à l’expression) à un père, un sauveur, un ami… tout ce que l’on peut voir en son médecin.
La vie rêvée du médecin ? Ou plutôt un cauchemar hanté dès le départ par la Mort, puisque tout
commence par la fin. En l’occurrence, on atterrit sans crier garde chez un mourant en même
temps que le docteur Perino. Le vieil homme ne peut plus ni bouger, ni parler et on entre
directement dans le récit par le drame d’une fin de vie. Pour seul fond sonore, les râles du vieil
homme qui captent toute l’attention du spectateur et semblent ne pas émouvoir ses soignants. Le
médecin prodigue ses conseils à l’infirmier et nous voici déjà dans le vif du sujet, un travail pas
comme les autres, dans lequel on côtoie la mort avant de commencer sa journée…Les patients vont
alors défiler sous les yeux parfois impuissants du médecin, la construction du documentaire
semblant faire monter crescendo le drame humain tout en ménageant des instants plus légers,
véritable respiration à la fois pour le médecin et pour le spectateur.
Le vide
L’intervalle dans laquelle le film s’épanouit est dans ce rapport patient/médecin, qui nous parait
simple lorsque l’on voit le docteur Perino à l’œuvre, mais qui est infiniment plus complexe. On est
amené à faire notre propre diagnostic car la distance imposée par la mise en scène nous place
parfois dans le rôle délicat du médecin. Le recul est une des notions essentielles du film, le recul
fondamental pour ne pas violer l’intimité des patients, le recul des moyens de mise en scène ou
en espace et enfin le recul, synonyme du regard tendre et sensible d’Hélène de Crécy, que l’on
sent présente derrière son objectif mais pourtant éternellement absente de l’écran. Elle est une
ombre qui plane sur tout le film.
On peut voir dans la sélection d’extraits, une ébauche de fictionnalisation. Un cas notamment
s’articule en deux parties à l’intérieur du film, ce qui constituera le seul « arc » narratif. Dans le
premier segment on sourit devant l’incohérence des propos d’un homme. Dans la seconde partie,
c’est en même temps que sa mère que nous apprenons la « sentence ». On est abasourdi et on
rougit un peu aussi d’avoir souri devant la manifestation de la maladie, qui n’a en revanche pas
échappé au médecin. On est remis à notre place de spectateur, et le médecin qui, lui, a su garder
son calme authentifie son statut. Les larmes d’une mère aucunement feintes et presque hors
champ sont l’expression de cette pudeur de la captation.
La force du documentaire est d’éviter toute compassion ou au contraire admiration par son
absence de parti pris. Parfois la caméra d’Hélène de Crécy se rapproche des gens, de leurs
visages, de leurs corps non pour donner de la gravité aux propos et provoquer quelque
sentimentalisme mais tout simplement pour peser leur humanité. Cela n’empêche pas de rire de
bon cœur ou de pleurer, mais ici on réagit sans artifice préalable. Ce qui nous renvoie directement
au caractère neutre et impartial adopté par tous (bons) médecins qui pèsent leurs réactions et ne
dévoilent jamais leur implication émotionnelle. De ses paroles rassurantes, et rarement, un peu
plus dures, le docteur guérit. Il suffit de l’écouter.
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