BUREAU INTERNATIONAL Conseil d'administration Commission des questions juridiques GB.264/LlLS/10 264' session DU TRAVAIL et des normes internationales Genève, novembre 1995 du travail LILS DIXIÈME QUESTION À L'ORDRÉ DU JOUR Rapport de la Table ronde internationale sur le rôle nouveau des organisations d'employeurs dans les pays dont l'économie traverse une période de transition (Genève, 29-31 mai 1995) e. 1. La Table ronde internationale sur le rôle nouveau des organisations d' employeurs dans les pays dont l'économie traverse une période de transition s'est tenue à Genève du 29 au 31 mai 1995. Vingt-cinq participants ont été invités après consultation avec le groupe des employeurs du Conseil d'administration. Ont participé à la réunion 19 participants, ainsi qu'un observateur d'une organisation d'employeurs. Les discussions ont porté sur les thèmes suivants: 1. Comment organiser les employeurs. 2. Comment représenter les intérêts des employeurs. 3. Comment satisfaire les besoins des employeurs. 4. Comment promouvoir les objectifs des employeurs. 2. Les participants ont adopté une série de conclusions sur les problèmes découlant des programmes de privatisation et d'ajustement structurel qui ont été discutés pendant la réunion. Le texte intégral du rapport de la réunion n'est pas reproduit ici mais peut être obtenu sur demande. 3. Les participants' à la réunion ont souligné qu'il est absolument indispensable de coordonner la représentation des employeurs, surtout ceux du secteur privé, si l'on veut qu'ils deviennent des partenaires efficaces dans le processus de développement national. Ils craignent que le processus tripartite ne soit chancelant si les organisations indépendantes d'employeurs demeurent faibles et sont défavorisées par rapport auxorganisations de.ttavailleurs. Les conclusions insistent sur la contribution essentielle que l'OIT peut apporter, et prient instamment l'Organisation d'élaborer un plan d'action cohérent poursoutenir les économies en transition; ce plan devrait être élaboré avec laparticipation pleine et entière des partenaires sociaux, et devrait êtrebien coordonné avec les activités des institutions ftnancières internationales et d'autres organisations pertinentes des pays à économie. en transition. GII264\19¡'¡O.P95/v.2 4. Le comité voudra sans doute recommander au Conseil d'administration de prendre note des conclusions et de prier le Directeur général d'en tenir compte lors de l'élaboration des programmes d'activité futurs. Genève, 4 octobre 1995. Point appelant une décision: paragraphe 4. • 2 GB264\191-IO.P9S/v.2 Annexe 1 Table ronde internationale sur le rôle nouveau des organisations d'employeurs dans les pays dont l'économie traverse une période de transition (Genève, 29-31 mai 1995) Conclusions 1. Les participants à la table ronde ont discuté de la nature du processus de transition dans leurs pays réciproques et de ses implications pour le rôle des organisations d' employeurs. 2. Le progrès économique est la clé du succès du processus de transition, et cela dépend des résultats des entreprises. Si les conditions diffèrent d'un pays en transition à l'autre, en fonction de sa situation politique, économique et législative et de la cadence des réformes, nombreux sont toutefois les aspects de la transition qui sont communs à la plupart d'entre eux, y compris la nature de bien des problèmes importants auxquels leurs organisations d'employeurs doivent faire face. La nature de la transition est telle qu'un certain nombre d'entre eux n'ont aucune expérience ou n'en ont pas suffisamment pour les guider. 3. Les organisations d'employeurs jouent un rôle important dans la transition vers une économie de marché et les mesures qui créent le climat nécessaire aux investissements et au développement du secteur privé. Il ne peut y avoir de progrès économique sans stabilité sociale et politique. Parmi les principaux objectifs de toute organisation d'employeurs, on trouve l'établissement de relations professionnelles harmonieuses et non conflictuelles et la paix sociale. Ces organisations ont donc un rôle clé à jouer dans le mouvement de transition vers une économie de marché. 4. Bien que les organisations d'employeurs constituent généralement le point le plus faible de la structure tripartite, la législation ne fait rien pour leur développement; elles sont même défavorisées par rapport aux syndicats, et leur développement est rendu difficile. Dans l'ancien système, il n'y avait pas d'employeurs au sens que l'économie de marché donne à ce mot, et ils ne pourront jouer leur rôle légitime que si les réformes économiques et législatives sont suffisamment avancées et si le processus de privatisation s'accélère. Comment organiser les employeurs: création d'une organisation nationale 5. Les principaux obstacles au développement des organisations d'employeurs dans la plupart des pays en transition sont: la place relativement importante que le secteur étatique occupe dans l'économie nationale et les difficultés rencontrées dans les efforts de privatisation; un environnement juridique peu propice au développement du secteur privé, et l'absence d'un cadre législatiffavorable au développement d'organisations à but non lucratif dans le secteur économique; la persistance des traditions, conceptions et attitudes liées à l'ancien système; la persistance des déséquilibres liés à l'influence et aux ressources des syndicats. 