Groupe de recherche interdisciplinaire en santé Secteur santé publique Faculté de médecine Analyse de la conception logique d'un dossier patient partageable Évaluation du Projet vitrine : Dossier Patient Partageable L'expérimentation d'un dossier patient électronique au sein d'un réseau de soins intégrés Étude comparée de la collaboration interorganisationnelle et de ses effets : Claude Sicotte Lambert Farand Guy Paré Pascale Lehoux Duncan Sanderson R05-02 Février 2005 Dépôt légal – 1er trimestre 2005 Bibliothèque nationale du Québec Bibliothèque nationale du Canada ISBN 2–921954–86–9 ANALYSE DE LA CONCEPTION LOGIQUE D'UN DOSSIER PATIENT PARTAGEABLE Évaluation du Projet vitrine : Dossier Patient Partageable L'expérimentation d'un dossier patient électronique au sein d'un réseau de soins intégrés Claude Sicotte 1 , PhD Lambert Farand 1 , Md, PhD Guy Paré 2 , PhD P a sca l e L e h o u x 1 , PhD D u n ca n S a n d e rso n 1 , PhD (1) Département d'administration de la santé & Groupe de recherche interdisciplinaire en santé Université de Montréal (2 ) Chaire de recherche du Canada en TI dans le secteur de la santé HEC Montréal Février 2002 TABLE DES MATIÈRES Résumé synthèse . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 3 Introduction. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 4 1. Description du projet vitrine de Dossier Patient Partageable (DPP) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 4 2. Modélisation du Projet vitrine DPP . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 6 Le DPP, une innovation de l'information et de la communication . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 6 Potentiel informationnel . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 8 L'adoption de systèmes informatisés chez les médecins : une opération difficile . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 9 L'amélioration du continuum de soins . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 9 Une meilleure prestation des soins . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 10 3. Résultats de l'analyse de la logique du projet vitrine DPP . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 10 Les enjeux technologiques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 10 Performance technique du DPP Potentiel informationnel du DPP L'interface utilisateur Les enjeux cliniques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 10 Le DPP : un concept à raffiner et élargir Utilité perçue : le médecin avant tout Masse critique Enjeu sensible : la qualité de la décision médicale Les enjeux administratifs . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 15 Les enjeux légaux . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 15 Références . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 17 Annexe 1 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 18 Résumé synthèse Ce document présente les premiers résultats d'une recherche évaluative menée en marge du projet vitrine du Dossier Patient Partageable (DPP). Cette recherche vise à produire une information utile apte à cerner les enjeux professionnels, organisationnels et technologiques associés au déploiement de la solution technologique proposée par le projet vitrine. Ce premier rapport de recherche s'attache d'abord à modéliser les mécanismes par lesquels l'innovation technologique que représente le DPP peut susciter les bénéfices recherchés et il examine par la suite comment et à quelles conditions le DPP peut permettre d'atteindre les objectifs poursuivis. Ce type d'analyse est utile à ce stade-ci du projet car elle permet aux acteurs de réfléchir sur la logique du projet et sur son développement de manière à vérifier si les actions entreprises permettent d'atteindre les objectifs fixés. Comme le projet est en cours, il est possible d'entreprendre des actions permettant d'en renforcer la cohérence. Dans cette perspective, la modélisation du projet vitrine nous a permis d'identifier quatre grands enjeux fondamentaux:les enjeux technologiques, les enjeux cliniques, les enjeux administratifs et les enjeux légaux (sécurité, confidentialité, gestion du consentement). Ces enjeux gravitent autour d'un même point focal essentiel à la réussite du projet : l'adoption par les médecins du DPP. Deux facteurs demeurent névralgiques au déploiement de la solution technologique proposée : l'utilité perçue et l'alignement entre les nouveaux processus d'affaires introduits par la technologie et l'organisation du travail clinique. Afin de renforcer la qualité du projet vitrine, notre analyse nous a permis d'identifier une série de suggestions que nous résumons ci-dessous. Premièrement, nous recommandons d'identifier le plus rapidement possible les médecins futurs utilisateurs du DPP : ceux qui utiliseront effectivement le système lors de l'expérimentation prévue en contexte réel. L'avantage de ce choix précoce est de pouvoir analyser plus précisément leurs besoins en informations cliniques et d'ainsi pouvoir augmenter le potentiel informationnel du DPP et l'utilité perçue par ces médecins. Deuxièmement, nous recommandons que des simulations en laboratoire (in vitro) avec des données réelles soient entreprises avec ces médecins utilisateurs. Les résultats de ces simulations visent à personnaliser l'interface aux besoins de ces utilisateurs. Ces simulations devraient être réalisées avec des données réelles. Troisièmement, nous recommandons que le concept de Dossier Patient Partageable (DPP) qui met l'accent sur le partage de données cliniques entre des organisations différentes soit élargi de manière à également présenter le DPP comme un Dossier Patient Informatisé (DPI) qui peut être utilisé comme un dossier patient interne. Cette recommandation vise à améliorer l'utilité perçue et à mieux intégrer le nouveau système dans les routines de pratique des médecins. Quatrièmement, nous recommandons de créer le plus tôt possible un réservoir de données cliniques le plus large possible. Ce réservoir permettra dès les tous débuts de l'expérimentation d'avoir une quantité d'informations cliniques sur un nombre élevé de patients de manière à intéresser rapidement les médecins et, du même coup, les inciter à utiliser le système. Cinquièmement, nous recommandons qu'une analyse serrée soit menée de manière à s'assurer que les nouveaux processus d'affaires exigés par le DPP soient bien harmonisés avec les processus d'affaires associés au dossier papier. Sixièmement, nous recommandons de considérer les processus de sécurité, de confidentialité et de gestion du consentement comme faisant partie à part entière de l'expérimentation. Ces mesures doivent donc être flexibles et modifiées selon les difficultés rencontrées par les utilisateurs – médecins et patients – lors de leur application. Nous recommandons également de s'inspirer a priori des mesures existantes qui ont été développées autour du dossier papier de manière à s'adapter le plus possible aux conditions usuelles de la pratique médicale. 3 Introduction E n janvier 2001 débutait un projet d'expérimentation d'un nouveau système d'information et de communication au sein d'un réseau d'organisations de santé partenaires : un Centre hospitalier universitaire pédiatrique, deux hôpitaux de soins aigus spécialisés pour adultes et enfants ainsi que cinq cliniques médicales pédiatriques. L'objectif de ce projet est « d'expérimenter l'intégration des données cliniques pour améliorer le suivi des patients et être capable d'offrir les soins appropriés, au moment opportun et aussi près que possible des patients, le tout à un coût le plus efficace possible ». L'infrastructure technologique de ce réseau repose sur une solution proposée par la compagnie IBM : le système Health Data Network (HDN). Ce système est une solution d'intégration pour le domaine de la santé qui permet de fusionner les données de systèmes hétérogènes tels que les systèmes de laboratoire, les systèmes d'admission, les systèmes de radiologie et les systèmes de transcription. La solution HDN permet de personnaliser les gabarits de présentation pour obtenir une interface conviviale. Un second système informatisé, proposé par la compagnie Tekflow, assurera la saisie et la gestion d'images dynamiques qui seront intégrées à la solution HDN. En marge de ce projet, une recherche évaluative est menée de manière à produire une information utile apte à cerner les enjeux professionnels, organisationnels et technologiques associés au déploiement d'une telle solution technologique et ainsi mieux éclairer les décisions futures de son déploiement à plus large échelle dans le système de santé québécois. Ce document présente un premier rapport de cette recherche. Il s'agit d'une analyse de la logique