Apulée Mal-Maeder, Danielle Karin van

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Apulée
Mal-Maeder, Danielle Karin van
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1998
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Mal-Maeder, D. K. V. (1998). Apulée: Les métamorphoses Groningen: s.n.
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Chapitre 10
CHAPITRE 10
De câlineries en rendez-vous.
33, 3-5: Nec diutius quiui tantum cruciatum uoluptatis eximiae sustinere sed pronus in eam,
qua fine summum cacumen capillus ascendit, mellitissimum illud sauium impressi: Je ne pus
endurer plus longtemps l'insupportable torture de toute cette volupté et me penchant vers
elle, j'imprimai à l'endroit où ses cheveux remontent vers le sommet de la tête ce baiser
miellé, de tous le plus doux.
Noter l'accumulation d'adj. superlatifs et les homophonies (répétition du son -um-). Non
sans coquinerie, de Jonge 1941, 50 se demande: `potestne fieri ut Apuleius longa laudatione capillorum lectoris quoque animum intendere ac cruciare conatus sit, qui curiosus est
amores Lucii audire?'. L'impatience de Lucius est encore plus rudement mise à l'épreuve
(et plus crûment décrite) quelques ch. plus loin: cf. 2, 16 (38, 3 ss.).
Ce baiser est absent de l'Onos, de même que toute la scène qui suit (taquineries amoureuses et embrassades).
tantum cruciatum: hyperbole, renforcée par l'effet sonore des homéotéleutes.
cruciatum uoluptatis eximiae: voir Zimmerman-de Graaf 1992, 47 ad 10, 1 (236,
11 s.) propter eximiam impotentiam pour la combinaison de l'adj. eximius avec un subst.
désignant une qualité négative, une tournure attestée chez le seul Apul. Pour l'emploi de
cruciatus à propos d'agonie d'amour, ThLL s.v. cruciatus 1219, 1 s. cite comme seuls ex.
notre passage et 9, 18 (216, 16). Cf. encore dans une description des symptômes de la
maladie d'amour 10, 2 (237, 23). Comparer pour l'oxymoron 2, 2 (25, 8) cruciabili
desiderio, avec comm. ad loc.; 5, 6 (107, 13 s.) nec inter amplexus coniugales desinis cruciatum. Vallette note à sa trad. (p. 37): `On retrouve dans l'histoire de Psyché (V, XXVI,
5) cette idée d'une volupté si intense qu'elle devient une souffrance, tant en raison, comme
ici, de ce que s'y mêle de désir, que parce qu'elle dépasse en quelque sorte ce que les sens
ont la force de supporter'. La contemplation d'Isis au livre 11, 24 (286, 12) a un effet
similaire sur Lucius: inexplicabili uoluptate simulacri diuini perfruebar. Pour le thème
récurrent de la volupté, voir comm. ad 2, 17 (39, 12 s.); cf. ligne 19 nec uoluptas nostra
differetur; intro. 5. 8.
qua fine - impressi: comparer pour ce baiser dans la nuque Hor. carm. 2, 12, 25 s.
(cité infra p. 186).
summum cacumen: pour ce type d'expressions pléonastiques avec des adj. tels
summus, extremus ou ultimus, voir Bernhard 1927, 174 s. Autant qu'à `seiner Freude am
vollen Ausdruck', c'est souvent au goût d'Apul. pour les homophonies que de telles
tournures obéissent: ici, summum s'inscrit dans une succession d'adj. en -um. Comparer 8,
18 (191, 11) de summo cupressus cacumine (allitérations et assonances). La combinaison
est poétique, qui apparaît avant Apul. chez Lucr. 2, 1130; 5, 1457. Après Apul., cf.
Claud. 17, 61 (p. 131 Hall). ThLL s.v. cacumen 11, 64 s. cite ce seul ex. de la tournure à
propos de la tête.
capillus: sing. poétique, comme en 2, 9 (32, 7).
mellitissimum - impressi: allitérations et assonances traduisent la délicatesse du geste
(`un doux baiser savouré': Callebat 1968, 523). Cf. 4, 27 (95, 7); 6, 8 (133, 22 s.) ab
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ipsa Venere septem sauia suauia et unum blandientis adpulsu linguae longe mellitum; et
comparer Catull. 99, 1 s. surrupui tibi... mellite Iuuenti, / sauiolum dulci dulcius ambrosia; Anth. Graec. 5, 244, 6. L'adj. mellitus reprend la métaphore de l'amour comme nourriture, amplement développée dans la scène de la danse des casseroles (2, 7: 30, 12 ss.), où
il apparaît également (cf. 31, 3). En dehors de ce passage, le superlatif euphonique
(assonances en i) est attesté chez Fronto p. 63 vdH Fronto... mellitissime; CIL 6, 28, 120;
12, 1014 marito mellitissimo (ThLL s.v. mellitus 623, 5 ss.).
illud: Lütjohann 1873, 500 veut corriger cette leçon des mss. en illuc. Cette
correction est adoptée par van der Vliet, Giarratano et Scazzoso et approuvée par Wolterstorff 1917, 218. Médan 1925, 217 s. défend la leçon des mss. en avançant la théorie du
même Wolterstorff, selon lequel le pronom ille a pris chez Apul. valeur d'article. Contre
cette théorie, voir Löfstedt 1956, 358 ss. et Callebat 1968, 275 ss.; 1994, 1625. Robertson
commente dans son apparat: `de noto sauii genere loquitur'; voir déjà Beroaldus ad loc.:
`illud sauium uult intellegi illud dulcissimum, illud quod amator amicae ardenter infigit'.
