Développement et mise en œuvre d`un SIG 3D environnemental

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Développement et mise en œuvre d’un SIG
3D environnemental urbain
D. Siret, M. Musy, F. Ramos, D. Groleau, P. Joanne
Laboratoire CERMA – UMR CNRS 1563
École d’Architecture de Nantes
Rue Massenet, BP 81931, F-44319 Nantes Cedex 3
{daniel.siret, marjorie.musy}@cerma.archi.fr
RÉSUMÉ.
Les systèmes d’information géographique ont un rôle important à jouer en matière
de développement durable urbain, tant pour ce qui concerne la collecte et l’analyse des
propriétés environnementales des constructions et des espaces urbains, qu’en matière de
communication et de concertation autour de ces enjeux dans les projets d’aménagement. À
cette fin, les SIG doivent savoir prendre en compte la troisième dimension et s’interfacer avec
des outils de simulation des phénomènes physiques urbains. Cet article présente une tentative
de réponse à ces objectifs. Nous exposons la structure d’un SIG 3D environnemental urbain,
actuellement développé et mis en œuvre dans des situations concrètes à Nantes, ainsi que les
modalités d’intégration des données environnementales urbaines dans ce système.
ABSTRACT.
Geographic information systems have a primary role to play for sustainable urban
development, as tools for collecting and analyzing environmental properties of buildings and
urban spaces, either as a support for communication and public participation in urban
planning. To this end, GIS should take into account the third dimension and they should be
able to interoperate with existing simulation tools of urban physical phenomena. This paper
introduces an environmental urban 3D GIS system that aims at achieving these objectives.
We expose the structure of the system, currently experienced in real urban processes in the
city of Nantes, and we show the way environmental data is integrated to it.
MOTS-CLÉS :
SIG 3D, Modélisation 3D, Simulation environnementale, Aménagement urbain,
Bâtiments.
KEYWORDS: 3D
GIS, 3D Modelling, Environmental simulation, Urban planning, Buildings
Revue Internationale de Géomatique. Volume 16 – n° 1/2006, pages 71 à 91
1. Introduction
Les questions liées au développement durable urbain donnent lieu à un intense
foisonnement intellectuel depuis une dizaine d’années (cf. MEDD, 2002 pour une
analyse bibliographique). Les problématiques soulevées touchent aux questions
sociales et économiques, mais aussi aux problèmes liés à l’impact environnemental
des constructions et des aménagements urbains. Les bâtiments (secteurs résidentiel
et tertiaire) consomment actuellement plus de 40% de l’énergie finale consommée
en France, et sont responsables de 20% des émissions de gaz à effet de serre 1. Par
ailleurs, on estime que 60% de la surface du parc de résidences principales projeté
en 2050 sont déjà construits aujourd’hui. On sait également qu’un grand nombre des
immeubles collectifs existants ont été construits dans les années 1962-1975
(notamment sous la forme de grands ensembles périurbains), c’est-à-dire avant le
premier choc pétrolier et les premières réglementations concernant l’isolation
thermique des constructions.
Dans ce contexte, une gestion environnementale des projets urbains apparaît
aujourd’hui nécessaire. Elle implique une évaluation de l’impact environnemental
des projets de transformation urbaine, qu’il s’agisse d’actions incitatives de
réhabilitation, d’opérations de renouvellement urbain ou de projets d’extension.
Cette évaluation porte notamment sur les prélèvements qu’opèrent les bâtiments et
infrastructures urbaines en matière de ressources naturelles non renouvelables
(espace, énergie), sur la production de déchets (gaz à effets de serre, pollution des
sols et des cours d’eau), ou sur les implications des phénomènes physiques en
matière d’ambiances urbaines et de confort intérieur des bâtiments (thermique,
sonore, visuel). De nombreuses recherches en cours tentent d’évaluer ces effets et
d’infléchir les projets urbains au moyen d’indicateurs environnementaux (cf. par
exemple Cherqui et al, 2004).
Les SIG peuvent jouer un rôle central dans l’accomplissement de ces objectifs.
Ils permettent de capitaliser et de croiser les données environnementales urbaines,
qu’elles soient issues d’observations ou de simulations de phénomènes physiques, à
de multiples échelles spatiales et temporelles. Les SIG deviennent alors les lieux de
construction et d’évaluation des indicateurs de durabilité urbaine, agrégeant les
dimensions physiques, économiques, sociales et culturelles. Les SIG peuvent
également faciliter le dialogue et la concertation entre les acteurs des projets urbains,
en produisant une information environnementale complète, claire et lisible par les
non-experts. De nombreuses études mettent ainsi l’accent sur le rôle central que
peuvent jouer les systèmes d’information dans les processus de communication et de
concertation en matière d’aménagement urbain (Laurini, 2001, Sten Hansen, 2004).
