Contraception, contragestion et épilepsie

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JFE 2009
Épilepsies 2009 ; 21 (4) : 392-6
Contraception, contragestion
et épilepsie
Jean-Louis Thomas
Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 25/05/2017.
Service de Médecine Interne I - Unité de Diabétologie et d’Endocrinologie, hôpital Henri-Mondor,
51, avenue du Maréchal-de-Lattre-de-Tassigny, 94010 Créteil cedex, France
<[email protected]>
Résumé.
Les méthodes contraceptives les plus employées sont désormais celles qui utilisent les hormones. Au
cours du temps, des modifications ont été apportées portant sur la nature et la dose des stéroïdes, la durée d’administration au cours du cycle menstruel ou la voie d’administration. Les différentes méthodes sont rapidement décrites, incluant la contraception du lendemain et la contragestion. Il est important de connaître les interactions entre
antiépileptiques et contraceptifs hormonaux avant d’instaurer une contraception chez la femme en âge de procréer
traitée pour épilepsie. Les antiépileptiques inducteurs de l’isoenzyme 3A4 du cytochrome accélèrent le métabolisme
des stéroïdes contraceptifs et augmentent ainsi le risque de grossesse non désirée. Inversement, les pilules estroprogestatives diminuent la biodisponibilité de la lamotrigine en accélérant son élimination. Les neurologues doivent
tenir compte des interactions, qui peuvent se produire dans les deux sens entre contraceptifs hormonaux et antiépileptiques, et informer leurs patientes.
Mots clés : contraception hormonale, mifépristone, antiépileptiques, interactions pharmacocinétiques
Abstract. Contraception, contragestion and epilepsy
Hormonal contraceptives are now the most widely used reversible form of contraception. In the evolution, many
changes have been made concerning nature and dose of steroids, regimen use during the menstrual cycle and route of
administration. The different methods of hormonal contraception (including emergency contraception and contragestion) are briefly described. It is important to know the pharmacokinetic interactions between some antiepileptic
drugs (AED) and hormones before initiating contraception in women of childbearing age with epilepsy. AED which are
cytochrome 3A4 isoenzyme inducers accelerate the metabolism of steroids used for contraception and thus increase
the risk for unexpected pregnancy. On the other hand oral combined contraceptives reduce the bioavailability of
lamotrigine by increasing its elimination. The bidirectional interactive potential of AED and hormonal contraceptives
needs to be taken into account by neurologists and known by patients.
Key words: hormonal contraceptives, mifepristone, antiepileptic drugs, pharmacokinetic interactions
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des femmes. Elle est globalement bien tolérée,
à condition d’en respecter les contreindications. Il importe aussi de connaître les
interactions des hormones utilisées en contraception avec les autres médicaments. C’est
notamment le cas chez les patientes traitées
doi: 10.1684/epi.2009.0273
Tirés à part :
J-L. Thomas
La contraception hormonale est choisie par
une femme sur deux en âge de procréer, et
90 % des femmes y ont recours à un moment
ou à un autre pour éviter ou différer une grossesse. C’est en effet une méthode fiable et
réversible qui a radicalement changé la vie
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pour épilepsie, car plusieurs antiépileptiques peuvent modifier
l’efficacité des contraceptifs. Les modifications de la biodisponibilité de certains antiépileptiques par la pilule existent aussi,
bien que moins fréquentes.
Progestatif
Méthodes hormonales en contraception
et contragestion
Les progestatifs de première génération sont des dérivés de la
19-nortestostérone : norethistérone, acétate de norethistérone
et norgestrel, utilisés à des doses de 0,5 à 1 mg. Ils ont une activité androgénique résiduelle notable.
Le progestatif utilisé pour la contraception orale est également un stéroïde de synthèse. Plusieurs molécules sont utilisées, qu’on classe par générations, terme qui rend compte de
leur ordre d’arrivée sur le marché mais aussi de leur structure
chimique et de leurs propriétés pharmacologiques.