Ille se rapporte souvent dans les met. à une entité (personne ou objet) déjà mentionnée dans
le récit, ou à une réalité extra-textuelle supposée connue du lecteur/auditeur: voir Callebat
1968, 278 s. Pour un ex. proche du nôtre, cf. 7, 8 (159, 27 s.) calceis femininis albis illis
et tenuibus indutus, avec GCA 1981, 133 s. ad loc.
sauium impressi: le mot sauium est un archaïsme fréquemment attesté chez les
comiques: voir van der Paardt 1971, 111 ad 3, 14 (62, 23: dans une scène d'amour entre
Lucius et Photis); GCA 1981, 220 ad 7, 21 (170, 7) citent Tränkle 1960, 126, selon lequel
le terme appartient à `l'ältere Umgangsprache'. Le verbe imprimere est encore employé à
propos de baisers en 5, 6 (108, 1) imprimens oscula suasoria; avant Apul., cf. Val. Max.
7, 3, 2 (osculum); Mart. 10, 42, 5 (basia).
33, 5-9: Tum illa ceruicem intorsit et ad me conuersa limis et morsicantibus oculis: `Heus
tu, scolastice' ait, `dulce et amarum gustulum carpis. Caue ne nimia mellis dulcedine
diutinam bilis amaritudinem contrahas': Elle, alors, inclinant la nuque, se retourna vers
moi, l'oeil canaille et mordillant: `Hé là, jeune écolier!', me dit-elle, `C'est un fruit doux
et amer que tu cueilles là. Prends garde que trop de la douceur de ce miel ne te donne l'amertume tenace de la bile.'
Comparer pour le mouvement de Photis sous le baiser de Lucius Hor. carm. 2, 12, 25 s.
cum flagrantia detorquet ad oscula / ceruicem aut facili saeuitia negat / quae poscente
magis gaudeat eripi, / interdum rapere occupet.
limis - oculis: le regard de Photis est malicieux et engageant et correspond à son
caractère déluré (cf. 2, 7: 31, 6 lepida... et dicacula puella). Cf. Ov. am. 3, 1, 33
(Elegia) limis subrisit ocellis; Plin. nat. 8, 52 (leones) dolis carent... nec limis intuentur
oculis; Quint. inst. 11, 3, 76 (oculi) quadam uoluptate suffusi aut limi et, ut sic dicam,
uenerii aut poscentes.
morsicantibus oculis: le verbe morsicare apparaît encore en 7, 21 (170, 8) imaginem... sauii ore... improbo compulsat ac morsicat, où il est employé au sens propre. En
dehors d'Apul., ce fréquentatif de mordere n'est attesté que chez Fest. p. 60 L (s.v.
dagnades). Mattiacci 1986, 198 souligne la formation populaire en -ico et compare avec
Sueius carm. frg. 2 labellis morsicatim lusitant. Le verbe dépeint l'oeil pétillant de
l'espiègle Photis (voir notice précédente; cf. 3, 19: 66, 18 micantibus oculis), tout en
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poursuivant la métaphore érotico-culinaire engagée avec le superl. melitissimum (ligne 5).
Cf. 10, 22 (253, 22 s.) commorsicantibus oculis (de la matrone amoureuse de l'âne Lucius), où commorsicare est aussi un néologisme; voir Zimmerman-de Graaf 1992, 314 s.
ad loc., qui cite le beau commentaire de Beroaldus à notre passage, ainsi que celui d'Oudendorp. Cf. Mart. 1, 96, 12 spectat oculis deuorantibus draucos / nec otiosis mentulas
uidet labris, avec Howell 307 s. ad loc. Comparer Plaut. Pseud. 67 teneris labellis molles
morsiunculae; Ov. am. 2, 19, 43; epist. 13, 30 pectora legitimus casta momordit amor.
Nethercut 1969, 100 établit un parallèle entre les morsicantibus oculis de Photis et les
sorcières de Thessalie qui demorsicant les cadavres (cf. 2, 21: 43, 8).
heus tu - contrahas: nouvel échange de paroles amoureuses entre Lucius et Photis
basé sur un langage métaphorique à double entente, fourmillant de réminiscences poétiques
(plautiniennes, notamment; cf. déjà 2, 7: 31, 1 ss.).1
heus tu: pour ce type d'interjections relevant de la langue familière, voir Bernhard
1927, 129 avec nombreux ex.
