MAT2611 : algèbre 2, hiver 2016 Travaux pratiques #10, 8 avril Exercice 1. Soit 1 0 −1 A = 4 3 2 . 2 1 1 Calculez le polynôme caractéristique de A. Trouvez le polynôme minimal de A. Trouvez la forme de Jordan de A et la forme canonique rationnelle de A. Si B est la forme canonique rationnelle de A, trouvez une matrice inversible P telle que B = P −1 AP . Solution. On a que x−1 0 1 cA (x) = det −4 x − 3 −2 −2 −1 x − 1 x − 3 −2 −4 x − 3 = (x − 1) det + det −2 x − 1 −2 −1 = (x − 1)2 (x − 3) − 2(x − 1) + 4 + 2(x − 3) = (x − 3)(x − 1)2 . Donc, soit mA (x) = (x − 3)(x − 1), soit mA (x) = (x − 3)(x − 1)2 (il faut que mA (x) ait les mêmes racines que cA (x)). On examine si (A − 3I)(A − I) = 0 : on a que −2 · · 0 0 −1 −2 0 −1 (A − 3I)(A − I) = 4 0 2 · 4 2 2 = · · · 6= 0. · · · 2 1 0 2 1 −2 Donc mA (x) = (x − 3)(x − 1)2 . Les possibilités pour la forme de Jordan de A sont J1 = 3 1 1 3 et J2 = 1 1 1 Puisque mA a des racines doubles, on sait que A n’est pas diagonalisable, donc la forme de Jordan est la matrice J2 . Donc, les diviseurs élémentaires de A (c’est-à-dire, du F [x]-module induit par A) sont x − 3 et (x − 1)2 . On déduit tout de suite qu’il y a seulement un facteur invariable, le polynôme a1 (x) = (x − 3)(x − 1)2 = cA (x) = x3 − 5x2 + 7x − 3. Donc, la forme canonique rationnelle de A est la matrice 0 0 3 B = 1 0 −7 . 0 1 5 1 2 Finalement, on calcule P tel que P −1 AP = B. On a que x−1 0 1 x−1 0 1 R +2R1 →R2 2x − 6 x − 3 0 xI − A = −4 x − 3 −2 2 −→ −2 −1 x − 1 −2 −1 x − 1 x−1 0 1 1 0 x−1 R3 −(x−1)R1 →R3 C1 ↔C3 2x − 6 0 x − 3 x − 3 0 −→ 2x − 6 −→ 2 2 −x + 2x − 3 −1 0 0 −1 −x + 2x − 3 1 0 0 1 0 0 C3 −(x−1)C1 →C3 C −2C2 →C3 0 x − 3 0 x − 3 2x − 6 3 −→ 0 −→ 2 2 0 −1 −x + 2x − 3 0 −1 −(x − 1) 1 0 0 1 0 0 R2 +(x−3)R3 →R2 2 ↔R3 0 0 −(x − 3)(x − 1)2 R−→ 0 −1 0 −→ 2 0 −1 0 0 0 −(x − 3)(x − 1) 1 0 0 1 0 0 −R2 →R2 3 →R3 −R−→ . 0 1 0 0 −→ 0 1 2 2 0 0 −(x − 3)(x − 1) 0 0 (x − 3)(x − 1) Donc, pour calculer 1 0 I = 0 1 0 0 P , on suit les opérations suivantes : 0 1 0 0 0 0 0 C −2C2 →C1 3 →C1 −2 1 0 C1 +(A−I)C 0 1 0 0 1 −→ −→ 1 0 0 1 0 0 1 −C2 → C2 0 0 0 0 0 0 0 0 0 −C → C 3 3 2 ↔C3 0 1 0 C−→ 0 0 1 0 0 −1 . −→ 0 0 0 0 0 0 0 0 0 C3 −(A−3I)C2 →C3 −→ Donc 0 0 1 P = −1 −3 −11 . 0 −1 −4 En effet, on peut confirmer que 1 −1 3 P −1 = −4 0 −1 1 0 0 et, par la suite, P −1 AP = B. Exercice 2 (ex. 9, p. 500). Montrez que les matrices −8 −10 −1 −3 2 −4 9 1 B = 4 −1 4 A= 7 3 2 0 4 −2 5 ont les deux (x − 1)2 (x + 1) comme polynôme caractéristique mais l’un est diagonalisable et l’autre ne l’est pas. Déterminez la forme de Jordan de ces deux matrices. Solution. Un calcul directe implique que cA (x) = cB (x) = (x−1)2 (x+1). Puisque mA |cA et ces deux polynômes ont les mêmes racines, on voit que soit mA (x) = (x − 1)(x + 1) = x2 − 1, 3 soit mA (x) = (x − 1)2 (x + 1). On a que −3 · · A2 = · · · 6= I · · · Donc mA (x) = (x − 1)2 (x + 1), ce qui implique que A n’est pas diagonalisable. Les formes de Jordan possibles sont 1 1 1 et J2 = 1 J1 = 1 −1 −1 et on peut exclure J2 car A n’est pas diagonalisable. De même, on a que soit mB (x) = x2 − 1 soit mB (x) = (x − 1)2 (x + 1). Dans ce cas-ci, on peut vérifier que B 2 = I, donc mB (x) = x2 − 1 = (x − 1)(x + 1), ce