Il existe une nécessité fondamentale d’utilisation de la troisième dimension pour
les données environnementales caractérisant les bâtiments et les infrastructures
urbaines. Il est par exemple très réducteur de représenter l’ensoleillement d’un
1. Cf. Mission Interministérielle de l’Effet de Serre : http://www.effet-de-serre.gouv.fr/
immeuble par un attribut moyen sur la parcelle. Non seulement les valeurs
d’ensoleillement sont différentes suivant l'orientation des façades (qui peuvent avoir
elles-mêmes des formes et hauteurs différentes) mais de plus, par les effets de
masques propres aux milieux urbains denses, ces valeurs varient considérablement
entre les niveaux bas et haut d’un même immeuble. Il en va de même pour ce qui
concerne l’exposition au vent, aux bruits ou au regard. Dans tous ces cas, il est
nécessaire de moduler les données en fonction des différents niveaux des bâtiments,
c’est-à-dire d’affecter les données non pas aux entités géographiques représentées en
deux dimensions, mais aux éléments composant l’enveloppe des objets analysés.
Le développement de SIG 3D environnementaux urbains se situe ainsi à la
croisée de deux domaines de recherche :
– Celui de l’analyse environnementale des milieux urbains, développé de longue
date dans de nombreux champs physiques (phénomènes sonores, pollution
atmosphérique, hydrologie, accessibilité visuelle, etc). Même si la simulation de ces
phénomènes est généralement réalisée dans l’espace 3D en intégrant les effets des
bâtiments, les informations sont souvent produites dans une logique cartographique,
plaquées au sol ou sur un plan horizontal arbitraire. Ces représentations ne
renseignent pas sur les propriétés des bâtiments ; elles peuvent même s’avérer
trompeuses en laissant supposer que l’on peut inférer ces propriétés par simple
contiguïté spatiale.
– Le domaine de la modélisation de l’information tridimensionnelle dans les
bases de données géographiques, qui connaît de fortes extensions depuis dix ans
(Cambray, 1994, De La Losa, 2000, Zlatanova, 2000, Ramos, 2003, Arens et al,
2003, Koehl, 2004). Ainsi, la troisième dimension fait progressivement son
apparition au sein des SIG urbains, avec une grande variété d’applications (Shiode,
2001). Cependant, les possibilités de représentation 3D des informations urbaines
sont souvent perçues comme un moyen de produire des images texturées
photoréalistes. La 3D est alors envisagée comme une forme supplémentaire de
visualisation interactive, sans interférer avec les modèles de données sous-jacents.
Peu de systèmes proposent aujourd’hui une synthèse de ces deux voies et ces
synthèses, lorsqu’elles existent, portent généralement sur une seule dimension de
l’environnement urbain (cf. DRAST, 2003 pour la représentation des niveaux
sonores sur les parois d’immeubles urbains, le long de voies de circulations, ou
Gomes Mendes et al, 2003 pour la détermination d’indicateurs géométriques
caractérisant les tissus urbains). Cet article propose une généralisation de ces
approches à tous types d’information environnementale concernant les constructions
et les espaces ouverts urbains. Nous y présentons un SIG 3D environnemental
urbain, actuellement développé dans notre laboratoire et mis en œuvre dans des
situations concrètes à Nantes.
La première section expose la structure générale du système, le modèle de
données et les méthodes proposées pour la reconstruction des fragments urbains
analysés. Nous proposons une modélisation hiérarchique des bâtiments permettant
de représenter les parois extérieures par niveaux. Nous mettons en œuvre une
technique de génération des bâtiments à partir d’informations sur leur façade,
permettant en particulier de générer le modèle 3D à la volée.
La section suivante présente les modalités d’intégration des données
environnementales dans le système. Ces données sont principalement produites au
moyen de systèmes de simulation numérique des phénomènes physiques. La grande
diversité des données ainsi produites ne facilite pas les traitements, c’est pourquoi
nous avons été amenés à proposer une nouvelle classification susceptible de
généraliser les méthodes. Nous distinguons ainsi les informations environnementales
de types attributaires, surfaciques, volumiques et illustratives. Nous détaillons ces
classes et nous montrons les possibilités de traitement permettant de transformer les
informations de type surfacique ou volumique en information attributaire.
La dernière section expose deux exemples d’application du système dans des
projets urbains récents à Nantes. Le premier concerne une opération incitative de
réhabilitation de logement dans laquelle le SIG est appelé à jouer un rôle d’analyse
de l’état du parc de logement et d’outil de communication auprès des maîtres
d’ouvrage privés. Le second exemple montre l’usage du SIG dans une opération de
renouvellement urbain. Il s’agit là encore de montrer les potentialités des différentes
versions du projet urbain, et d’aider les acteurs dans la prise en compte des
dimensions environnementales.
2. Structure du système proposé
Notre objectif est de fournir un système d’information géographique, capable de
manipuler des entités tridimensionnelles représentant les objets urbains (bâtiments
décomposés en niveaux et parois, de formes a priori quelconques) et d’associer à ces
entités construites des informations physiques environnementales, variables dans le
temps et dans l’espace : ensoleillement, vent, son, etc. Pour ce faire, nous proposons
un système modulaire articulant des outils de représentation 3D des entités
construites et des outils de simulation des phénomènes physiques. Nous détaillons
dans cette première partie l’organisation générale du système, le modèle de données
mis en œuvre (primitives constructives utilisées et représentation géométrique 3D
associée), ainsi que les techniques utilisées pour la reconstruction 3D des fragments
urbains.