scolastice: OLD s.v. scholasticus 2b cite cette seule occurrence du terme `in quot.,
as a jocular address to someone young and inexperienced'. Selon Robertson 1910, 222, le
terme fait référence au statut d'étudiant de Lucius; cf. 1, 24 (22, 10 ss.) où le jeune
homme retrouve son condiscipulus Pythias, avec lequel il a étudié à Athènes; 3, 15 (63, 6
ss.), où il est fait allusion à son éducation et à sa culture. Dans le même sens, peut-être,
Brandt-Ehlers traduisent `Pfiffikus' (`petit malin'). Mais Photis fait ici référence à l'inexpérience amoureuse de Lucius (du même avis, Sandy 1997, 247). Cf. ce que le héros dit de
lui-même en 3, 19 (66, 16 s.) semper alioquin spretorem matronalium amplexuum. Comparer Plaut. Merc. 976 nouus amator, uetus puer (ironique). Photis prend la pose d'une
experte ès sciences amoureuses. Son rôle est similaire à celui de Lycénion chez Longus 3,
17 ss., qui initie Daphnis aux mystères de l'amour. Mais Lucius n'est pas qu'un apprenti
galant, il est aussi un apprenti sorcier et c'est sur ce double sens que joue la phrase entière
(voir infra).
dulce et amarum gustulum: la métaphore de l'amour comme nourriture se poursuit
avec le topos de l'amour-fiel et miel (développé dans la suite de la phrase), que l'on
rencontre fréquemment chez Plaut.: cf. e.g. Cas. 223; Cist. 69 ss. an amare occipere
amarum est, obsecro? / - Namque ecastor amor et melle et felle est fecundissumus;/ gustui
dat dulce, amarum ad satietatem usque oggerit, avec Thamm 16 s. ad loc.; Poen. 394;
Pseud. 63 s. dulce amarumque una nunc misces mihi (à propos d'une lettre d'amour). Cf.
aussi Catull. 99, 1 s. surrupui tibi... sauiolum dulci dulcius ambrosia et 13 s. iam foret
illud / sauiolum tristi tristius elleboro; Ov. am. 1, 8, 104, avec McKeown 252 s. ad loc.;
mais déjà Sapph. 130, 2, avec Voigt 131 ad loc. Comparer encore Ach. Tat. 2, 7, 6 et
Longus 1, 18, 1 (des baisers doux comme le miel et piquants comme le dard d'une abeille).
Voir Otto 1988 (11890), 216 ss. Pour le topos du miel doux et écoeurant, cf. encore Apul.
flor. 18 (35, 2 s.; il n'est pas question là d'amour).
gustulum: sur ce néologisme attesté encore au seul livre 9, 33 (228, 10 s.), voir
GCA 1995, 283 ad loc. Ici, le diminutif, qui s'inscrit dans la métaphore filée de l'amour
comme nourriture, possède une valeur hypocoristique.
carpis: par la multiplicité de ses emplois, le verbe carpere convient au double sens
1
Carver 1997, 209 n. 48 signale une réminiscence de cette phrase dans un poème attribué à Sir Philip
Sidney: `Faint Amorist: what, do'st thou think / To tast Loves Honey, and not drink / One dram of
Gall? or to devour / A world of sweet, and to tast no sour?'.
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de cette phrase. A propos de nourriture, carpere se trouve e.g. chez Verg. ecl. 1, 77 s.; à
propos de baisers, e.g. chez Prop. 1, 20, 27; Ov. met. 4, 358 (OLD s.v. carpo 1b et 2c).
caue - contrahas: un `lecteur second' (pour cette notion, voir intro. 2. 2.) verra ici
davantage qu'une plaisanterie amoureuse, dans la mesure où c'est sa liaison avec Photis qui
conduira Lucius à être métamorphosé en âne. C'est la seconde fois que Photis met Lucius
en garde (cf. 2, 7: 31, 6 s., avec comm. ad loc.). Avant elle, Byrrhène avait déjà explicitement averti notre héros des dangers de la magie et de ses liens avec l'érotisme (cf. 2, 5:
28, 16 ss., avec comm. ad loc.). La phrase développe le topos de la phrase précédente.
nimia - amaritudinem: parallèle de construction (adj. - subst. compl. au gén. subst.), où les subst. dulcedine et amaritudinem reprennent les adj. dulce et amarum. Pour
l'emploi d'un subst. abstrait avec un subst. concret compl. au gén., voir Bernhard 1927,
96 ss. (emploi connu en latin classique, se développant en latin post-classique et tardif). Cf.
infra lignes 14 s. oris inhalatu et linguae inlisu.
nimia mellis dulcedine: cf. ligne 5 mellitissimum illud sauium. Pour le topos de la
douceur du miel, cf. dans les seules met. d'Apul. 2, 9 (32, 10); 4, 27 (96, 11); 5, 6 (108,
3 s.); 5, 15 (115, 7); 8, 22 (194, 18).
diutinam bilis amaritudinem: l'amertume qui résultera de ses amours avec Photis
sera en effet bien longue, puisque Lucius restera métamorphosé en âne pendant près d'une
année (voir van der Paardt 1978, 86). Dans les expressions proverbiales opposant miel et
fiel, on trouve d'ordinaire les termes mel et fel: voir les ex. cités s.v. dulce et amarum
gustulum; ThLL s.v. fel, 424, 19 ss. et s.v. bilis, 1987, 16 cite notre seul passage pour la
combinaison avec bilis (l. 52).