Les estrogènes et les progestatifs sont les stéroïdes les plus
utilisés en contraception, rejoints récemment par les modulateurs spécifiques des récepteurs de la progestérone, dont fait
partie la mifépristone utilisée en contragestion. La contraception hormonale fait régulièrement l’objet d’adaptation ayant
pour but d’améliorer la tolérance et l’acceptabilité, tout en
maintenant l’efficacité ; ces modifications portent sur la dose
et la nature des composants hormonaux, la durée d’administration au cours du cycle menstruel ou encore la voie d’administration (Blumenthal et Edelman, 2008 ; Quereux et al., 2009 ;
Practice Committee of American Society for Reproductive
Medicine, 2008)
Le progestatif de deuxième génération est le lévonorgestrel,
isomère lévogyre du norgestrel, administré à la dose de 50 à
150 µg. Il garde une affinité pour le récepteur androgénique.
Les progestatifs de troisième génération sont également des
dérivés de la 19-nortestostérone qui ont une plus forte sélectivité progestative et qui, utilisés aux doses du lévonorgestrel,
ont des effets androgéniques beaucoup plus faibles. Ils sont au
nombre de trois : le désogestrel, le gestodène et le norgestimate.
D’autres progestatifs dépourvus d’effet androgénique,
qu’on pourrait qualifier de quatrième génération, sont utilisés
dans la pilule estroprogestative. La drospirénone, dérivé de la
17α-spironolactone, possède une faible activité antiminéralocorticoïde et antiandrogénique. L’acétate de cyprotérone est
un dérivé de la 17-hydroxyprogestérone qui possède une forte
activité antiandrogénique. Il est utilisé depuis longtemps en
association avec l’EE comme contraceptif en Europe mais
n’est officiellement indiqué que dans le traitement de l’acné.
L’acétate de nomégestrol et le dienogest sont les progestatifs
qui entrent dans la composition des pilules à base d’E2 en
cours de développement.
Contraception estroprogestative par voie orale
Introduite, il y a une quarantaine d’années, la pilule estroprogestative est la méthode contraceptive la plus fréquemment
utilisée en Europe. Elle consiste à administrer simultanément
et de façon cyclique (21 ou 24 jours sur 28) un estrogène et
un progestatif. L’administration cyclique a pour but de faire
apparaître après l’arrêt de la séquence hormonale une hémorragie de privation mimant une menstruation. La pilule estroprogestative donnée de façon continue, destinée à supprimer les
hémorragies de privation est disponible aux États-Unis, mais
pas en France. Les pilules contenant les mêmes doses d’estrogène et de progestatif durant la totalité du cycle sont dites
monophasiques. Afin de réduire l’incidence des saignements
intermenstruels et d’améliorer l’acceptabilité, on fait varier
dans certaines pilules les doses initiales des deux composants
soit à une reprise (pilules biphasiques), soit à deux reprises
(pilules triphasiques) (Petitti, 2003).
Dans les pilules, l’estrogène et le progestatif exercent en
synergie leur effet antigonadotrope. Ils freinent à la fois la sécrétion de la FSH, d’où l’inhibition de la croissance folliculaire, et
celle de la LH, qui se traduit par l’abolition du pic ovulatoire.
Le progestatif renforce l’action contraceptive par ses effets périphériques en rendant la glaire cervicale hostile aux spermatozoïdes et la muqueuse utérine inapte à une éventuelle nidation.
Contraception estroprogestative par voie parentérale
Estrogène
Il est désormais possible d’administrer, par d’autres voies
que la voie orale, les associations estroprogestatives à visée
contraceptive.
L’estrogène utilisé jusqu’à maintenant est toujours l’éthinylestradiol (EE), molécule de synthèse ayant une activité
estrogénique environ 100 fois plus élevée que l’estradiol (E2)
naturel. Dans le but de réduire les effets secondaires, la dose
d’EE de la pilule a été régulièrement diminuée. Les premiers
contraceptifs oraux contenaient 100 µg d’EE ; on est passé
ensuite à 50 µg (pilules dites normodosées), puis à 30 ou 35
et à 20 µg (pilules minidosées ou minipilules). Depuis quelques
années, il existe une pilule à 15 µg d’EE. On verra très prochainement arriver sur le marché des pilules à base d’E2, l’estrogène naturel chimiquement identique à l’hormone produite
par les ovaires.
