University of Groningen
Apulée
Mal-Maeder, Danielle Karin van
IMPORTANT NOTE: You are advised to consult the publisher's version (publisher's PDF) if you wish to
cite from it. Please check the document version below.
Document Version
Publisher's PDF, also known as Version of record
Publication date:
1998
Link to publication in University of Groningen/UMCG research database
Citation for published version (APA):
Mal-Maeder, D. K. V. (1998). Apulée: Les métamorphoses Groningen: s.n.
Copyright
Other than for strictly personal use, it is not permitted to download or to forward/distribute the text or part of it without the consent of the
author(s) and/or copyright holder(s), unless the work is under an open content license (like Creative Commons).
Take-down policy
If you believe that this document breaches copyright please contact us providing details, and we will remove access to the work immediately
and investigate your claim.
Downloaded from the University of Groningen/UMCG research database (Pure): http://www.rug.nl/research/portal. For technical reasons the
number of authors shown on this cover page is limited to 10 maximum.
Download date: 25-05-2017
Chapitre 10
CHAPITRE 10
De câlineries en rendez-vous.
33, 3-5: Nec diutius quiui tantum cruciatum uoluptatis eximiae sustinere sed pronus in eam,
qua fine summum cacumen capillus ascendit, mellitissimum illud sauium impressi: Je ne pus
endurer plus longtemps l'insupportable torture de toute cette volupté et me penchant vers
elle, j'imprimai à l'endroit où ses cheveux remontent vers le sommet de la tête ce baiser
miellé, de tous le plus doux.
Noter l'accumulation d'adj. superlatifs et les homophonies (répétition du son -um-). Non
sans coquinerie, de Jonge 1941, 50 se demande: `potestne fieri ut Apuleius longa laudatio-
ne capillorum lectoris quoque animum intendere ac cruciare conatus sit, qui curiosus est
amores Lucii audire?'. L'impatience de Lucius est encore plus rudement mise à l'épreuve
(et plus crûment décrite) quelques ch. plus loin: cf. 2, 16 (38, 3 ss.).
Ce baiser est absent de l'Onos, de même que toute la scène qui suit (taquineries amoureu-
ses et embrassades).
tantum cruciatum: hyperbole, renforcée par l'effet sonore des homéotéleutes.
cruciatum uoluptatis eximiae: voir Zimmerman-de Graaf 1992, 47 ad 10, 1 (236,
11 s.) propter eximiam impotentiam pour la combinaison de l'adj. eximius avec un subst.
désignant une qualité négative, une tournure attestée chez le seul Apul. Pour l'emploi de
cruciatus à propos d'agonie d'amour, ThLL s.v. cruciatus 1219, 1 s. cite comme seuls ex.
notre passage et 9, 18 (216, 16). Cf. encore dans une description des symptômes de la
maladie d'amour 10, 2 (237, 23). Comparer pour l'oxymoron 2, 2 (25, 8) cruciabili
desiderio, avec comm. ad loc.; 5, 6 (107, 13 s.) nec inter amplexus coniugales desinis cru-
ciatum. Vallette note à sa trad. (p. 37): `On retrouve dans l'histoire de Psyché (V, XXVI,
5) cette idée d'une volupté si intense qu'elle devient une souffrance, tant en raison, comme
ici, de ce que s'y mêle de désir, que parce qu'elle dépasse en quelque sorte ce que les sens
ont la force de supporter'. La contemplation d'Isis au livre 11, 24 (286, 12) a un effet
similaire sur Lucius: inexplicabili uoluptate simulacri diuini perfruebar. Pour le thème
récurrent de la volupté, voir comm. ad 2, 17 (39, 12 s.); cf. ligne 19 nec uoluptas nostra
differetur; intro. 5. 8.
qua fine - impressi: comparer pour ce baiser dans la nuque Hor. carm. 2, 12, 25 s.
(cité infra p. 186).
summum cacumen: pour ce type d'expressions pléonastiques avec des adj. tels
summus, extremus ou ultimus, voir Bernhard 1927, 174 s. Autant qu'à `seiner Freude am
vollen Ausdruck', c'est souvent au goût d'Apul. pour les homophonies que de telles
tournures obéissent: ici, summum s'inscrit dans une succession d'adj. en -um. Comparer 8,
18 (191, 11) de summo cupressus cacumine (allitérations et assonances). La combinaison
est poétique, qui apparaît avant Apul. chez Lucr. 2, 1130; 5, 1457. Après Apul., cf.
