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HIGHLIGHTS 2013: PRÉVENTION ET SANTÉ PUBLIQUE
Développement de l’enregistrement du cancer
en Suisse
Christoph Junker
Societé suisse des médecins spécialistes en prévention et santé publique, Berne
L’ enregistrement du cancer donne d’importantes bases
de données pour combattre les pathologies cancéreuses.
Le cancer est la plus fréquente cause de décès avant
l’âge de 70 ans, il est responsable de plus de 50% des
années potentielles de vie perdues. Un cancer peut sur-
venir à tout âge et indépendamment des circonstances.
De nombreuses questions sur ces maladies et leurs étio-
logies attendent encore une réponse. Des données a bles
sur les incidences et les chances de guérison sont néces-
saires, de même que l’analyse scientique de ces données
qui ne peuvent être obtenues que grâce à des registres.
L’ observation améliore l’analyse
de l’efcacité et l’évaluation
L’ observation des pathologies cancéreuses dans la popu-
lation de toute la Suisse, la plus complète et globale pos-
sible, permet de suivre leur évolution dans le temps. Ces
informations contribuent à l’élaboration, la mise en œu-
vre et l’analyse de l’efcacité des mesures de prévention
et de dépistage, à l’évaluation de la qualitéde la prise en
charge, du diagnostic et du traitement, de même qu’au
soutien de la planication des soins. La saisie d’autres
données à des ns de recherche doit être facilitée.
La volonté politique de développer l’enregistrement des
cancers dans ce sens existe en Suisse. Avec sa motion
«Pour un registre national du cancer», Geri Müller, con-
seiller national, a demandé au Conseil fédéral en 2007
de tenir un registre des cancers pour toute la Suisse et de
créer pour cela les bases législatives nécessaires [1].
L’ initiative parlementaire Bea Heim «Registre national
du cancer» du 21 décembre 2007 veut créer des bases
législatives pour que les données sur le cancer soient
saisies selon les mêmes méthodes dans tous les can-
tons, reportées dans un registre national et publiées [2].
Les commissions sécurité sociale et santé du Conseil na-
tional et du Conseil des Etats soutiennent cette initiative
à l’unanimité.
La motion Altherr «Stratégie nationale de lutte contre le
cancer. Pour une meilleure efcacité et une plus grande
égalité des chances» du 16 juin 2011 mandate le Con-
seil fédéral d’élaborer une stratégie natio n ale pour une
prévention et une lutte meilleure contre le cancer, en in-
cluant les organisations, spécialistes, sociétés concernés
et les cantons [3]. Il s’agit d’assurer une prise en charge
d’un haut niveau de qualité, selon des critères recon-
nus, et d’améliorer l’ef cacité, pour une égalité des
chances en matière de dépistage, diagnostic et traite-
ment selon les plus récentes connaissances, pour
l’ensemble de la population de Suisse. Il s’agit également
de garantir les prestations psychosociales et palliatives.
De l’avis du motionnaire, il faut pour cela une harmo-
nisation du dépistage du cancer, un registre national du
cancer harmonisé, l’accès aux traitements efcaces égal
en droit pour tous, sans oublier une collaboration opti-
misée des instances professionnelles.
Le 3 décembre 2010, le Conseil fédéral a mandaté le
Département fédéral de l’intérieur d’élaborer un avant-
projet de loi fédérale pour l’enregis trement du cancer et
d’autres maladies très répandues ou malignes [4].
L’ Ofce fédéral de la santé publique a élaboré sur cette
base l’avant-projet de la Loi fédérale sur l’enregistrement
des maladies cancéreuses [5]. En tre le 7 décembre
2012 et le 22 mars 2013, le Conseil fédéral a mis cet
avant-projet en consultation publique. 122 prises de po-
sition sont rentrées. Pratiquement toutes les réponses
sont en faveur de la rédaction d’une nouvelle loi fédé-
rale. Mais presque toutes également exigent que les ré-
glementations proposées soient adaptées ou même fon-
damentalement revues. Il va de soi que ces propositions
de modications vont parfois dans des directions dia-
métralement opposées.
Saisie des données et droits des patients
Sont surtout contestées l’étendue de la saisie de données
et la dénition des droits des patients. Dans la future ré-
vision, il s’agira d’équilibrer ces deux points. La saisie des
données doit être limitée à celles qui sont absolument né-
cessaires, et les droits des patients doivent être dénis de
manière optimale. Mais ces deux points ne doivent pas
donner aux médecins de travail supplémentaire aussi
inutile que chronophage. La stratégie de réduction du tra-
vail des personnes interrogées consiste à utiliser dans
toute la mesure du possible des données déjà enregis-
trées ailleurs, qui ne doivent donc pas être saisies à dou-
ble et à triple. Cette stratégie n’est applicable que si les
données de différentes provenances peuvent être reliées.
Ce qui est très délicat. A l’âge des possibilités de surveil-
lance électroniques pratiquement illimitées, les citoyens
sont méants: qui aura accès à ces données? Les regis-
tres du cancer cantonaux et régionaux reçoivent des
données avec des indications personnelles. Les mesures
de sécurité suivantes sont prévues:
– L es données sur les personnes et les maladies sont
conservées séparément. Seules quelques personnes
de conance doivent avoir accès à la «clé».
– Les données personnelles doivent être complétées
par le numéro d’assurance sociale. Il est demandé
avec le domicile tel que précisé dans le registre du
Christoph Junker
L’ auteur est un
membre du groupe
de travail de
l’OFSP, qui est
chargé de préparer
le projet de loi. Cet
article reète son
opinion person-
nelle.
Forum Med Suisse 2014;14(3):43–44