2.1. Organisation générale
Le système est organisé autour de trois principaux modules, comme le montre la
figure 1. Le module Simulation est constitué des logiciels développés ou utilisés par
le laboratoire pour l’évaluation environnementale des constructions (cf. section 3).
Le module ArcGIS est la solution commerciale retenue pour visualiser et manipuler
l’information produite par le système, après étude des différentes options
disponibles sur le marché permettant la manipulation de scènes tridimensionnelles.
Le module SIG_CERMA constitue l’apport principal en termes de développements
informatiques. Il porte le modèle de données des primitives constructives et assure la
communication entre les différentes entités du système (par l’échange et la
conversion de fichiers principalement). Il fournit par ailleurs certaines
fonctionnalités complémentaires de celles disponibles dans la solution ArcGIS.
Le module SIG_CERMA interagit d’une part avec une base de données externe,
dans laquelle la plupart des données et informations traitées par le système sont
stockées, et d’autre part avec un ensemble de fichiers de formes, dans lesquels sont
définies les caractéristiques tridimensionnelles des entités manipulées (faute de
pouvoir les stocker efficacement dans la base de données). Ces formes, comme nous
le verrons, sont décrites suivant un modèle de type B-REP, c’est-à-dire comme un
ensemble de faces polygonales planes, avec une description topologique associée
(cf. § 2.2.2).
Figure 1. Organisation générale du système
2.2. Modèle de données
Le modèle de données mis en œuvre intéresse la représentation des bâtiments,
sans tenir compte, pour l’instant, des entités urbaines (réseau viaire, infrastructures,
espaces ouverts), ni du mobilier urbain. Ce modèle propose un compromis entre
complexité du bâti, précision des simulations et masse de l’information à gérer. Il est
simple tout en étant suffisamment précis pour manipuler les différents types
d’informations attachées aux bâtiments. Dans ce modèle, nous distinguons une
composante constructive qui décrit les grandes classes d’éléments (primitives)
constituant le bâtiment, d’une composante géométrique qui permet d’associer une
forme 3D aux primitives constructives. Un bâtiment est décrit par son emprise
cadastrale, son enveloppe, ses façades, ses différents niveaux, les parois de ces
niveaux (en distinguant les parois extérieures et les parois mitoyennes) et les
éventuels éléments caractéristiques apposés sur les parois.
Toutes ces informations peuvent être obtenues à partir du plan cadastral et de
l’observation des façades in situ (cf. § 2.3). Le modèle de données ne permet pas de
raffiner l’information jusqu’au logement, dans la mesure où le découpage d’un
niveau en logements est en général difficile à deviner à partir des informations
délivrées par l’enveloppe extérieure (ce découpage peut être particulièrement
complexe dans certains immeubles anciens ou contemporains, ou parfaitement
répétitif dans certaines constructions des années 1960 et 1970). De plus, hormis les
éléments particuliers qui peuvent jouer un rôle important dans les simulations
physiques (balcons et loggias par exemple), les fenêtres et autres éléments apposés
sur les parois ne sont pas directement modélisés par une entité tridimensionnelle.
Cependant, chaque paroi est qualifiée par un attribut indiquant son pourcentage de
vitrage, information nécessaire pour la simulation énergétique. D’autres attributs
utiles peuvent être rajoutés dans la base de données, sans faire l’objet d’une
modélisation 3D.
2.2.1. Primitives constructives
Pour décrire les bâtiments, nous proposons six classes de primitives
constructives (dans le sens architectural du terme) qui dérivent toutes d’une classe
mère. La figure 2 présente les relations de composition entre les différentes classes
et illustre la décomposition d’un bâtiment suivant ces primitives.
La classe mère possède les caractéristiques communes à toutes les autres classes
impliquées dans la description du bâtiment. L’objet de type bâtiment est l’entité de
plus haute abstraction. Il est composé d’un ou plusieurs niveaux. Différents types de
représentations sont possibles, suivant que le bâtiment est le centre d’intérêt d’une
étude, ou un simple élément de la scène. Lorsque le bâtiment n’est qu’un élément de
l’environnement, une forme 3D globale peut suffire à le représenter. Lorsqu’il
devient le sujet principal d’une étude, il est alors nécessaire de le représenter dans le
détail, en faisant appel à sa décomposition en niveaux, façades ou parois.
Figure 2. Primitives constructives
Un objet de type niveau correspond à un étage du bâtiment ou éventuellement
aux combles sous le toit du bâtiment. Dans un cas comme dans l’autre, le niveau
peut être lui-même décomposé en parois et éléments de parois.
L’objet de type paroi représente la surface correspondant à un pan de toit, à un
sol ou à une partie de façade contenue dans un niveau. Une paroi peut être visible ou
non depuis l’extérieur. Deux bâtiments mitoyens ont en commun une paroi non
visible. Par ailleurs, ce caractère de mitoyenneté est pris en compte dans les
simulations thermiques. Les données thématiques rattachées à la paroi sont : une
référence vers le niveau père, le matériau, l’orientation (la normale du plan de la
paroi), la surface, l’inertie, la mitoyenneté de la paroi (mitoyenne ou extérieure), le
type de paroi (mur, sol, toit).
