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Les archives des commissariats de police du Pas-de-
Calais depuis 1940.
Répertoire numérique des versements 22 W à 30 W, complété par un
état de l’ensemble des versements effectués par les commissariats du
Pas-de-Calais.
Amable Sablon du Corail
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Introduction
Lorsque l’on parle des archives de la police, on pense d’abord aux archives produites par
l’administration centrale ou par la préfecture de police de Paris, et en particulier à celles qui
présentent une dimension politique. Dans les départements, ce sont encore les fonds des
préfectures et des directions départementales des Renseignements généraux qui suscitent le
plus l’intérêt des chercheurs, cause et conséquence de nombreux inventaires portant sur la
série M et les archives préfectorales de la série W. Cependant, l’essor extraordinaire des
études portant sur la seconde guerre mondiale, et notamment sur le rôle de la police durant
l’Occupation, a entraîné dans son sillage une attention plus soutenue à l’égard de l’histoire de
l’institution policière prise dans son ensemble. Il s’en est suivi une remise à l’honneur de
l’échelon de base de celle-ci, le commissariat de police, dont les archives, souvent peu
spectaculaires, sont toutefois plus révélatrices de la réalité de l’activité policière
1
.
Plusieurs raisons expliquent le peu d’intérêt porté jusque aux archives des commissariats.
Elles contiennent d’abord peu de révélations sur les affaires qui ont pu défrayer la chronique
politique, et l’on a souvent préféré consulter les archives des tribunaux pour étudier la
criminalité et la violence. De plus, contrairement aux institutions judiciaires, qui versent
régulièrement leurs fonds aux Archives départementales en suivant une procédure et des
modalités fixées depuis longtemps, les commissariats de police n’ont été que fort récemment
sensibilisés aux lois et règlements régissant les archives publiques. Le tableau de gestion des
documents produits par eux n’a ainsi été réalisé qu’en 1998. La situation des archives
policières varie donc beaucoup d’un département à l’autre, et même d’un commissariat à
l’autre.
Dans le Pas-de-Calais, une importante campagne fut menée au milieu des années 1980 par les
Archives départementales, qui se solda par le versement d’une grande quantité d’archives en
provenance des commissariats de police d’Avion, Barlin, Berck-sur-Mer, Fouquières-les-
Lens, Harnes, Lens, Marles-les-Mines. Ces fonds, qui vinrent s’ajouter à ceux de Boulogne,
Saint-Omer et Liévin, arrivés aux Archives départementales entre 1969 et 1974, n’avaient
jusqu’ici fait l’objet que d’un récolement sommaire. On trouvera donc ici l’inventaire sous
forme de répertoire numérique de ces archives, représentant un total de 48 mètres linéaires,
auxquelles il a été décidé de donner un numéro de versement fictif par commissariat, de 22 W
à 30 W, pris parmi les 1 000 réservés aux archives devant réintégrer la série W.
Le répertoire numérique est complété par un état des versements de l’ensemble des
commissariats du Pas-de-Calais, incorporant donc les fonds arrivés par la suite, pour lesquels
on dispose d’un bordereau de versement réglementaire. Les lecteurs des Archives
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Voir par exemple : J.-M. Berlière et D. Peschanski, La police française (1930-1950), entre bouleversements et
permanences, Paris, 2000.
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départementales pourront donc s’y reporter pour plus de précisions
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, l’objectif de l’état des
versements étant avant tout de donner l’aperçu le plus synthétique possible des richesses et
des lacunes des archives policières du département.
Il convient de signaler que le présent inventaire ne comprend pas les dossiers individuels, qui
sont en cours de conditionnement. D’ailleurs, on ne dispose en général pas du fichier
alphabétique permettant d’accéder aux dossiers individuels, car les services de police s’en
servent toujours. Ce fichier renvoie aux numéros d’ordre des dossiers, attribués au fur et à
mesure de leur ouverture. Ils peuvent être complétés par la suite, ce qui rend difficile la
détermination de la date de clôture d’une série de dossiers
3
.
I. Organisation de la police du Pas-de-Calais :
Le Pas-de-Calais est l’un des départements les plus urbanisés de France, aussi la police y joue
t-elle un rôle prépondérant pour le maintien de l’ordre et de la sécurité publique. En 2000,
dix-sept circonscriptions de police veillaient à la quiétude de plus de 910 000 habitants, soit
près des deux tiers des 1 450 000 âmes que compte le département
4
. L’histoire et les
variations de la géographie administrative de la police sont naturellement liées à l’émergence
puis au déclin de la conurbation du bassin minier, qui s’étend de Béthune jusqu’à Carvin et
Hénin-Beaumont.
