Hyperuricémies : doit-on faire baisser l uricémie ? Pour quels

MISE AU POINT
La Lettre du Rhumatologue - n° 321 - avril 2006
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*“Hyperuricémies, une équation extra-articulaire à trois composantes :
rénale, cardiovasculaire et métabolique, par G. Chalès et P. Guggenbuhl, a
été publié dans le numéro de septembre 2005 de La Lettre du rhumatologue.
** Service de rhumatologie, hôpital Sud, CHU de Rennes.
Éviter les diurétiques, la prise de poids et la consommation
d’alcool permet de réduire considérablement la survenue de
crises de goutte.
Un régime hypocalorique trop sévère peut entraîner une élé-
vation de l’uricémie.
Il faut expliquer au patient (éducation thérapeutique) :
- la notion de traitement continu,
- les effets indésirables connus.
L’uricémie doit être maintenue au-dessous de 60 mg/l en cas de
goutte évolutive.
Les inhibiteurs de la xanthine oxydase et les uricosuriques
réduisent de la même façon l’uricémie et la fréquence des crises
de goutte.
La colchicine à titre prophylactique doit être utilisée lors de la
mise en route d’un traitement hypo-uricémiant ou lors de l’aug-
mentation des doses.
Les effets des faibles doses d’aspirine doivent être pris en
considération, mais l’aspirine ne doit pas être arrêtée systémati-
quement si sa prescription à titre antiagrégant est indispensable.
Certains antihypertenseurs et hypolipémiants ont un effet
uricosurique adjuvant, utile dans le traitement du syndrome
métabolique.
L’hyperuricémie isolée asymptomatique ne doit pas être traitée.
La présence de comorbidités peut venir compliquer la prise en
charge d’une hyperuricémie.
Points forts
tomatique pour prévenir la première crise de goutte, ce d’autant
qu’aucune donnée ne prouve que l’atteinte rénale lithiasique sur-
vient avant la première crise de goutte. Il faut s’assurer d’abord de
l’existence d’une cause immédiatement corrigible (alcool, médi-
caments, syndrome métabolique ou de lyse tumorale). En réalité,
le traitement de l’hyperuricémie asymptomatique et symptoma-
tique est souvent erroné, notamment chez le sujet âgé, et parfois
délicat dans certaines situations cliniques, d’autant plus qu’il
n’existe aucun consensus sur la prise en charge des hyperuricémies
et de leur risque le plus fréquent, la goutte (2).
L’impression clinique est celle d’une augmentation croissante des
hyperuricémies symptomatiques complexes et réfractaires, compte
tenu de l’augmentation de la prévalence de la maladie goutteuse au
cours des dernières décennies. Cela reflète peut-être les limites
d’une génération vieillissante de médicaments hypo-uricémiants
comme l’allopurinol (Zyloric®) et le probénécide (Benemid®) (3).
En conséquence, on a remis l’accent sur l’importance des modifi-
cations des habitudes alimentaires pour faire baisser l’uricémie, en
dehors du simple contrôle du poids. Ces modifications peuvent être
utilisées en première ligne pour réduire le risque de goutte chez des
sujets prédisposés, ou en traitement adjuvant complémentaire de
l’approche pharmacologique hypo-uricémiante chez des patients
dont la maladie goutteuse est difficile à contrôler ; elles peuvent
aussi jouer un rôle déterminant dans le traitement des anomalies
métaboliques fréquemment associées à l’hyperuricémie (4).
DE QUELS MOYENS DISPOSE-T-ON
POUR FAIRE BAISSER L’URICÉMIE ?
Le régime
Les mesures hygiéno-diététiques comportent classiquement une
lutte contre la surcharge pondérale, une réduction significative de
la consommation de boissons alcoolisées et un régime pauvre en
purines. Ces mesures peuvent permettre de diminuer d’environ
15 à 20 % l’uricémie (4). Cependant, il faut se rappeler qu’un
régime hypocalorique trop sévère entraîne une protéolyse et une
production d’acide urique susceptible d’entraîner une élévation
de l’uricémie et la survenue d’une crise de goutte. La prise de
boissons non alcoolisées doit être abondante, de l’ordre de 2 l/j,
avec alcalinisation des urines par de l’eau de Vichy (< 1 l/j), qui
favorise la solubilisation et l’élimination urinaire de l’acide urique
et diminue le risque de lithiase ; il faut cependant tenir compte de
l’apport sodé chez l’hypertendu.