Le patch contraceptif (Evra®) est un patch hebdomadaire
qui délivre quotidiennement 20 µg d’EE et 150 µg de norelgestromine, métabolite du norgestimate. Trois dispositifs sont
utilisés par cycle, un par semaine pendant trois semaines
consécutives, suivies par un intervalle libre d’une semaine.
L’anneau vaginal contraceptif (Nuvaring®) est un dispositif
délivrant par jour 15 µg d’EE et 120 µg d’étonorgestrel, métabolite du désogestrel. Il est mis en place pour trois semaines et
changé après une fenêtre d’une semaine.
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en gynécologie est une spécialité presque exclusivement française. Elle met à profit l’inhibition de l’ovulation par le progestatif administré en séquences de 21 jours séparés d’une
semaine. Cette contraception est indiquée en cas de contreindication aux estrogènes ou chez les femmes ayant une affection gynécologique requérant un traitement progestatif.
Ces deux contraceptifs combinent l’EE et un progestatif qui
est le métabolite actif d’un progestatif de troisième génération.
La contraception par patch transdermique ou par anneau vaginal évite la prise quotidienne d’une pilule, ce qui devrait améliorer l’observance, à condition de ne pas prolonger l’intervalle
libre d’une semaine entre deux cycles de traitement.
Un seul progestatif, dérivé de la 19-nortestostérone a une
indication officiellement reconnue comme contraceptif « en
deuxième intention » : le lynestrénol (Orgametril®), prescrit à
raison de 10 mg par jour.
Contraception progestative
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Les progestatifs peuvent être utilisés seuls dans un but
contraceptif. Le premier contraceptif oral administré à des femmes par Pincus était d’ailleurs un progestatif.
Plusieurs progestatifs dérivés de la 17α-hydroxyprogestérone ou de la 19-norprogestérone, et de ce fait dénués d’effets
androgéniques, inhibent l’ovulation lorsqu’ils sont administrés
à dose suffisante en séquence de 21 jours : l’acétate de chlormadinone (Luteran®), l’acétate de nomégestrol (Lutenyl®) et
la promégestone (Surgestone®). Bien qu’ils n’aient pas été
moins étudiés que le lynestrénol, ils ne sont pas officiellement
reconnus comme contraceptifs.
Le choix d’une contraception progestative est motivé par
des raisons aussi diverses que la présence d’une contreindication aux estrogènes, la recherche d’un effet retard ou
encore le traitement d’une pathologie gynécologique requérant
un progestatif (Jamin et Madelenat, 2008).
Quelle que soit la voie d’administration, la contraception
est assurée par les effets du progestatif sur la glaire cervicale,
la muqueuse utérine et accessoirement sur les trompes (réduction de la mobilité tubaire empêchant la migration de l’ovule).
Dans certains cas, si la dose du progestatif est suffisante, l’efficacité contraceptive est renforcée par l’inhibition de la fonction gonadotrope aboutissant à la suppression de l’ovulation.
Contraception progestative par voie parentérale
Deux progestatifs peuvent être administrés seuls par voie
parentérale pour assurer une couverture contraceptive prolongée :
– l’acétate de médroxyprogestérone, en suspension huileuse
injectée par voie intramusculaire à raison de 150 mg
(Depo-Provera®) tous les trois mois ;
– l’étonogestrel, métabolite actif du désogestrel, contenu à raison
de 68 mg dans un implant de 4 cm de long et 2 mm de diamètre
(Implanon®), destiné à être inséré sous la peau du bras à l’aide
d’un applicateur, et dont la durée d’action est de trois ans.
