Chapitre 17. Lois de probabilité continues
I. Rappels sur les lois de probabilité discrètes
On rappelle d’abord les différents résultats enseignés dans les classes précédentes concernant les variables aléatoires
prenant un nombre fini de valeurs.
Soit Xune variable aléatoire prenant un nombre fini de valeurs x1,x2, ..., xn.
Donner la loi de probabilité de la variable aléatoire X, c’est donner les valeurs des probabilités des événements
«X=x1», . . . , « X=xn». On décrit souvent la loi de probabilité de Xdans un tableau du type
xix1x2... ... xn
p(X=xi)p1p2... ... pn
L’espérance de la variable aléatoire Xest
E(X)=p1×x1+p2×x2+...+pn×xn.
La variance de la variable aléatoire Xest
V(X)=E(XE(X))2=p1(x1E(X))2+...+pn(xnE(X))2.
L’écart-type de la variable aléatoire Xest
σ(X)=V(X)=E((XE(X))2)=p1(x1E(X))2+...+pn(xnE(X))2.
II. Découverte des lois de probabilités continues
1) Découverte des lois continues et des fonctions de répartition
On choisit un nombre réel au hasard entre 0et 1. On obtient ainsi une variable aléatoire qui peut prendre une
infinité de valeurs.
Quelle est la probabilité d’obtenir le nombre 0,3? Intuitivement, cette probabilité est nulle puisque il y a une
infinité de réels compris entre 0et 1.
De manière générale, si on note Xla variable aléatoire qui au tirage d’un nombre associe ce nombre, alors pour
tout réel xde [0,1],p(X=x)=0. Il n’y a donc aucun intêret dans cette situation à fournir la loi de probabilité de
Xqui consisterait à fournir p(X=x)pour chaque réel xentre 0et 1.
Par contre, la probabilité que le nombre xobtenu vérifie 0x0,5est intuitivement 0,5: il y a une chance sur
deux que le réel xtombre dans la première moitié de l’intervalle [0,1]. De même, la probabilité que le nombre x
obtenu vérifie 0,4x0,8est intuitivement 0,4car l’intervalle [0,4; 0,8]est de longueur 0,80,4=0,4et donc
l’intervalle [0,4; 0,8]occupe 4
10 de la totalité de l’intervalle [0,1].
Ainsi, on a p(0X0,5)=0,5et p(0,4X0,8)=0,4. Les probabilités obtenues sont maintenant non nulles.
Quand on est en présence d’une variable prenant une infinité de valeurs, il faut donc s’intéresser non pas
aux probabilités du type p(X=a)mais aux probabilités du type p(aXb).
L’expression p(aXb)a un défaut, elle a deux variables aet b. On peut se ramener à une seule.
Par exemple, la probabilité que le réel xappartienne à l’intervalle [0,4; 0,8]a été calculée en effectuant une
différence : p(0,4X0,8)=0,80,4. Le sous-entendu est
p(0,4X0,8)=p(X0,8)p(X0,4)=0,80,4=0,4,
ou encore, si pour tout réel xde [0,1], on pose F(x)=p(Xx), alors
p(0,4X0,8)=F(0,8)F(0,4)=0,80,4=0,4.
La fonction Fs’appelle la fonction de répartition associée à la variable X. C’est elle qui permet de décrire les
différentes probabilités. Cette fonction est ici très simple. On a par exemple F(0,3)=p(X0,3)=0,3ou
F(0,8)=p(X0,8)=0,8ou encore F(1)=p(X1)=1et plus généralement
pour tout réel xde [0,1],F(x)=x.
Voici le graphe de F:
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1
1
0,8
F(0,8)=p(X0,8)
=0,8
Supposons maintenant que nous tirions au hasard un nombre réel entre 1et 3. Quelle est la probabilité que ce
réel soit compris entre 0,2et 2,3? La longueur de l’intervalle [1; 3]est 3(1)=4et la longueur de l’intervalle
[0,2; 2,3]est 2,3(0,2)=2,5. L’intervalle [0,2; 2,3]occupe donc une proportion 2,3(0,2)
3(1)=2,5
4de
l’intervalle [1,3]. Intuitivement, cette proportion est la probabilité cherchée :
p(0,2X2,3)=2,3(0,2)
3(1)=2,5
4=0,625.