sous-jacente à la conception et au déploiement du DPP au sein du réseau interorganisationnel participant au projet vitrine. Cette analyse est la première étape de la recherche évaluative. Cette analyse s'attache d'abord à modéliser le rôle et les mécanismes par lesquels l'innovation technologique que représente le DPP peut susciter les bénéfices recherchés et elle examine par la suite, pour le cas précis du projet vitrine, comment et à quelles conditions le DPP sous évaluation peut permettre d'atteindre les objectifs poursuivis. En fait, ce type d'analyse vise à vérifier dans quelle mesure la logique de fonctionnement du DPP – en fait, la théorie à la base de la solution technologique proposée – est empiriquement viable. Dans cette perspective, ce rapport comporte trois sections. Une première section présente les principales caractéristiques du projet vitrine Dossier Patient Partageable qui fait l'objet de la présente évaluation. La seconde section dresse une modélisation du projet vitrine. Il s'agit ici de rendre explicite les mécanismes ainsi que leurs interrelations qui permettent d'atteindre les effets recherchés. Ensuite, nous dressons un bilan évaluatif des forces et faiblesses du modèle adopté dans le cadre du projet vitrine. Ce bilan permet de jauger la valeur de chacun des mécanismes mis en place et de discuter de leur cohérence logique les uns par rapport aux autres. Afin de mener à bien cette analyse, nous avons, d'une part, pris connaissance de la littérature spécialisée traitant de divers projets de conception et d'implantation de systèmes de dossier patient informatisé ainsi que la littérature sur l'émergence de réseaux interorganisationnels autour des nouvelles technologies de l'information et de la communication. De plus, nous avons documenté et analysé le concept du DPP de manière à rendre explicite sa conception logique. À cet effet, nous avons eu recours à différentes sources d'information de manière à bien comprendre la logique de fonctionnement qui est mise en action dans le cadre du projet vitrine DPP. Ainsi, nous avons procédé à (1) une analyse documentaire des documents administratifs produits, à ce jour, sur le projet vitrine ; (2) l'observation non participante à diverses réunions portant sur la conception et le déploiement du DPP ; et (3) des entrevues semistructurées auprès d'une série d'acteurs-clés impliqués dans le projet. Il s'agit d'un matériel riche qui, grâce au croisement entre divers points de vue, observations et perceptions, permet de bien préciser la logique de conception qui est mise en œuvre dans le projet vitrine. Il est par contre utile de faire la mise en garde suivante. Ce matériel est valide au moment de la rédaction de ce rapport. Le projet est en cours et en constante évolution. Il est donc normal que la conception du système évolue et se modifie. Nous présentons donc ici, au meilleur de nos connaissances, les faits tels qu'ils nous sont apparus. D'ailleurs, nous espérons que ce rapport contribuera à cette évolution et saura apporter un apport utile à la conduite de ce projet novateur et complexe. 1. Description du projet vitrine de Dossier Patient Partageable (DPP) Le projet vitrine de Dossier Patient Partageable est un projet d'expérimentation qui vise à déployer un dossier patient informatisé partageable au sein d'un réseau d'établissements offrant des soins maternauxinfantiles de 1ere, 2e et 3e lignes. Ces établissements sont un CHU pédiatrique, l'Hôpital Ste-Justine ; deux hôpitaux de soins généraux spécialisés adultes et pédiatriques, le centre hospitalier St-Eustache et Cité de la santé qui intègre un centre hospitalier ambulatoire : le CHAL ; ainsi que cinq cliniques médicales pédiatriques où pratiquent des médecins associés aux deux hôpitaux St-Eustache et Cité de la santé. 4 Comme le nom du projet vitrine l'indique, le cœur de ce projet est le dossier patient partageable qui se présente sous format électronique. La solution informatisée vise à surmonter les contraintes usuelles associées au dossier papier et à capturer le potentiel de données électroniques en matière de gestion et de communication de l'information. Le caractère novateur du présent projet est de proposer un dossier patient qui est développé sur la base d'un concept récent en système d'information : l'entrepôt de données (“Data warehouse”). Cette solution informatique offre plusieurs avantages aux plans informationnel et communicationnel : le principal étant de mettre à profit les technologies issues de l'internet afin de s'affranchir de l'incompatibilité existant entre des systèmes différents et des barrières spatiales usuelles entre des services d'une même organisation ou des organisations différentes. Ces technologies permettent en effet l'échange d'informations entre des plates-formes technologiques différentes utilisant leurs logiciels propres. De surcroît, grâce à des réseaux de télécommunications, cet échange peut également être réalisé sans contraintes de distance. Ainsi, dans un contexte de soins hospitaliers et ambulatoires, il est possible à des équipes localisées en des sites différents de consulter, en utilisant les systèmes informationnels qui leur sont familiers, des données cliniques d'un même patient saisies et entreposées sur un support informatique commun:l'entrepôt de données cliniques. La solution technologique offrant cet entrepôt de données est une solution développée par la compagnie IBM : le système HDN (Health Data Network). Les composantes principales du système HDN sont : • L'index patient maître : Il permet d'identifier chaque personne du système par un numéro d'identification unique. Il contient un outil de recherche sophistiqué qui permet l'utilisation de plusieurs paramètres pour identifier ces personnes. • Un dictionnaire d'entités médicales:Il constitue une des pièces maîtresses de la solution HDN. Il agit comme un filtre qui permet, entre autres, la normalisation des appellations et des valeurs. • Les données cliniques : Elles sont représentées en fonction du rôle (profil) de l'utilisateur du système. • La sécurité : Cette fonction permet d'appliquer les règles de confidentialité et de protection de l'information. • Les fonctions administratives : Ces fonctions permettent, entre autres, le traitement des rencontres, l'enregistrement des nouveaux patients, la vérification de l'admissibilité, ... • La gestion des références:Cette fonction permet de diriger un patient vers un spécialiste en plus de lui donner accès aux données cliniques pertinentes. • La gestion des documents cliniques : Cette fonction consiste à acheminer les nouveaux résultats de tests de laboratoire ou radiologie au médecin traitant sitôt qu'ils sont disponibles sur HDN. Une seconde solution technologique est également expérimentée dans le cadre du projet. La compagnie Tekflow offre une solution d'archivage et d'emmagasinage des images dynamiques. Elle servira à la gestion de données de télémédecine et servira de fichier source alimentant l'entrepôt de données HDN. Dans le cadre du projet vitrine DPP, la solution HDN vise à permettre la diffusion des données-patients suivantes aux intervenants identifiés et certifiés : • Données démographiques et de visites aux établissements • Rapports de laboratoires • Rapports de radiologie, incluant les rapports de télésanté fournis par la solution Tekflow • Rapports transcrits (transcriptions), y compris les rapports stockés dans Lotus Notes dont le sommaire des dossiers • Examens d'imagerie médicale stockées dans la solution Tekflow ainsi que dans le système PACS que l'Hôpital Ste-Justine déploie actuellement au sein de son site. Cette liste de données forme l'essentiel des données qui feront l'objet de l'expérimentation du DPP. Toutefois, les discussions se poursuivent encore pour vérifier s'il est possible d'ajouter d'autres données. Afin de permettre la diffusion des données qui seront mises dans le système HDN, le projet vitrine doit implanter une série de fonctions : • Interfaces aux systèmes existants – radiologie (RIS), laboratoires, admissions, transcriptions • Sécurité – Authentification, définition des rôles et profils de sécurité • Administration – ouverture de dossiers, déplacement des données et fusion de données des patients • Dictionnaire des données médicales 5 • Transfert des données • Gestion du consentement • Index maître (MPI) – Création d'un numéro unique d'identification qui permet de faire la correspondance avec les identifiants à l'aide des services suivants : • Services de résolution (PRS) • Services de répertoire • Algorithmes de résolution 1. Favoriser l'échange d'information entre les différentes organisations prestataires de soins de santé dans le but d'améliorer le continuum de