33, 10-13: `Quid istic', inquam, `est, mea festiuitas, cum sim paratus uel uno sauiolo
interim recreatus super istum ignem porrectus assari' et cum dicto artius eam complexus
coepi sauiari: `Qu'est-ce que cela', répondis-je, `ô ma joie, alors que je suis prêt - ne
serait-ce, si tu veux bien, que pour un seul petit baiser me rendant un instant à la vie - à
rôtir, étendu sur ton feu!' Et sur ces mots, je la serrai étroitement dans mes bras et me mis
à la couvrir de baisers.
Quid istic... mea festiuitas: comme celle de Photis, la réplique de Lucius abonde en
réminiscences plautiniennes (cf. 2, 11: 34, 1 ss., où Lucius répond encore à Photis en
usant du même langage métaphorique qu'elle). Pour la tournure quid istic (que l'on
retrouve en 9, 6: 206, 21; voir GCA 1995, 69 ad loc.), cf. Plaut. Epid. 141 quid istic
uerba facimus?; Rud. 1331; Trin. 573; et Ter. Andr. 572. Pour mea festiuitas, cf. Plaut.
Cas. 135 mea uita, mea mellilla, mea festiuitas et 577 quid agis, mea festiuitas?; Poen.
387 s. Pour ce type d'échos intertextuels `dans le registre verbal affectif des apostrophes
amoureuses - ou bien injurieuses', voir Callebat 1968, 499, avec ex. suppl.; 1994, 1641.
cum sum paratus: on trouvera chez Bernhard 1927, 15 s. de nombreux ex. de cette
position du verbe dans une subordonnée.
uel uno sauiolo: la particule uel renforce ici les nuances restrictives de unus et la
valeur minorative de sauiolus; voir OLD s.v. uel 6 `at any rate, even if only'. Cf. 6, 15
(139, 18) uel unam stillam; 9, 15 (214, 17) isto tamen uel unico solacio. La nuance originelle de uel (`veux-tu',`si tu veux': voir KSt 2, 2, 107s.; LHSz 2, 500 s.) est particulièrement sensible dans cette occurrence. Cf. la trad. de Hanson: `if you will revive me now
with one little kiss'.
sauiolo: le diminutif sauiolum apparaît encore en 7, 11 (162, 25 s.; voir GCA 1981,
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155 ad loc.). Avant Apul., le terme est attesté chez un autre poète du baiser: cf. Catull.
99, 2 (cité supra s.v. dulce et amarum gustulum) et 14.
interim: oppose le baiser présent à la punition future. Vallette traduit: `pour un seul
baiser qui m'aura rendu la vie, à me laisser rôtir ensuite'.
recreatus: le part. engage la métaphore de la mort d'amour que Lucius utilise
gaiement dans une mise en scène de chantage amoureux: cf. lignes 16 s. pereo... perii. On
le retrouve dans un contexte amoureux en 8, 10 (185, 5 s.); voir aussi comm. ad 2, 11 (34,
13) respiciens... Fotidem inibi recreabar animi.
super - assari: reprise des métaphores érotico-culinaires et de celles de la brûlure
d'amour employées plus tôt: voir comm. ad 2, 7 (31, 2 ss.).
istum ignem: le pronom démonstratif souligne le double sens du terme ignis,
désignant à la fois le fourneau sur lequel Photis cuisine et ses pudenda. Voir comm. ad 2,
7 (31, 7) foculo.
assari: ce verbe, correspondant au grec ÏBJä et qui désigne une cuisson rôtie par
opposition à une cuisson bouillie (cf. e.g. Gloss. 3, 597, 39 assatum sine aqua coctum), est
attesté ici pour la première fois. On le rencontre ensuite fréquemment chez les auteurs
tardifs et chrétiens (voir ThLL s.v. asso 903, 81 ss.).
et cum dicto - sauiari: cf. Ach. Tat. 2, 7, 7 6"Â žµ" 8X(T< J¬< P,ÃD"
$4"4`J,D@< B,D4X$"88@< 6"Â ¦N\8@L< ¦8,L2,D4fJ,D@<. La ressemblance entre ces
deux passages est d'autant plus frappante qu'il s'agit aussi d'un débat amoureux entre le
héros Clitophon et son aimée Leucippé. Dans les lignes précédentes, Clitophon remarquait
à propos des baisers de Leucippé qu'ils étaient aussi doux que le miel, mais plus piquants
que le dard d'une abeille (cf. supra s.v. dulce et amarum gustulum). Voir aussi notice
initiale suivante.
Pour cette conjonction d'embrassements et de baisers, cf. dans les seules met. 1, 24 (22, 13
s.); 2, 13 (36, 2); 5, 7 (108, 21 s.). Ces mots constituent avec la description du baiser qui
suit une manière de réponse à un passage de Lucr. 4, 1079 ss., où le poète dépeint de
manière négative les élans furieux de la passion amoureuse: quod petiere, premunt arte
faciuntque dolorem / corporis et dentes inlidunt saepe labellis, / osculaque adfligunt, quia
non est pura uoluptas (voir infra s.v. aemula - mecum et s.v. inlisu). Cet aspect négatif est
absent de notre passage. Autre réminiscence de Lucr. sous-jacente à la description des
embrassements de Lucius et Photis, le passage dans lequel le poète décrit la réciprocité du
désir charnel chez l'homme et la femme: cf. 4, 1192 ss. nec mulier semper ficto suspirat
amore, / quae complexa uiri corpus cum corpore iungit, / et tenet adsuctis umectans oscula
labris (voir infra s.v. mutua uoluntate [ligne 19] et fortiter et ex animo [ligne 22]).
et cum dicto: l'une des tournures favorites d'Apul. permettant un enchaînement
rapide du récit (voir Bernhard 1927, 50); cf. 2, 5 (28, 12); 2, 24 (44, 24); 2, 28 (48, 7).