En 1900, l’arrondissement de Béthune rassemblait déjà à lui seul la moitié des seize
commissariats du Pas-de-Calais
5
. Les forces de police étaient beaucoup plus clairsemées dans
le reste du Pas-de-Calais. En dehors des sous-préfectures de Boulogne, Saint-Omer, Arras,
seules les villes de Bapaume, Aire, Calais, Hesdin et Berck-sur-Mer disposaient d’un
commissariat. Les policiers étaient alors, en application de la loi de 1884, placés sous
l’autorité étroite du maire et leur compétence ne dépassait pas les limites de leurs communes.
A la veille de la première guerre mondiale, le déclin des campagnes et l’essor de l’activité
extractive avaient encore accru la concentration policière. Le commissariat de Bapaume fut
fermé en 1910, tandis que l’on en ouvrait six dans l’arrondissement de Béthune entre 1901 et
1914
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, et un autre à Avion en 1914, qui bien qu’incluse dans l’arrondissement d’Arras, faisait
partie intégrante du bassin houiller. Il faut voir dans cette multiplication des commissariats
une conséquence de cette même loi de 1884 qui imposait l’implantation d’un poste dans
toutes les villes de plus 5 000 habitants, mais sans doute aussi l’effet d’une incitation
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La plupart de ces versements sont également indexés sur la base informatisée « Ariane », à l’exception des
versements 1804 W (Béthune), 1820 W (Marles-les-Mines) et 1824 W (Harnes), arrivés aux Archives
départementales avant l’informatisation.
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Le nombre de dossiers versés varie beaucoup selon les commissariats : 19 600 (1930-vers 1980) à Berck, avec le
fichier alphabétique correspondant, 20 000 à Dourges (1943-vers 1965), sans fichier, 3 200 avec des lacunes à
Hénin-Beaumont (1919-vers 1960), mais avec un fichier alphabétique, plusieurs milliers à Liévin (1930-vers 1970),
constituant des séries très disparates, avec un fichier, mais de peu d’utilité puisqu’il reprend l’ordre numérique des
dossiers ; enfin, le fonds du commissariat de Lens en compte 2 880 (1942-vers 1980), cotés de 2021 W 1 à 2021 W
27.
En ce qui concerne les fichiers d’étrangers, on conserve ceux des commissariats de Liévin et d’Hénin-Beaumont.
4
A. Bauer et A.-M. Ventre, Les polices en France, Paris, 2001, p. 120-121.
5
Béthune, Auchel, Bruay, Carvin, Hénin-Liétard, Lens, Liévin, Lillers.
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Harnes en 1901, Nœux-les-Mines en 1905, Barlin, Billy-Montigny, Sallaumines et Vendin-le-Vieil en 1914.
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politique certaine, puisque cinq des sept commissariats furent crées dans la seule année 1914.
De plus, la population des villes du bassin minier n’excédait en général que de peu le seuil
des 5 000 habitants, alors que de nombreuses communes rurales qui le dépassaient restèrent
sous administration de la gendarmerie. On ne peut s’empêcher de rapprocher ce phénomène
de la volonté qu’avait eue le gouvernement, juste avant la première guerre mondiale,
d’étatiser les polices des communes du bassin ferrifère lorrain
7
. Le succès touristique du
Touquet justifia également la création d’une police municipale dans la station balnéaire en
1908.
La première guerre mondiale et son cortège de destructions ne modifièrent pas la répartition
des polices municipales. En 1923, le commissariat d’Hesdin était fermé, compensé dans
l’arrondissement de Berck par la création de celui d’Etaples, mais pour peu de temps, puisque
ce dernier fut supprimé en 1930. Entre les deux guerres, le développement des houillères et
du syndicalisme communiste aidant, six nouveaux commissariats furent implantés à Bully-
les-Mines, Calonne-Ricouart, Divion, Mazingarbe en 1924, Montigny-en-Gohelle en 1933 et
Marles-les-Mines en 1939.
Malgré la fermeture du commissariat de Vendin-le-Vieil, fut du reste installé pendant la
seconde guerre mondiale un poste de police dépendant de la circonscription de Harnes, le
basin minier se trouvait donc enserré dans un maillage de vingt et un commissariats en 1939,
sur les vingt-huit que comptait alors le Pas-de-Calais. Tous les autres jalonnaient la côte, à
l’exception de celui d’Arras.
