Article de synthèse
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Accompagnement psychologique
dans le cadre du Plan Cancer
D. Staquet, psychologue et psychothérapeute
Orientation Systémique - Suivi Individuel - Couple et Famille.
I.S.P.P.C - C.H.U. de Charleroi.
MOTS CLÉS : Plan Cancer, Oncologie, Psychologie, Accompagnement,
Patients, Famille, Soignants
T
ravailler en tant que psychologue en oncologie signifie accompagner les
personnes atteintes d’un cancer, leurs proches (familles, amis), collaborer
avec divers intervenants (oncologues, radiothérapeutes, chirurgiens, assistants
sociaux, infirmières de coordination, diététiciens, kinés, logopèdes, etc.) mais aus-
si travailler côte à côte avec la souffrance et la mort.
J
e travaille en oncologie et plus particulièrement dans les services de
Pneumologie, de Maxillo-faciale et d’ORL.
J’essaie essentiellement de rencontrer
la majorité des patients et de leurs proches qui viennent de plonger
dans l’univers compliqué et traumatique du cancer.
Le Plan Cancer
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L
e 10 mars 2008, le premier Plan Pluriannuel de Lutte Contre le Cancer voyait le
jour. Il était le fruit d’une vaste consultation organisée en tables rondes, visites sur le
terrain et contacts avec les acteurs de la lutte contre le cancer.
Le Plan Cancer (PC), mis sur pied, a ouvert un champ de possibilités et de propositions
incroyables tant au niveau médical qu’au niveau psychosocial dès 2008.
Différents appels à projets ont été lancés afin d’améliorer la situation des malades chroni-
ques tant en termes de prévention et de dépistage, de soins, de traitements et de soutien
aux patients et à leurs proches qu’au niveau de la recherche, des technologies innovan-
tes et de l’évaluation (les 3 grands axes sur lesquels s’articule le Plan Cancer).
L
’Axe 2 du PC (action 22, qui concerne la possibilité d’offrir un soutien psychologique
pour les patients et leur famille) a pour objectif :
O
n ne peut donc «ignorer l’importance de l’enjeu du cancer dans notre socié-
té» (Service Public Fédéral, Plan Cancer, 2008). Selon les chiffres indiqués dans
cette circulaire (Etats de lieux, mars 2011), on enregistre actuellement plus ou moins
60000 nouveaux cas de cancers par an en Belgique et, compte tenu du vieillissement de
notre population, les prévisions de la Fondation Registre du Cancer indiquent que ce chif-
fre devrait encore s’accroître de 10% d’ici 2015.
P
ar ailleurs, l’Action 7 du PC a pour titre « Soutien spécifique au moment de l’an-
nonce du diagnostic de cancer au patient ». C’est-à-dire que le PC prévoyait,
dès 2008, la création d’une nouvelle nomenclature pour une consultation de longue du-
rée pour le temps de l’annonce par le médecin ainsi que la formation des professionnels
à la communication au patient et aux proches voire même la réalisation d’un dispositif
d’annonce élaboré par un groupe d’experts et d’associations de patients.
C’est dire l’importance que revêt l’annonce du diagnostic de cette maladie que représen-
tent les cancers.
« de leur permettre de bénéficier d’un accompagnement psychologique
individuel ou en groupe à l’hôpital ou après la sortie du patient,
lorsque celui-ci se retrouve à nouveau seul ou dans sa famille,
ce travail s’effectuant au sein d’équipes de traitement pluridisciplinaires»
(Service Public Fédéral, Plan Cancer, 2008)
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N
ous tentons sans cesse de nous adapter, de manière généralement inconsciente,
aux événements et situations nouvelles que nous rencontrons, que nous vivons
dans notre quotidien.
Ces événements imprévus, ces nouvelles situations, ces expériences sont associées à
des tonalités affectives pouvant être connotées positivement ou négativement, laissant
ainsi une marque affective dans notre vie (Lazarus et Folkman, 1984).
Avec ce processus constant d’adaptation, notre identité est ainsi maintenue puisqu’il per-
met de préserver un équilibre psychique reposant sur une continuité.
A tout moment de notre vie, notre réalité peut changer.
Pour les futurs patients, à un moment donné, leur vie, leur réalité va basculer. En effet,
divers symptômes physiques, physiologiques vont apparaître (ou pas), des rendez-vous
médicaux vont être pris et des examens vont s’annoncer et s’amorcer.
C’est l’incertitude, le stress, les angoisses qui vont commencer.
L’annonce d’un diagnostic de cancer, qu’il soit curable ou incurable, quelles qu’en soient
les conséquences (à court, moyen ou long terme), constitue un ébranlement fondamental
dans la vie des personnes qui vont y être confrontées.
Tous les repères sont bouleversés. Le cancer ne laisse jamais indemne.