Un objet de type façade regroupe un ensemble de parois réparties sur toute la
hauteur du bâtiment.
Enfin, un objet de type élément de paroi est une caractéristique suffisamment
remarquable de la paroi pour qu’elle puisse être individualisée. Il peut s’agir d’une
porte, d’une fenêtre, d’une baie, d’un panneau solaire, d’un balcon, dont la prise en
compte morphologique s’avère indispensable à certaines simulations. De tels objets
sont difficiles à modéliser de manière automatique, et donc malaisés à manipuler sur
des territoires urbains de grande dimension. Nous ne les avons pas mis en œuvre
dans nos applications actuelles.
2.2.2. Représentation géométrique 3D
Le terrain support des bâtiments et des infrastructures urbaines est représenté par
un modèle numérique triangulé classique, en dimension 2,5 (une seule cote z pour
chaque couple x,y). Les bâtiments peuvent difficilement être modélisés de cette
manière, la représentation 2,5D s’avérant souvent un obstacle pour la mise en œuvre
de simulations physiques. Nous avons donc choisi un modèle géométrique de type
B-REP (Boundary REPresentation) pour les formes construites, c’est-à-dire une
description de la frontière de la forme par un ensemble de faces planes et par un
modèle topologique associé (Cambray 1994, Ramos, 2003). À chaque primitive du
modèle constructif est associée une forme géométrique 3D.
Pour implémenter ce modèle géométrique, nous nous sommes appuyés sur la
librairie Geotools.net 2, qui propose diverses fonctionnalités intéressantes pour nos
applications : une implémentation du modèle de données spatiales défini par l’Open
GIS Consortium, une implémentation de nombreux algorithmes fondamentaux de
calculs sur les géométries 2D, ainsi que des méthodes d’import et export de données
depuis et vers les principaux formats utilisés dans le domaine de l’information
géographique.
Parmi l’ensemble des types de primitives géométriques que propose la librairie
Geotools.net, nous nous sommes restreints aux seules primitives polygonales. Au
sens Geotools.net, une primitive de type polygon distingue le contour externe du
polygone et les éventuels contours des trous à l’intérieur de celui-ci. Dans un cas
comme dans l’autre, les contours sont représentés par des listes de coordonnées
x,y,z.
Toute forme géométrique de la scène modélisée est représentée par la classe
SIG_FORME3D qui est composée d’une liste de SIG_FACE. Un attribut TypeForme
informe sur la nature de la forme (plane ou volumique). La classe SIG_FACE
possède un identifiant, une référence vers une ou plusieurs géométries de type
polygon au sens Geotools.net, un type et une normale. Tous les polygones formant
une même face doivent être coplanaires.
Notons que cette structure de données, classique en CAO et en synthèse d’image,
permet de décrire la plupart des objets architecturaux ou urbains. Elle offre une
grande souplesse pour importer des données géométriques issues de modeleurs 3D
ou de bases de données tierces (figure 3). Elle facilite également l’interfaçage avec
les codes de calculs utilisant des maillages surfaciques ou volumiques, qui sont
couramment utilisés dans les applications environnementales (cf. section 3). Enfin,
elle se prête bien à la mise en œuvre de textures, qui peuvent être utiles pour la
visualisation des bâtiments (plaquage de photographies des façades), ou pour
l’affichage des résultats de simulation (nous proposons ainsi plus loin la notion de
« texture de simulation »).
2. http://geotoolsnet.sourceforge.net/index.html
Figure 3. Récupération de données issues de modeleurs géométriques 3D dans le
SIG (ici, une partie du centre-ville de Nantes)
2.3. Reconstruction 3D des fragments urbains analysés
La reconstitution volumétrique d’ensembles urbains est une question difficile. Le
nombre, l’hétérogénéité et la complexité des formes bâties, sont autant de facteurs
rendant généralement laborieuse et coûteuse la réalisation de maquettes 3D de larges
zones urbaines. Plusieurs approches sont proposées ; elles reposent sur des outils de
CAO, des techniques photogrammétriques terrestres ou aériennes (Koehl, 2004), des
méthodes d’acquisition laser, de vision par ordinateur, ou encore des systèmes à
base de connaissances et de règles expertes (Allani-Bouhoula, 1999).
Nombre de travaux se heurtent selon nous, à l’ambition d’aboutir à une maquette
complète et définitive des environnements urbains étudiés. Cette ambition conduit à
récolter, à organiser et à structurer un ensemble considérable de données qu’il s’agit
ensuite de transformer en objets 3D plus ou moins bien renseignés. Ces approches
sont très coûteuses en temps, et la maquette 3D ainsi obtenue est généralement figée,
rendant difficile toute adaptation ultérieure. Or, la plupart des outils de simulation
des phénomènes physiques s’appuient sur des modèles géométriques spécifiques,
dont les formats mais aussi les paramètres pertinents peuvent être très différents.