33, 13-16: Iamque aemula libidine in amoris parilitatem congermanescenti mecum, iam
patentis oris inhalatu cinnameo et occursantis linguae inlisu nectareo prona cupidine
adlibescenti: Bientôt, rivalisant d'ardeur, son amour s'unissait au mien pour l'égaler;
bientôt, le souffle embaumé de sa bouche entrouverte et le glissement suave de sa langue
qui venait à ma rencontre la montraient consentante, pleine d'ardente convoitise.
Construction `à retardement', où trois groupes-compl. à l'abl. précèdent le groupe-sujet
(prona, s.e. erat), lui-même suivi d'un dernier compl. à l'abl. faisant écho à aemula
libidine. Cf. Petron. 132, 1 iam pluribus osculis labra crepitabant, iam implicitae manus
Chapitre 10
omne genus amoris inuenerant, iam alligata mutuo ambitu corpora animarum quoque
mixturam fecerant. La précision détaillée qui résulte de ce découpage en séquences
successives (iamque... iam... et) n'est pas sans évoquer la discussion `scientifique' sur le
baiser, sur son fonctionnement et ses effets chez Ach. Tat. 2, 37, 8 ss. Là aussi, on trouve
la mention de l'éveil du désir chez la femme embrassée, celui de son souffle et du choc des
langues. Comparer aussi Lucr. 4, 1192 ss. (cité ci-dessus) et les ex. cités infra s.v.
occursantis - nectareo. L'éveil du désir chez Photis trouve un parallèle dans le récit
d'Amour et Psyché: cf. Apul. met. 5, 23 (121, 6 ss.) magis magisque cupidine fraglans
Cupidinis, prona in eum efflictim inhians, patulis ac petulantibus sauiis festinanter ingestis.
Sur le thème du désir dans les met. (en part. du désir sexuel), voir Shumate 1988, 42 ss.;
1996a, 216 ss.
aemula - mecum: noter l'accumulation de termes exprimant l'équivalence de la
force du désir de Lucius et Photis. De ce point de vue, la description de cette embrassade
s'oppose à celle que l'on trouve chez Lucr. 4, 1079 ss., où le baiser est arraché avec
violence. Cf. en revanche Lucr. 4, 1192 ss. (supra), où le poète décrit l'éveil du désir chez
la femme embrassée. Voir également infra s.v. mutua uoluntate (ligne 19) et fortiter et ex
animo (ligne 22).
congermanescenti: avant Apul., ce verbe n'est attesté que chez Quadrig. hist. 93,
où il possède le sens de `coalescere', `coniungi'. Cf. aussi Varro frg. Non. p. 129 L, où
l'on trouve le part.-adj. congermanatus. La correction de Jordan 1879, 354 congerminascenti n'est pas nécessaire. Voir LHSz 1, 553 s. pour la formation de ce types d'intensifs.
L'emploi de ce verbe rare dans notre contexte s'explique peut-être par réminiscence du
baiser chez Ov. am. 2, 5, 23 ss. inproba tum uero iungentes oscula uidi... qualia non fratri
tulerit germana seuero.
patentis - nectareo: parallèle de construction renforcé par les homéotéleutes et par
l'équivalence rythmique (13 syllabes - et - 13 syllabes). Noter encore l'usage de subst. abstraits accompagnés d'un subst. concret au gén. (oris inhalatu/linguae inlisu), comme plus
haut mellis dulcedine/bilis amaritudinem (33, 8 s.). Cf. Anth. Graec. 5, 305 <X6J"D §0<
JÎ N\80µ", JÎ (•D FJ`µ" <X6J"D@H §B<,4.
patentis - cinnameo: cf. 5, 23 (121, 7 s.) patulis ac petulantibus sauiis; Ach. Tat.
2, 37, 8 F× *¥ µ,\.@<" B@4,ÃH J¬< º*@<¬< •<@\(T< J• N48Zµ"J".
oris inhalatu: le terme inhalatus est un hapax. En combinaison avec oris pour
désigner l'haleine de la bouche, on trouve d'ordinaire halitus (cf. e.g. Plin. nat. 20, 186 et
23, 93; Juv. 10, 238) ou anhelitus (cf. Ov. ars 1, 519 neque male odorati sit tristis
anhelitus oris). L'emploi de inhalatus s'explique d'une part par les réminiscences littéraires
(outre le passage d'Ov. précité, cf. e.g. Tib. 1, 8, 37 [infra]; Stat. silv. 3, 5, 31 oscula
anhela; Calpurn. 3, 35), et, d'autre part, par une recherche d'euphonie caractéristique du
style d'Apul. Comme l'observe Facchini Tosi 1986, 131, inhalatu est en correspondance
avec inlisu. Cf. 2, 5 (29, 3), où le part. inhalatis (unique) est employé pour des raisons
similaires.