qui implique que B est diagonalisable. Donc, J2 est la forme de Jordan de B. Exercice 3. Soit A une matrice n × n sur un corps F . (a) (ex. 21, p. 501) Soit A une matrice n × n sur un corps F . Si A2 = A, alors montrez que A est semblable à une matrice diagonale ayant seulement des 1 et des 0 sur sa diagonale. (b) (ex. 22, p. 501) Si F = C et A3 = A, alors montrez que A est diagonalisable. Est-ce que c’est vrai sur n’importe quel corps F ? (c) (ex. 24, p. 501) Supposons que n = 3 et que F = Q. Si A8 = I, alors montrez que A4 = I également. Solution. (a) La matrice A vérifie le polynôme x2 − x = x(x − 1). Donc mA (x)|x(x − 1). En particulier, le corps F contient toutes les racines de A, qui sont nécessairement toutes simples et égales à 0 ou 1. Donc, A est diagonalisable et les seules possibilités pour ses valeurs propres sont les nombres 0 et 1. Par la suite, A est semblable à une matrice diagonale ayant seulement des 1 et des 0 sur sa diagonale, comme voulu. (b) Comme à la partie, mA (x)|x3 − x = x(x − 1)(x + 1). Donc, mA (x) n’a pas de racines multiples. (Ici, on sait déjà que F = C contient toutes les racines de mA d’après le théorème fondamental de l’algèbre, même on peut le déduire aussi de la relation mA (x)|x3 − 1.) Donc, A est diagonalisable. Cependant, si F est tel 1 = −1, alors c’est possible que mA (x) = x(x − 1)2 , qui a des racines doubles. Un tel example est donné par le paire F = Z/2Z et 1 1 A = 1 . (c) On a que mA (x)|x8 − 1 = (x4 − 1)(x4 + 1). On peut voir que x4 + 1 est irréductible dans Q[x] : on a que (x + 1)4 + 1 = x4 + 4x3 + 6x3 + 4x + 2, donc le critère d’Eisenstein (p = 2 ici) implique que x4 + 1 est irréductible dans Z[x]. Donc x4 + 1 est irréductible dans Q[x] aussi. On doit avoir que (mA (x), x4 + 1) = 1 ; sinon, x4 + 1|mA (x), ce qui implique que deg(mA ) ≥ 4. Cependant, A est une matrice 3 × 3 et, par la suite, deg(mA ) ≤ 3 < 4. Donc, (mA (x), x4 + 1) = 1, ce qui implique que mA (x)|(x4 − 1) et, par conséquent, A4 = I. 4 Exercice 4 (ex. 16, p. 489). Montrez que x5 − 1 = (x − 1)(x2 − 4x + 1)(x2 + 5x + 1) dans F19 [x]. Utilisez ce fait pour déterminez modulo similitude toutes les 2 × 2 matrices sur F19 d’ordre multiplicative 5. Solution. On a que x5 − 1 = (x − 1)(x4 + x3 + x2 + x + 1) et que (x2 − 4x + 1)(x2 + 5x + 1) = x4 + x3 − 18x2 + x + 1 ≡ x4 + x3 + x2 + x + 1 (mod 19). De plus, on peut voir que les polynômes x2 − 4x + 1 et x2 + 5x + 1 n’ont pas de racines mod 19 : leurs discriminants sont 12 = 23 · 3 et 21 = 3 · 7, et la loi de réciprocité quadratique implique que 3−1 19−1 12 3 19 1 · = = (−1) 2 2 =− = −1 19 19 3 3 et que 19−1 5−1 7−1 19 7 21 3 7 7 5 1+ 7−1 · · = =− = (−1) 2 2 = = (−1) 2 2 19 19 19 19 7 7 5 2 = −1 = 5 car 2 6= (mod 5). (Ici, ap est le symbole de Legendre, défini comme 0 si p|a et, sinon, comme 1 si a ≡ (mod p) et comme -1 si a 6≡ (mod p).) Puisque les polynômes x2 − 4x + 1 et x2 + 5x + 1 n’ont pas de racines mod 19, ils sont irréductibles dans F19 [x]. Maintenant, si ord(A) = 5, alors A5 = I et A 6= I. En particulier, mA (x)|x5 − 1 = (x − 1)(x2 − 4x + 1)(x2 + 5x + 1). On sait que (mA (x), x − 1) = 1 car A 6= I. Puisque A est une matrice 2 × 2, ce qui implique que deg(mA ) ≤ 2, on trouve que soit mA (x) = x2 − 4x + 1 soit mA (x) = x2 + 5x + 1. À chaque cas, mA (x) doit être le seul facteur invariable de A : son degré est égale à 2, qui est aussi le degré de cA (x), et mA (x)|cA (x). Donc, soit 0 −1 0 −1 soit A ∼ . A∼ 1 4 1 −5 Exercice 5 (ex. 20, p. 489). Soient ` et p deux nombres premiers et soit Φ` (x) = x`−1 + x`−2 + · · · + x + 1 le `-ième polynôme cyclotomique. Le but de cet exercice est d’étudier la factorisation de Φ` modulo p et, plus précisément, le degré de son plus petite facteur irréductible modulo p. (a) Si p = `, alors montrez que x − 1 divise Φ` (x) dans Fp [x], où Fp = Z/pZ. (b) Supposons que p - ` et soit m le plus petit nombre naturel pour lequel le groupe GLm (Fp ) contient un élément d’ordre `. (On a que |GLm (Fp )| = (pm − 1)(pm − p) · · · (pm − pm−1 ). En particulier, ` divise |GL`−1 (Fp )|, donc m est bien défini par le théorème de Cauchy.) Si A est un tel élément, alors montrez que cA (x) est un facteur de Φ` (x) de degré m qui est irréductible dans Fp [x]. Réciproquement, montrez que si g(x) est non-constant et il divise Φ` (x) dans Fp [x], alors deg(g) ≥ m. (c) Si p - `, alors posons f = ord` (p), c’est-à-dire f est le plus petit nombre naturel pour lequel pf ≡ 1 (mod `). Montrez que f = m. Déduisez que Φ` (x) est irréductible dans Fp [x] s-si p est une racine primitive modulo `. Solution. (a) On a que Φp (1) = p ≡ 0 (mod p), donc x − 1|Φp (x). 5 (b) Tout d’abord, on montre la deuxième partie : si g(x)|Φ` (x) avec deg(g) ≥ 1, alors deg(g) ≥ m. En effet, si A = Cg(x) , alors on sait que cA (x) = g(x). De plus, g(0) 6= 0 car Φ` (0) = 1 6= 0. Donc, A ∈ GLdet(g) (Fp ). On observe, aussi, que g(A) = 0 par le théorème de Cayley-Hamilton. Puisque g(x)|Φ` (x)|x` − 1, alors A` = I. Donc, la définition de m implique que m ≤ deg(g), comme affirmé. Maintenant, soit A ∈ GLm (Fp ) avec ord(A) = `. Donc, A` = I et A 6= I. On déduit que mA (x)|x` − 1 = (x − 1)Φ` (x). Puisque A 6= I, alors (mA (x), x − 1) = 1, ce qui implique que mA (x)|Φ` (x). On a que deg(mA ) ≤ m car A ∈ GLm (Fp ). De plus, puisque mA (x)|Φ` (x), alors la première partie implique que deg(mA ) ≥ m. Alors, on trouve que deg(mA (x)) = m. Puisque mA (x)|cA (x) et deg(cA ) = m, alors cA (x) = mA (x). Finalement, on montre que cA = mA est irréductible sur Fp . En effet, si g(x) est un facteur non-constant de mA (x), alors g(x)|Φ` (x), et la première partie implique que deg(g) ≥ m = deg(mA ). Donc, on voit que mA (x) n’a pas de facteurs non-triviaux, ce qui montre son irréductibilité. (c) Soit f = ord` (p). Donc `|pf −1, ce qui implique que `||GLf (Fp )|. Le théorème de Cauchy implique que GLf (Fp ) possède un élément d’ordre `. Donc f ≥ m. Finalement, observons que `||GLm (Fp )| = (pm − 1)(pm − p) · · · (pm − pm−1 ) par le théorème de Lagrange (GLm (Fp ) possède un élément d’ordre `). Donc `|pm − pj pour un j ∈ {0, . . . , m − 1}. Puisque ` 6= p, on déduit que `|pm−j − 1, ce qui implique que m − j ≥ f . En particulier, m ≥ f , ce qui montre que m = f . Finalement, on a que Φ` (x) est irréductible s-si m = deg(Φ` ) = ` − 1, s-si ord` (p) = ` − 1, s-si p engendre le groupe F∗` , s-si p est une racine primitive mod `.