Nous avons choisi une approche plus souple qui vise à obtenir une représentation
pseudo réaliste de la zone urbaine considérée, en accord avec la modélisation et la
précision exigées par les analyses environnementales conduites sur les bâtiments. Il
ne s’agit donc pas d’obtenir une maquette définitive, rendant compte de tous les
détails morphologiques et matériels des constructions, mais plutôt de construire
rapidement et à la demande, une maquette représentant la zone urbaine, de manière
suffisamment fidèle pour que les analyses environnementales menées par la suite
puissent être considérées comme valides. En pratique, la méthode consiste à définir
un bâtiment à partir de son emprise cadastrale, puis à documenter la fiche de ce
bâtiment avec un ensemble d’informations relevées in situ (période de construction,
type de structure, nombre de niveaux, etc.). Ces informations sont obtenues par la
simple observation des enveloppes depuis l’espace public (cf. figure 4). Elles sont
ensuite intégrées à la base de données et utilisées directement pour construire les
entités 3D (cf. figure 5). Les parois mitoyennes sont automatiquement détectées à
partir des emprises cadastrales et des élévations des bâtiments ; cet attribut essentiel
pour la simulation énergétique est ajouté aux entités de type parois de la base de
données. Dans l’état actuel de nos développements, les toitures ne sont pas
modélisées ; des développements futurs en ce sens pourraient mettre en œuvre les
techniques de reconstruction à base de connaissances (Allani-Bouhoula, 1999).
Figure 4. La reconstruction 3D des enveloppes construites s’effectue à partir de
leur emprise cadastrale et d’un ensemble d’informations collectées in situ
Naturellement, la qualité finale de la maquette 3D ainsi produite dépend de la
précision des informations collectées in situ. Le dispositif peut être complété par la
mise en œuvre d’outils de mesure (distancemètres) et d’assistants personnels, qui
facilitent la prise de notes et permettent d’éviter les risques d’erreurs entre le carnet
électronique et la base de données. Notons également que les collectivités maîtres
d’ouvrage des aménagements urbains disposent en général d’une connaissance
approfondie de tout ou partie des bâtiments composant la zone (études précédentes,
inventaires de patrimoine, etc.), si bien qu’une partie des données nécessaires à la
modélisation 3D de la zone peut être obtenue de manière fiable et rapide par ce
biais.
Figure 5. Illustration du processus de reconstruction 3D : les entités (bâtiments,
niveaux, parois) sont créées dans la base de données et dans les fichiers de formes
3. Intégration des données environnementales
Les données environnementales sont obtenues par simulation au moyen de
logiciels spécifiques, ou bien collectées in situ, par le biais de mesures ou
d’observations. Les premières sont issues de différents logiciels, développés en
propre au laboratoire ou faisant l’objet d’une diffusion commerciale : SOLENE pour
la simulation du rayonnement solaire lumineux et thermique (Miguet et al, 2002),
FLUENT pour la simulation des écoulements du vent 3, SOUNDPLAN pour la
simulation des niveaux sonores 4, ENERGYPLUS pour la simulation énergétique des
bâtiments (Drury et al., 2001). Le couplage entre ces outils de simulation et le SIG
s’effectue principalement par échange et conversion de fichiers. Plusieurs modules
3. http://www.fluent.com/
4. http://www.soundplan.com/
d’interprétation et de conversion ont été développés à cette fin. Ces modules ont été
intégrés sous forme de librairies accessibles depuis le SIG.
La grande diversité de ces données environnementales ne facilite pas leurs
traitements, c’est pourquoi nous avons été amenés à proposer une classification
susceptible de généraliser les méthodes. Nous distinguons quatre classes différentes
d’information environnementale, que nous proposons de désigner sous les termes
d’information attributaire, surfacique, volumique et illustrative. La présente section
détaille ces différentes classes et montre les possibilités de traitement permettant de
transformer les informations de type surfacique ou volumique en information
attributaire.
3.1. Information attributaire
Les informations attributaires sont directement associées à une primitive
constructive. Ce sont par exemple les données concernant la date de construction du
bâtiment, l’usage des locaux (données associées au bâtiment ou au niveau), le type
constructif ou encore le pourcentage de vitrage (attribut de la façade ou de la paroi).
Des informations plus physiques peuvent être attribuées, comme les caractéristiques
des matériaux constitutifs des parois, les propriétés de l’enveloppe telles que la
résistance thermique ou la perméabilité à l’air, ou encore les consommations
énergétiques. Certaines de ces données sont collectées in situ (usage du bâtiment ou
période de construction). D’autres sont produites par déduction (résistance
thermique à partir de la connaissance du système constructif par exemple). D’autres
attributs enfin sont issus des résultats de simulation, comme décrit ci-après.
