VOTRE LABORATOIRE DE BIOLOGIE MÉDICALE Votre bulletin d’information sur la biologie médicale ÉDITORIAL Un test aussi classique et simple que le dosage de l’acide urique peut encore réserver des surprises. La Société française de rhumatologie a récemment attiré l’attention des biologistes sur les valeurs de référence de l’uricémie qu’elle juge un peu trop élevées en général, surtout pour les patients atteints de goutte. Une bonne compréhension de la lecture des résultats entre biologistes médicaux, praticiens et patients étant indispensable, nous consacrons ce LabInfo à ces nouvelles préconisations. D’OÙ VIENT L’HYPERURICÉMIE? Plus de 95 % des hyperuricémies sont primitives et résultent : • d’un excès de synthèse des purines au niveau du foie ; • de l’augmentation du catabolisme des purines (cancer et traitement hémopathique et cytolytique) ; • d’un trouble de l’excrétion tubulaire rénale d’acide urique. Par ailleurs, un patient goutteux sur trois a un parent goutteux. Quant aux hyperuricémies secondaires, responsables de 2 à 5 % des gouttes, elles sont majoritairement imputables à une insuffisance rénale chronique ou à des diurétiques. Document édité par SAS LABSTER. 335, rue du Chêne Vert - 31670 Labège Tél. : 05 61 55 91 08 - Fax : 05 61 00 17 99 Société fo Fabre, J. Canarelli, J-F. Roubache, B. Rousset-Rouvière et B. Sébé Directeur de la Publication : R. Fabre Imprimé par l’imprimerie Ménard 2721 La Lauragaise 31670 Labège • Parution avril 2014 Numéro ISSN : 2104 - 2136 LABINFO | N°25 N°25 Uricémie RESTER SOUS LA BARRE DES 60 MG/L L’uricémie est encore mal contrôlée chez un certain nombre de patients goutteux, entraînant des crises qui pourraient être évitées et un risque de chronicité de la maladie. Les dernières recommandations des sociétés savantes européennes (EULAR) et américaines (ACR) insistent sur l’importance du traitement hypouricémiant et de l’éducation du patient. HYPERURICÉMIE ET RISQUE DE GOUTTE On estime à 1% la prévalence de la goutte, ou arthropathie microcristalline, au sein de la population adulte française. Les plus touchés sont les hommes de plus de 40 ans. Les cristaux d’urate de sodium s’accumulent dans les articulations et les tissus. Ils provoquent dans un premier temps des accès inflammatoires puis des lésions irréversibles. La corrélation entre une uricémie élevée, due à une maladie métabolique, et le risque de goutte est avérée. Ce risque est particulièrement important lorsque l’uricémie dépasse le seuil de solubilité de l’urate de sodium. Aussi est-il essentiel, chez les patients goutteux, de maintenir l’uricémie sous un seuil de sécurité fixé à 60 mg/L (ou 360 micromol/L). La mise en place d’un traitement hypouricémiant, efficace dans la majorité des cas, y contribue. UN TRAITEMENT AU LONG COURS L’objectif est d’entraîner la dissolution des cristaux d’urate de sodium et d’éviter qu’ils ne se reforment. Un traitement de l’hyperuricémie est préconisé en cas de crises aigües récidivantes, d’arthropathies, de tophis et de modifications radiologiques au cours de la goutte. Il s’agit non seulement d’éviter les crises de goutte mais également la chronicisation de la maladie qui risque d’entraîner des arthropathies destructrices ou des lésions rénales. Le traitement associe mesures pharmacologiques et hygiéno-diététiques : MESURES PHARMACOLOGIQUES inhibiteurs de la xanthine oxydase (allopurinol) en première intention ; n ou febuxostat ; n ou pegloticase. n MESURES HYGIÉNO-DIÉTÉTIQUES perte de poids progressive ; régime hypopurinique (éviter les abas, les sardines, les mollusques, les crustacés) ; n arrêt de la consommation de bière avec ou sans alcool ; n sevrage tabagique. n n