Echo Bruit
n° 105 03.2004
g
Dossier “Chronique juridique”
15
le magazine de l’environnement sonore
Enfi n, il est à noter que le Tribunal de Versailles avait fondé la
responsabilité des copropriétaires, les consorts Gommier, sur
le fondement de l’article 1382 du Code Civil c’est-à-dire sur
la faute; la Cour rectifi a en «considérant que la responsabilité
encourue par le propriétaire est étrangère à la notion de faute,
de telle sorte que les époux Camuset n’ont pas à prouver la
faute des consorts Gommier» ; la Cour se fonda uniquement
sur la théorie des inconvénients anormaux de voisinage en
«considérant que la réalité des troubles est établie par le
rapport de l’expert judiciaire ainsi que leur caractère anormal
justifi ant l’action engagée par les époux Camuset».
Mais c’est principalement en habitat plus récent que les
insuffisances de l’isolation acoustique vont générer un
contentieux, particulièrement en cas de modifi cation de
revêtements de sols :
6) A partir des années 1970, les constructions neuves
d’immeubles d’habitation allaient se composer d’appartements
livrés avec des moquettes dans les pièces principales,
permettant ainsi aux constructeurs d’assurer une isolation
acoustique aux bruits d’impact conforme aux normes qui
venaient d’être créées le 14 juin 1969, mais même au-delà,
assurant ainsi une isolation acoustique de qualité ; au fi l
des années, la moquette devint moins à la mode, pour des
raisons souvent invoquées d’hygiène, de présence d’acariens.
De plus en plus de copropriétaires ou occupants modifi èrent
alors leurs revêtements de sols en enlevant leur moquette
au profi t de ces revêtements de sols durs :parquet, carrelage,
marbre …
Quelles que soient les précautions techniques prises lors de
la pose, il en résulte le plus souvent une diminution sensible
de l’isolement acoustique initial apporté par la moquette, et
donc une perception des bruits de chocs aggravée pour les
proches voisins, particulièrement ceux de l’étage inférieur.
Pour tenter de prévenir les méfaits de la vogue des parquets,
marbres, les Règlements de Copropriété intègrent souvent
une clause spécifi que n’autorisant à modifi er les revêtements
de sols des appartements qu’à la condition que le nouveau
matériau employé assure une isolation acoustique au moins
égale à celle d’origine.
Dans les Règlements Intérieurs plus anciens, cette clause n’y
fi gure pas.
En ce cas, les Tribunaux évoquent les clauses plus classiques des
Règlements de Copropriété sur l’abus de droit pour appliquer
la théorie des inconvénients anormaux de voisinage :
- Jugement du TGI de Nanterre 1ère Chambre du 5 juin 1998,
AFF. Consorts de Laigue C/Bernard-Bruls : ici la moquette
avait été remplacée par du parquet ; le Tribunal s’est assuré
par une expertise acoustique de l’importance de la diminution
de l’isolation acoustique qui en est résultée, 20 dB(A), et
qu’il y avait bien à l’origine de la moquette, selon les notices
descriptives sommaires d’usage ; le Tribunal en considérera
en conséquence rapportée la preuve d’un trouble anormal
de voisinage au motif qu’il «ressort suffi samment dans le cas
d’espèce de la différence importante de 20 dB(A) relevée
entre les appartements ici en cause par rapport aux autres
appartements de l’immeuble» ; le copropriétaire qui avait
modifi é son revêtement se voyait donc déclaré «responsable
des préjudices et des inconvénients anormaux de voisinage
subis par les époux Ortoli», et condamné à faire poser de la
moquette, ainsi qu’à des dommages et intérêts à hauteur de
30.000 Francs.
Un grand nombre de décisions semblables ont été
rendues ces 20 dernières années. Toutefois, une tendance
minoritaire est apparue ou, contrairement à cette espèce,
lorsqu’il veut qualifi er la réalité de l’inconvénient anormal
de voisinage, le Tribunal ne se satisfait pas uniquement
de la diminution de l’isolation acoustique, souhaitant des
éléments complémentaires sur l’occupation réelle des lieux
et la perception réelle des bruits d’impacts.
La jurisprudence est plus stable lorsque le Règlement de
Copropriété stipule la clause spécifi que précitée :
- Jugement du TGI de Nanterre 5ème Chambre du 3 juin 2003
AFF. Brunissen C/Mahier.
Toujours après avoir vérifi é de la réalité de la présence d’une
moquette d’origine grâce à la notice descriptive sommaire,
et la diminution de l’isolation acoustique acquise par les
mesures de l’Expert judiciaire, le Tribunal a recours à la clause
du Règlement de Copropriété pour rendre le copropriétaire
responsable des inconvénients anormaux de voisinage en
résultant :