cinnameo: cet adj. attesté pour la première fois chez Apul. se rencontre encore en
5, 13 (113, 21); 8, 9 (184, 15 s.) odor cinnameus ambrosei corporis (GCA 1985, 101 ad
loc. signalent qu'on le rencontre ensuite chez le seul Auson. 18, 17 [p. 154 Prete]); 10, 29
(260, 11). Cf. 2, 8 (32, 5) cinnama fraglans (Venus). Comme plus bas nectareus, l'adj.
cinnameus qualifiant les baisers de Photis la hissent au rang de la déesse d'amour, ce qui
relève des conventions de la poésie amoureuse; voir aussi ligne 16 propitiaris; comm. ad 2,
Chapitre 10
17 (38, 15 ss.); appendice 1.
occursantis - nectareo: pour ce `french-kiss' (6"J"(8fJJ4Fµ" et 6"J"(8TJJ\.T:
cf. Ar. Nu. 51; Th. 131), cf. Apul. met. 6, 8 (133, 21 s.) accepturus... ab ipsa Venere
septem sauia suauia et unum blandientis adpulsu linguae longe mellitum, avec Kenney
1990, 200 ad loc.; Anth. Lat. 712, 6 s. (attribué à Apul.: voir Mattiacci 1985, 267) olli
purpurea delibantes oscula / clemente morsu rosea labella uellicent (Riese lit labia); Plaut.
Poen. 1235 dato mihi pro offa sauium, pro osse linguam obicito; Tib. 1, 8, 37 et dare
anhelanti pugnantibus umida linguis / oscula, et in collo figere dente notas, avec Murgatroyd 245 ad loc.; Ov. am. 2, 5, 23 ss. (cité s.v. congermanescenti) et 57 s.; 3, 7, 9 s. Sur
ce motif poétique et sa continuation au Moyen âge et à la Renaissance, voir Perella 1969,
189 s.
inlisu: l'emploi de ce subst. par ailleurs rare (avant Apul., il n'est attesté que chez
Plin. et Sil: voir ThLL s.v. 384, 28 ss.) dans un tel contexte est unique. Peut-être s'agit-il
d'une réminiscence de Lucr. 4, 1079 ss. (cité ci-dessus p. 189), où l'on trouve le verbe
inlidunt. Mais alors que chez le poète, le baiser est obtenu par violence, Photis est on ne
peut plus consentante.
nectareo: avant Apul., l'adj. nectareus n'est attesté qu'en poésie. Cf. encore 5, 3
(105, 8) à propos de vin; 5, 30 (127, 23) à propos d'une source; flor. 20 (41, 5) à propos
de philosophie. Selon le matériel du ThLL à Munich, on le rencontre ensuite en prose chez
le seul Zeno. Comparer Anth. Graec. 5, 305 (s.v. patentis - nectareo). Cf. Hor. carm. 1,
13, 15 s. oscula, quae Venus / quinta parte sui nectaris imbuit. Facchini Tosi 1986, 138
souligne les correspondances euphoniques entre nectareo et cinnameo (supra): homéotéleutes, même nombre de syllabes et même a tonique.
prona: pour cet emploi absolu de l'adj. (`disposed to act, eager, willing': OLD s.v.
6b), cf. 3, 14 (62, 22) prona libidine (de Photis, sensible aux câlineries de Lucius).
Comparer Ov. fast. 1, 397 Panes et in Venerem satyrorum prona iuuentus. Pour ce type
d'ellipse du verbe, voir Bernhard 1927, 157 ss. (tour présent dans toute la latinité, limité
chez Apul. à quelques passages se caractérisant par une recherche de pathos).
adlibescenti: sur le verbe adlibescere attesté avant Apul. chez le seul Plaut. Mil.
1004, voir GCA 1981, 155 s. ad 7, 11 (162, 25 s.) non numquam basiare uolenti promptis
sauiolis adlubescebat. Cf. aussi 9, 3 (205, 4), où il présente la même orthographe que dans
notre passage.
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33, 16-17: `Pereo', inquam, `immo iam dudum perii, nisi tu propitiaris': `Je meurs', lui
dis-je, `ou pire, je suis déjà un homme mort si tu ne te montres pas propice!'
Lucius émettra une supplique du même genre le soir (cf. 2, 16: 38, 7 ss.). Comparer les
mots par lesquels se clôt la prière de Lucius à Isis au livre 11, 2 (267, 25), où, de façon
similaire, le héros demande à la déesse de le sauver: mori saltem liceat, si non licet uiuere;
voir notice suivante.