Le régime de Vichy fut à l’origine de la dernière vague de création de commissariats dans le
Pas-de-Calais, autant pour épauler les Allemands dans leurs opérations de maintien de l’ordre
que pour maintenir un semblant de présence administrative française dans une des régions
soumises au régime d’occupation le plus rigoureux puisqu’elle se situait dans la zone
interdite. Désormais, le ressort des commissariats s’étendait aux communes environnantes, ce
qui permettait de couvrir l’ensemble des secteurs urbanisés. Quatre circonscriptions virent
donc le jour à Dourges, Fouquières-les-Lens, Rouvroy-sous-Lens et Wingles dans le bassin
minier, tandis qu’un poste, ressortissant de la circonscription de Saint-Omer, fut installé à
Arques pour surveiller l’important dépôt de charbon que la Wehrmacht y avait.
Cette organisation, que le gouvernement de la Libération conserva intégralement, ne fut
remise en cause qu’à partir du moment le déclin de l’activité minière se précipita, dans les
années 1960
8
. Entre 1966 et 1972, les circonscriptions de Fouquières, Mazingarbe, et
Rouvroy furent supprimées. La création en 1964 de la sous-préfecture de Lens, résultant de la
division de l’arrondissement de Béthune et la réforme de la Police nationale de 1966, entraîna
une profonde refonte de la géographie administrative policière. Le district de Lens comprenait
les commissariats de Billy-Montigny, Bully-les-Mines, Carvin, Dourges, Harnes, Hénin-
Beaumont, Liévin, Sallaumines et Wingles. Du district de Béthune dépendaient Auchel,
Barlin, Beuvry, Bruay-en-Artois, Calonne-Ricouart, Divion, Lillers. Les circonscriptions de
Marles-les-Mines, Nœux-les-Mines et Avion étaient quant à elles indépendantes.
Depuis lors, outre la dissolution du commissariat de Beuvry et l’étatisation de la police
7
G. Carrot, Histoire de la police en France, 1992, p. 650.
8
L’ensemble du bassin du Nord employait en 1947 220 000 mineurs, contre 80 000 en 1969 (A. Beltran, Un siècle
d’histoire industrielle en France, industrialisation et sociétés, 1880-1970, Paris, 1998, p. 48).
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municipale du Touquet, il convient de mentionner la fusion de toutes les circonscriptions du
district de Lens en une seule, rassemblant plus de 300 000 habitants en 2000, soit le tiers de la
population du département assujettie à la Police nationale. Cette réforme est intervenue dans
le cadre de la grande réorganisation de la police en 1989-1991 qui visait à mieux coordonner
l’action des forces de l’ordre dans les grands ensembles urbains. Elle consacre donc la fin de
l’existence d’un bassin minier homogène, dont le déclin a été partiellement compensé par le
maintien relatif de Lens à son extrémité orientale, centre d’une communauté urbaine qui a
mieux surmonté la crise industrielle. A la conurbation minière a succédé l’agglomération
Lensoise.
II. Les archives des commissariats de police.
1. Activité générale et organisation.
Par activité générale, on entend l’ensemble des affaires traitées par la police, dont
l’importance ou la qualité ne justifie pas de traitement particulier, et donc une typologie
documentaire particulière. La main courante en constitue naturellement le meilleur exemple.
Les séries de registres de main courante sont en général bien conservées, car leur importance
n’a échappé ni aux commissaires, ni aux archivistes. C’est d’ailleurs en cela que réside une
grande partie de leur intérêt, car elles ont survécu là où bien d’autres archives ont été détruites
de manière intempestive. On en jugera par le tableau suivant, qui récapitule tous les
versements effectués jusqu’ici, ainsi que les sources complémentaires suppléant, au moins
partiellement, aux éventuelles lacunes, à savoir les registres de procès-verbaux ou les copies
des procès-verbaux eux-mêmes, ainsi que les rapports journaliers ou décadaires.
Ces deux derniers types d’archives permettent de reconstituer l’activité judiciaire des
commissariats, mais passent sous silence l’organisation du service. Lorsqu’elles subsistent,
les copies des procès-verbaux, par le récit détaillé des événements qu’elles donnent, souvent
savoureux par le contraste entre la rédaction administrative et la crudité des faits, donnent un
éclairage particulièrement vivant des relations entre habitants d’un même quartier ou entre les
agents de police et la population, et ne sont pas sans rappeler les lettres de rémission
médiévales. Les rapports journaliers, peu diserts, mentionnent cependant les délits commis
dans la journée. Les rapports décadaires, que l’on trouve à Boulogne entre 1945 et 1953, sont
plus complets, et évoquent brièvement, à une époque où elle était particulièrement instable, la
situation politique et économique de la circonscription et son évolution durant les dix derniers
jours.
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