Micropilule progestative
La contraception par micropilule consiste à ingérer quotidiennement et en continu une faible dose d’un progestatif
dérivé de la 19-nortestostérone : acétate de norethistérone
(Milligynon®), lévonorgestrel (Microval®) ou désogestrel
(Cerazette®).
L’efficacité contraceptive des progestatifs ainsi administrés
repose à la fois sur l’inhibition de l’ovulation et les effets périphériques. Ils conviennent aux femmes qui ne peuvent
s’astreindre à des prises orales quotidiennes, qui ne désirent
plus d’enfants et ont une contre-indication au stérilet. Leur
efficacité contraceptive est satisfaisante mais ils ont l’inconvénient d’entraîner dans 50 % des cas des saignements génitaux
irréguliers parfois prolongés. Ils sont plus fréquents en début
de traitement, se raréfient avec le temps et font place à une
aménorrhée chez 20 % des femmes. La mise en place et le
retrait d’Implanon® nécessite l’intervention d’un médecin
expérimenté afin de réduire la fréquence des incidents locaux.
L’efficacité contraceptive est assurée par les seuls effets périphériques. L’inhibition gonadotrope est inconstante et partielle
sauf pour la micropilule à base de désogestrel. En effet, même
lorsque le pic ovulatoire est supprimé, ce qui s’observe dans 15
à 20 % des cas, la sécrétion basale des gonadotrophines persiste,
permettant la croissance folliculaire, d’où une tendance à
l’hyperestrogénie et parfois à terme au développement de kystes
ovariens. L’effet endométrial est primordial, car en s’opposant à
l’effet prolifératif de l’E2 endogène, les progestatifs créent un
endomètre hypotrophique impropre à une éventuelle nidation.
La contrepartie de cette action est la modification fréquente de
la chronologie des saignements génitaux.
On peut rapprocher de ces contraceptifs le stérilet au lévonorgestrel (Mirena®). Mis en place dans la cavité utérine, il
délivre le progestatif au contact même de l’endomètre.
La contraception est assurée par le dispositif utérin et renforcé
par l’action du progestatif sur la glaire et la muqueuse utérine.
Le stérilet au lévonorgestrel a l’avantage de diminuer l’importance des saignements menstruels chez les femmes et convient
à celles ayant des métrorragies.
La micropilule est prescrite en cas de contre-indication à
l’EE, chez les femmes hypertendues, diabétiques, dyslipidémiques, ayant des antécédents thromboemboliques ou qui
fument beaucoup. Elle est également indiquée dans la période
du post-partum, notamment chez les femmes qui allaitent.
L’efficacité contraceptive est inférieure à celle de la pilule estroprogestative et, en cas d’échec, le risque de grossesse extrautérine est accru.
Progestatifs normodosés
Contraception du lendemain
La contraception par des progestatifs de synthèse prescrits
de façon discontinue aux posologies habituellement employées
Il s’agit d’une contraception d’urgence destinée à éviter
une grossesse après un rapport non protégé, potentiellement
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saignements intermenstruels et de rendre inefficace les contraceptifs oraux. Ce risque existe aussi pour des molécules plus
récentes : l’oxcarbazépine, le felbamate et le topiramate, bien
que leur activité inductrice soit moindre que celle des antiépileptiques anciens. L’activité inductrice du topiramate est moindre et dose-dépendante ; il a été démontré qu’il ne diminuait
pas la biodisponibilité des contraceptifs jusqu’à la dose de
200 mg par jour (Bialer et al., 2004).
fécondant (Bastianelli et al., 2008). C’est une méthode d’exception beaucoup moins efficace que les autres méthodes.
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Le seul progestatif autorisé pour la contraception d’urgence
est le lévonorgestrel administré à raison de deux comprimés à
75 µg (Norlevo®) à 12 heures d’intervalle. La prise doit avoir
lieu le plus tôt après le rapport sexuel non protégé, pas audelà de 72 heures.
