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verte, il n’eft .pas rond , mais à trois arreftes : fi vous le cueillez lors qu'il eft encor tendre, l'écorce
en eft verte , cette écorce a vne chair blanche , & au milieu vn noyau qui approche affez de la
grandeur & de la figure d'vn oeuf d'Auftruche : il eft plain d’vne eau fort douce , qui eft vne
boiffon d'un grand fecours dans les chaleurs exceffiues de ce pays-là. Les Portugais appellent ces
Cocos Lania, fi on laiffe meurir entierernent le fruit fur l'arbre , fa premiere écorce, qui eft verte au
commencement, comme nous auons dit, deuient de couleur de chataigne,& cette poulpe ou
chair qu'elle enferme , fe change en vn tiffu , que les Portugais appellent Cairo ; ils en font des
cables,qui feruent dans leur plus grands Vaiffeaus:pour ce qui eft du noyau, qui eft la partie du
fruit qu'ils appellent proprement Cocos, on trouue qu’il eft plain d'vne moüelle blanche
comme la neige, & douce comme des amandes,auec fort peu d'vne eau vn peu aigrette, dont'
ils fe feruent quelques-fois au lieu de vinaigre : de cette amande ils tirent de l'huile,vne efpece de.
fuccre qu'ils appellent giagra , & du vin qui prend feu comme l’eau de vie; ils font des cueilliers des
pieces du noyau. Dans l’ifle d'Aynam en la cofte de la Chine, ils en font des efcuelles aprés auoir
enchaffé d'or le bord de ce Noyau; aux Indes & principalement dans les Maldiues, ils font leurs
vaiffeaux de ces Palmiers, leurs feüilles leur feruent à faire des voilles , des paniers, & ils ne fe
feruent point d'autres tuilles pour couurir leurs maifons ; ainfi de toute cette plante il n'y a que
la feule racine dont on ne tire point d'vfage , & elles font la plus grande richeffe du pays; Au
Maldiues on trouue de petits Cocos, qu'ils difent eftre produits au fond de la Mer, mais il y a
plus d'apparence de croire qu'ils viennent de l'arbre que nous venons de defcrire , & qu'ayant
efté long-temps battus dans la Mer, ils acquierent cette dureté que n'ont pas les autres; quoy
qu'il en fois, c'eft la chofe du monde que ces peuples eftiment dauantage , perfuadés qu'ils
font que c'eft vn tres prefent remede contre toutes fortes de venins , & que c'eft le
plus grand cardiaque que l'on puiffe trouuer , fî on boit auec de l'eau ce qu'on en a rappé.
Je n'en mets point icy la figure à caufe qu’elle fe trouue dans tous les herbiers.
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De l'Areca & du Betel
SI l'Areca n'auoit point les feuilles plus larges que le Palmier , & le tronc
plus haut & plus mince , il luy reffembleroit affez , car il pouffe comme le Palmier vne
branche chargée de fleurs du milieu de fes feüilles , le fruit a la figure d'un oeuf de couleur
verte , de la grandeur d'vne noifette ; la chair de cette noifette eft de la couleur de nos ongles, &
quand elle eft bien meure on y remarque des petites vaines rouges.
Pour le Betel fa feuïlle eft toute femblable à celle du poivre, elle eft aromatique & a la
proprieté de corriger les cruditez de l'eftomac : il rampe comme le ferment, & a befoin de
quelqu'autre plante fur laquelle il fe puiffe attacher. Aux Indes Orientales & aux quatre
Prouinces Auftrales de la Chine, le Betel meflé auec l'Areca, eft en grandiffime vfage : ils en
portent tous dans des petits facs & s'en prefentent les vus aux autres : aux Tunquin toute la
conuerfation commence par là, & on n'entre point en matiere que l'on n'ayt donné & receu
de l'Areca. Les plus riches qui craignent d'eftre empoifonnés par cette drogue, ce qui fe fait
affez fouuent , reçoiuent bien de celuy qu'on leur prefente ; mais ne mangent que de celuy qu'ils
ont fait preparer & mefler auec de la chaux viue , & des efcailles d'huitres bruflées :dans
l'Indoftan à Cochin ; & dans les Eftats du Mogol au lieu d'huitres , ils fe feruent de
perles calcinée, ils en frottent la feuille du Betel , ils en font vne enueloppe qu'ils empliffent