Un travail récent vient apporter une donnée thérapeutique nou-
velle en mettant l’accent sur l’insulinorésistance,impliquée non
Hyperuricémies : doit-on faire baisser l’uricémie ?
Pour quels patients ?*
Hyperuricemia: do we need to lower elevated serum uric acid? For wich patients?
G. Chalès, P. Guggenbuhl**
E
n théorie,le métabolisme des purines est parfaitement
connu et l’on dispose de médicaments efficaces sur la sur-
production ou le défaut d’élimination de l’acide urique. La
plupart des patients hyperuricémiques restent asymptomatiques
toute leur vie ; le risque de développer une complication articu-
laire ou rénale survient classiquement après une longue période
d’hyperuricémie continue,mais l’insuffisance rénale peut appa-
raître plus précocement lorsque l’uricémie est élevée (1). Il n’y a
aucune indication à traiter une hyperuricémie chronique asymp-
MISE AU POINT
La Lettre du Rhumatologue - n° 321 - avril 2006
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seulement dans l’obésité mais aussi dans l’hyperuricémie,
puisque l’hyperinsulinisme stimule la réabsorption tubulaire des
urates. Treize hommes goutteux, avec un index de masse cor-
porelle moyen de 30,5 kg/m2, ont été soumis à un régime modé-
rément hypocalorique (1 600 Kcal/j), s’appuyant sur 3 à 5 repas
par jour, avec une augmentation de la ration protéique (40 %
d’hydrates de carbone, 30 % de protéines et 30 % de lipides) et
des proportions de glucides complexes et de lipides mono- ou
polyinsaturés. Au bout de 4 mois de ce régime, le taux moyen
d’acide urique avait diminué de 18 % et, surtout, le nombre d’ac-
cès goutteux mensuel avait été réduit de 67 % (4).
La consommation excessive de viande et de fruits de mer ainsi
que la diminution des apports en produits laitiers ont été accu-
sées d’être à l’origine de l’augmentation de la prévalence de la
goutte aux États-Unis. Une étude prospective menée sur 12 ans
(4),portant sur 47 150 professionnels de santé masculins âgés
de plus de 40 ans et non goutteux à l’inclusion (The Health Pro-
fessionals Follow-up Study), a montré que 730 nouveaux cas de
goutte étaient apparus au cours du suivi ; le risque relatif mul-
tivarié pour l’incidence de la goutte était de 1,41 dans le quin-
tile pour lequel l’apport en viande était le plus élevé comparé
au quintile pour lequel l’apport en viande était le plus bas ; de
même, pour les fruits de mer, le risque relatif multivarié était
de 1,51. En revanche, le risque relatif multivarié pour l’inci-
dence de la goutte était réduit à 0,51 pour les produits laitiers.
Il est intéressant de noter que l’apport alimentaire modéré en
légumes riches en purines et l’apport en protéines n’étaient pas
corrélés au risque de goutte (4). Cette étude a aussi montré
qu’une consommation régulière modérée de bière (particuliè-
rement riche en purines) était associée à un risque élevé d’ap-
parition de la goutte (risque relatif multivarié de 1,49 pour 336
g de bière par jour versus 1,15 pour 2 cl d’alcool fort) ; en
revanche, le risque de goutte n’était pas modifié avec la prise
de 1 à 2 verres de vin par jour, ce qui a été confirmé par l’étude
NHANES III (4). Il existe des limites à cette étude : popula-
tion restreinte aux professionnels de santé masculins, absence
de mesure de l’uricémie, absence d’analyse du liquide syno-
vial, données sur le régime et l’hypertension recueillies par
questionnaire, absence de données sur le syndrome métabo-
lique. L’effet protecteur apparent des produits laitiers sur l’ap-
parition de la goutte a cependant été confirmé chez les 14 809
participants de l’étude NHANES III, la caséine et la lactalbu-
mine augmentant l’élimination de l’acide urique. La différence
observée entre la bière et le vin, peut-être due à des facteurs
non identifiés (comportementaux ?) (5),a aussi été constatée
dans l’étude NHANES III.