Il est recommandé : −d ’initier le traitement à distance d’une crise ; −d ’évaluer les facteurs de risque et de comorbidité (obésité, consommation d’alcool, syndrome métabolique, hypertension, maladie rénale etc.) ; −d ’informer le patient des facteurs de risque de l’allopurinol et d’arrêter immédiatement le traitement en cas de réaction cutanée ; −d ’expliquer que la bonne observance du traitement conditionne en grande partie son succès. En cas d’accès aigu, la colchicine orale ou les AINS sont les médicaments de première intention dont la prise doit débuter dans les 24 heures qui suivent le début de la crise. FICHE PRATIQUE VARIATIONS PHYSIOLOGIQUES DE L’URICÉMIE En dehors de toute situation pathologique, les valeurs de référence de l’uricémie varient d’un individu à l’autre selon : > l’âge : -20 % chez les enfants ; > le sexe : -20 % chez la femme ; > l’état : -25 % en cours de grossesse jusqu’au 6e mois ; > le poids : plus élevées chez les personnes obèses. Pour plus d’informations, voir le « Guide pratique des analyses médicales 2009 », Pascal Dieusaert, Ed. Maloine, ainsi que le le « Guide pratique des médicaments 2012 », Philippe Dorosz, Ed. Maloine. QUIPROQUOS SUR LES RÉSULTATS BIOLOGIQUES Pour contrôler la maladie goutteuse, l’uricémie du patient sous traitement ne doit pas dépasser la valeur cible de 60 mg/L. Or, il arrive souvent que la norme indiquée par le laboratoire de biologie médicale soit supérieure à cette « uricémie de sécurité » et atteigne jusqu’à 80 mg/L. Il importe alors d’expliquer au patient qu’une telle concentration est acceptable pour la plupart des gens mais trop risquée pour un patient goutteux. Pour lever l’ambiguïté, de plus en plus de laboratoires mentionnent explicitement la différence d’objectif. PRISE EN CHARGE DU PATIENT GOUTTEUX RECOMMANDATIONS DE DÉPART n n n Anomalie des Informer des mesures hygiéno-diététiques favorables. cellules Envisager les causes secondaires possibles. Revoir les ordonnances en cours pour adapter les traitements afin d’éviter une glandulaires hyperuricémie qui peut être provoquée par des médicaments tels que des diurétiques, des furosémides, des salicylés, des cyclosporin A, des bêtabloquants. SI ARTHRITE GOUTTEUSE AVEC n n tophus visible à l’examen clinique ou à l’imagerie ; ou néphropathie clinique avec antécédents d’urolithiase. Traitement hypouricémiant pour atteindre uricémie < 60 mg/L n Traitement de 1ère ligne > Allopurinol n (dose maximale efficace après augmentation progressive) Si échec ou intolérance à l’allopurinol, ou insuffisance rénale > Fébuxostat (dose maximale efficace après augmentation progressive) n Si échec du fébuxostat > Pegloticase en IV (en IV toutes les 2 semaines + corticothérapie avant chaque perfusion) Contrôle du taux sanguin d’acide urique n n Tous les 15 jours jusqu’à atteindre le taux cible. Puis tous les 6 mois. RÉFÉRENCES > Khanna D. et al. ; « American College of Rheumatology guidelines for management of gout. Part 1: Systematic nonpharmacologic and pharmacologic therapeutic approaches to hyperuricemia » ; Arthritis Care Res 2012 ; 64(10):1431-46. > Khanna D et al. ; « American College of Rheumatology guidelines for management of gout. Part 2 : therapy and anti-inflammatory prophylaxis of acute gouty arthritis » ; Arthritis Care Res 2012 ; 64(10):1447-61. > Zhang W. et al. ; « EULAR evidence based recommendations for gout. Part II : Management » ; Report of a task force of the EULAR Standing Committee for International Clinical Studies Including Therapeutics (ESCISIT) ; Ann Rheum Dis 2006:65:1312-24. > Lioté F. et Bardin T. ; « Traitement de la goutte » ; Revue du rhumatisme 2007 ; 74:160-7. LABINFO | N°25