Dossier Pharmaceutique Partagé La prise en mains, c’est pour demain ! La plus-value du pharmacien est indissociable de la qualité des soins pharmaceutiques qu’il prodigue à ses patients. Pour ce faire, le dossier pharmaceutique lui est indispensable. D’ici peu, les données de base contenues dans ce dossier pourront être partagées entre officines –une avancée technique qui permettra d’améliorer encore la qualité de l’accompagnement. Soyez prêts, car l’embarquement est imminent ! « Le DPP seul ne créera pas la pharmacie de demain, précisait Charles Ronlez dans son éditorial du mois de juin. C’est l’usage qu’en fera chacun de nous qui y parviendra. » Le défi à relever est passionnant, car si c’est au niveau de l’accompagnement individuel de chaque patient que les effets positifs du DPP se feront évidemment sentir, la qualité de ce nouvel outil ne sera optimale que si tous les pharmaciens y contribuent. Engagement collectif et responsabilité individuelle se conjuguent pour améliorer les soins pharmaceutiques à la population. Une démarche volontaire Tous les pharmaciens auront bien entendu la possibilité d’avoir accès et d’utiliser le DPP, mais son utilisation nécessitera une démarche volontaire de leur part. D’ici peu, les maisons de soft auront implémenté dans vos logiciels officinaux le « connecteur » qui servira de passerelle d’accès de l’officine vers la base de données du DPP. Ce connecteur ne sera pas activé d’office dans les logiciels. En effet, chaque pharmacien gardera le libre choix de le faire ou non. A partir du moment où le connecteur sera activé, une redevance mensuelle de 10 euros sera perçue par la maison de soft pour la maintenance de l’infrastructure permettant la consultation du DPP. Cette redevance sera revue à la baisse à l’avenir lorsque d’autres services viendront se greffer sur cette même infrastructure1. L’APB défend par ailleurs la mise en place d’un honoraire spécifique qui permettra de réduire encore le coût d’utilisation du DPP. Note Nous reviendrons sur les projets d’autres services qui utiliseront la même infrastructure que le DPP dans l’un de nos prochains numéros. 1 Fin note Pas de consultation automatique Le DPP sera un outil essentiel pour la qualité des soins pharmaceutiques… mais rien de plus qu’un outil. Autrement dit, sa valeur dépendra de l’usage que chacun de vous en ferez. Le but n’est pas de le consulter systématiquement, lors de chaque délivrance et pour chaque patient, mais bien d’évaluer l’utilité de sa consultation au cas par cas. C’est un état d’esprit à développer. Il faudra veiller à utiliser l’outil chaque fois qu’il pourra effectivement contribuer à améliorer la qualité des soins. Si la consultation du DPP était un simple automatisme –une simple fenêtre intrusive automatiquement activée en pop-up lors de chaque délivrance par exemple–, où se situerait encore la plus-value du pharmacien ? Une analyse du contexte Le DPP d’un patient chronique âgé, qui ne fréquente pas d’autre officine que la vôtre, ne vous apprendra rien de plus que ce qui figure déjà dans l’historique que vous gérez en « local » dans votre propre système. Sauf si ce même patient a récemment dû se rendre dans une pharmacie de garde. Pendant les gardes précisément, la consultation du DPP d’un patient que vous ne connaissez pas sera vraisemblablement pertinente dans la grande majorité des cas. Les entretiens d’accompagnement D’ici quelques mois, les entretiens d’accompagnement de nouvelle médication (réservés dans un premier temps aux patients asthmatiques qui entament un nouveau traitement avec des corticostéroïdes inhalés) feront leur entrée officielle en pharmacie2. Dans ce contexte, la consultation du DPP sera indispensable. Elle vous permettra en effet de vérifier s’il s’agit bien d’une nouvelle thérapie ou si votre patient a déjà reçu ce traitement auparavant. En outre, grâce au DPP, l’entretien pourra se faire dans les meilleures conditions possibles puisque vous aurez la garantie de disposer de la liste exhaustive des médicaments et autres produits de santé pris par le patient. Note Nous aborderons ce nouveau service en pharmacie, qui devrait se concrétiser d’ici la fin de l’année, dans nos prochains numéros. Nous vous tiendrons également informés par le biais de l’apbnews. 