3.2. Information surfacique
Les simulations des interactions entre les phénomènes physiques urbains et les
bâtiments ne fournissent généralement pas des valeurs directement associables aux
entités construites. Les logiciels de simulation produisent une information de type
surfacique, sous forme de champs de valeurs déployés sur les parois extérieures des
bâtiments (durées d’ensoleillement, flux énergétiques incidents, niveaux sonores,
pression due au vent, etc.). De plus, cette information surfacique peut être variable
dans le temps, ou dépendre des hypothèses physiques définies pour simuler le
phénomène (ciel clair ou couvert, saison, trafic routier, direction du vent, etc.). Il
s’agit alors de transformer cette information surfacique en information attributaire
associée aux primitives géométriques représentant l’enveloppe des bâtiments, c’està-dire les parois ou les façades.
Les méthodes de transformation utilisées varient suivant les phénomènes. Nous
avons principalement traité le cas de l’ensoleillement, dans sa composante
lumineuse et énergétique. Les données issues des simulations solaires réalisées par
SOLENE se présentent sous la forme de champs de valeurs associées à un maillage
surfacique des bâtiments. Il est nécessaire d’agréger les résultats des simulations
pour les intégrer au SIG. Pour cela, nous récupérons la durée d’ensoleillement et le
flux incident sur chaque paroi de chaque niveau du bâtiment, et ceci pour chaque
matinée et après-midi des trois situations représentatives que sont les deux solstices
et l’une ou l’autre des équinoxes (lecture et interprétation des fichiers de valeurs
produits par SOLENE). Nous intégrons les résultats obtenus sur ces six périodes afin
d’aboutir à un ensemble de 48 valeurs décrivant la moyenne, l’écart-type, le
minimum et le maximum de durée d’ensoleillement et de flux solaire pour chaque
demi-journée de chaque date (cf. figure 6). Ces valeurs sont stockées comme autant
d’attributs des parois dans la base de données. L’écart-type, le maximum et le
minimum sont utilisés pour caractériser l’homogénéité de l’ensoleillement sur
l’ensemble de la paroi, certains effets de masque locaux pouvant en effet entraîner
de grandes variations d’ensoleillement sur une même paroi.
Figure 6. Transformation d’un ensemble d’informations surfaciques (durées
d’ensoleillement) en information attributaire associée aux entités de type paroi
Une autre façon d’intégrer les résultats de simulations surfaciques réside dans la
possibilité de générer des images que nous appelons « textures de simulation ».
SOLENE peut produire des dégradés de couleurs représentatifs de l’intensité de tel ou
tel phénomène. L’idée est de récupérer sous forme d’image ces dégradés de couleurs
et de les plaquer sur les façades correspondantes dans le SIG. Cette « texture de
simulation » fournit à l’utilisateur des indications qualitatives et quantitatives sur le
phénomène.
3.3. Information volumique
Le calcul des écoulements du vent ou de la propagation du son dans les formes
urbaines par exemple, produit des champs de valeurs volumiques (valeurs aux points
du maillage utilisé pour la discrétisation du volume étudié). Deux types
d’exploitation de ces informations peuvent être mis en oeuvre. Le premier consiste à
effectuer une coupe horizontale dans le champ de valeurs, afin par exemple
d’obtenir le niveau sonore ou la vitesse du vent à la hauteur des piétons. Les valeurs
obtenues pourront ensuite être projetées sur le sol et traitées avec les techniques
classiques de l’analyse spatiale en deux dimensions (figure 7, en bas).
Le second mode d’exploitation consiste à projeter des données volumiques 3D
sur les enveloppes des bâtiments, en utilisant des méthodes d’interpolation ou
d’extrapolation des valeurs calculées dans les mailles les plus proches. On obtient
alors une information surfacique du phénomène à proximité immédiate des parois.
Cette information surfacique pourra être traitée comme décrit ci-avant (§ 4.2) pour
aboutir à une information attributaire exploitable dans les requêtes, ou encore à des
« textures de simulation » illustrant le phénomène (figure 7, en haut).
Figure 7. Transformation d’une information volumique par coupe horizontale (en
bas) et par projection sur les enveloppes (en haut). Dans cet exemple, la simulation
montre les champs de vitesse autour des immeubles (en bas) et les pressions
dynamiques sur les parois (en haut).
D’autres données spatiales peuvent également être intégrées, comme les relevés
sur site de vitesses de vent ou de niveaux sonores. Ces informations volumiques
seront traitées différemment des informations similaires obtenues par simulation,
dans la mesure où la finesse du maillage de relevé (quelques points de mesure) ne
permet pas d’interpolation ou d’extrapolation. Il faudra alors, pour les opérations de
projection sur les façades par exemple, tenir compte des lois spécifiques
d’atténuation du phénomène.
3.4. Informations illustratives
En plus des informations décrites ci-dessus, nous sommes amenés à traiter dans
le SIG des informations que nous avons classées dans la famille des illustrations. Il
peut s’agir d’illustrations textuelles (résultats d’enquêtes, expertises des façades,
notes diverses), graphiques (photographies ou dessins, relevés thermographiques des
façades ou issus de télédétection satellitaire, permettant de connaître la perméabilité
des enveloppes aux transferts thermiques) et sonores (enregistrements in situ). Ces
illustrations seront associées aux entités pertinentes : façades ou parois pour les
illustrations graphiques, points de l’espace pour les bandes-son par exemple. Sans
l’avoir encore réalisé concrètement, nous avons imaginé différents processus
permettant de transformer certaines informations illustratives en information
attributaire. Les relevés thermographiques de façade par exemple, peuvent donner
des indices de « porosité thermique » qu’il serait intéressant d’associer aux parois
des bâtiments. De même, les relevés acoustiques peuvent être exploités pour
qualifier des types de paysage sonore susceptibles d’être associés aux façades.