Plus génénéralement, si xest un réel de [1,3], la probabilité que le nombre tiré soit inférieur ou égal à xest
intuitivement la proportion de l’intervalle [1,3]occupée par l’intervalle [1, x]:
F(x)=p(Xx)=x(1)
3(1)=x+1
4.
La fonction de répartition est donc ici la fonction définie par : pour tout réel xde [1,3],F(x)=x+1
4. On peut
alors calculer la probabilité que le nombre tiré au hasard soit compris entre deux réels aet bdonnés de l’intervalle
[1,3]:
p(aXb)=p(Xb)p(Xa)=F(b)F(a)=ba
4.
Voici le graphe de F:
1
1 2 312
Dans la première situation, la fonction de répartition était définie sur [0,1]et dans la deuxième situation la fonction
de répartition est définie sur [1,3]. On veut unifier les deux situations en les définissant sur R. Dans la deuxième
situation, on s’intéresse donc également aux réels xplus petits que 1ou aux réels xplus grands que 1.
Si xest un réel plus petit que 1, puisqu’on tire au hasard un nombre entre 1et 3, la probabilité que le nombre
tiré soit inférieur à 1est nulle et si xest un réel plus grand que 3, on est sûr que le nombre tiré est un nombre
plus peit que xet donc p(Xx)=1. Avec ces constatations, on a maintenant une fonction de répartition définie
sur R:
pour tout réel x,F2(x)=
0si x<1
x+1
4si 1x3
1si x>3
.
Pour la première situation, on aurait obtenu la fonction de répartition F1définie pour tout réel xpar
F1(x)=
0si x<0
xsi 0x1
1si x>1
.
Voici les graphes des fonctions F1et F2.
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1 2 312
y=F1(x)
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et
1
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y=F2(x)
Notons que dans la pratique, le nombre xpourra le moment venu représenter une grandeur plus concrète.
Par exemple, xpourra être un temps d’attente à un guichet. Il est donc cohérent de permettre à xde varier
continuement . . . jusqu’à +∞ malheureusement.
Dans les deux situations précédentes, la probabilité était uniforme. Par exemple dans la première situation, la
probabilité que le réel tiré soit dans l’intervalle [0,1; 0,3]est la même que la probabilité que le réel tiré soit dans
l’intervalle [0,5; 0,7]à savoir
0,30,1=0,70,5=0,2.
Si on a envie que les réels de la fin de l’intervalle [0,1]aient plus de chances (ou moins de chances) d’être tirés
que les réels du début de l’intervalle, il ne faut pas que le graphe de la fonction de répartition monte avec une pente
constante. On peut par exemple considérer la fonction de répartition suivante :
pour tout réel x,F3(x)=
0si x<0
x2si 0x1
1si x>1
.
Voici son graphe :
1
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y=F3(x)
Dans ce cas, la probabilité que le réel tiré soit compris entre 0,1et 0,3est
p(0,1X0,3)=p(X0,3)p(X0,1)=0,320,12=0,08
et la probabilité que le réel tiré soit compris entre 0,5et 0,7est
p(0,5X0,7)=p(X0,7)p(X0,5)=0,720,52=0,24.
La probabilité n’est plus uniforme.
De manière générale, une fonction de répartition Fxp(Xx)a intuitivement les propriétés suivantes :
• Pour tout réel x,0F(x)=p(Xx)1;
• Quand xgrandit, F(x)grandit ou encore Fest croissante sur R;
• Quand xest très grand positif, on est presque sûr d’obtenir un résultat inférieur ou égal à xou encore
lim
x→+∞ F(x)=1;
• Quand xest très grand négatif, on a quasiment aucune chance d’obtenir un résultat inférieur ou égal à xou
encore lim
x→−∞ F(x)=0;
• Quand xvarie très peu, p(Xx)varie très peu ou encore Fest continue sur R.