On peut retenir cependant que la consommation de viande,
de fruits de mer et d’alcool (bière, alcools forts) doit être
modérée et qu’il faut éviter les régimes trop restreints en
hydrates de carbone (voir supra). Il faut conseiller un régime
hypocalorique, avec une restriction modérée en hydrates de car-
bone et une augmentation proportionnelle des apports en pro-
téines et en graisses insaturées, sans restriction stricte en purines,
comme l’ont montré les études de cohorte The Health Profes-
sionals Follow-up Study et National Health And Nutrition Exa-
mination Survey (NHANES) III (4). La consommation des lai-
tages peut être encouragée.
MÉDICAMENTS HYPO-URICÉMIANTS
(tableau et encadré)
Urico-inhibiteurs : allopurinol
(Zyloric®, allopurinol générique)
Les urico-inhibiteurs (2, 3, 6-12) diminuent l’uricémie et l’uri-
curie en réduisant la purinosynthèse endogène (1). L’allopurinol
.../...
Tableau. Médicaments hypo-uricémiants.
Molécule Nom commercial Forme galénique Contre-indications Posologie
Urico-inhibiteurs
Allopurinol Zyloric®cp de 100, 200, 300 mg – Grossesse 100 à
Allopurinol – Allaitement 300 mg/j
(génériques) Allergie au produit
Febuxostat AMM en 2006 – Intolérance au lactose 80 à 120 mg/j
Urico-éliminateurs
Probénécide Benemid®cp de 500 mg – Hyperuricurie 500 à 2 000 mg/j
– Lithiase urique (en 2 à 3 prises)
– Insuffisance rénale PIH
Goutte secondaire aux hémopathies
– Porphyrie hépatique
Benzbromarone Désuric®cp de 100 mg, sécable – Hyperuricurie 50 à 100 mg/j
– Lithiase urique dose maximale :
– Insuffisance rénale sévère 300 mg/j
– Hépatopathie ATU
Uricolytiques
Rasburicase Fasturtec®Flacon de 1,5 mg, poudre – Grossesse 0,2 mg/kg/j
et solvant pour solution à diluer Allergie au produit pendant 5 à 7 jours
pour perfusion (0,2 mg/kg/j) – Déficit en G6PD
PIH : prescription initiale hospitalière ; ATU : autorisation temporaire d’utilisation ; G6PD : glucose-6-phosphate déshydrogénase.
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La Lettre du Rhumatologue - n° 321 - avril 2006
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reste le seul représentant actuellement disponible de cette classe,
le thiopurinol n’étant plus commercialisé. L’action de l’allopuri-
nol conduit à une diminution de la synthèse d’acide urique en
inhibant la xanthine oxydase (1) ; il se produit une augmentation
des concentrations en hypoxanthine et en xanthine, sans que cela
ait de conséquence pathologique car celles-ci sont facilement éli-
minées par le rein. L’allopurinol est également un substrat pour
la xanthine oxydase, qui le métabolise en oxypurinol, lui-même
inhibiteur de cette enzyme et responsable en grande partie de
l’effet thérapeutique de l’allopurinol.
Une diminution de l’uricémie est obtenue en 24 à 48 heures. L’ar-
rêt du médicament provoque le retour à l’uricémie antérieure en
7 à 10 jours. La demi-vie effective de l’allopurinol est de 14 à
18 heures ; son élimination et celle de son métabolite, l’oxypurinol,
est rénale. Il est le seul efficace dans le syndrome de Lesch-Nyhan.
La posologie usuelle, par voie orale, est de 100 à 300 mg/j, atteinte
progressivement en fonction de l’uricémie. La dose doit être adap-
tée par rapport à la fonction rénale et à la clairance de la créatinine.
La dose quotidienne maximale est fonction de la clairance de la
créatinine : 300 mg si elle excède 80 ml/mn, 200 mg si elle est com-
prise entre 40 et 80 ml/mn, 100 mg si elle se situe entre 20 et
40 ml/mn, et 100 mg un jour sur deux si elle est inférieure à
20 ml/mn (7). L’allopurinol et l’oxypurinol sont dialysables.