4. Applications
Le système décrit ici a été proposé et mis en œuvre dans le cadre de deux
opérations urbaines à Nantes : une opération incitative pour la réhabilitation du parc
des logements et des bâtiments tertiaires d’un quartier du centre-ville (OPATB Ile
de Nantes), et une opération de renouvellement urbain d’un quartier de tours et de
barres typique de l’urbanisme des années 1970 (GPV Malakoff-Pré Gauchet). Nous
illustrons ici les possibilités offertes par le système en matière de cartographie
environnementale des enveloppes construites et des espaces extérieurs, dans les
phases de diagnostic et de communication entre les acteurs des projets.
4.1. Une opération de réhabilitation de bâtiments
Pour répondre aux enjeux environnementaux liés à la requalification des
bâtiments existants (cf. Introduction), l’Agence de l’Environnement et de la Maîtrise
de l’Energie (ADEME) et l’Agence Nationale pour l’Amélioration de l’Habitat
(ANAH) ont mis en oeuvre de nouveaux dispositifs incitatifs : les Opérations
Programmées d’Amélioration Thermique et énergétique des Bâtiments (OPATB) 5.
Ces opérations de partenariat entre les collectivités locales et des organismes d’Etat
sont conçues sur le principe des OPAH (Opérations Programmées d’Amélioration
de l’Habitat), auxquelles elles ajoutent un fort volet environnemental.
Dans ce contexte général, nous avons proposé d’utiliser notre prototype SIG 3D
pour constituer un outil d’analyse des potentialités d’amélioration environnementale
des enveloppes des bâtiments, dans le cadre de l’OPATB en cours à Nantes. Nous
avons ciblé la question de l’ensoleillement des façades, afin de fournir une
cartographie des apports solaires hivernaux gratuits à chaque niveau des bâtiments,
et une estimation des surchauffes estivales potentielles, dans l’objectif de freiner le
développement des systèmes de climatisation par une gestion passive efficace de
l’ensoleillement. Par ailleurs, le système permet également de cartographier les
enveloppes des bâtiments (murs ou toitures) permettant d’exploiter l’énergie solaire
par la mise en œuvre de capteurs thermiques ou photovoltaïques. En milieu urbain,
cette question renvoie à différentes problématiques : l’évaluation technique du
rayonnement solaire sur les parois tout au long de l’année, le diagnostic de la
pertinence des installations solaires en fonction des usages des bâtiments (logement
collectif ou bâtiments à usage tertiaire), et la question de l’acceptation visuelle qui
suppose notamment d’évaluer l’empreinte visuelle des bâtiments sur l’espace public.
En effet, les règlements existant en matière de protection du patrimoine architectural
sont basés sur les relations d’intervisibilité entre les objets considérés et l’espace
public. Ces arguments visuels sont souvent mis en avant pour empêcher toute
modification importante des enveloppes, et notamment l’intégration de dispositifs
solaires en façade, même si la façade concernée n’est pas très fortement visible dans
le périmètre de protection. Une manière d’éviter ces difficultés consiste à établir
l’empreinte visuelle exacte des façades ciblées sur l’espace public attenant, de
manière à désamorcer les éventuelles contestations.
Le système actuellement en cours de développement agrège les résultats des
simulations solaires de manière à fournir une information cartographique 3D
synthétique et facile à interpréter (cf. figure 8). L’outil ne produit pas de solution
d’optimisation, mais propose un support de sensibilisation des maîtres d’ouvrage
privés (propriétaires des bâtiments) et de concertation entre les acteurs (architectes,
maîtres d’ouvrage, collectivité). Nous envisageons de proposer une version en ligne
des résultats, servant de support de communication pour l’OPATB. L’utilisation du
SIG 3D se ferait alors dans une perspective de sensibilisation et de communication
avant tout, à l’image de l’opération de thermographie infrarouge mise en œuvre par
la Communauté Urbaine Dunkerque Grand Littoral pour sensibiliser le public aux
déperditions énergétiques des constructions 6.
5. Voir le site de l’ADEME, rubrique Collectivités, OPATB : http://www.ademe.fr
6. Cf. le site de la Communauté urbaine Dunkerque Grand Littoral, rubrique Thermographie :
http://www.dunkerquegrandlittoral.org
Figure 8. Exemple d’une requête attributaire : sélection de l’ensemble des parois
exposées au soleil plus de 2 heures en hiver et moins de 6 heures en été
4.2. Une opération de renouvellement urbain
Dans le cadre du Grand Projet de Ville (GPV) Malakoff-Pré-Gauchet à Nantes,
nous avons proposé d’évaluer l’outil SIG 3D à travers un exercice d’analyse des
qualités environnementales des espaces ouverts extérieurs d’un quartier développé
dans les années 1970 par un urbanisme de barres et de tours aujourd’hui contesté.