Pereo - perii: reprise de la métaphore de mort amoureuse, déjà engagée plus haut
avec l'adj. recreatus (ligne 11); cf. plus loin 2, 17 (39, 4) occide moriturus. Même image
e.g. en 10, 3 (238, 24; voir Zimmerman-de Graaf 1992, 94 ad loc.); Verg. ecl. 8, 41 ut
uidi, ut perii, ut me malus abstulit error; 10, 10; Ov. epist. 12, 33 s., etc. L'exclamation
évoque en part. l'univers de la comédie: on ne compte pas les occurrences de perii! chez
Plaut. ou Ter. Cf. e.g. Plaut. Most. 536 nunc pol ego perii plane in perpetuum modum;
avec répétition du verbe, Truc. 707 pereo; si non peream, plane <peri>erim, avec Enk
161 ad loc.; Ter. Haut. 404 disperii! perii misera!
propitiaris: de Jonge 1941, 53 paraphrase: `propitia sis'. Dans les met., le verbe
propitiare (à l'act. ou au pass.) est généralement réservé aux divinités: cf. 2, 31 (50, 25 s.)
du deus Risus; 4, 29 (98, 1) et 10, 32 (263, 10): de Vénus; 6, 1 (129, 5): d'Eros; 11, 2
(267, 15), 11, 9 (273, 8) et 11, 26 (287, 29): d'Isis. Cf. aussi cette réponse d'Isis à la
prière de Lucius: absum fauens et propitia (11, 5: 270, 3). Ainsi, Lucius s'adresse à Photis
comme à une déesse: voir supra s.v. cinnameo.
33, 17-20: Ad haec illa rursum me deosculato: `Bono animo esto', inquit, `nam ego tibi
mutua uoluntate mancip[i]ata sum nec uoluptas nostra differetur ulterius, sed prima face
cubiculum tuum adero: A ces mots, me couvrant à nouveau de baisers, elle me répondit:
`Aie bon courage! Tes désirs sont les miens et je suis ton esclave. Nos plaisirs ne seront
pas longtemps différés: à l'heure où on allume le premier flambeau, je serai dans ta
chambre.
me deosculato: cf. 2, 16 (37, 20) me pressim deosculato (par Photis, encore une
fois), avec comm. ad loc. Le part. deosculatus est attesté pour la première fois avec sens
passif chez Apul. (Callebat 1968, 297; GCA 1977, 90 ad 4, 11: 83, 3, avec litt. suppl.).
Avant Apul., deosculari est attesté chez le seul Plaut. Cas. 136, 453 et 467. Callebat 1968,
515 estime (contra Bernhard 1927, 121 qui traite des verbes composés ressortissant à la
langue vulgaire) que la qualité intensive du verbe est toujours sensible dans les ex. des met.
où il apparaît.
bono animo esto... nam... ne... sed: Callebat 1968, 111 cite cette phrase comme
ex. de phrase `à rallonges', `expression spontanée, non logiquement ordonnée et répugnant à la subordination, du parler familier'; opinion similaire chez Mattiacci 1986, 199.
Cf. pour un autre cas (également introduit par un impér.) 2, 21 (43, 6 ss.).
bono animo esto: un impér. de plus dans les réparties de Photis: voir comm. ad 2, 7
(31, 6 s.); infra ligne 21 abi... ac te compara. L'expression bono animo esto réapparaît en
4, 27 (96, 5 s.); cf. aussi bono animo es en 3, 23 (69, 21: Photis à Lucius, après que
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le jeune homme l'a suppliée de l'initier à des mystères d'un autre type, les arts magiques)
et en 7, 12 (163, 9 s.): GCA 1981, 161 ad loc. signalent la connotation plautinienne de la
tournure.
tibi - mancip[i]ata sum: OLD s.v. mancipo cite cette occurrence sous 2 (transf.) `to
make over, surrender'. Dans la bouche de cette esclave spirituelle, le verbe est cependant
revêtu de sa signification première (1 `to dispose of by mancipium... transfer, sell'). A
propos d'esclaves, cf. e.g. Tac. ann. 2, 30, 3 (ThLL s.v. mancipo 257, 20 ss.). Ainsi,
Photis se vend elle-même à un autre maître et se trouve `divisa tra i servizi diurni ai vecchi
padroni di casa e in notturni servizi al nuovo signore di letto' (Gianotti 1986, 11). Si, dans
ce débat amoureux, l'esclave Photis se déclare le mancipium de Lucius (OLD s.v.
mancipium 3 `a slave'), c'est par jeu avec la métaphore de l'amour-esclavage (cf. e.g. Tib.
2, 4, 1 ss.; Prop. 1, 4, 4; 3, 25, 3, etc.; voir Murgatroyd 1981). Plus loin dans le roman,
les rôles seront renversés et c'est Lucius qui se déclarera l'esclave de Photis: cf. 3, 19 (66,
17 ss.) tuis istis... hiantibus osculis et fraglantibus papillis in seruilem modum addictum
atque mancipatum teneas uolentem, avec van der Paardt 1971, 148 ad loc.; 3, 22 (68, 26).