soins 2. Améliorer la présentation des données sur la santé des patients et les interventions, à l'échelle de la communauté médicale 3. Diminuer la redondance en matière d'examens de laboratoire, en facilitant l'accès aux diagnostics et ainsi diminuer les coûts 4. Diffuser l'information via des protocoles de soins afin de promouvoir l'adoption de normes • Détection des doublons • Liens des identifiants d'autres systèmes aux personnes identifiées dans HDN. Au niveau de l'équipement informatique, un environnement partagé sera mis en place entre les établissements participants. Cet environnement comprend un serveur de configuration, un serveur de test, un serveur de formation, un serveur de production et une unité de prise de copie. Finalement, il est important de souligner que le projet va au-delà de la mise en place d'une infrastructure technologique. L'expérimentation comprend également une phase d'expérimentation en contexte réel. L'objectif est d'amener des médecins à utiliser le DPP dans le traitement de leurs patients. Les nombres d'usagers visés sont les suivants : 50 utilisateurs à l'Hôpital Ste-Justine, 15 utilisateurs à Cité de la santé, 5 utilisateurs à St-Eustache et 5 utilisateurs de chacune des cliniques pédiatriques. L'échéancier du projet s'étale sur une période de 28 mois. Cinq phases sont prévues : Phase 1 – Analyse des données (4 mois : Février - Mai 2001) ; Phase 2 – Analyse fonctionnelle (4 mois : Juin - Septembre 2001) ; Phase 3 – Configuration qui comprend l'élaboration du dictionnaire d'entités médicales (MED) (9 mois : Octobre 2001 - Juin 2002) ; Phase 4 – Test (6 mois : Juillet Décembre 2002) ; Phase 5 – Implantation (6 mois : Janvier - Juin 2003). Fort de cette solution technologique, le projet vitrine s'est fixé une série d'objectifs qu'il compte atteindre grâce aux nouveaux systèmes informationnels et communicationnels qui seront déployés. Ces objectifs sont au nombre de cinq : 5. Faciliter la prestation du niveau de soins adéquat, au bon endroit et en temps opportun, avec les informations exactes. 2. Modélisation du Projet vitrine DPP De manière à bien comprendre et pouvoir analyser de quelles façons les solutions technologiques proposées peuvent permettre d'atteindre les cinq objectifs visés par le projet vitrine, nous avons modélisé l'ensemble du projet afin de rendre explicite les mécanismes grâce auxquels ce projet peut atteindre les objectifs qu'il s'est fixés. Cette modélisation de l'expérimentation est présentée à la Figure 1. On y retrouve les dimensions importantes et les interrelations entre ces dimensions. Dans ce chapitre, nous décrivons le modèle pour permettre au lecteur d'en saisir la portée. Dans le chapitre suivant, nous nous servirons de ce modèle pour analyser les enjeux entourant le projet vitrine DPP et examiner la plausibilité que les effets recherchés se produisent. De cette manière, nous comptons identifier les enjeux du projet tels qu'ils se présentent à ce moment-ci et suggérer des voies de solutions permettant d'assurer le succès de l'expérimentation en cours. Le DPP, une innovation de l'information et de la communication Le concept central d'un dossier patient partageable (DPP) est de réunir une information clinique utile et de qualité et de pouvoir communiquer cette information au personnel clinique, ici des médecins, afin qu'ils puissent mieux traiter leurs patients. Un DPP conjugue donc deux capacités fondamentales : une capacité informationnelle – la notion de dossier patient – et une capacité communicationnelle – la notion de dossier partageable qui peut donc communiquer à distance –. Comme nous 6 Figure 1 : Modélisation du projet vitrine : Dossier Patient Partageable Solutions technologiques Architecture informationnelle du DPP Attributs des données Nature des données Technologies Internet LOGICIEL DDP • Interfaces Systèmes existants • Dictionnaires données • Sécurité • Index maître • Gestion consentement • Entrepôt de données LOGICIEL IMAGERIE MÉDICALE • Gestion images télémédecine RÉSEAU DE TÉLÉCOMMUNICATIONS • RTSS Performance technique du DPP • ADT • Résultats laboratoires • Radiologie (RIS) Pertinence des données Volume des données Interface Utilisateurs • Nature & volume de patients • Nombre d’établissements Masse critique (Nature des données: variété & exhaustivité + volume de patients) • Facilité d’accès • Ergonomie de l’interface • Performance temps réponse Qualité des données (Validité, fiabilité, accessible au moment opportun) Traitement des données Amélioration présentation des données cliniques et des interventions (Obj # 2) Valeur informationnelle Potentiel informationnel du DPP © Sicotte et coll., 2002 Alignement Technologie – Organisation du travail clinique Processus d’affaires (Tâches cléricales) • Intégration dossier papier et DPP • Gestion du consentement Utilité perçue Alignement Technologie – Organisation du travail Processus de production (Tâches cliniques) Adoption du DPP Utilisation du DPP Indices: • Nombre de patients • % de clientèle totale • Fréquence quotidienne • Nature données consultées Modifications des pratiques cliniques Favoriser l’échange de données entre les organisations Amélioration du continuum (intra & inter organisationnel) de soins (Obj # 1) Diminution de la redondance des analyses de laboratoires (Obj # 3) Faciliter la prestation des soins • Niveau adéquat • Bon endroit • Temps opportun (Obj # 5) Diffusion protocoles de soins (Obj # 4) Résultats intermédiaires Résultats ultimes © Sicotte et coll., 2002 7 l'avons déjà souligné, la solution technologique adoptée dans le présent projet repose sur un concept récent en systèmes d'information : l'entrepôt de données (“Data warehouse”). Dans le secteur de la santé, cette technologie représente une innovation à un double titre : au niveau de l'informatisation du dossier traditionnel et au niveau des communications à distance. L'entrepôt de données représente une solution technologique intéressante en matière de dossier patient. Premièrement, le concept d'entrepôt de données cliniques permet de pallier à trois des principaux facteurs qui ont traditionnellement freiné la conception du dossier patient informatisé: 1- l'existence de différents modèles d'architecture des données (modèle pharmacie, modèle laboratoire, modèle médical, modèle infirmier, ...). Ces modèles différents rendent difficile la réalisation d'une architecture conceptuelle unique que cherchent usuellement à réaliser les équipes tentant de développer un dossier patient informatisé ; 2- la présence de multiples utilisateurs aux besoins informationnels variés et différents. Le dossier patient informatisé doit répondre aux exigences du personnel infirmier et médical évoluant sur les unités de soins ainsi qu'aux besoins du personnel exerçant sur les unités périphériques (pharmacie, laboratoires) 3- le caractère névralgique de l'information. Il s'agit d'informations requises à l'intervention clinique. Les professionnels ne peuvent accepter aucun compromis sur la qualité (exhaustivité, précision, temps-réponse) de cette information car la qualité de l'acte professionnel en dépend et donc la santé des patients. Deuxièmement, le concept d'entrepôt de données cliniques allié à la disponibilité de réseaux de télécommunications sécurisés de type intranet offre une solution intéressante aux problèmes de circulation et partage d'informations au sein de réseaux d'organisations de santé offrant des soins aux mêmes patients. L'écueil principal à l'échange de ces informations entre différents points de services est la dispersion de ces informations sur des systèmes informatisés différents et localisés dans des organisations distinctes. Une perçée technologique récente permet maintenant de surmonter le problème d'accès à ces données cliniques qui sont dispersées parmi plusieurs systèmes d'information souvent situés en des lieux physiques différents. Il s'agit de l'émergence des nouvelles technologies de communication de type Internet. Ces technologies permettent en effet de réaliser une intégration informationnelle de données dispersées en reliant entre eux ces systèmes grâce à un réseau de télécommunications sécurisées:un Intranet. Le Québec s'est récemment doté d'une telle infrastructure communicationnelle dédiée au système de santé: le RTSS (Réseau de télécommunications de la santé et des services sociaux). L'entrepôt de données, qui est conçu sur la base de technologies internet, peut donc mettre à profit ce réseau de télécommunications pour assurer un partage de données cliniques et ainsi réaliser le double effet recherché dans le projet DPP : un dossier patient et un dossier partageable. Un accès, grâce à un entrepôt de données cliniques, à des données partagées, accessibles