Les principaux effets indésirables sont digestifs et cutanés (rash
papulo-érythémateux ou eczématiforme, prurit), obligeant à arrêter le
traitement dans 5 % des cas (12). Des réactions d’hypersensibilité
majeure (fièvre, syndrome de Lyell ou de Stevens-Johnson, hépa-
topathie, insuffisance rénale), principalement en cas d’insuffisance
rénale ou hépatique, peuvent survenir ; elles imposent l’arrêt immé-
diat et définitif du produit en raison du risque vital. L’évaluation
du rapport bénéfice/risque de ce traitement doit être attentivement
réalisée, notamment en cas d’insuffisance rénale, de traitement par
diurétique ou d’hyperuricémie isolée. Une reprise de l’allopurinol
après arrêt pour intolérance cutanée mineure est parfois possible
après désensibilisation, avec un risque potentiel d’accident aller-
gique sévère (13). Les troubles digestifs (épigastralgies, nausées,
diarrhées) sont en général diminués par une administration après
les repas. Les effets indésirables hématologiques (leucopénie,
thrombopénie, agranulocytose) sont rares. L’allopurinol potentia-
lise l’action et les effets indésirables de la vidarabine (effets indé-
sirables neurologiques), des cytostatiques antipuriniques (aug-
mentation de la toxicité médullaire), du chlorpropamide
(hypoglycémie) et des anticoagulants oraux (nécessité de contrô-
ler l’International Normalized Ratio [INR]). Il existe un risque
accru d’intolérance cutanée avec les pénicillines du groupe A.
Un autre inhibiteur de la xanthine oxydase (alloxanthine, Oxy-
primTM, oxypurinol) est en attente d’AMM aux États-Unis (14)
pour le traitement des hyperuricémies non traitables par l’allo-
purinol (intolérance). Son efficacité est comparable à celle de l’al-
lopurinol ; l'uricémie reste cependant un peu plus élevée qu’avec
l’allopurinol (pas plus de 10 %). Les mêmes signes d’intolérance
touchent un tiers des patients traités par l’oxypurinol, et les réac-
tions allergiques croisées sont fréquentes. Le febuxostat, autre
nouvel inhibiteur oral de la xanthine oxydase, comparé à un pla-
cebo dans un essai de phase II, est efficace sur la réduction de
l’uricémie (aux trois doses utilisées de 40, 80 et 120 mg) et bien
toléré (15). Un essai clinique randomisé, multicentrique, de phase
III a comparé l’efficacité du febuxostat (80 mg ou 120 mg/j) et
de l’allopurinol (300 mg/j) sur l’uricémie (critère principal
< 360 mmol/l) chez 760 patients souffrant de goutte avec hyper-
uricémie. Le febuxostat, à une dose journalière de 80 mg ou de
120 mg/j, était plus efficace que l’allopurinol à la dose de 300 mg
pour faire baisser l’uricémie, réduire le nombre d’accès goutteux
et le volume des tophus (16).
Urico-éliminateurs : probénécide (Benemid®)
et benzbromarone (Désuric®)
Les uricosuriques favorisent l’excrétion de l’acide urique en inhi-
bant la réabsorption dans le tubule proximal. Le récepteur de
l’urate, inconnu jusqu’alors, est apparenté aux transporteurs
d’autres anions organiques (OAT). La protéine URAT1 est loca-
lisée au niveau de la membrane luminale des cellules épithéliales
du tubule proximal. Il ne s’agit pas d’un transport couplé au
sodium mais d’un échange avec un autre anion comme le chlore,
les lactates (induits par la consommation aiguë d’alcool) ou l’acide
pyrazine carboxylique (pyrilène). La réabsorption de l’urate, sti-
mulée par le transporteur d’anion organique 3 (OAT3), est régu-
lée par URAT1 et supprimée par les uricosuriques (17).