Pour l'emploi métaphorique de cette terminologie légale dans les met., voir Keulen 1997,
208 ss. Ailleurs, on trouve le verbe mancipare dans un contexte sexuel: cf. 2, 29 (49, 10
s.) et 9, 14 (213, 23) avec GCA 1995, 141 ad loc.
uoluptas: voir supra p. 185 s.v. cruciatum uoluptatis eximiae. Comparer la
promesse plus vague d'un fils à sa belle-mère amoureuse: pollice[re]tur... impendio suadet,
donec... liberum uoluptati concederetur spatium (10, 4: 239, 4 ss.).
mutua uoluntate: cf. le passage de 3, 19 (66, 18 ss.) cité ci-dessus, où l'on trouve le
part. uolentem; 3, 20 (67, 12 s.) sic nobis garrientibus libido mutua et animo<s> simul et
membra suscitat (de Photis et Lucius); 7, 11 (162, 27). L'expression rappelle Lucr. 4,
1192 ss. décrivant la réciprocité du désir charnel chez l'homme et la femme: cf. v. 1201
nonne uides etiam quos mutua saepe uoluptas / uinxit, ut in uinclis communibus excrucientur? et v. 1208 quare etiam atque etiam, ut dico, est communi' uoluptas; voir aussi
infra s.v. fortiter et ex animo; supra s.v. aemula - mecum.
prima face: cf. Cens. 24, 6 post id (sc. crepusculum) sequitur tempus quod dicimus
`luminibus accensis', antiqui `prima face' dicebant; Serv. Aen. 3, 587 noctis septem
tempora ponuntur:... fax, quo lumina incenduntur; et déjà Gell. 3, 2, 11 et 18, 1, 16.
Selon Trembley 1981, 110, la description des amours de Lucius et Photis singe la cérémonie matrimoniale (`the love-scene... perverts the setting of a Roman marriage') et l'expression prima face fait allusion à la torche nuptiale allumée lors de la deductio de nouvelle
épouse à la maison de son mari (cf. e.g. Plaut. Cas. 118 lucebis nouae nuptae facem;
Verg. ecl. 8, 29; Fest. p. 283 L s.v. patrimi et matrimi pueri pour cette coutume lors des
cérémonies de mariage). Une telle interprétation ne trouve que peu de support dans le
texte.
cubiculum... adero: l'emploi de adesse avec l'acc. sans prép. n'est pas attesté avant
Apul. Outre notre passage, cf. 5, 5 (106, 18 s.) scopulum... aderunt. Après Apul., ThLL
s.v. assum 917, 67 ss. cite le seul Itin. Alex. 38.
33, 21-22: Abi ergo ac te compara, tota enim nocte tecum fortiter et ex animo proeliabor.':
Va-t-en donc et tiens-toi prêt! Car c'est toute la nuit que, vaillamment et de bon coeur, je
me battrai avec toi.'
Photis met le point final à cet échange amoureux en usant, une fois de plus, d'un langage
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impératif témoignant de sa position dominante dans le couple: voir supra ligne 8 caue;
ligne 18 bono animo esto; 2, 7 (31, 6 s.) discede... discede. Ici, elle prend le rôle d'un
général exhortant un soldat. Ce langage militaire se poursuivra dans le passage mettant en
scène leurs amours nocturnes, où Photis domine la situation, au propre comme au figuré:
cf. 2, 17 (39, 1 s.), avec comm. ad loc.; cf. déjà 2, 6 (29, 22 ss. et 30, 11). Ces militiae
amoris seront remplacés au livre 11 par les sanctae militiae de la religion isiaque: cf. 11,
15 (277, 25 ss.); appendice 1.
compara: comparare apparaît souvent dans un contexte militaire; cf. e.g. Val. Max.
1, 7, ext. 8. Sans doute y a-t-il ici un jeu de mots, où ce composé de parare évoque
l'emploi de paratus au sens érotique (cf. e.g. Catull. 15, 12; Ov. fast. 1, 437 deus (sc.
Priapus) obscena nimium quoque parte paratus; Priap. 46, 7). Vorberg 1965, 99 (11929)
cite en outre l'emploi du mot compar, aris pour désigner l'un des deux amants dans un
couple: cf. e.g. Hor. carm. 2, 5, 2; Ov. ars 3, 359 bellatorque sua prensus sine conpare
bellat. Comparer Cic. fin. 2, 116 artifex callidus comparandarum uoluptatum.
tota... nocte: de fait, cf. 2, 17 (39, 10 s.) his et huius modi conluctationibus ad
confinia lucis usque peruigiles egimus.
fortiter et ex animo: redoublement emphatique, mais certainement pas exagéré: voir
notice précédente. L'expression n'est pas pléonastique, ex animo faisant aussi référence au
bon coeur de Photis, brûlant sincèrement de désir pour Lucius. Pour ce dernier sens (=
spontanément), cf. Lucr. 4, 1195 nam facit ex animo saepe et communia quaerens / gaudia
sollicitat spatium decurrere amoris, dans un passage décrivant l'éveil mutuel du désir chez
l'homme et la femme (voir supra s.v. mutua uoluntate); Ov. am. 2, 5, 51; ars 3, 472.
Pour de telles variations de construction, cf. Apul. met. 4, 22 (91, 12 s.) adfatim et sine
ulla mensura (GCA 1977, 167 ad loc. estiment que la variation est fonctionnelle); 9, 5
(206, 16 s.) pernox et per diem, avec GCA 1995, 67 ad loc., etc.; Bernhard 1927, 151
(trait caractéristique du latin post-classique).
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