VOLUME 44, SEPTEMBRE 2013
kornelia końCzal
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Les années 1970 sont marquées par l’émergence de la notion de
« mémoire » dans les sciences humaines et sociales. Nombre d‘histo-
riens, sociologues et philosophes ont répété que les années 1980 et 1990
étaient celles de « l’omniprésence de la mémoire. » Citons ici François
Bédarida :
Brusquement, vers le milieu des années 1970 – et le phénomène, loin
d’être purement français, est international – le mot mémoire envahit
tout. En peu de temps, on assiste à une valorisation exponentielle, qui
fait de la mémoire le vecteur central de nos sociétés. Non seulement,
on la cultive et on exalte ses vertus, mais on l’érige en impératif caté-
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Bédarida, 1998, p. 89.
Dans la plupart des cas, les descriptions du « memory boom » se
réfèrent à la conjoncture mémorielle en France (Dosse, 1998), en
Allemagne (Schmidt, 1991) et aux États-Unis (Olick, 2008). Pour
représentent même les trois traditions principales dans les études
mémorielles (Assmann, 2004).
Les principaux ouvrages français, allemands et anglais consacrés au
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duelle que collective, forment une sorte de galerie de noms classiques
voire canoniques : Hermann Ebbinghaus (1850-1909), William James
(1842-1910), Frederic C. Bartlett (1886-1969) d’un côté ; Henri Bergson
(1859-1941), Maurice Halbwachs (1877-1945), Sigmund Freud (1856-
1939) et Aby Warburg (1866-1929) de l’autre. Occasionnellement, l’on
peut trouver dans des ouvrages ouest-européens ou américains des
recherches et articles d’auteurs originaires d’Europe centrale et orien-
tale. La « (re)découverte » récente des écrits du psychologue russe
Aleksej N. Leont’ev (1903-1979) en Allemagne en est un bon exemple
(Leont’ev, 2001 ; voir aussi Kölbl & Straub, 2010). Cependant, c’est
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butions à l’étude de la mémoire ne sont connues que dans leur pays
d’origine. Pour la période précédant 1989, la non-réception en Europe
de l’Ouest des ouvrages rédigés derrière le rideau de fer résulte d’un
manque de contacts et de coopération. Dans le cas des vingt dernières
années, il s’agit très souvent d’une absence de traductions, destin fatal