6. Dans la plupart des économies en transition, c'est dans le secteur étatique que se trouvent les plus grosses entreprises, et le processus de privatisation est lent. C'est l'un des principaux facteurs du développement, de l'indépendance et de l'efficacité des organisations d'employeurs. Une organisation d'employeurs n'est représentative que si 3 GB264\191-10.F9S/v.2 on y trouve également des entreprises du secteur étatique. Si le secteur étatique est exclu, il formera probablement un groupe d'entreprises à part avec un règlement différent et des privilèges spéciaux, ce qui compromet le changement. Dans une période de transition, les pouvoirs publics sont très sensibles aux tensions sociales. Exclure le secteur étatique des organisations d'employeurs et conclure des accords séparés avec les syndicats en son nom, c'est affaiblir considérablement la position des employeurs dans les négociations collectives. Inclure ce secteur dans les organisations d'employeurs, c'est aussi renforcer la capacité de pression et d'influence de ces dernières. 7. Toutefois, la taille du secteur étatique comporte un certain risque dont les organisations d'employeurs devraient être conscientes et qu'elles devraient s'efforcer d'éviter en prenant certaines mesures. Seules sont crédibles et efficaces comme partenaires dans le dialogue tripartite les organisations d'employeurs indépendantes. Cette indépendance dépend entièrement de celle des entreprises qu'elles représentent. Il faudrait donc avoir comme objectif explicite de faire des entreprises étatiques des entreprises autonomes qui gèrent leurs affaires selon les principes de l'économie de marché. Or ce type d'économie ne peut exister et fonctionner que si toutes les entreprises bénéficient des mêmes conditions. 8. Le concept même d'employeur a posé des problèmes dans beaucoup d'économies en transition. Si la fonction économique des entrepreneurs est bien acceptée, en revanche leur rôle social en tant qu'employeurs et parties à un contrat de travail n'est pas encore bien compris. Il importe de reconnaître que la raison d'être d 'une organisation d'employeurs est de représenter les intérêts des entreprises en leur qualité d'employeurs des travailleurs. Ces intérêts sont différents de ceux de l'Etat et de ceux des hommes qui étaient placés à la tête des entreprises dans l'ancien système. 9. L'absence de cadre législatif approprié propice au développement des organisations représentatives à but non lucratif a été un obstacle majeur. Parmi les effets immédiats que ce phénomène a eus au début du processus de transition, on mentionnera l'émergence d'une pléthore d'organisations censées représenter les employeurs, dont seules quelques-unes sont de vraies organisations d'employeurs. Cet éclatement a sensiblement retardé la coordination des intérêts des employeurs et explique que ces organisations soient peu crédibles et qu'elles aient du mal à obtenir la reconnaissance dont elles ont besoin pour fonctionner convenablement. Les cotisations versées aux organisations d'employeurs souffrent de diverses restrictions d'ordre légal et fiscal, contrairement à celles qui sont versées aux syndicats. C'est le processus même de transition qui est ainsi remis en cause, sans parler des questions sérieuses que soulèvent de telles pratiques par rapport au principe de liberté syndicale. 10. Dans l'ancien système, les syndicats officiels recevaient de l'Etat des ressources considérables. Avec la transition, ces ressources ont été, dans bien des cas, transférées aux syndicats restants. Par ailleurs, avant la transition, il n'existait pas d'organisations d'employeurs et celles-ci n'ont donc pas bénéficié du même héritage. Il faudrait veiller à ce que les organisations d'employeurs ne soient pas défavorisées de ce fait. 11. Les organisations d'employeurs doivent prendre en charge leur propre avenir. Elles ne doivent compter que sur leurs propres forces et capacités. Elles doivent à la fois servir leurs membres et les diriger. Dans un contexte d'instabilité et de changements radicaux, elles doivent également œuvrer dans le sens de la stabilité. Elles doivent faire comprendre à leurs membres que la responsabilité sociale est aussi importante que la recherche du profit. En fin de compte, les entreprises ne pourront prospérer que s'il règne un climat de stabilité sociale et politique, et li développement économique devrait donc contribuer à l'amélioration des conditions de vie et de travail. 