Claud. 17, 61 (p. 131 Hall). ThLL s.v. cacumen 11, 64 s. cite ce seul ex. de la tournure à
propos de la tête.
capillus: sing. poétique, comme en 2, 9 (32, 7).
mellitissimum - impressi: allitérations et assonances traduisent la délicatesse du geste
(`un doux baiser savouré': Callebat 1968, 523). Cf. 4, 27 (95, 7); 6, 8 (133, 22 s.) ab
Chapitre 10
ipsa Venere septem sauia suauia et unum blandientis adpulsu linguae longe mellitum; et
comparer Catull. 99, 1 s. surrupui tibi... mellite Iuuenti, / sauiolum dulci dulcius ambrosi-
a; Anth. Graec. 5, 244, 6. L'adj. mellitus reprend la métaphore de l'amour comme nourri-
ture, amplement développée dans la scène de la danse des casseroles (2, 7: 30, 12 ss.), où
il apparaît également (cf. 31, 3). En dehors de ce passage, le superlatif euphonique
(assonances en i) est attesté chez Fronto p. 63 vdH Fronto... mellitissime; CIL 6, 28, 120;
12, 1014 marito mellitissimo (ThLL s.v. mellitus 623, 5 ss.).
illud: Lütjohann 1873, 500 veut corriger cette leçon des mss. en illuc. Cette
correction est adoptée par van der Vliet, Giarratano et Scazzoso et approuvée par Wolter-
storff 1917, 218. Médan 1925, 217 s. défend la leçon des mss. en avançant la théorie du
même Wolterstorff, selon lequel le pronom ille a pris chez Apul. valeur d'article. Contre
cette théorie, voir Löfstedt 1956, 358 ss. et Callebat 1968, 275 ss.; 1994, 1625. Robertson
commente dans son apparat: `de noto sauii genere loquitur'; voir déjà Beroaldus ad loc.:
`illud sauium uult intellegi illud dulcissimum, illud quod amator amicae ardenter infigit'.
Ille se rapporte souvent dans les met. à une entité (personne ou objet) déjà mentionnée dans
le récit, ou à une réalité extra-textuelle supposée connue du lecteur/auditeur: voir Callebat
1968, 278 s. Pour un ex. proche du nôtre, cf. 7, 8 (159, 27 s.) calceis femininis albis illis
et tenuibus indutus, avec GCA 1981, 133 s. ad loc.
sauium impressi: le mot sauium est un archaïsme fréquemment attesté chez les
comiques: voir van der Paardt 1971, 111 ad 3, 14 (62, 23: dans une scène d'amour entre
Lucius et Photis); GCA 1981, 220 ad 7, 21 (170, 7) citent Tränkle 1960, 126, selon lequel
le terme appartient à `l'ältere Umgangsprache'. Le verbe imprimere est encore employé à
propos de baisers en 5, 6 (108, 1) imprimens oscula suasoria; avant Apul., cf. Val. Max.
7, 3, 2 (osculum); Mart. 10, 42, 5 (basia).
33, 5-9: Tum illa ceruicem intorsit et ad me conuersa limis et morsicantibus oculis: `Heus
tu, scolastice' ait, `dulce et amarum gustulum carpis. Caue ne nimia mellis dulcedine
diutinam bilis amaritudinem contrahas': Elle, alors, inclinant la nuque, se retourna vers
moi, l'oeil canaille et mordillant: `Hé là, jeune écolier!', me dit-elle, `C'est un fruit doux
et amer que tu cueilles là. Prends garde que trop de la douceur de ce miel ne te donne l'a-
mertume tenace de la bile.'
Comparer pour le mouvement de Photis sous le baiser de Lucius Hor. carm. 2, 12, 25 s.
cum flagrantia detorquet ad oscula / ceruicem aut facili saeuitia negat / quae poscente
magis gaudeat eripi, / interdum rapere occupet.
limis - oculis: le regard de Photis est malicieux et engageant et correspond à son
caractère déluré (cf. 2, 7: 31, 6 lepida... et dicacula puella). Cf. Ov. am. 3, 1, 33
(Elegia) limis subrisit ocellis; Plin. nat. 8, 52 (leones) dolis carent... nec limis intuentur
oculis; Quint. inst. 11, 3, 76 (oculi) quadam uoluptate suffusi aut limi et, ut sic dicam,
uenerii aut poscentes.
morsicantibus oculis: le verbe morsicare apparaît encore en 7, 21 (170, 8) imagi-
nem... sauii ore... improbo compulsat ac morsicat, où il est employé au sens propre. En
dehors d'Apul., ce fréquentatif de mordere n'est attesté que chez Fest. p. 60 L (s.v.
dagnades). Mattiacci 1986, 198 souligne la formation populaire en -ico et compare avec
Sueius carm. frg. 2 labellis morsicatim lusitant. Le verbe dépeint l'oeil pétillant de
l'espiègle Photis (voir notice précédente; cf. 3, 19: 66, 18 micantibus oculis), tout en
Chapitre 10
Carver 1997, 209 n. 48 signale une réminiscence de cette phrase dans un poème attribué à Sir Philip
1
Sidney: `Faint Amorist: what, do'st thou think / To tast Loves Honey, and not drink / One dram of
Gall? or to devour / A world of sweet, and to tast no sour?'.
poursuivant la métaphore érotico-culinaire engagée avec le superl. melitissimum (ligne 5).