La classe des uricosuriques (2, 3, 6-12) est victime de contraintes
commerciales ou médico-légales. Le probénécide (Benemid®),
abandonné des prescripteurs ou de l’industrie pharmaceutique,
n’est plus disponible qu’en pharmacie hospitalière sur prescrip-
tion initiale hospitalière (PIH). Son action sur l’uricémie est due
à l’inhibition de la réabsorption tubulaire postsécrétoire de l’acide
urique et est dose-dépendante. Il reste efficace en cas d’insuffi-
sance rénale modérée (20 à 80 ml/mn) mais est contre-indiqué en
cas d’insuffisance rénale sévère, d’uricurie supérieure à 800 mg/24
h en régime libre (goutteux hyperexcréteurs) ou d’antécédent de
lithiase urique, dont il favorise la survenue. Ce risque peut être
atténué par une diurèse abondante et une alcalinisation des urines
par de l’eau de Vichy pour maintenir le pH au-dessus de 6. Il faut
l’utiliser avec précaution chez les malades recevant de l’héparine
et il diminue la clairance de nombreux médicaments (pénicilline,
furosémide, aspirine, anti-inflammatoires non stéroïdiens [AINS]).
La dose d’attaque est de 250 mg per os x2/j, progressivement aug-
mentée de 500 mg à 2 g/j (en deux prises) pour obtenir une uricé-
mie inférieure à 60 mg (357 mmol), ce que l’on n’obtient que chez
60 % des goutteux (8).
La benzbromarone (Désuric®) a été retirée du commerce en Europe
après une alerte sanitaire le 28 avril 2003 (cas d’hépatite) (18),
malgré une incidence faible d’hépatite en Europe (deux cas pour
400 millions d’Européens, soit un cas pour 100 000 prescriptions
de benzbromarone) ; cependant, la benzbromarone est à nouveau
disponible aux Pays-Bas depuis 2004, réservée aux goutteux into-
lérants à l’allopurinol (19), et en France après acceptation par
l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé
(Afssaps) d’une demande d’autorisation temporaire d’utilisation
(ATU) en cas d’échec du probénécide, d’intolérance ou d’ineffi-
cacité de l’allopurinol (18). La posologie est de 50 à 100 mg/j.
Uricolytiques : rasburicase (Fasturtec®)
C’est actuellement le seul représentant de cette classe thérapeu-
tique (20) depuis le retrait de l’Uricozyme®(uricase issue de cul-
tures d’Aspergillus). Il transforme l’acide urique en allantoïne,
.../...
MISE AU POINT
La Lettre du Rhumatologue - n° 321 - avril 2006
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qui est dix fois plus soluble que l’acide urique et facilement éli-
minée par voie rénale. Il est administré par voie i.v. (0,2 mg/kg/j
sur 30 mn pendant 5 à 7 jours) et entraîne une diminution rapide
de l’uricémie. Il est en général réservé au traitement et à la pré-
vention des hyperuricémies sévères survenant au cours des chi-
miothérapies pour hémopathies malignes afin de prévenir l’in-
suffisance rénale. Les effets indésirables sont mineurs : rash
cutané, nausées, vomissements. Signalons la possibilité d’appa-
rition d’anticorps neutralisants. L’espèce humaine ne dispose pas
d’urate oxydase, ou uricase, enzyme naturelle chez les autres
espèces et qui permet l’oxydation de l’acide urique en allantoïne.
Une uricase extraite de Candida utilis et associée au polyéthy-
lène glycol de poids moléculaire 20 000 (uricase-polyéthylène-
20) est en cours d’évaluation (études de phase II) : elle a moins
d’inconvénients que la rasburicase et pourra être utilisée chez les
patients allergiques ou ne répondant pas à l’allopurinol, insuffi-
sants rénaux et transplantés (21).
TRAITEMENTS ADJUVANTS (FÉNOFIBRATE,
ATORVASTATINE, LOSARTAN)
Parmi les fibrates, seul le fénofibrate (Lipanthyl®) diminue signi-
ficativement l’uricémie en doublant la clairance de l’urate, indé-
pendamment de son action sur les paramètres lipidiques ; il peut
“corriger” l’effet hyperuricémique des thiazides ou de l’indapa-
mide (Fludex®). Le fénofibrate peut donc être une alternative utile
en monothérapie ou être utilisé comme un uricosurique addi-
tionnel chez les patients dyslipidémiques ou résistants au traite-
ment classique de l’hyperuricémie (22). La réduction de l’uricé-
mie peut atteindre 20 à 30 % chez des volontaires sains, des
diabétiques et des non-diabétiques avec hyperlipidémie, des gout-
teux (23). L’intérêt de son utilisation réside aussi dans ses effets
pléiotropiques : effet bénéfique sur la fonction endothéliale, effets
antioxydant, anti-inflammatoire et antithrombotique (22).