à distance, pourrait donc permettre de palier à plusieurs des problèmes rencontrés dans la transformation actuelle de notre système de santé qui met l'accent sur les soins ambulatoires et les réseaux intégrés de soins. En fait, un DPP représente un outil informationnel et communicationnel qui, en principe, peut permettre d'améliorer la réalisation des grands objectifs des systèmes de santé à savoir l'accessibilité, la continuité et la globalité des soins. Potentiel informationnel Pour être accepté, un DPP doit contenir une information clinique utile. En cette matière, il faut reconnaître que le volume de données cliniques électroniques était jusqu'à récemment limité dans le secteur de la santé. Mais la situation se modifie. L'informatisation de données cliniques devient un phénomène de plus en plus largement répandu. La quantité et la variété des informations disponibles sur des supports électroniques progressent rapidement dans tous les systèmes de santé des pays développés. Il s'agit de penser aux informations tels les résultats de laboratoire et la médication qui sont largement disponibles sur fichiers électroniques. À l'hôpital, les notes de congé et de consultation, dictées par les médecins, sont régulièrement transcrites sur des logiciels de traitement de textes. Donc ces données existent, de fait, en format électronique. Un phénomène encore plus récent est le déploiement rapide au Québec de systèmes informatisés en matière d'imagerie médicale numérique, les systèmes PACS (Pictures Archiving and Communication System). Somme toute, ces quatre types d'informations réunies–résultats de laboratoire, médication, notes médicales et imagerie médicale – représentent une partie substantielle du dossier médical. Dans un tel environnement technologique, conjuguant une quantité appréciable de données cliniques disponibles sous forme électronique et un réseau de télécommunications sécurisé, la technologie du DPP peut permettre de constituer un dossier médical parcellaire qui deviendra progressivement de plus en plus complet, laissant entrevoir, à terme, un dossier médical virtuel complet. 8 L'adoption de systèmes informatisés chez les médecins : une opération difficile La difficulté d'utiliser des systèmes d'information informatisés en milieu clinique demeure une embûche importante. La saisie directe d'informations par des professionnels demeure difficile. Les solutions informatisées existantes reposent souvent sur la collaboration d'un personnel clérical qui est responsable d'une partie importante de la manipulation des données. Il faut comprendre que la pénétration de ces technologies dans l'univers de la pratique médicale en est encore à ses premiers balbutiements. Cet état de fait n'est pas un problème technologique à proprement parler, ni un réel problème de résistance au changement. La technologie disponible à l'heure actuelle possède des fonctionnalités qui offrent des solutions intéressantes. Mais l'industrie des soins de santé n'a pas encore maîtrisé la formule permettant de choisir et d'adapter les bonnes technologies à l'organisation du travail professionnel pour obtenir une solution satisfaisante au contexte de la production de soins de santé. Cet alignement entre technologie et organisation du travail demeure essentiel. Par conséquent, le processus d'adoption du DPP par les médecins représente un point charnière dans la capacité de réaliser les objectifs visés par le projet. Nous touchons ici des facteurs névralgiques au déploiement de technologies de l'information au sein de l'univers clinique. Ces facteurs sont : l'utilité perçue et l'alignement entre les processus de production des soins et les nouveaux processus d'affaires introduits avec la nouvelle technologie. D'abord les médecins doivent être « intéressés » par le DPP. L'utilité perçue du DPP par les utilisateurs est un facteur névralgique, une condition initiale absolument nécessaire. La disponibilité et la qualité des données cliniques sont centrales à l'exercice de la médecine. Tout système d'information utilisé à ce niveau doit offrir des informations pertinentes et de qualité. La qualité de l'information détermine en large partie la qualité de la décision clinique. L'utilité perçue sera jaugée en fonction de ces caractéristiques. À ce niveau, nous parlons d'alignement entre les processus de production des soins et les processus d'affaires que représente l'ensemble des mécanismes de traitement et de communication de l'information clinique. Également, le nouveau système doit offrir une plus value au niveau de l'accessibilité à des informations cliniques. Il ne faut pas perdre de vue que le DPP doit s'insérer en complément d'un système existant : le dossier papier. Le DPP et le dossier papier représentent deux systèmes d'information contenant des informations similaires. La complémentarité – ou l'alignement – entre les deux systèmes doit être bien conçue. L'utilisation du nouveau système doit donc être bien intégrée au sein d'un ensemble plus large qui est l'ensemble des processus qu'un médecin utilise pour obtenir les informations dont il a besoin pour soutenir ses décisions médicales. C'est dans la mesure où ces éléments sont bien agencés que le DPP sera accepté et utilisé. Ceci implique également, qu'au plan technique, le DPP doit démontrer une performance technique acceptable lorsque l'usager utilise le système pour obtenir les informations recherchées. Nous nous référons ici principalement à la facilité d'accès, à l'ergonomie de l'interface (convivialité du système) et au temps réponse. L'amélioration du continuum de soins Plusieurs raisons militent en faveur de l'adoption de nouvelles technologies de l'information et de la communication (NTIC) dans le domaine de la santé. Premièrement, le volume d'informations cliniques requises au traitement des patients ne cesse de croître alors que les épisodes de soins sont de plus en plus fragmentés. Ainsi, par exemple, les épisodes de chirurgie qui se déroulaient traditionnellement en un seul séjour hospitalier prolongé sont maintenant découpés en sousépisodes prenant place à des moments et des endroits différents : investigation diagnostique pré-chirurgicale en externe, court séjour opératoire à l'hôpital, suivi en clinique externe et à domicile. Ces nouvelles pratiques de soins nécessitent une gestion intensive et coûteuse de l'information clinique contenue au dossier médical. Dans un contexte de systèmes d'information disponibles en format papier, cette gestion plus intensive de l'information a accru le fardeau des tâches cléricales assumées par les professionnels de la santé. En principe, le DPP peut permettre la transformation de processus de soins par l'introduction de divers mécanismes novateurs dont les principaux sont : • automatisation des transferts de données cliniques (laboratoires, radiologie, pharmacie, sommaire de cas...) vers le dossier patient ; donc circulation plus rapide de l'information et minimisation des risques de mauvais classement et d'erreurs de retranscription grâce au remplacement des mécanismes cléricaux (processus d'affaires) usuels de communication interprofessionnels, interdépartementaux, interhospitaliers et extra-muros. (Automatisation : Diminution du travail clérical dans la saisie, transformation, communication et classement de l'information). • automatisation de la mise en forme et de la transformation des données selon les besoins informationnels spécifiques du personnel clinique, donc amélioration de la décision clinique. 