Un modulateur sélectif des récepteurs de la progestérone,
ayant une activité antiprogestative, vient d’obtenir son autorisation de mise sur le marché dans la contraception d’urgence.
Il s’agit de l’ulipristal (Ellaone®) (Gainer et Ulmann, 2003).
Il s’administre à raison d’un comprimé à 30 mg le plus tôt possible, et au plus tard 120 heures (cinq jours) après un rapport
sexuel non protégé.
On ne dispose d’aucune étude d’interaction entre modulateurs sélectifs des récepteurs de la progestérone (mifépristone et
ulipristal). Néanmoins, on sait que le CYP3A4 intervient dans
leur métabolisme et il y a tout lieu de penser que leur efficacité
est diminuée lors de l’administration concomitante des antiépileptiques inducteurs.
La contraception postcoïtale agit en inhibant ou en retardant l’ovulation mais aussi en empêchant la nidation en cas
de fécondation. Les effets les plus fréquents sont les nausées
avec ou sans vomissements et la survenue de saignements
génitaux par perturbation du cycle menstruel.
Effet des hormones sur le métabolisme des antiépileptiques
La lamotrigine n’est pas un inducteur enzymatique du
cytochrome P450 et n’a pas d’influence significative sur la biodisponibilité des estrogènes et des progestatifs utilisés en
contraception. En revanche, la pilule influence le métabolisme
de la lamotrigine : elle stimule l’isoenzyme 1A4 de l’uridine 5’diphosphate-glucuronyl transférase qui la transforme en dérivés glucuronoconjugués inactifs qui sont éliminés dans les urines (Öhman et al., 2008 ; Sabers et al., 2001 ; Sidhu et al.,
2005). Cet effet, rapidement réversible, n’est pas dû à la composante progestative, mais à l’EE, qui est également catabolisé
en dérivés glucuronoconjugués. Il a été ainsi démontré que la
pilule estroprogestative entraînait un doublement de la clairance de lamotrigine, avec diminution par deux de ses taux circulants. Inversement, entre deux cycles, durant la semaine
d’interruption de la pilule, les taux plasmatiques de la lamotrigine sont multipliés par deux environ. Cette interaction peut
se traduire par la survenue de crises comitiales lorsqu’on instaure la contraception chez une femme antérieurement traitée
par lamotrigine ; elle explique aussi le risque accru d’événements indésirables liés à l’antiépileptique dans la période
d’interruption de la pilule entre deux cycles.
Contragestion
Le RU 486 ou mifépristone (Mifegyne®) est le seul médicament utilisé en association avec un analogue des prostaglandines pour interrompre la grossesse. C’est le premier modulateur
sélectif des récepteurs de la progestérone ; par son action antiprogestative, il bloque l’action de la progestérone sur ses récepteurs utérins et interrompt l’implantation de l’embryon.
La mifépristone est donnée sous surveillance médicale à raison
de 600 mg en une seule prise orale, suivie 36 à 48 heures après
par l’administration d’un analogue de prostaglandine.
Interactions entre hormones
et antiépileptiques
Les interactions entre les hormones utilisées en contraception et les antiépileptiques sont de nature pharmacocinétique ;
elles résultent de phénomènes d’induction enzymatique se traduisant par la stimulation du métabolisme des hormones par
les antiépileptiques ou vice versa (Crawford, 2009 ; Dutton et
Foldvary-Schaefer, 2008 ; Schwenkhagen et Stodieck, 2008).
Par le même mécanisme, les estroprogestatifs diminuent les
taux circulants de l’acide valproïque, mais de façon moindre,
avec de grandes variations d’un sujet à l’autre (Galimberti
et al., 2006).
On sait que l’acide valproïque diminue l’élimination de la
lamotrigine. L’acide valproïque annule aussi l’accélération de
l’élimination de la lamotrigine induite par les estroprogestatifs
(Tomson et al., 2006).