Parmi les statines, seule l’atorvastatine (Tahor®) diminue signifi-
cativement l’uricémie d’environ 12 % en augmentant l’excrétion
de l’urate, probablement par diminution de la réabsorption tubu-
laire proximale, indépendamment de son action sur les paramètres
lipidiques (24).
Parmi les antagonistes de l’angiotensine II, seul le losartan
(Cozaar®) a montré un rôle hypo-uricémiant lié à un effet urico-
surique proche de celui du probénécide, en inhibant le captage
des urates par le transporteur URAT1, échangeur urate-anion (17).
L’augmentation de l’excrétion de l’acide urique est modeste, de
3 à 30 %. Son association à un thiazidique serait susceptible de
diminuer les effets du diurétique sur l’uricémie (25), ce qui a un
intérêt clinique, au vu de la complication de l’utilisation des diu-
rétiques au long cours chez les hypertendus. Le losartan a enfin
l’intérêt d’augmenter le pH urinaire (ce que ne font pas les uri-
cosuriques), freinant le risque de lithiase lié à l’hyperexcrétion
rénale d’urate (23) ; certains inhibiteurs de l’enzyme de conver-
sion de l’angiotensine (captopril [Lopril®]), énalapril [Renitec®])
augmentent aussi l’excrétion de l’urate.
L’association du fénofibrate et celle du losartan aux autres hypo-
uricémiants (benzbromarone ou allopurinol) entraînaient respec-
tivement une baisse de 15 % et de 11 à 15 % de l’uricémie (26).
Ces deux médicaments augmentent non seulement la clairance
de l’acide urique mais aussi l’excrétion urinaire de l’oxypurinol,
le métabolite actif principal de l’allopurinol : l’association pour-
rait donc diminuer l’effet hypo-uricémiant de l’allopurinol (23).
Ils peuvent être utiles aux rhumatologues pour traiter l’hyperli-
pidémie et l’hypertension associées à la goutte, à titre d’adjuvant.
Quelques observations isolées rapportent une rémission de la
goutte à long terme avec le fénofibrate (27). Il n’y a pas encore
suffisamment de données cliniques pour les utiliser dans les hyper-
uricémies associées à l’hypertension et/ou à une dyslipidémie.
QUELLES SONT LES INDICATIONS
THÉRAPEUTIQUES ? POUR QUELS PATIENTS ?
Le patient avec une hyperuricémie isolée
Les auteurs (2, 3, 6-12, 18, 28, 29) s’accordent actuellement pour
ne pas traiter systématiquement une hyperuricémie isolée si elle
est asymptomatique, ce d’autant que les effets indésirables des
médicaments hypo-uricémiants comportent certains risques
graves. Le coût du traitement et l’habituel manque d’adhésion du
patient au traitement renforcent cette position (30). Dans les men-
tions de l’AMM, il est stipulé que l’allopurinol n’est pas indiqué
dans les hyperuricémies asymptomatiques inférieures à
90 mg/l (540 µmol/l). Notre incapacité actuelle à préciser la signi-
fication des liens (circonstanciels ou étiologiques) entre l’hyper-
uricémie et d’autres pathologies (cardiovasculaires, métabo-
liques), en particulier l’hypertension (31), explique cette
restriction. Dans ce contexte, les mesures hygiéno-diététiques doi-
vent être privilégiées. La seule exception est la survenue d’une
hyperuricémie majeure iatrogène, notamment dans les hémopa-
thies malignes traitées par cytolytiques.