9 • automatisation des transferts de données entre les divers professionnels de l'équipe de soins (demande de consultations des médecins traitants auprès des médecins consultants ; mise à jour des plans de soins infirmiers suite à des changements de la prescription médicale), donc une meilleure coordination du travail clinique. identifier quatre types d'enjeux qu'il est important d'appréhender de manière à mener une gestion de projet qui permettra d'atteindre les objectifs visés par le projet vitrine DPP. Ces quatre grands enjeux sont : • Les enjeux technologiques • Les enjeux cliniques (processus de production) • délocalisation du personnel clinique grâce au potentiel de consultation à distance des données contenues au dossier du patient. (Délocalisation:élimination des barrières géographiques). • accès à une information plus riche grâce à la capacité de réunir en une seule base de données les informations qui auront été recueillies dans d'autres établissements de santé. L'entrepôt de données cliniques offre effectivement l'opportunité de consulter les données concernant un même patient qui auront été colligées par d'autres professionnels oeuvrant dans d'autres établissements. • coordination automatisée et instantanée des soins: les données numérisées peuvent être électroniquement transformées et mises en formes diverses selon les besoins des professionnels devant assurer les soins à un même patient. Une meilleure prestation des soins Le DPP permet donc, en principe, de diminuer le fardeau clérical de l'équipe de soins tout en offrant une meilleure organisation et coordination du travail professionnel. Cela est rendu possible grâce à l'automatisation des liens communicationnels entre les professionnels au sein des unités de soins, avec les services médico-techniques de l'hôpital, et entre des hôpitaux différents ou tout autre établissement de santé. Cette innovation peut accélérer les processus de soins et assurer la dispensation de soins plus complets grâce à une information plus riche. De même, les objectifs intermédiaires, tels que la diminution des analyses de laboratoires et la diffusion de protocoles de soins, ainsi que l'objectif ultime du projet vitrine sont réalisables dans la mesure où les mécanismes situés en amont seront opérationnels et efficaces. • Les enjeux administratifs (processus d'affaires) • Les enjeux légaux (sécurité, confidentialité, gestion du consentement) Dans ce chapitre, nous allons présenter ces enjeux à tour de rôle et proposer des avenues de solution. Il est important de retenir que ces enjeux demeurent liés les uns aux autres. Toute solution visant à résoudre un enjeu en particulier doit également être analysée dans un contexte plus large prenant en compte l'impact de celle-ci sur les autres dimensions du modèle. Cette remarque rejoint la notion d'alignement qui demeure une dimension fondamentale à la modélisation que nous avons présentée dans le chapitre précédent. Les enjeux technologiques Performance technique du DPP Les enjeux technologiques sont bien sûr au cœur du projet vitrine. Un dossier patient partageable, reposant sur une technologie d'entrepôt de données, vise essentiellement à capturer les bénéfices offerts par cette solution technologique de manière à améliorer la circulation de l'information clinique nécessaire aux traitements de patients. 3. Résultats de l'analyse de la logique du projet vitrine DPP Comme nous l'avons souligné dans le chapitre précédent, la conjugaison de la technologie de l'entrepôt de données (les systèmes HDN et Tekflow) alliée à une technologie de réseaux de télécommunications (le RTSS) offre un potentiel intéressant et très bien adapté aux objectifs poursuivis dans le présent projet. Le système HDN est également conçu de manière à pouvoir supporter les divers types de données cliniques visées par le présent projet. De même, le RTSS qui doit assurer le partage d'informations entre les différents établissements partenaires est un système fonctionnel et éprouvé dans la mesure où il est régulièrement utilisé dans le système de santé québécois pour réaliser l'échange d'informations. Sur la base de la modélisation du projet vitrine, élaborée dans le chapitre précédent, nous pouvons Quant au système Tekflow, il s'agit d'un nouveau système qui en est à sa première application dans 10 le domaine de la santé. Cette solution technologique est à un stade moins avancé de développement que les autres solutions technologiques du projet. Elle correspond, de fait, à une phase de recherche et développement. Par ailleurs, ce système concerne un secteur bien délimité, somme toute assez autonome, du projet. De cette façon, il sera possible de bien distinguer les objectifs atteints par cette composante spécifique du projet. En cette matière, nous pouvons donc conclure que le projet vitrine s'appuie sur des solutions technologiques adaptées et prometteuses. Potentiel informationnel du DPP L'infrastructure technologique ne représente cependant qu'une partie de la solution. La nature de l'information disponible grâce au DPP est une seconde composante essentielle. Le défi est ici de proposer une information clinique valable et attrayante pour les médecins. En cette matière, le DPP met l'accent, entre autres, sur les résultats d'analyses de laboratoires. En soi, il s'agit d'une excellente décision. En effet, il est clair que les médecins valorisent et tiennent à obtenir rapidement cette information. À ce seul titre, le DPP offre donc une valeur ajoutée intéressante. À ce niveau, le défi est d'accéder aux informations électroniques disponibles dans les systèmes informatisés existants afin de les transférer dans l'entrepôt de données HDN. Cette stratégie est logique dans la mesure où les informations qu'il est le plus facile de réunir au sein d'un entrepôt de données sont, bien sûr, les données électroniques déjà disponibles. Mais, une embûche demeure. Les systèmes existants ont été développés selon divers standards alors que le système HDN utilise le standard HL7:un standard relativement récent, répandu dans le domaine de la santé et qui permet l'échange d'informations entre des systèmes différents. Ainsi, malgré la présence de plusieurs systèmes informatisés, il faut prévoir des coûts supplémentaires pour réaliser la conception d'interfaces permettant le transfert des données électroniques existantes vers le système HDN. Ce coût est d'autant plus important qu'il existe un nombre significatif de systèmes différents qui ont été développés au cours des années. Par contre, dès qu'une interface vers le standard HL7 est conçue pour un type de systèmes, cette interface devrait normalement être réutilisable pour tous les établissements qui ont le même type de systèmes. L'utilisation des données électroniques déjà disponibles représente un atout important. Non seulement cette stratégie permet-elle d'accéder à des données déjà disponibles, mais elle assure également des données de qualité. En effet, les données électroniques existantes sont produites grâce à des processus d'affaires et des systèmes d'information éprouvés ; ce qui garantit normalement une source d'informations valide et fiable. Les médecins ont développé au cours des années une connaissance et une confiance vis-à-vis ces informations ; ce qui représente un élément pouvant faciliter l'acceptation et l'adoption du DPP. Comme nous l'avons vu dans le chapitre décrivant le projet vitrine, le DPP contiendra d'autres informations qui représentent, potentiellement, d'autres éléments susceptibles d'intéresser les médecins. En cette matière, toute la difficulté est de choisir les bonnes informations, celles qui sauront intéresser les médecins participants. La réponse à cette question passe par une identification des utilisateurs et de leurs besoins informationnels. Nous revenons sur cet aspect dans l'enjeu suivant : les enjeux cliniques. Mais auparavant, il est important de traiter d'une autre dimension importante de la solution technologique : l'interface utilisateur. L'interface utilisateur Cet enjeu demeure fondamental. À ce moment-ci du projet, il est prématuré d'analyser la performance de l'interface ; une activité qui deviendra réalisable lorsque les utilisateurs commenceront à utiliser le système. Nous nous contenterons de rappeler ici les enjeux principaux. Les médecins sont des utilisateurs exigeants quant au volume et à la façon dont l'information leur est présentée. De plus, ils sont très pressés par le temps. Au niveau de l'interface, la facilité d'accès, la convivialité générale du système et la rapidité du temps réponse demeurent des facteurs cruciaux. En cette matière, le système HDN offre un potentiel fort intéressant au plan de la personnalisation des écrans. Cet atout doit être exploité au maximum. À cet effet, nous recommandons que des simulations en laboratoire (in vitro) avec des données réelles soient entreprises avec les médecins. Les résultats de ces simulations visent à personnaliser l'interface aux besoins des utilisateurs. Ces simulations doivent être réalisées avec des données réelles et avec les utilisateurs qui utiliseront effectivement le système lors de l'expérimentation prévue en contexte réel. Nous recommandons que ces simulations soient entreprises le plus tôt possible de manière à ce que les résultats influencent les décisions prises quant à l'investissement des budgets prévus pour la personnalisation du système aux besoins et exigences des utilisateurs. Les enjeux cliniques Jusqu'à maintenant l'effort principal de l'équipe du projet vitrine a été investi au niveau des solutions technologiques. Tout en reconnaissant l'importance 11 de cet enjeu et la qualité du travail accompli en cette matière, nous recommandons que soit entrepris, dès maintenant, un effort important au niveau d'une autre série d'enjeux que nous regroupons sous la rubrique des enjeux cliniques. La portée de cette recommandation est, à notre avis, cruciale pour le succès du