Cf. 10, 22 (253, 22 s.) commorsicantibus oculis (de la matrone amoureuse de l'âne Lu-
cius), commorsicare est aussi un néologisme; voir Zimmerman-de Graaf 1992, 314 s.
ad loc., qui cite le beau commentaire de Beroaldus à notre passage, ainsi que celui d'Ou-
dendorp. Cf. Mart. 1, 96, 12 spectat oculis deuorantibus draucos / nec otiosis mentulas
uidet labris, avec Howell 307 s. ad loc. Comparer Plaut. Pseud. 67 teneris labellis molles
morsiunculae; Ov. am. 2, 19, 43; epist. 13, 30 pectora legitimus casta momordit amor.
Nethercut 1969, 100 établit un parallèle entre les morsicantibus oculis de Photis et les
sorcières de Thessalie qui demorsicant les cadavres (cf. 2, 21: 43, 8).
heus tu - contrahas: nouvel échange de paroles amoureuses entre Lucius et Photis
ba sur un langage métaphorique à double entente, fourmillant de réminiscences poétiques
(plautiniennes, notamment; cf. déjà 2, 7: 31, 1 ss.).1
heus tu: pour ce type d'interjections relevant de la langue familière, voir Bernhard
1927, 129 avec nombreux ex.
scolastice: OLD s.v. scholasticus 2b cite cette seule occurrence du terme `in quot.,
as a jocular address to someone young and inexperienced'. Selon Robertson 1910, 222, le
terme fait référence au statut d'étudiant de Lucius; cf. 1, 24 (22, 10 ss.) où le jeune
homme retrouve son condiscipulus Pythias, avec lequel il a étudié à Athènes; 3, 15 (63, 6
ss.), il est fait allusion à son éducation et à sa culture. Dans le même sens, peut-être,
Brandt-Ehlers traduisent `Pfiffikus' (`petit malin'). Mais Photis fait ici référence à l'inex-
périence amoureuse de Lucius (du même avis, Sandy 1997, 247). Cf. ce que le héros dit de
lui-même en 3, 19 (66, 16 s.) semper alioquin spretorem matronalium amplexuum. Compa-
rer Plaut. Merc. 976 nouus amator, uetus puer (ironique). Photis prend la pose d'une
experte ès sciences amoureuses. Son rôle est similaire à celui de Lycénion chez Longus 3,
17 ss., qui initie Daphnis aux mystères de l'amour. Mais Lucius n'est pas qu'un apprenti
galant, il est aussi un apprenti sorcier et c'est sur ce double sens que joue la phrase entière
(voir infra).
dulce et amarum gustulum: la métaphore de l'amour comme nourriture se poursuit
avec le topos de l'amour-fiel et miel (développé dans la suite de la phrase), que l'on
rencontre fréquemment chez Plaut.: cf. e.g. Cas. 223; Cist. 69 ss. an amare occipere
amarum est, obsecro? / - Namque ecastor amor et melle et felle est fecundissumus;/ gustui
dat dulce, amarum ad satietatem usque oggerit, avec Thamm 16 s. ad loc.; Poen. 394;
Pseud. 63 s. dulce amarumque una nunc misces mihi (à propos d'une lettre d'amour). Cf.
aussi Catull. 99, 1 s. surrupui tibi... sauiolum dulci dulcius ambrosia et 13 s. iam foret
illud / sauiolum tristi tristius elleboro; Ov. am. 1, 8, 104, avec McKeown 252 s. ad loc.;
mais déjà Sapph. 130, 2, avec Voigt 131 ad loc. Comparer encore Ach. Tat. 2, 7, 6 et
Longus 1, 18, 1 (des baisers doux comme le miel et piquants comme le dard d'une abeille).
Voir Otto 1988 ( 1890), 216 ss. Pour le topos du miel doux et écoeurant, cf. encore Apul.