Le patient goutteux
Il existe deux attitudes : certains auteurs mettent en route un trai-
tement hypo-uricémiant dès la première crise de goutte s’il existe
une hyperuricémie. D’autres, peut-être les plus nombreux, atten-
dent au contraire la survenue de plusieurs crises pour mettre en
route un traitement hypo-uricémiant si la symptomatologie est
invalidante (12). En cas de goutte chronique (plus de deux crises
de goutte par an, présence de tophus et/ou d’érosions sur les radio-
graphies) et/ou de manifestations rénales (lithiase urique, néphro-
pathie), le traitement hypo-uricémiant est impératif et ne se dis-
cute pas (2). Au minimum, il faut attendre la résolution de l’accès
goutteux avant d’introduire le traitement hypo-uricémiant, sous
peine de déclencher un nouvel accès ou de pérenniser la sympto-
matologie. La posologie du médicament est déterminée de manière
progressivement croissante, en commençant par une dose faible,
pour obtenir une uricémie égale ou inférieure à 60 mg/l (12). Le
traitement doit, en règle générale,être maintenu à vie (6, 8, 9). En
l’absence de contre-indications (insuffisance rénale, ulcère gastro-
duodénal), un traitement par la colchicine ou par un AINS doit lui
être systématiquement associé dès la mise en route afin de préve-
nir la survenue possible de nouvelles crises, dont le patient doit être
averti à l’instauration du traitement. Il est maintenu pendant 3 à
6 mois (12), parfois plus lorsque les tophus n’ont pas complète-
ment disparu. La prescription de boissons abondantes et alcalini-
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santes est impérative lors de la prescription d’un uricoéliminateur.
La survenue d’une nouvelle crise chez un patient traité par hypo-
uricémiant ne doit pas faire interrompre le traitement. Le malade
doit en être prévenu dès l’instauration du traitement pour éviter
un échec thérapeutique lié à des arrêts et reprises intempestifs du
traitement hypo-uricémiant, aboutissant à un mauvais contrôle de
la maladie goutteuse, ce qui est beaucoup plus fréquent en pra-
tique clinique qu’un réel échec des médicaments. À l’arrêt du trai-
tement, au moins un tiers des patients rechutent dans un délai
variable. De même, la prescription intermittente expose à des
rechutes (8). Il faut donc prévenir le malade (et le médecin trai-
tant) du caractère pérenne du traitement.
Le patient obèse
Le terrain est propice au syndrome métabolique (1), associant à l’obé-
sité une hypertension, une résistance à l’insuline, un dyslipidémie et
une hyperuricémie. Les mesures hygiéno-diététiques restent la pierre
angulaire du traitement. Le fénofibrate (200 mg/j) a une action sur les
anomalies métaboliques. En cas d’hypertension, on peut y associer le
losartan ; compte tenu de l’élévation de l’uricurie, les patients à risque
(antécédents de lithiase) devront veiller à avoir une diurèse abondante
(eau de Vichy ou citrate de potassium pour alcaliniser les urines).
Le patient insuffisant rénal
En cas d’insuffisance rénale chronique, la dose de colchicine doit
être réduite ; la colchicine est à éviter lorsque la clairance de la créa-
tinine est au-dessous de 10 ml/mn ou si le patient est sous hémodia-
lyse (10). Les AINS sont contre-indiqués ; il vaut mieux utiliser de
petites doses de corticoïdes (7 à 12 mg/j) et faire des injections intra-
articulaires d’Hexatrione®. La dose d’allopurinol doit aussi être
réduite en fonction de la clairance de la créatinine, avec un risque
d’inefficacité ; on peut alors remplacer l’allopurinol par 100 à 200 mg
de benzbromarone (prescription hospitalière par ATU) (18). En cas
d’insuffisance rénale aiguë avec uricémie très élevée dans le cadre
d’une chimiothérapie, il faut utiliser la rasburicase (si possible en pré-
vention), éventuellement après hémodialyse si la diurèse n’a pu être
induite.
Le patient lithiasique
En plus de l’identification chimique de la lithiase rénale, il faut s’as-
surer que le patient a un apport hydrique suffisant pour produire une
diurèse supérieure à 2 l/j, en alcalinisant les urines pour maintenir un
pH supérieur à 6. L’allopurinol est le traitement de choix. Les urico-
suriques sont contre-indiqués.
Le patient transplanté
Malgré les controverses concernant le traitement de l’hyperuri-
cémie en l’absence de crises de goutte chez les transplantés, il est
nécessaire de rappeler les stratégies utiles pour minimiser la
néphrotoxicité de la ciclosporine et diminuer les facteurs de risque
cardiovasculaire (32).