projet. L'organisation du travail médical est extrêmement complexe et l'introduction de technologies de l'information dans cet univers réclame une solution technique qui soit bien adaptée aux réalités cliniques et organisationnelles. Sur ce plan, deux éléments sont centraux : l'utilité perçue du DPP par les médecins et la capacité de cette nouvelle technologie, le DPP, à bien s'insérer dans les processus de production des soins et les processus existants de gestion de l'information, notamment le dossier médical papier. L'alignement entre technologie et organisation du travail demeure un facteur central et névralgique dans le succès ou l'échec de ce type de projet. Plusieurs de nos recommandations portent sur cet aspect du projet. Nous les avons regroupées sous trois thèmes : • Le concept de DPP (Dossier Patient Partageable) • L'utilité perçue des informations cliniques La logique à la base du Dossier Patient informatisé (DPI) est la même que celle qui s'applique à un réseau d'organisations de santé. Un DPI peut améliorer la circulation de l'information, par exemple, à l'intérieur d'un hôpital entre l'urgence, les unités d'hospitalisation et les cliniques externes. Le DPP-DPI peut ainsi permettre d'améliorer l'organisation et la coordination des soins à l'interne. Cette stratégie augmente la valeur utilitaire du DPP en permettant d'en augmenter l'utilisation au sein même de l'hôpital. Par exemple, une application au niveau des cliniques externes de suivi post-opératoire laisse entrevoir des gains intéressants dans un contexte de DPP fournissant des résultats d'analyses de laboratoire et des rapports transcrits de congé d'hospitalisation. De surcroît, grâce au caractère électronique des données cliniques utilisées à des fins internes, ces données deviennent partageables instantanément et à distance, à l'extérieur des murs de l'hôpital, avec les médecins qui traiteront les mêmes patients créant ainsi l'effet d'un réseau interétablissement. Nous recommandons même que soit envisagée la possibilité de prioriser cet usage interne. De cette façon, et compte tenu du court laps de temps consacré à l'intérieur du projet vitrine à l'expérimentation en contexte réel, on augmente l'attrait du système HDN pour les médecins et son utilisation éventuelle. • La masse critique des informations cliniques. Le DPP : un concept à raffiner et élargir Cette recommandation implique en fait que la notion de « continuum de soins », qui est un des objectifs poursuivis par le projet vitrine, soit élargie. Le DPP met l'accent sur le continuum de soins visant à améliorer la continuité des soins entre des organisations différentes. Mais il est également possible de concevoir le continuum de soins à l'intérieur même de l'hôpital. Ainsi, un même patient est susceptible d'être soigné à l'urgence, sur des unités de soins, en clinique externe. Le partage d'informations doit se faire entre ces unités. Le mérite de concevoir le projet vitrine en y ajoutant cette dimension est d'augmenter l'utilité du DPP pour les médecins dans la mesure où un plus grand nombre de patients sont concernés. Comme nous le soulignons dans notre modélisation du projet vitrine, les attributs des données – à savoir les dimensions de « Pertinence des données », de « Masse critique » et de « Qualité des données » – sont des facteurs importants qui vont déterminer l'utilité perçue du DPP par les médecins. Selon le concept de Dossier Patient Partageable (DPP) tel qu'il est présenté dans le projet vitrine, l'accent est mis sur le partage de données cliniques entre des organisations différentes. Tout en reconnaissant la pertinence de ce concept, nous proposons de l'élargir de manière à présenter le DPP également comme un Dossier Patient Informatisé (DPI) qui peut être utilisé comme un dossier patient interne. Utilité perçue : le médecin avant tout Malgré le fait que le projet Arc-en-ciel mette l'accent sur la notion de partage d'informations avec d'autres organisations, le DPP demeure fondamentalement un dossier patient. Nous proposons d'exploiter cette situation en présentant le système HDN comme un Dossier Patient informatisé interne aux médecins qui seront les utilisateurs visés par cette expérimentation. Cette stratégie a le mérite d'hausser l'utilité du DPP et donc, son utilisation. C'est ainsi que l'utilisation du DPP se glissera dans les routines de pratique des médecins. Nous recommandons d'identifier le plus rapidement possible les médecins futurs utilisateurs du DPP. L'avantage de ce choix précoce est de pouvoir analyser plus précisément leurs besoins en informations cliniques et d'ainsi pouvoir augmenter le potentiel informationnel du DPP en acceptant de modifier certains processus d'affaires ou d'investir dans la production de certaines informations qui présenteraient un excellent rapport prix-valeur ajoutée du DPP. Cette décision permettrait également d'éclairer des décisions qui doivent être prises 12 actuellement sur l'adaptation de l'interface HDN aux spécificités du présent projet. Ainsi, malgré l'intérêt de la stratégie qui vise à capturer le maximum des données électroniques disponibles dans les divers systèmes existants des organisations participantes, il est important de compléter cette stratégie en procédant à une réflexion supplémentaire prenant pour base le point de vue des médecins futurs utilisateurs du DPP : les utilisateurs véritables, ceux qui expérimenteront le système dans la phase finale de l'expérimentation. Une fois ces utilisateurs identifiés, nous recommandons de procéder à une analyse fine de leurs besoins en information. Jusqu'à maintenant, la personnalisation du système HDN est principalement effectuée en référence à un médecin indéterminé. Nous proposons de mettre fin à cette imprécision et de définir, le plus rapidement possible, les utilisateurs. Nous reconnaissons qu'un comité des utilisateurs a été mis sur pied dès les tous débuts du projet. Ce comité offre une contribution significative à une meilleure adaptation de la solution HDN au contexte d'expérimentation. Mais, malgré l'utilité d'un comité d'usagers, il ne peut égaler la consultation des réels utilisateurs qui seront ceux qui expérimenteront la solution HDN lors de la phase d'expérimentation en contexte réel. La question subsidiaire à cette recommandation d'identifier les utilisateurs est de déterminer la base sur laquelle faire le choix de ces utilisateurs. Sans pouvoir en privilégier une, nous avons plusieurs pistes de réflexion à offrir. La meilleure solution sera possiblement celle qui permet de se placer dans un contexte où, compte tenu des informations comprises dans le DPP, l'expérimentation du DPP pourra être menée auprès des médecins qui y verront le plus grand avantage. Ce sont les médecins chez lesquels l'utilité perçue risque d'être maximale. Plusieurs logiques de choix peuvent être explorées pour répondre à la question centrale suivante : Dans quel contexte de pratique clinique, le DPP peut-il être le plus utile ? • Pour les médecins spécialistes d'un centre hospitalier universitaire (Hôpital Ste-Justine)? • Pour les pédiatres exerçant dans un hôpital de soins aigus (Centre hospitalier St-Eustache ou Cité de la santé) ? • Pour les pédiatres oeuvrant dans une clinique médicale ? • Pour certaines spécialités médicales ? • Selon la nature de la clientèle (patients chroniques ou autres clientèles) ? • Selon la nature des soins (hospitalisation, cliniques externes, urgence) ? • Selon les pratiques existantes de référence des patients entre les médecins exerçant dans les établissements participants ? • Selon des filières de soins existant entre les partenaires participant au projet vitrine (ex., d'épisodes inter établissement : pré-opératoire en région / opératoire au CHU / suivi post-opératoire en région) ? Ces questions, de nature indicative, visent à donner des exemples du type de questionnement qu'il est important d'entreprendre à ce stade-ci du projet. Ainsi, par exemple, les trois premières questions soulèvent des perspectives intéressantes. Chez une majorité des établissements participant au projet vitrine, il est possible de rejoindre tous les médecins susceptibles d'être intéressés à un DPP dédié à une clientèle pédiatrique ; et ce, avec un investissement financier, matériel et humain, somme toute, restreint. En effet, le projet vitrine se centre sur les départements de pédiatrie des deux hôpitaux de soins aigus et sur un nombre réduit de cliniques pédiatriques qui sont de plus petites organisations comptant un nombre limité de médecins. Cette situation est un atout pour le projet dans la mesure où la conception du DPP et son implantation pourraient être ciblés vers un petit groupe d'utilisateurs qui devraient présenter des besoins en information relativement plus homogènes que l'ensemble des spécialités médicales exerçant au sein d'un centre universitaire. Cette perspective, en centrant l'attention sur les partenaires autres que le CHU, représente une stratégie qui offre des avantages. Elle renforce le partenariat entre les établissements partenaires et elle représente une meilleure maîtrise sur le contrôle du projet dans un contexte de courte période d'expérimentation dans la mesure où un petit nombre de médecins utilisateurs est visé. Afin d'explorer cette piste, nous suggérons qu'une analyse des pratiques des pédiatres exerçant dans les deux hôpitaux de soins aigus et les cliniques médicales soit entreprise. Cette analyse viserait à identifier: quelles sont les clientèles traitées par ces médecins ? Quelles sont les clientèles qui sont traitées conjointement avec l'Hôpital Ste-Justine ? Quels sont leurs besoins en informations ? Et finalement, comment le contenu informationnel du DPP pourrait-il les aider? Une analyse, reposant sur des entrevues individuelles, est possible tout en nécessitant un investissement minime. Cette stratégie vise à pouvoir formuler une stratégie d'implantation adaptée au contexte clinique et offrant un DPP mieux conçu en fonction des besoins des utilisateurs ciblés. 