MISE AU POINT
La Lettre du Rhumatologue - n° 321 - avril 2006
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reste le seul représentant actuellement disponible de cette classe,
le thiopurinol n’étant plus commercialisé. L’action de l’allopuri-
nol conduit à une diminution de la synthèse d’acide urique en
inhibant la xanthine oxydase (1) ; il se produit une augmentation
des concentrations en hypoxanthine et en xanthine, sans que cela
ait de conséquence pathologique car celles-ci sont facilement éli-
minées par le rein. L’allopurinol est également un substrat pour
la xanthine oxydase, qui le métabolise en oxypurinol, lui-même
inhibiteur de cette enzyme et responsable en grande partie de
l’effet thérapeutique de l’allopurinol.
Une diminution de l’uricémie est obtenue en 24 à 48 heures. L’ar-
rêt du médicament provoque le retour à l’uricémie antérieure en
7 à 10 jours. La demi-vie effective de l’allopurinol est de 14 à
18 heures ; son élimination et celle de son métabolite, l’oxypurinol,
est rénale. Il est le seul efficace dans le syndrome de Lesch-Nyhan.
La posologie usuelle, par voie orale, est de 100 à 300 mg/j, atteinte
progressivement en fonction de l’uricémie. La dose doit être adap-
tée par rapport à la fonction rénale et à la clairance de la créatinine.
La dose quotidienne maximale est fonction de la clairance de la
créatinine : 300 mg si elle excède 80 ml/mn, 200 mg si elle est com-
prise entre 40 et 80 ml/mn, 100 mg si elle se situe entre 20 et
40 ml/mn, et 100 mg un jour sur deux si elle est inférieure à
20 ml/mn (7). L’allopurinol et l’oxypurinol sont dialysables.
Les principaux effets indésirables sont digestifs et cutanés (rash
papulo-érythémateux ou eczématiforme, prurit), obligeant à arrêter le
traitement dans 5 % des cas (12). Des réactions d’hypersensibilité
majeure (fièvre, syndrome de Lyell ou de Stevens-Johnson, hépa-
topathie, insuffisance rénale), principalement en cas d’insuffisance
rénale ou hépatique, peuvent survenir ; elles imposent l’arrêt immé-
diat et définitif du produit en raison du risque vital. L’évaluation
du rapport bénéfice/risque de ce traitement doit être attentivement
réalisée, notamment en cas d’insuffisance rénale, de traitement par
diurétique ou d’hyperuricémie isolée. Une reprise de l’allopurinol
après arrêt pour intolérance cutanée mineure est parfois possible
après désensibilisation, avec un risque potentiel d’accident aller-
gique sévère (13). Les troubles digestifs (épigastralgies, nausées,
diarrhées) sont en général diminués par une administration après
les repas. Les effets indésirables hématologiques (leucopénie,
thrombopénie, agranulocytose) sont rares. L’allopurinol potentia-
lise l’action et les effets indésirables de la vidarabine (effets indé-
sirables neurologiques), des cytostatiques antipuriniques (aug-
mentation de la toxicité médullaire), du chlorpropamide
(hypoglycémie) et des anticoagulants oraux (nécessité de contrô-
ler l’International Normalized Ratio [INR]). Il existe un risque
accru d’intolérance cutanée avec les pénicillines du groupe A.
Un autre inhibiteur de la xanthine oxydase (alloxanthine, Oxy-
primTM, oxypurinol) est en attente d’AMM aux États-Unis (14)
pour le traitement des hyperuricémies non traitables par l’allo-
purinol (intolérance). Son efficacité est comparable à celle de l’al-
lopurinol ; l'uricémie reste cependant un peu plus élevée qu’avec
l’allopurinol (pas plus de 10 %). Les mêmes signes d’intolérance
touchent un tiers des patients traités par l’oxypurinol, et les réac-
tions allergiques croisées sont fréquentes. Le febuxostat, autre
nouvel inhibiteur oral de la xanthine oxydase, comparé à un pla-
cebo dans un essai de phase II, est efficace sur la réduction de
l’uricémie (aux trois doses utilisées de 40, 80 et 120 mg) et bien
toléré (15). Un essai clinique randomisé, multicentrique, de phase
III a comparé l’efficacité du febuxostat (80 mg ou 120 mg/j) et
de l’allopurinol (300 mg/j) sur l’uricémie (critère principal
< 360 mmol/l) chez 760 patients souffrant de goutte avec hyper-
uricémie. Le febuxostat, à une dose journalière de 80 mg ou de
120 mg/j, était plus efficace que l’allopurinol à la dose de 300 mg
pour faire baisser l’uricémie, réduire le nombre d’accès goutteux
et le volume des tophus (16).