Des conseils diététiques (alimentation riche en fruits et légumes)
doivent être donnés (33). Chez certains patients, la diminution de
la dose de ciclosporine est suffisante pour mieux contrôler la fonc-
tion rénale et l’hyperuricémie ; le remplacement de la ciclospo-
rine par d’autres immunosuppresseurs moins néphrotoxiques
(sirolimus [Rapamune®], mycophénolate mofétil [CellCept®])
peut permettre d’améliorer la fonction rénale et de normaliser
l’uricémie ; dans certains cas, la substitution de la ciclosporine
par le tacrolimus (Prograf®) a pu faire baisser l’uricémie (32).
L’association fréquente hypertension-hyperuricémie chez les
transplantés rénaux peut conduire à utiliser préférentiellement le
losartan pour son effet uricosurique, ou l’amlodipine (Amlor®)
pour son action sur la filtration glomérulaire rénale, permettant
d’éviter l’utilisation des diurétiques (32).
Les AINS sont à proscrire ; la colchicine peut être employée en
milieu spécialisé à condition d’adapter les doses et la fréquence
d’administration à la fonction rénale et de surveiller régulière-
ment l’hémogramme (33).
L’allopurinol est contre-indiqué en association à l’azathioprine
(Imurel®), car l’inhibition de la xanthine oxydase (qui inactive
l’azathioprine) majore la toxicité de l’azathioprine ; cependant,
des recommandations ont été proposées chez le transplanté rénal
en cas de nécessité absolue, pour utiliser les deux médicaments
en adaptant les posologies (diminution des deux tiers), en milieu
spécialisé uniquement ; l’allopurinol peut être associé au myco-
phénolate mofétil dans le traitement de l’hyperuricémie chez les
transplantés rénaux (33). Il y a aussi une importante association
entre la transplantation hépatique et l’hyperuricémie contrôlable
par l’allopurinol (34).
Le patient insuffisant cardiaque et/ou hypertendu
Le traitement de la goutte chez l’insuffisant cardiaque est diffi-
cile compte tenu d’un équilibre hydrosodé fragile et de l’insuffi-
sance rénale parfois associée.
Le risque de goutte iatrogène est fonction du type de diurétique
(risque décroissant : diurétiques de l’anse, thiazidique, spirono-
lactone) et de la dose (risque doublé pour une dose de thiazide
supérieur à 25 mg) ; malheureusement, les faibles doses de diu-
rétiques sont rarement suffisantes dans l’insuffisance cardiaque
(35),même si elles sont supérieures aux agents hypertenseurs en
termes de pronostic cardiovasculaire (36). Les diurétiques peu-
vent parfois être remplacés par certains inhibiteurs de l’enzyme
de conversion de l’angiotensine (captopril [Lopril®], énalapril
[Renitec®]) qui augmentent l’excrétion de l’urate (35) ou par les
antagonistes du récepteur de l’angiotensine II comme le losartan
(Cozaar®). Dans l’étude LIFE (Losartan Intervention for End-
point Reduction), 29 % de la réduction des critères principaux
(décès, infarctus du myocarde, accident vasculaire cérébral) chez
les patients hypertendus traités par losartan étaient attribuables à
la baisse de l’uricémie (37). Avant de faire des substitutions thé-
rapeutiques, il faut s’assurer d’une part de l’efficacité de la dose
la plus faible de diurétiques, et d’autre part de la correction des
facteurs de risque (obésité, prise d’alcool). L’aspirine à faible dose
peut être remplacée par des antiagrégants plaquettaires non saly-
cilés, mais l’aspirine ne doit pas être arrêtée systématiquement si
sa prescription à titre antiagrégant est indispensable.
En cas de maladie goutteuse, les AINS sont difficiles à utiliser
parce qu’ils peuvent entraîner une rétention hydrosodée et alté-
rer la fonction rénale. La colchicine peut être utilisée avec les pré-
cautions usuelles ; les corticoïdes ne peuvent être utilisés qu’à
petites doses (< 10 mg/j).
Une étude récente portant sur la mortalité liée à l’insuffisance car-
diaque chronique en Grande-Bretagne semble indiquer que les
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