
REVUE MÉDICALE SUISSE
WWW.REVMED.CH
13 janvier 2016
28
Une étude de suivi sur un groupe de patients avec la maladie
de Crohn souligne la tournure dramatique des conséquences
à long terme : tandis qu’après trois mois de traitement (thio-
prine), plus de 90 % des participants ont déclaré avoir suivi la
thérapie (confirmé par le taux de métabolite de thioprine con-
tenu dans les érythrocytes),3 75 % ont admis ne plus être com-
pliants après quatre ans.4
Ceci soulève la question de la possibilité d’identifier les patients
non compliants à l’avance. Contrairement aux croyances com-
munes, il n’y a qu’une faible évidence suggérant que le genre,
le revenu, l’âge ou l’ethnie soient de bons prédicteurs. Les pa-
ramètres les plus importants sont les effets secondaires, la re-
présentation de la maladie, les coûts, la nécessité et l’efficacité
thérapeutique perçue par le patient (tableau 1).5
POINT DE VUE DU PATIENT
Les convictions des patients sont cruciales pour l’adhérence
thérapeutique (figure 2). Ces dernières peuvent être cepen-
dant difficiles à établir en comparaison des paramètres objec-
tifs. Les médecins ont une meilleure vision pour évaluer l’effi-
cacité thérapeutique perçue par le patient. En dermatologie,
nous pouvons nous appuyer sur la pertinence des signes et
symptômes distincts dans le contexte d’une certaine maladie.
Par exemple, en ce qui concerne le psoriasis, le patient ressent
des troubles du sommeil liés à la maladie. Des études récentes
ont mis en évidence qu’une thérapie systémique permet non
seulement d’améliorer les mesures d’activité « objectives » du
psoriasis et de sa sévérité, mais également les troubles du
sommeil. L’amélioration de ce paramètre est associée à l’aug-
mentation de la qualité de vie globale.6
Il a été proposé que l’évaluation objective du psoriasis est suf-
fisamment proche des résultats subjectifs rapportés par les
patients. Ainsi, des données objectives suffisent à évaluer cette
maladie. En effet, une bonne corrélation entre le PASI (Psoriasis
area and severity index) et le DLQI (Dermatology life quality in-
dex) a été observée. Le premier quantifie objectivement les
surfaces du corps touchées, le degré de l’érythème, les desqua-
mations et l’infiltration des lésions sur la peau. Le deuxième
est un questionnaire à remplir par le patient afin de compren-
dre à quel point la maladie affecte sa qualité de vie. Cepen-
dant, cette corrélation change au cours du temps, montrant
que l’expérience du patient et ses attentes influencent la per-
ception de l’efficacité d’un traitement donné.7
CONCEPT DE Happy Drug Survival
La prise du médicament est le marqueur du succès d’un trai-
tement donné. L’objectif du médecin traitant est atteint lors-
que le traitement suivi reste inchangé, et ceci avec la convic-
tion du patient de l’utilité du traitement. Afin de mieux refléter
le point de vue du patient, le concept de Happy Drug Survival
a été récemment introduit, permettant de combiner la com-
pliance du patient pour son traitement simple drug survival,
avec les résultats rapportés par le patient, à savoir le DLQI.8
« La satisfaction du patient », définie par un DLQI < 5, ne montre
pas ou peu d’influence de la maladie sur la qualité de vie. Le
suivi d’une cohorte de 250 patients atteints de psoriasis, traités
avec un médicament biologique (adalimumab, étanercept ou
ustékinumab) pendant un an, a mis en évidence que le taux
d’adhésion thérapeutique était de 75 %. Au début de la thérapie,
une majorité (73 %) étaient « insatisfaits ». Cependant, après
une année, 79 % des patients suivant toujours le traitement
étaient « satisfaits » (DLQI < 5). En conclusion, « la satisfaction »
semble être un bon prédicteur de la survie du médicament.
Il est fort probable que l’efficacité objective d’un traitement
soit une des principales raisons de la satisfaction du patient,
motivant ainsi ce dernier à poursuivre son traitement au long
cours. Ceci ne peut cependant pas tout expliquer. Il est en effet
intéressant de noter que, dans cette étude, il n’y avait pas de
différence significative sur la « survie du médicament » entre
l’adalimumab et l’étanercept, bien que l’étanercept soit consi-
déré comme étant le traitement le moins efficace du psoriasis.9
L’auteur a aussi noté une tendance vers une meilleure adhé-
sion thérapeutique avec l’ustékinumab comparé à l’adalimumab,
sachant que les deux traitements sont tout aussi efficaces.9
Ceci suggère qu’il y a d’autres facteurs qui jouent un rôle dans
le choix de la poursuite de l’adhésion thérapeutique des pa-
tients. Un de ces facteurs peut être l’aspect pratique du traite-
ment : l’ustékinumab étant administré seulement quatre fois
par an pendant le traitement d’entretien alors que l’adalimu-
mab est donné toutes les deux semaines.
PERSPECTIVES
La notion d’inclure des résultats subjectifs, déterminés par le
patient dans la définition des objectifs du traitement a gagné
du terrain ces dernières années. En effet, on voit de plus en plus
d’exemples comprenant une évaluation subjective, notamment
dans l’arthrite psoriasiforme avec le concept « d’activité mini-
male de la maladie » qui comprend le HAQ (Health assessment
Faible évidence Forte évidence
• Genre
• Revenu
• Age
• Ethnie
• Personnalité
• Crainte des effets secondaires du traitement
• Connaissance de la maladie
• Coût de la thérapie
• Perception de la nécessité du traitement
• Perception de l’efficacité du médicament
Tableau 1 Prédicteurs de nonadhésion
thérapeutique
fig 2 Acceptation du traitement : premier
pas vers l’adhésion thérapeutique
Celle-ci est influencée par les convictions du patient sur la nécessité et l’efficacité
du traitement.
Forte
nécessité
Doute important
Ambivalence
Acceptation
Indifférence Scepticisme
26_29_38944.indd 28 06.01.16 16:12