Effet des antiépileptiques sur le métabolisme des hormones
Les stéroïdes sexuels (EE, E2 et progestatifs) ont un point
commun : ils sont tous inactivés par des réactions d’hydroxylations catalysées par le système du cytochrome P450 et notamment par l’isoenzyme 3A4 (CYP3A4). Cette isoenzyme est stimulée par les inducteurs enzymatiques, dans la liste desquels
figurent les antiépileptiques anciens : le phénobarbital, la phénytoïne, la primidone et la carbamazépine, qui ont une forte
activité inductrice et accélèrent l’inactivation des stéroïdes.
La concentration de l’EE et des progestatifs se trouve diminuée
d’au moins 50 %, ce qui a pour conséquence d’augmenter les
Attitudes pratiques
Parmi les inducteurs du cytochrome P450, seul le topiramate peut être associé aux contraceptifs hormonaux, à condition que la dose quotidienne ne dépasse pas 200 mg.
Pour les doses supérieures, comme pour tous les autres
antiépileptiques interférant avec ce système enzymatique (phé395
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lorsque la dose d’EE est modifiée) ou à l’arrêt de la contraception orale. Ces recommandations ne s’appliquent pas à la
contraception progestative.
nobarbital, phénytoïne, primidone, carbamazépine, oxcarcarbazépine), il y a un risque de grossesse non désirée. La coprescription avec les micropilules progestatives, l’implant contraceptif (Implanon®), le patch transdermique (Evra®), l’anneau
vaginal (Nuvaring®) et la pilule du lendemain est formellement
contre-indiquée. Seules deux méthodes hormonales peuvent
être envisagées sans risque :
– le stérilet au lévonorgestrel (MirenA®) parce que le dispositif
intra-utérin assure une grande part de l’effet contraceptif et que
le progestatif agit localement (Bounds et Guillebaud, 2002) ;
– la médroxyprogestérone injectable (Depo-Provera®) parce
que la dose administrée est forte et que la voie intramusculaire
minimise le processus d’induction enzymatique ; ce contraceptif ne peut cependant pas être donné de façon prolongée aux
femmes jeunes en raison du risque d’ostéoporose.
Il convient enfin de rappeler que beaucoup d’antiépileptiques (tous ceux qui n’ont pas été cités ci-dessus) n’interfèrent
pas avec les contraceptifs hormonaux.
□
Références
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L’association des antiépileptiques inducteurs du cytochrome P450 à la pilule estroprogestative n’a pas toujours été
contre-indiquée, à condition de choisir une pilule répondant à
une des trois caractéristiques suivantes : contenir au moins
50 µg d’EE, contenir un progestatif à une dose supérieure à
celle inhibant l’ovulation, ou être administrée en continu
(sans intervalle libre entre deux cycles consécutifs). Ces recommandations ne sont pas étayées par des études cliniques ; elles
sont, en outre, difficilement applicables en France, puisqu’il
n’y a plus qu’une pilule fortement dosée en EE (Stediril®), que
la pilule à administration continue n’est pas disponible et que
la dose des progestatifs contenue dans la pilule combinée a plutôt tendance à diminuer. Chez les femmes traitées par un
antiépileptique inducteur du CYP3A4, il faut donc proscrire la
prescription de la pilule et s’adresser à la contraception mécanique. Chez ces femmes, la seule contraception du lendemain
possible est la mise en place d’un stérilet dans les jours qui suivent un rapport non protégé.
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Malgré l’absence d’étude disponible, il y a tout lieu de penser que la biodisponibilité de la mifépristone est diminuée par
les antiépileptiques induisant les enzymes du cytochrome
P450. La contragestion est néanmoins possible chez la femme
épileptique en raison de la dose relativement élevée de mifépristone qu’on administre en prise unique pour interrompre
la grossesse.
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La prescription de la lamotrigine aux femmes prenant un
contraceptif estroprogestatif n’est pas contre-indiquée, mais
un ajustement de la posologie s’impose lorsqu’on initie la
contraception, qu’on change de contraceptif (notamment
Épilepsies, vol. 21, n° 4, octobre-novembre-décembre 2009
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