‘ ‘ éditorial De la pathogenèse au traitement : une nouvelle ère pour la dermatologie Editorial M. Gilliet C. Prins Articles publiés sous la direction du docteur Clinique de dermatologie HUG, Genève et du professeur Chef du Service de dermatologie CHUV, Lausanne Denis Salomon Michel Gilliet D ans la seconde moitié du XXe siècle, on a assisté progressive­ ment au développement d’une base scientifique solide en der­ matologie conduisant à une augmentation rapide des connais­ sances en biologie et physiopathologie de la peau. Au fil des années, de nombreuses découvertes importantes, dont l’élucidation des fondements génétiques d’un nombre croissant de maladies cutanées et la meilleure compréhension des troubles inflammatoires de la peau ont fait considé­ rablement progresser ce domaine. Cependant, les contributions potentiel­ les de ces résultats à la pratique cli­ «… un vaste assortiment nique ont été limitées, ce qui a créé un écart grandissant entre l’activité cli­ d’agents biologiques sera et les progrès scientifiques en disponible pour le traitement nique dermatologie. du psoriasis dans un proche Plus récemment, grâce à de nou­ vel­les avancées biotechnologiques, avenir …» une nouvelle tendance se dessine dans laquelle les découvertes scientifiques de base sont directement tra­ duites en thérapies qui influent sur notre activité clinique quotidienne. Un des exemples les plus frappants est le développement d’anticorps ou de protéines qui ciblent et inhibent des événements précis dans la patho­ genèse du psoriasis. Ces thérapeutiques, notamment les bloqueurs du TNF ou les inhibiteurs d’autres voies pathologiques identifiées (IL-12/23), ont littéralement révolutionné le traitement du psoriasis modéré à sévère et ont permis un changement de paradigme des traitements peu spéci­ fiques en faveur de thérapies plus ciblées et présentant donc potentiel­ lement moins d’effets secondaires. D’autres agents biologiques possé­ dant une spé­cificité pathogénique encore plus élevée (par exemple des anticorps contre IL-23, IL-17, IL-22) sont actuellement testés dans le cadre d’essais cliniques et feront bientôt partie de notre pratique clinique quo­ tidienne. En outre, la récente découverte du rôle des peptides antimicro­ biens dans le déclenchement du psoriasis a mis en évidence de nouvel­les cibles permettant une intervention thérapeutique précoce. Nous croyons fermement qu’un vaste assortiment d’agents biologiques sera dis­ponible pour le traitement du psoriasis dans un proche avenir ; le choix du trai­ tement sera personnalisé tenant compte de facteurs spécifiques liés au patient, au type et au stade du psoriasis ainsi qu’aux comorbidités du pa­ tient. Fait important, les maladies de peau comme le psoriasis sont deve­ nues des modèles importants d’inflammation chroni­que et d’auto-immu­ nité sur les­quels on teste l’efficacité de nouveaux traitements axés sur la pathogenèse. Cette recherche sur la pathogenèse a également permis l’étude de l’in­ hibiteur de la voie de signalisation patch/smoothered/gli dans les carci­ nomes basocellulaires qui est très prometteuse et permet une nouvelle approche thérapeutique. En outre, des nouvelles modalités thérapeuti­ques, basées sur l’utilisation d’inhibiteurs spécifiques des voies de signalisation qui conduisent au développement de divers types de mélanomes, soit les inhibiteurs cKIT (pour les mélanomes acrolentigineux et des muqueu­ Revue Médicale Suisse – www.revmed.ch – 6 avril 2011 03_04_35584.indd 1 731 01.04.11 09:54 ‘ ‘ ses) ainsi que les inhibiteurs BRAF (pour 60-70% des mélanomes qui pré­ sentent des mutations BRAF), ont démontré des résultats positifs. Un autre exemple d’approche thérapeutique très spécifique et person­ nalisée est l’utilisation de petits ARN interférents (siRNA) pour le traite­ ment de la pachyonychie congénitale ; une maladie rare caractérisée par un défaut de kératinisation. Dans ces études, une preuve du principe a été établie par l’utilisation d’un siRNA pour «… La dermatologie, qui a inactiver l’allèle dominant négatif qui em­ pêche l’expression de la kératine 6a. été considérée comme une Ces quelques exemples illustrent la façon discipline qui évolue lentedont la dermatologie est entrée dans une ment, a retrouvé un nouvel nouvelle ère, dans laquelle les récentes dé­ couvertes scientifiques peuvent être tradui­ élan …» tes directement sous forme de traitements plus spécifiques pour nos patients. La dermatologie, qui a été considérée par beaucoup comme une discipline qui évolue lentement, a maintenant retrouvé un nouvel élan et se positionne comme une discipline modèle de la médecine dans le progrès scientifique et le développement de nou­ velles modalités de thérapeutiques qui pourraient influer sur la vie de nos patients. 732 Revue Médicale Suisse – www.revmed.ch – 6 avril 2011 03_04_35584.indd 2 01.04.11 09:54