1
flor. 18 (35, 2 s.; il n'est pas question là d'amour).
gustulum: sur ce néologisme attesté encore au seul livre 9, 33 (228, 10 s.), voir
GCA 1995, 283 ad loc. Ici, le diminutif, qui s'inscrit dans la métaphore filée de l'amour
comme nourriture, possède une valeur hypocoristique.
carpis: par la multiplicité de ses emplois, le verbe carpere convient au double sens
Chapitre 10
de cette phrase. A propos de nourriture, carpere se trouve e.g. chez Verg. ecl. 1, 77 s.; à
propos de baisers, e.g. chez Prop. 1, 20, 27; Ov. met. 4, 358 (OLD s.v. carpo 1b et 2c).
caue - contrahas: un `lecteur second' (pour cette notion, voir intro. 2. 2.) verra ici
davantage qu'une plaisanterie amoureuse, dans la mesure où c'est sa liaison avec Photis qui
conduira Lucius à être métamorphosé en âne. C'est la seconde fois que Photis met Lucius
en garde (cf. 2, 7: 31, 6 s., avec comm. ad loc.). Avant elle, Byrrhène avait déjà explici-
tement averti notre héros des dangers de la magie et de ses liens avec l'érotisme (cf. 2, 5:
28, 16 ss., avec comm. ad loc.). La phrase développe le topos de la phrase précédente.
nimia - amaritudinem: parallèle de construction (adj. - subst. compl. au gén. -
subst.), où les subst. dulcedine et amaritudinem reprennent les adj. dulce et amarum. Pour
l'emploi d'un subst. abstrait avec un subst. concret compl. au gén., voir Bernhard 1927,
96 ss. (emploi connu en latin classique, se développant en latin post-classique et tardif). Cf.
infra lignes 14 s. oris inhalatu et linguae inlisu.
nimia mellis dulcedine: cf. ligne 5 mellitissimum illud sauium. Pour le topos de la
douceur du miel, cf. dans les seules met. d'Apul. 2, 9 (32, 10); 4, 27 (96, 11); 5, 6 (108,
3 s.); 5, 15 (115, 7); 8, 22 (194, 18).
diutinam bilis amaritudinem: l'amertume qui résultera de ses amours avec Photis
sera en effet bien longue, puisque Lucius restera métamorphosé en âne pendant près d'une
année (voir van der Paardt 1978, 86). Dans les expressions proverbiales opposant miel et
fiel, on trouve d'ordinaire les termes mel et fel: voir les ex. cités s.v. dulce et amarum
gustulum; ThLL s.v. fel, 424, 19 ss. et s.v. bilis, 1987, 16 cite notre seul passage pour la
combinaison avec bilis (l. 52).
33, 10-13: `Quid istic', inquam, `est, mea festiuitas, cum sim paratus uel uno sauiolo
interim recreatus super istum ignem porrectus assari' et cum dicto artius eam complexus
coepi sauiari: `Qu'est-ce que cela', répondis-je, `ô ma joie, alors que je suis prêt - ne
serait-ce, si tu veux bien, que pour un seul petit baiser me rendant un instant à la vie - à
rôtir, étendu sur ton feu!' Et sur ces mots, je la serrai étroitement dans mes bras et me mis
à la couvrir de baisers.
Quid istic... mea festiuitas: comme celle de Photis, la réplique de Lucius abonde en
réminiscences plautiniennes (cf. 2, 11: 34, 1 ss., où Lucius répond encore à Photis en
usant du même langage métaphorique qu'elle). Pour la tournure quid istic (que l'on
retrouve en 9, 6: 206, 21; voir GCA 1995, 69 ad loc.), cf. Plaut. Epid. 141 quid istic
uerba facimus?; Rud. 1331; Trin. 573; et Ter. Andr. 572. Pour mea festiuitas, cf. Plaut.
Cas. 135 mea uita, mea mellilla, mea festiuitas et 577 quid agis, mea festiuitas?; Poen.
387 s. Pour ce type d'échos intertextuels `dans le registre verbal affectif des apostrophes
amoureuses - ou bien injurieuses', voir Callebat 1968, 499, avec ex. suppl.; 1994, 1641.
cum sum paratus: on trouvera chez Bernhard 1927, 15 s. de nombreux ex. de cette
position du verbe dans une subordonnée.
uel uno sauiolo: la particule uel renforce ici les nuances restrictives de unus et la
valeur minorative de sauiolus; voir OLD s.v. uel 6 `at any rate, even if only'. Cf. 6, 15
(139, 18) uel unam stillam; 9, 15 (214, 17) isto tamen uel unico solacio. La nuance origi-
nelle de uel (`veux-tu',`si tu veux': voir KSt 2, 2, 107s.; LHSz 2, 500 s.) est particulière-
ment sensible dans cette occurrence. Cf. la trad. de Hanson: `if you will revive me now
with one little kiss'.
sauiolo: le diminutif sauiolum apparaît encore en 7, 11 (162, 25 s.; voir GCA 1981,
1 / 11 100%
La catégorie de ce document est-elle correcte?
Merci pour votre participation!

Faire une suggestion

Avez-vous trouvé des erreurs dans linterface ou les textes ? Ou savez-vous comment améliorer linterface utilisateur de StudyLib ? Nhésitez pas à envoyer vos suggestions. Cest très important pour nous !