4 GB264\191-1O.F95/v.2 12. L'aide internationale doit insister sur le renforcement des institutions fondamentales et sur la reconnaissance publique du rôle des organisations d'employeurs dans le processus de développement national. Comment représenter les intérêts des employeurs: coopération institutionnelle entre organisations d'employeurs 13. La structure de représentation des entreprises reflète, dans une large mesure, l'histoire et la structure politique et administrative du pays. La structure des organisations d'employeurs, en particulier, tient également compte du rôle des syndicats dans le pays. Dans la plupart des cas, le processus de transition a été témoin à ses débuts de la création d 'une multitude d' organisations concurrentes qui cherchaient toutes à représenter les employeurs, souvent avec des intérêts différents. Dans un premier temps, il a fallu rassembler toutes ces organisations et atténuer les divergences qui les séparaient et celles qui séparaient les entreprises qui les avaient constituées. Beaucoup ont carrément disparu en cours de route. On a ainsi coordonné les points de vue et objectifs des employeurs et rassemblé progressivement les principales organisations. 14. Dans certains pays, les chambres du commerce et de l'industrie qui avaient été créées dans l'ancien système se sont maintenues dans le nouveau système, de même que les lois qui leur ont donné naissance. Lorsque leurs responsabilités ne sont pas clairement définies, le renforcement des organisations d'employeurs indépendantes et sans but lucratif nouvellement créées est parfois sérieusement entravé. Il importe de reconnaître ce dernier type d' organisations en tant que partenaires sociaux, les chambres du commerce ayant leur propre rôle statutaire à jouer. 15. Il a toujours été difficile d'insérer le secteur agricole dans la structure des organisations d'employeurs à but non lucratif. Les secteurs qui restent des monopoles d'Etat et qui sont contrôlés par l'Etat devraient demeurer en dehors de ce type de représentation. 16. Il est absolument essentiel, surtout dans le secteur privé, de coordonner la représentation des employeurs, en tant que partenaires efficaces dans le processus de développement national. Le processus tripartite ne sera pas efficace tant que les organisations d'employeurs indépendantes à but non lucratif demeureront faibles et tant qu'elles seront défavorisées par rapport aux organisations de travailleurs. Il faut donc absolument supprimer tous les obstacles qui s'opposent à leur développement, y compris les obstacles juridiques et ceux qui tiennent aux attitudes. Des efforts devront être faits pour donner à leur personnel un caractère professionnel, et elles devraient devenir des partenaires dans le processus tripartite au même titre que les pouvoirs publics et les syndicats. Comment satisfaire les besoins des employeurs: fonctionnement d'une organisation d'employeurs 17. Dans les économies en transition, les employeurs savent très bien que leurs organisations doivent enfin comprendre qu'elles sont là pour servir leurs membres, qu'il s'agisse d'entreprises ou d'associations sectorielles ou régionales. On distinguera ici deux types de services: a) les services rendus aux membres pour soutenir leurs efforts et les aider à améliorer leurs capacités et leur rendement, tels que: les conseils juridiques, et si nécessaire une représentation juridique; 5 GB264\191-1O.F95/v.2 b) la formation générale de cadres et de spécialistes, de même que la formation professionnelle et autre; les conseils commerciaux et techniques; l'information des membres; la représentation des intérêts des membres par rapport à des intérêts extérieurs comme ceux: des gouvernements et pouvoirs publics; des parlements et partis politiques; des syndicats; du public. 18. Cette représentation peut prendre diverses formes: avis sur la position à prendre par les employeurs; présence aux audiences; présentation des solutions que proposent les employeurs sur les questions discutées; opposition aux mesures et pratiques contraires aux intérêts des employeurs; présentation d'arguments et information; et, enfin, organisation d' une campagne. 19. De manière significative, et en grande partie pour des raisons économiques, les organisations d'employeurs attachent la plus grande importance à l'influence qu'elles peuvent exercer sur l'élaboration des lois et règlements qui déterminent l'environnement juridique dans lequel se meuvent les entreprises. Cela s'est avéré particulièrement important dans les premiers temps de la transition, et coïncide en grande partie avec l'instauration d'un dialogue social et l'établissement de pratiques consultatives tripartites. Une attention particulière est accordée aux efforts de privatisation et aux conditions offertes aux entreprises d'Etat, par rapport aux entreprises privées. 20. Autre série de questions auxquelles on accorde une très grande importance: la détermination des salaires et d'autres conditions de travail et d'emploi, essentiellement par la négociation collective à différents niveaux, mais aussi par des consultations tripartites, ainsi que l'élaboration de pratiques et procédures touchant aux relations professionnelles, y compris le traitement des griefs et conflits. Parfois, ces efforts sont contrariés par un niveau d'organisation très bas parmi les travailleurs du secteur privé. Les syndicats ont tendance à se concentrer dans le secteur public et cherchent à préserver la pratique qui consiste à ne négocier qu'avec le gouvernement. 