13 La même analyse pourrait poursuivre un objectif secondaire permettant d'identifier des « champions » : des médecins qui sont particulièrement intéressés par le concept d'un DPP et qui peuvent devenir des moteurs soutenant l'adoption du DPP dans leur milieu. Il est reconnu par la littérature spécialisée en systèmes d'information que la présence de « champions » fait une nette différence dans le succès d'implantation de ces systèmes. Ces champions participent possiblement déjà au comité des utilisateurs, mais le fait de les singulariser et de concevoir le DPP sur la base de leurs besoins personnels ouvre la perspective d'une solution mieux adaptée. Masse critique La masse critique est un facteur important qui déterminera en large partie le caractère utilitaire du DPP. La masse critique est liée à deux phénomènes : la nature de l'information disponible pour chaque patient et le volume de patients qui seront disponibles dans le système HDN. Les médecins qui utiliseront le système HDN doivent y trouver une masse critique significative : les patients doivent représenter un sousensemble substantiel de leur clientèle (case-load). Si le nombre de patients pour lesquels le système contient de l'information utile demeure trop faible, les médecins se désintéresseront rapidement du système. En cette matière, il ne faut pas perdre de vue que (1) le volume total de patients qui nécessitent des soins dans plus d'un établissement demeure faible sur une année (voir annexe 1) ; (2) le nombre d'établissements (n = 7) du réseau est réduit ; (3) la durée de l'expérimentation est limitée à 6 mois réduisant d'autant le nombre de patients susceptibles de nécessiter des soins à plus d'un point de services. Somme toute, la probabilité qu'un médecin en particulier trouve de l'information « partagée » – qui vient d'un autre point de services – est faible, surtout au tout début de l'expérimentation alors que l'entrepôt risque de contenir peu d'informations. Afin de pallier à cette situation, nous recommandons de créer le plus tôt possible un réservoir de données cliniques le plus large possible. Ce réservoir permettra dès les tous débuts de l'expérimentation d'avoir une quantité d'information clinique sur un nombre élevé de patients de manière à intéresser rapidement les médecins et, du même coup, les inciter à consulter le système. Une centrale électrique hydraulique ne peut être mise en opération que dans la mesure où le réservoir d'eau alimentant le barrage a atteint un niveau suffisant. Il en est de même pour le DPP et son entrepôt de données. Sans cette mesure de création d'un réservoir, le projet marquera un faux départ. En effet, on demandera aux médecins d'utiliser le système au même moment où les données commenceront à être accumulées dans l'entrepôt de données. La disponibilité des données sera inévitablement faible. L'utilisation risque alors d'en souffrir, émoussant l'intérêt et les habiletés des médecins qui perdront le peu d'habiletés acquises lors des formations initiales qu'il faudra reprendre dans plusieurs cas. Enjeu sensible : la qualité de la décision médicale Le DPP demeure, à moyen terme, une solution incomplète dans la mesure où toutes les informations disponibles dans un dossier papier n'y sont pas disponibles. Cette solution a l'avantage d'être une solution pragmatique qui contourne la difficile question d'établir quel devrait être le contenu d'un résumé de dossier partageable. Elle évite également de devoir concevoir de toutes pièces des processus d'affaires particuliers – qui souvent imposent un poids supplémentaire aux organisations et aux cliniciens – pour fournir de l'information au dossier partageable. La mise en garde que nous voulons faire à cet effet concerne le défi de fournir, dans un tel contexte, une solution informationnelle incomplète mais sécuritaire. Il est important que les médecins aient confiance aux données transmises par le système informatisé et qu'ils ne soient pas induits en erreur par le système. À ce niveau, le DPP devra clairement faire la distinction, au sujet des informations non disponibles, entre celles qui sont non disponibles parce qu'elles ne sont supportées par le système HDN et celles qui sont absentes du fait qu'elles n'ont pas été prescrites par un médecin. Le fait de ne pas voir apparaître un test suite à une recherche peut être un élément d'information pour un clinicien. Dans ce dernier cas, l'absence de tests peut avoir une signification clinique. Par conséquent, au-delà de la validité des données, il faut prévoir des mécanismes clairs pour rendre explicite ce qui est non disponible dans le système. Nous terminons cette section en rappelant que le projet vitrine comporte un double objectif. D'une part, il sert de banc d'essai technique pour démontrer la faisabilité technique du concept. D'autre part, le projet vise à réaliser une expérimentation en contexte réel où des médecins vont utiliser le DPP dans leur pratique. L'atteinte du second objectif repose sur l'utilité que les médecins accorderont au nouveau système. Il est donc important en cette matière de prendre le maximum de mesures diminuant l'écart entre ce que peut offrir le DPP et ce que recherchent les médecins visés par le déploiement de la technologie. Cet élément ne peut qu'avoir un effet positif sur la qualité de l'arrimage entre la technologie et la clinique. 14 Les enjeux administratifs Les enjeux légaux Le projet vitrine demeure un projet fondamentalement complexe. Le DPP est un nouveau système d'information qui se place au cœur de la pratique clinique; et, de surcroît, il implique la coordination entre plusieurs organisations peu habituées à fonctionner ensemble. Le projet doit être réalisé dans un court laps de temps et il comporte une envergure nationale. À titre de projet vitrine, la conception du DPP et la question de la confidentialité des données cliniques ainsi que de la gestion du consentement sont des enjeux que l'on désire solutionner à une échelle nationale. Il est clair que cette complexité représente une difficulté supplémentaire sur la conduite du projet et que cet environnement perdurera pendant toute sa durée. Comme nous l'avons souligné précédemment, un DPP demeure un outil qui doit être bien adapté à l'organisation du travail clinique si on veut que les médecins l'adoptent. Par conséquent, les nouveaux processus introduits par le DPP en matière de sécurité, de confidentialité et de gestion du consentement doivent également bien conçus en fonction des contraintes et des façons de faire usuelles. Il ne faut pas perdre de vue que cet élément, à lui seul, dans la mesure où il est mal adapté à la pratique clinique, peut devenir une contrainte suffisante empêchant une utilisation pleine et entière du système. À un niveau plus microscopique, d'autres enjeux administratifs sont tout aussi importants pour le succès du projet vitrine. Le DPP est un nouveau système d'information et de communication qui doit s'insérer harmonieusement dans les processus actuels de saisie, de gestion et de communication de l'information clinique qui ont été construits autour du dossier médical papier. Un des points forts du projet en cette matière est le fait que les médecins n'auront pas à faire eux-mêmes la saisie de données. Il est reconnu que cet élément représente un des facteurs majeurs expliquant la faible utilisation de plusieurs systèmes informatisés similaires au DPP. Cette stratégie a le mérite de s'appuyer