Urico-éliminateurs : probénécide (Benemid®)
et benzbromarone (Désuric®)
Les uricosuriques favorisent l’excrétion de l’acide urique en inhi-
bant la réabsorption dans le tubule proximal. Le récepteur de
l’urate, inconnu jusqu’alors, est apparenté aux transporteurs
d’autres anions organiques (OAT). La protéine URAT1 est loca-
lisée au niveau de la membrane luminale des cellules épithéliales
du tubule proximal. Il ne s’agit pas d’un transport couplé au
sodium mais d’un échange avec un autre anion comme le chlore,
les lactates (induits par la consommation aiguë d’alcool) ou l’acide
pyrazine carboxylique (pyrilène). La réabsorption de l’urate, sti-
mulée par le transporteur d’anion organique 3 (OAT3), est régu-
lée par URAT1 et supprimée par les uricosuriques (17).
La classe des uricosuriques (2, 3, 6-12) est victime de contraintes
commerciales ou médico-légales. Le probénécide (Benemid®),
abandonné des prescripteurs ou de l’industrie pharmaceutique,
n’est plus disponible qu’en pharmacie hospitalière sur prescrip-
tion initiale hospitalière (PIH). Son action sur l’uricémie est due
à l’inhibition de la réabsorption tubulaire postsécrétoire de l’acide
urique et est dose-dépendante. Il reste efficace en cas d’insuffi-
sance rénale modérée (20 à 80 ml/mn) mais est contre-indiqué en
cas d’insuffisance rénale sévère, d’uricurie supérieure à 800 mg/24
h en régime libre (goutteux hyperexcréteurs) ou d’antécédent de
lithiase urique, dont il favorise la survenue. Ce risque peut être
atténué par une diurèse abondante et une alcalinisation des urines
par de l’eau de Vichy pour maintenir le pH au-dessus de 6. Il faut
l’utiliser avec précaution chez les malades recevant de l’héparine
et il diminue la clairance de nombreux médicaments (pénicilline,
furosémide, aspirine, anti-inflammatoires non stéroïdiens [AINS]).
La dose d’attaque est de 250 mg per os x2/j, progressivement aug-
mentée de 500 mg à 2 g/j (en deux prises) pour obtenir une uricé-
mie inférieure à 60 mg (357 mmol), ce que l’on n’obtient que chez
60 % des goutteux (8).
La benzbromarone (Désuric®) a été retirée du commerce en Europe
après une alerte sanitaire le 28 avril 2003 (cas d’hépatite) (18),
malgré une incidence faible d’hépatite en Europe (deux cas pour
400 millions d’Européens, soit un cas pour 100 000 prescriptions
de benzbromarone) ; cependant, la benzbromarone est à nouveau
disponible aux Pays-Bas depuis 2004, réservée aux goutteux into-
lérants à l’allopurinol (19), et en France après acceptation par
l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé
(Afssaps) d’une demande d’autorisation temporaire d’utilisation
(ATU) en cas d’échec du probénécide, d’intolérance ou d’ineffi-
cacité de l’allopurinol (18). La posologie est de 50 à 100 mg/j.
Uricolytiques : rasburicase (Fasturtec®)
C’est actuellement le seul représentant de cette classe thérapeu-
tique (20) depuis le retrait de l’Uricozyme®(uricase issue de cul-
tures d’Aspergillus). Il transforme l’acide urique en allantoïne,
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