie qui est incapable d’avoir une conjoncture autonome précisons-le clairement. 2 II/ QUELLES VOIES DE SRTIE DE LA CRISE ? Depuis le déclenchement de la crise, dans tous les pays on observe une quasi identité des solutions qui sont de trois ordres 1) De gigantesques plans de renflouement du système bancaire international pour injecter plus de liquidités et permettre le refonctionnement du système 2) La recapitalisation qui est une prise de participation directe de l’Etat nouveau partenaire. 3) L’abaissement des taux directeurs des Banques centrales c’est-à-dire du prêteur en dernier ressort en vue de rendre le crédit plus accessible. 4) Le G20 a rajouté une quatrième mesure : un plus grand contrôle prudentiel de l’ensemble du système financier par de nouvelles règles de régulation qui cependant restent à définir. Deux enseignements peuvent être tirés de ces remèdes - d’abord l’intervention de l’Etat qui annonce partout la réhabilitation de l’approche keynésienne et de la crise et des solutions par les plans de relance. - Ensuite la socialisation des pertes qui va faire payer les faillites bancaires par les citoyens et les couches populaires. C’est cela qui va d’ailleurs compromettre le succès de tous les plans de relance qui sont mis en place en France, en Grande Bretagne et en Espagne. Ils soulèvent deux problèmes majeurs : 1) incapacité à relancer la consommation intérieure (de ce point de vue la CHINE a vu juste en renflouant à hauteur de 500milliards son marché intérieur) et 2) accentuation des déficits budgétaires ce qui va conduire à l’éclatement du cadre de stabilité et compromettre le fonctionnement de l’Union. En conclusion Ces solutions sont loin de régler la crise et il faut s’attendre au pire à savoir la crise financière entraînant la crise économique mondiale qui débouchera inévitablement sur une crise sociale de dimension aussi mondiale. Donc le pire est devant nous. Alors que faire véritablement ? Deux directions d’action - Des réformes profondes du modèle de la gouvernance mondiale avec la modernisation de toutes les institutions de régulation qu’elles soient politiques, économiques ou financières - L’instauration d’une véritable démocratie mondiale qui signifie deux choses précises dans mon entendement : dégager des règles garantissant la participation de tous à la gestion des affaires du monde et l’accès de tous aux biens publics mondiaux. 3