2 Fin note Des garde-fous pour préserver la vie privée du patient La consultation du DPP d’un patient implique évidemment le partage de données le concernant. Afin de garantir le respect de la vie privée des patients dans notre pays, la Commission de la Protection de la Vie Privée a défini une série de conditions, qui doivent toutes être réunies avant qu’un tel partage des données puisse avoir lieu. En substance: ce partage de données ne peut pas avoir d’autre finalité que l’amélioration des soins; il ne peut se faire qu’entre prestataires de soins (santé, bien-être ou aide aux personnes) dûment authentifiés et habilités (ce qui n’est pas le cas, par exemple, des médecins conseil des mutualités); un lien thérapeutique (par ailleurs limité dans le temps) doit obligatoirement exister entre le patient et le prestataire de soins souhaitant consulter ses données (ce lien existe pour le pharmacien dès lors qu’il y a délivrance au patient); le patient doit avoir donné son consentement pour le partage des données. Il peut le révoquer à tout moment ou refuser l’accès à ses données à certains prestataires de soins (en révoquant un lien thérapeutique). Le DPP réunit les conditions nécessaires puisqu’il a officiellement reçu, l’an dernier, l’approbation de la section Santé du Comité sectoriel de la sécurité sociale et de la santé de la Commission Vie Privée. Les pharmaciens en première ligne Etant donné que le DPP sera l’un des tout premiers services associés à la plate-forme eHealth à être déployés dans notre pays, la grande majorité des patients n’auront sans doute pas encore marqué leur accord au partage de données les concernant. Les pharmaciens seront donc en première ligne pour récolter leur consentement. Il vous faudra prendre le temps non seulement de leur expliquer l’intérêt du DPP, mais aussi de les informer, voire éventuellement de les rassurer quant aux garde-fous existants pour garantir le respect de leur vie privée. Du matériel vous sera fourni en temps utile pour vous aider dans cette tâche. S’engager à enrichir le DPP pour garantir son exhaustivité Vu la très grande confiance dont jouit notre profession auprès du grand public, la récolte du consentement des patients ne devrait pas être trop compliquée. En leur demandant l’autorisation de consulter leur dossier, rappelez-leur que vous vous engagez par ailleurs à enrichir ce dossier en enregistrant toutes les informations utiles liées à la délivrance que vous effectuez. Et que vous leur rendez ainsi un double service puisque cet enregistrement contribuera aussi à la qualité des soins pharmaceutiques qui leur seront prodigués ultérieurement dans d’autres pharmacies. Une responsabilité partagée En cas de doute, mieux vaut s’abstenir. Cette prudence sera certainement de mise lorsqu’il sera question d’enregistrer des données susceptibles d’être partagées via le DPP. Vérifiez toujours que les informations enregistrées sont correctes et précises, et, par exemple, que les produits dispensés –lorsqu’il s’agit de produits non prescrits– sont bien destinés à la personne qui vient les chercher. La qualité de la banque de données centrale du DPP relève de la responsabilité collective et partagée de tous les pharmaciens. Rappelons que l’enregistrement de données relatives à une délivrance, lorsqu’il s’agit de médicaments prescrits, ne nécessite pas l’accord du patient. Une validation des données Les données relatives à une délivrance ne seront pas directement versées dans la banque de données centrale du DPP. Elles transiteront d’abord par un intermédiaire, le TIP (une structure regroupant les unions professionnelles), qui aura notamment pour mission de veiller à la qualité des données. Les informations non pertinentes pour le DPP seront ainsi écartées. C’est pour cette raison que chaque pharmacien devra signer un contrat avec le TIP. La protection des données dans le DPP Lors de leur passage au niveau du TIP, les données qui seront enregistrées dans la banque de données centrale du DPP seront encryptées. Autrement dit, les autorités, ou tout autre intervenant du secteur de la santé n’ayant pas les droits requis pour consulter ces données, n’y auront jamais accès. Des données limitées à l’essentiel Lorsque vous consulterez le DPP d’un patient, les seules informations visibles seront, pour chaque produit délivré (et ce, sur une période d’un an): la date de délivrance, le CNK et la posologie. La banque de données centrale du DPP contiendra aussi, pour chaque produit, le nom du pharmacien dispensateur. Mais cette information sera verrouillée et ne sera accessible que moyennant l’accord du patient et sa carte d’identité. En consultant le DPP d’un patient, il ne sera donc pas directement possible de voir dans quelle pharmacie tel ou tel produit a été délivré. Se former à l’utilisation du DPP Au nord comme au sud du pays, des formations seront proposées par l’IPSA et la SSPF. Ces formations, qui bénéficieront de l’intervention du Fonds 313, ne seront pas uniquement présentielles. De l’e-learning sera également développé. Par ailleurs, les unions professionnelles joueront un rôle de relais d’information et de formation important pour le DPP. Plus proches du terrain, elles seront en effet bien placées pour épauler les pharmaciens dans leur prise en mains de l’outil. Développements futurs Le DPP tel qu’il est présenté ici n’est encore que dans une première phase. A terme, le projet sera complété par d’autres services qui sont aujourd’hui à l’étude et qui utiliseront la même infrastructure. Nous en reparlerons.