21. Il existe de très grandes différences entre les économies en transition, et les employeurs y ont plus ou moins réussi à s'organiser, à avoir un rôle et une influence distinctifs, ou à financer les opérations. En plus des deux grandes séries de questions indiquées ci-dessus, la gamme des services offerts et des activités n'est pas la même dans toutes les organisations, de même que le degré de priorité qu'elles accordent aux différents objectifs. Comment promouvoir les objectifs des employeurs: amélioration de l'environnement économique 22. Les principaux facteurs qui façonnent l' environnement économique pour ce qui est des investissements et du développement des entreprises sont des facteurs politiques et juridiques, et la stabilité sociale. Le développement des entreprises est une affaire de longue haleine, et les investisseurs ont besoin qu'on les assure que les principaux facteurs de ce développement resteront prévisibles. Le cadre politique et juridique devrait établir un concept de propriété clair et net, et traiter toutes les entreprises sur un pied d'égalité. Il faut bien comprendre que la clé d 'une efficacité économique génératrice de progrès social et de stabilité politique n'est pas la réglemehtation, mais bien la concurrence. 6 G8264\191·10.F9S/v.2 23. La stabilité économique est elle aussi très importante, et les gouvernements devraient suivre des politiques macroéconomiques qui permettent de juguler 1'inflation et de promouvoir le développement du marché des capitaux. 24. Il y a un problème que l'on rencontre souvent dans les économies en transition: c'est l'absence d'un système clair et cohérent d'interprétation de la réglementation fiscale. L'administration étatique devrait changer d'attitude et soutenir davantage les activités des entreprises. Il faut faire la chasse à la corruption. 25. Dans ce contexte de mondialisation des marchés et de suppression des barrières commerciales dans lequel nous vivons, la qualité est le maître mot de toute entreprise qui veut pouvoir soutenir la concurrence. La qualité dépend engrande partie de l'éducation et de la formation, qui sont, par conséquent, d'une grande importance pour les entreprises. La mise en valeur des ressources humaines, notamment la formation de cadres, constitue une autre nécessité pour les entreprises. La communication entre patrons et travailleurs et entre entreprises, même concurrentes, est un autre facteur important pour la compétitivité de l'industrie nationale. 26. Toutes ces questions devraient figurer en bonne place dans le programme des organisations d'employeurs, dont le rôle est de promouvoir l'adoption par les gouvernements de mesures et attitudes propices au développement des entreprises et à la compétitivité. La coopération internationale 27. Certains participants ont fait remarquer que l'aide internationale fournie aux différents pays allait le plus souvent aux gouvernements et reposait en grande partie sur des considérations politíques, et non économiques,et qu'elle risquait, dans certaines conditions, de ralentir le rythme des réformes et d'entraver le développement des entreprises. L'assistance internationale devrait accorder un ordre de priorité plus élevé à la libre entreprise. ' 28. Beaucoup d' organisatíons d'employeurs des économiesen transition ont bénéficié d'une aide internationale de l'OIT, de l'Union européenne et de l'Organisation internationale des employeurs, qui a été très appréciée. En plus de l'élaboration de normes internationales du travail, l'OIT devrait s'occuper d'orienter les organisations en se fondant sur l'expérience pratique dont elles bénéficient pour toute une gamme. de questions telles que la privatisation, les faillites et la restructuration. L'aide fournie par l'OIT devrait également accorder à l'avenir davantage d'attentionaux problèmes qui se posent sur le lieu de travail et aider la formation de cadres et de négociateurs. Les conseils ainsi dispensés devraient permettre de faire l'économie d'une expérimentation. 29. Lors de l' élaboration des programmes d'assistance, on doit absolument consulter davantage et au préalable les organisations bénéficiaires. Il faudra aussi fournirune aide aux régions éloignées, et pas seulement 'aux capitales. On a constaté que les offres d'assistance qui étaient faites ne. répondaient pas toujours à des besoins prioritaires. Lorsque cette assistance passe par les pouvoirs publics, le développement des entreprises n' est pas suffisamment mis en avant. 30. L'Olf'-et l'OIE devraient appuyer les revendications d'égalité entre tous les partenaires sociaux adressées aux gouvernements. Ces deux organisations devraient aussi fournir davantage d'occasions de discuter de manière informelle des problèmes sociaux et économiques et d'échangerdesdonnées d'expérience avec les employeUl'$.des pays avancés. 31. En conclusíon, les participantsont insisté sur la contribution capitale quel'OIT peut apporter, et ont prié instamment cette organisatio~ d'élaborerun plan d'action t'> GB264\191-10.P9S1v.2 1 cohérent pour soutenir les économies en transition. Ce plan d'action devrait être élaboré avec la participation pleine et entière des partenaires sociaux, et coordonné aux activités des institutions financières internationales et d'autres organisations pertinentes de ces pays. Genève, 31 mai 1995. .. 8 GB264\19HO.P95/v.2