Cette histoire de cancer est une histoire qui dure longtemps et qui se roule rarement
de façon linéaire. Il y a ainsi, outre l’incertitude, les représentations associées à cette ma-
ladie, les angoisses, plusieurs étapes qui interviennent dans l’histoire de cancer qui
débute. Il y a, par exemple, la phase des premiers symptômes, la phase des examens
médicaux (qui peuvent être douloureux, intrusifs, etc.), la phase de diagnostic, la phase
de traitement, la phase de rémission voire de guérison (quand il y en a une), la phase de
récidive (quand il y en a une), la phase préterminale et la phase terminale.
La réalité va donc changer pour la personne qui consulte ainsi que pour sa famille.
Une fois le mot « cancer » prononcé, sa représentation, encore synonyme de mort pour
bon nombre d’individus et de familles provoque généralement un véritable « tsunami »,
un véritable «tremblement de terre ».
Une histoire de cancer
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L
e cancer apparaît comme une menace de mort probablement plus qu’un autre grou-
pe de maladies parce que son évolution est imprédictible et que chacun peut en être
affecté (Purandare, 1997).
L
e cancer effraie. Cette maladie chronique est en effet très souvent associée à des
images de mort, de souffrance, de dégradation physique, etc. (Razavi et Delvaux,
1998).
Le cancer est en fait chargé de représentations que les individus élaborent et qui sont
bien souvent simplifiées, associées à des croyances ou à des informations accumulées
(Alvin et al., 2003).
A
ssociées à ce « tsunami », des charges parfois violentes d’affects, d’angoisses,
de peurs (re)surgissent. Ces décharges peuvent être de l’ordre par exemple d’af-
fects négatifs de séparation/castration (Freud), d’anéantissement (M. Klein), d’effondre-
ment (D. Winnicott), etc. (Pucheu, 2004).
Qu’en est-il du psychologue travaillant en oncologie ?
Quels sont ses rôles ?
L
es rôles du psychologue en oncologie et sa manière dont il va les exercer sont
assez variables à la fois parce que cela dépend de la manière de travailler
(modèle théorique-courant de pensée), du service dans lequel il travaille mais
aussi d’autres variables telles que sa personnalité ...
L
e travail du psychologue s’articule autour du « prendre soin » et de l’accom-
pagnement du patient et de ses proches; c’est-à-dire qu’il a une fonction de
soins (en termes de dépistage des troubles, de prévention et de prise en char-
ge clinique).
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a) Travail avec le patient
D
ans cette fonction du « prendre soin » et d’accompagnement, le psychologue peut
avoir notamment lors du diagnostic, une fonction d’étayage, de contenance ; de
recadrage dans le temps et l’espace. Il tente d’apporter aux patients et à leurs proches,
un espace, un lieu et un temps où ils peuvent exprimer leurs souffrances psychiques et
leurs sentiments associés et y réfléchir afin de mettre des mots sur ce qu’il se passe, sur
leurs ressentis ( émotions, pensées, …).
Il permet également d’aider à comprendre et à intégrer ce qui ne l’a pas été dès le mo-
ment où l’annonce du diagnostic a été transmise.
A
près le diagnostic, le psychologue en oncologie offre la possibilité de mettre du
sens sur ce qu’il se passe pour le patient et/ou ses proches, sur ce qu’ils vivent ;
d’exprimer leur vécu motionnel, social, cognitif, …) comme de parler de leurs craintes,
de leurs angoisses (de mort) et de leurs émotions.
Il permet également d’aider à gérer les incertitudes (liées au pronostic, à l’avenir, …) et
la perte de contrôle ; d’investiguer les représentations liées à la maladie ; d’aider à l’iden-
tification des mécanismes d’adaptation ; d’aider à trouver de nouveaux équilibres, repè-
res et à se réorganiser ; d’aider à la gestion de la peur de ne pas arriver à faire face, de
«peser sur les autres», etc.
C’est aussi proposer un accompagnement dans les différents deuils (transformations
corporelles, l’arrêt de travail, etc.) ; prendre en compte le vécu de marginalisation, d’iso-
lement, d’exclusion sociale ; aborder la fin des traitements et la sensation éventuelle d’a-
bandon qui peut en résulter ; prévenir les problèmes de réinsertion socioprofessionnelle
(reprendre le travail et les activités antérieures, adapter son mode de vie, etc.) ainsi que
rester vigilant aux fluctuations de l’humeur, des troubles du sommeil, de l’appétit, etc.
Par exemple, en ce qui concerne les patients atteints de cancers du poumon, Dauchy et
Lopez (2011) soulignent dans leur article que la détresse émotionnelle est présente
chez au moins un patient sur deux.
Un épisode dépressif majeur peut être diagnostiqué chez environ un sur dix d’entre
eux ; il faut donc y être attentif, tout comme pour la recherche des facteurs prédictifs. Il
s’agit en premier lieu de la douleur et des symptômes somatiques; des antécédents de
dépression et la présence d’une dépression au diagnostic.
Les différentes phases d’annonce sont également à risque chez ces patients dont le can-
cer s’accompagne de représentations très péjoratives. Le risque de suicide est égale-
ment nettement accru dans cette population et contribue à la nécessité d’être vigilant aux
éventuels troubles thymiques et au traitement des symptômes comme la douleur.
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