sur les processus d'affaires déjà en place, développés pour le dossier papier. Ainsi, le projet vitrine propose aux médecins utilisateurs un changement organisationnel moins drastique qui devrait faciliter l'adoption du nouveau système de DPP dans cette phase initiale d'expérimentation. Nous recommandons qu'une analyse serrée soit menée de manière à poursuivre sur cette voie et de s'assurer que les nouveaux processus d'affaires exigés par le DPP soient bien harmonisés avec les processus associés au dossier papier et bien adaptés au rôle essentiel d'un dossier patient : la prise de décision clinique. Cette analyse doit être spécifiquement menée pour les médecins utilisateurs qui expérimenteront le système HDN en contexte d'usage réel. Il ne faut pas perdre de vue que l'enjeu le plus important au plan administratif relève de l'incontournable complémentarité du système HDN avec le dossier papier. Dans la mesure où il est demandé aux médecins de consulter un poste informatique pour accéder à de l'information clinique, une attention particulière doit être portée à la conception des processus d'accès à l'information et à la complémentarité entre le dossier papier et le dossier informatisé. À ce niveau, nous recommandons de considérer les processus de sécurité, de confidentialité et de gestion du consentement comme faisant partie à part entière de l'expérimentation. Ces mécanismes doivent donc être flexibles et pouvoir être modifiés en cours d'expérimentation. De cette façon, il sera possible de comprendre et d'analyser comment ces règles peuvent être appliquées de manière à améliorer la sécurité et la confidentialité. En cette matière, plutôt que de décréter a priori des façons de faire construites uniquement sur la base de nouvelles fonctionnalités offertes par les systèmes informatisés, nous recommandons de s'inspirer a priori des mesures existantes qui ont été développées autour du dossier papier et d'analyser comment ces mesures pourraient être améliorées. Dans cette ligne de pensée, un exemple intéressant est le débat autour de la question d'impression aux points de services périphériques des données disponibles dans le DPP. Une option serait que seule la consultation à l'écran pourrait être tolérée. Sans dénier le niveau élevé au plan de la sécurité d'une telle mesure, il faut souligner que cette solution s'éloigne fortement du contexte actuel au sein duquel sont habitués d'évoluer les médecins. Aujourd'hui, les résultats de laboratoires destinés aux cliniques médicales peuvent être transmis par télécopieur ; puis, placés dans un dossier papier. Il ne faut pas perdre de vue que dès qu'un patient consulte un médecin – même en clinique médicale – celui-ci devient médecin traitant. À ce titre, le médecin est tenu au secret et au maintien de la confidentialité des dossiers qu'il possède sur ces patients. Par conséquent, recevoir des résultats de laboratoires par télécopieur ou électroniquement par DPP, les imprimer pour les placer dans un dossier papier apparaissent être des situations assez semblables du point de vue des médecins. De surcroît, il ne faut pas perdre de vue, qu'une décision de ne tolérer la lecture d'informations cliniques que sur un PC peut poser une contrainte importante pour 15 les médecins pratiquant en clinique. Elle implique pratiquement l'installation d'un poste informatique dans le bureau de consultation. Or, l'usage de ce type en présence de patients n'est pas une opération simple. Un tel dispositif augmente sérieusement le risque de faible utilisation du DPP. En terminant, nous aimerions souligner un point fort des procédures envisagées dans le cadre du projet vitrine en matière de la gestion du consentement du patient quant au partage d'informations entre les divers partenaires participant au projet vitrine. Les procédures de gestion du consentement envisagées reposent sur un consentement initial et un consentement partagé entre les organisations partenaires. De plus, ces mécanismes seront mis en pratique par le personnel usuel qui fait l'accueil des patients. Ainsi, le fardeau clérical demandé aux médecins en matière de gestion du consentement sera minime, sinon nul. 16 Références Ash JS, Gorman PN, Lavelle M, Lyman J, Fournier L, Carpenter J, Stavri PZ (2001) Physician Order Entry : Results of a cross-site qualitative study. Paper presented at a conference : Information Technology in Health Care : Sociotechnical approaches, Rotterdam, september 6-7. Barley SR (1990). The alignment of technology and structure through roles and networks. Administrative Science Quarterly, 35: 61-103. De Sanctis G, Poole MS (1994) Capturing the complexity in Advanced Technology use : Adaptive Structuration Theory. Organization Science, 5, 2, 121-147. Farand L. (1995). Utilisation du SIDOCI en mode consultation par les cliniciens: impact de l'interface utilisateur. Dans le cadre du projet de Développement de stratégies d'implantation adaptées au système SIDOCI (Sicotte et coll. 1997). Farand, L., Lafrance, J.-P., Arocha, J. (1998). 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Rapport de recherche #R97-01 / GRIS, Université de Montréal. 17 Annexe 1 Analyse des écarts entre consommation des soins et lieu de résidence Visites hospitalières de patients pédiatriques vivant à Laval, 1999 Hospitalisation Hôpital St-Eustache En 1999, 10 % des visites (urgence, hospitalisation et ambulatoire) faites au CHU Ste-Justine l'ont été par des patients qui habitaient Laval et 2,5 % par des patients habitant la région de St-Eustache. Donc un maximum de 12,5 % des patients desservis au CHU SteJustine sont susceptibles d'être concernés par l'expérimentation d'un DPP. Le tableau suivant présente les visites faites au CHU Ste-Justine selon le lieu de résidence des patients selon trois types de visites : hospitalisation, cliniques externes et urgence. En 1999, 11.4 % des patients vus à l'urgence de l'Hôpital Ste-Justine sont domiciliés à Laval et à St-Eustache ; 13.2 % des visites en cliniques externes sont également de ces deux municipalités ainsi que 13.7 % au niveau de l'hospitalisation. Visites à l'Hôpital Ste-Justine selon le lieu de résidence, 1999 Lieu de résidence du patient St. Eustache Laval Total de tous les patients * Hospitalisation 373 Urgence 1 009 Cliniques externes 79 Urgence Cliniques externes 820 611 Cité de la santé 1 518 5 551 5 609 Hôpital Ste-Justine 1 367 5 677 9 950 Total de tous les patients * 4 019 18 595 31 888 (source : Données de l'étude RME, Tableau 2.3 b, c, d 2001 ; *Le total est légèrement sous-estimé puisqu'il n'inclut pas pas les patients résidant à l'est de Montréal) Visites de patients pédiatriques demeurant à St-Eustache aux 3 hôpitaux, 1999 Hospitalisation Vers l'Hôpital St-Eustache 537 Urgence Cliniques externes 4 634 3 058 Vers Cité de la santé 117 128 511 Vers l'Hôpital Ste-Justine 373 1 009 2 898 1 361 7 098 8 968 Total (incluant tous les hôpitaux)* (source : Données de l'étude RME, Tableau 2.3 b, c, d 2001 ; *Le total est légèrement sous-estimé puisqu'il n'inclut pas pas les patients résidant à l'est de Montréal) 2 898 1 367 5 677 9 950 12 642 58 702 97 217 (source : Données de l'étude RME, Tableau 2.3b, 2001 ; *Le total est légèrement sous-estimé puisqu'il n'inclut pas pas les patients résidant à l'est de Montréal) Dans le dernier tableau, nous présentons les transferts de patients qui ont pris place pour l'année 1999 – 2000. Comme le lecteur peut le constater, ces transferts demeurent en nombres relativement restreints. Ce tableau permet de constater qu'il y a quatre fois plus de patients qui vont à l'urgence que ceux qui sont hospitalisés, et qu'il y a sept fois plus de patients qui visitent les cliniques externes. Transferts de patients entre les hôpitaux, 1999-2000 Les patients résidants dans les bassins de desserte de l'Hôpital St-Eustache et de Cité de la santé ne fréquentent pas nécessairement leur hôpital de proximité. Certains vont au CHU Ste-Justine alors que d'autres fréquentent d'autres hôpitaux de Montréal. Le tableau suivant présente le lieu de fréquentation des enfants résidants à Laval. Hôpital St-Eustache 74 Cité de la santé 63 Vers De Hôpital Ste-Justine Hôpital St-Eustache 17 Tous les hôpitaux Cité Hôpital Tous les de la santé Ste-Justine hôpitaux 20 410 1 232 (source: Hôpital Ste-Justine) 18 Adresse de correspondance Prière d'adresser toute correspondance concernant le contenu de cette publication ou autres rapports déjà publiés à : Groupe de recherche interdisciplinaire en santé Secteur santé publique Faculté de médecine Université de Montréal C.P. 6128, Succ. Centre-Ville Montréal (Québec) H3C 3J7, Canada Téléphone : (514) 343-6185 Télécopieur : (514) 343-2207 Adresse de notre site Web http://www.gris.umontreal.ca/