En fonction de ces considérations, voici un graphe possible de fonction de répartition :
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y=F(x)
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Faisons une dernière remarque sur les fonctions de répartition associées à des lois continues. On rappelle que, quand
une variable aléatoire prend une infinité de valeurs, intuitivement, pour chaque réel x,p(X=x)=0. Par suite,
pour chaque réel x,
p(Xx)=p(X<x)+p(X=x)=p(X<x),
et
p(Xx)=p(X>x)+p(X=x)=p(X>x).
Ainsi, dans le premier exemple, quand on tire au hasard un nombre dans [0,1], la probabilité que ce nombre soit
dans [0,4; 0,8]est la même que la probabilité que ce nombre soit dans ]0,4; 0,8[ou ]0,4; 0,8]à savoir 0,4.
2) Découverte de la notion de densité
On sait que quand une variable aléatoire prend un nombre fini de valeurs, la probabilité d’un événement du type
aXbest obtenue en additionnant les probabilités des événements élémentaires qui réalisent l’événement
aXb. Par exemple, si on jette une fois un dé bien équilibré, la probabilité d’obtenir un résultat compris entre
3et 5au sens large est
p(3X5)=p(X=3)+p(X=4)+p(X=5)=1
6+1
6+1
6=1
2.
On va voir que le principe est le même pour les variables continues en passant des sommes finies aux sommes
continues c’est-à-dire aux intégrales. Reconsidérons une variable aléatoire Xdont la fonction de répartition Fa un
graphe du type
1
1 2 312
On rappelle que pour chaque réel x0, on a p(X=x0)=0. Au lieu de nous intéresser à la probabilité de l’événement
X=x0, intéressons nous à la probabilité que Xprenne une valeur dans un petit intervalle d’orgine x0du type
[x0, x0+h]h>0. Cette probabilité est
p(x0Xx0+h)=p(Xx0+h)p(Xx0)=F(x0+h)F(x0).
Cette différence nous évoque une expression classique de l’analyse à savoir un taux d’accroissement :
1
hp(x0Xx0+h)=p(Xx0+h)p(Xx0)
h=F(x0+h)F(x0)
h.
On sait que si Fest une fonction dérivable en x0, alors F(x0+h)F(x0)
htend vers F(x0)quand htend vers 0.
Notons que les différentes fonctions de répartition analysées dans le paragraphe 1) n’étaient pas toujours dérivables
sur R. Par exemple, la fonction F1du paragraphe 1) n’est pas dérivable en 0et 1en raison de la présence de
« points anguleux ».
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y=F1(x)
Pour pouvoir poursuivre, analysons le cas Fest dérivable sur Ret notons fsa dérivée. Remarquons que puisque
la fonction Fest croisante sur R, la fonction fest positive sur R.
La fonction Fest une primitive de la fonction fsur R. On sait alors que
p(aXb)=F(b)F(a)=b
a
f(x)dx.
Ainsi, la probabilité de l’événement aXba été obtenue en additionnant les f(x)×dx pour xvariant de aàb.
Ce sont donc maintenant les f(x)×dx qui sont les probabilités élémentaires.
Réexprimons tout ceci en termes d’aires. Puisque p(aXb)=F(b)F(a)=b
a
f(x)dx et que la fonction fest
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positive, p(aXb)est l’aire, exprimée en unités d’aire, de l’ensemble des points du plan situés entre l’axe des
abscisses et la courbe représentative de fet dont l’abscisse est comprise entre aet b.
Quand Fa pour graphe
1
y=F(x)
le graphe de la fonction f, dérivée de F, est
1
y=f(x)
et le nombre p(aXb)est l’aire
1
y=f(x)
p(aXb)=F(b)F(a)=b
a
f(x)dx =A.
Posons nous maintenant la question : que représentent en général f(x)ou f(x)×dx ?
Les f(x)dx que l’on a additionné pour obtenir la valeur de p(aXb)sont les plus simples à comprendre. On a
déjà dit que les f(x)×dx sont les « probabilités élémentaires ».
Plus précisément, pour x0donné, f(x0)dx est l’aire d’un rectangle de largeur infinitésimale dx (on rappelle que
dx signifie « différence de x») et de longueur f(x0).
Mais cette aire est aussi la probabilité que Xsoit compris entre x0et x0+dx ou encore
f(x0)dx =p(x0Xx0+dx)=F(x0+dx)F(x0).
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