Nous avons dans un premier temps réalisé un ensemble de simulations
d’ensoleillement, d’exposition au vent et au son du quartier étudié, en prenant en
compte plusieurs scénarii : différentes directions de vent, fréquentations des voies
routières et ferroviaires pour les simulations sonores, périodes de l’année pour
l’ensoleillement. À partir des données volumiques des simulations aérauliques et
sonores, nous avons extrait les informations correspondant aux vitesses de vent et
aux niveaux sonores à la hauteur d’un piéton. Ces informations surfaciques ont alors
été croisées aux informations issues des simulations d’ensoleillement, puis
superposées au projet d’aménagement des espaces extérieurs. Entre autres résultats,
nous avons ainsi fait apparaître, comme l’illustre la figure 9, des zones d’inconfort
probable, où la vitesse du vent est supérieure à une vitesse de référence donnée
(4m/s dans la direction nord-est pour notre exemple) et la durée d’ensoleillement
inférieure à un seuil fixé (2 heures en hiver).
D’autres analyses environnementales ont été menées en suivant les mêmes
principes. Elles ont permis une forte sensibilisation des acteurs (cabinet d’urbanisme
chargé de l’opération, maître d’ouvrage) à la nécessité de prendre en compte les
paramètres environnementaux qui, comme d’autres facteurs plus habituels (voirie,
réglementation urbaine, etc.) ont participé à l’ajustement du projet : emplacements,
formes et orientations des bâtiments.
Figure 9. Exemple d’une requête spatiale : zones d’inconfort probable dans
l’espace extérieur (ensoleillement inférieur à 2 heures en hiver et vitesses de vent
supérieures à 4m/s dans la direction nord-est)
5. Conclusion et perspectives
5.1. Synthèse de la problématique et des résultats obtenus
L’ambition d’un développement urbain durable appelle de nouveaux outils de
diagnostic environnemental des espaces urbains existants ou en projet. Par les
possibilités d’analyse et de communication qu’ils offrent, par leur ancrage dans les
services techniques des villes, les systèmes d’information géographique apparaissent
comme les supports naturels de ces développements. Ils doivent cependant s’étendre
pour prendre en compte la troisième dimension autrement que de manière seulement
illustrative, et savoir interagir avec les outils de simulation des phénomènes
physiques existants. Ces deux extensions laissent ainsi entrevoir de nouveaux SIG
3D environnementaux urbains, susceptibles de devenir des outils communs de
gestion des villes, en matière de réhabilitation, de renouvellement urbain ou
d’extension urbaine.
Notre laboratoire a entrepris d’explorer cette voie de manière pragmatique. Nous
nous sommes appuyés sur un SIG commercial existant et nous avons mis à profit les
connaissances acquises en matière de CAO 3D bâtiment pour construire un modèle
de données adapté. Sauf cas particulier (en matière d’intervisibilité par exemple),
nous n’avons pas cherché à rajouter des fonctions de simulation au système, mais
plutôt à intégrer le plus efficacement possible les résultats de logiciels tiers éprouvés
(SOLENE, FLUENT, SOUNDPLAN, ENERGYPLUS, etc.) ; ces outils bénéficient d’une
communauté d’utilisateurs importante et connaissent des évolutions régulières.
Enfin, nous avons souhaité développer ce système en partenariat avec les
collectivités locales (ville de Nantes et communauté urbaine Nantes Métropole), de
manière à cerner les multiples dimensions qui interagissent dans les processus de
conception des projets urbains.
Dans cet article, nous avons exposé l’organisation générale du système, le
modèle de données mis en œuvre et l’approche choisie pour reconstruire les scènes
urbaines. Nous avons ensuite montré les modalités d’intégration de l’information
environnementale dans le système, en distinguant les informations de types
attributaires, surfaciques, volumiques et illustratives. Enfin, nous avons donné deux
exemples concrets de mise en œuvre de cet outil dans une perspective d’aide à la
concertation et à la décision pour deux projets urbains, l’un concernant un
programme incitatif de réhabilitation de logements répartis sur une large zone,
l’autre un projet de renouvellement urbain impliquant la destruction et la
reconstruction d’immeubles de logements. Ces développements fournissent une
preuve de faisabilité du SIG 3D environnemental que nous invoquons ; ils ne font
qu’esquisser les premières pistes d’un travail envisagé sur le long terme.
5.2. Perspectives
Un travail important reste à faire pour concrétiser nos objectifs dans un outil qui
dépasse le stade du prototype démonstratif. Nos premiers développements devraient
être orientés vers une meilleure reconstitution 3D des objets urbains (import des
données IGN, modélisation des toitures à l’aide d’une base de connaissances, prise
en compte des éléments de parois significatifs, etc.). Par ailleurs, le modèle de
données doit être étendu de manière à représenter les espaces urbains ouverts
(réseau viaire, espaces publics ouverts) ainsi que les infrastructures, voire le
mobilier urbain pour les études de visibilité. Nos expériences actuelles montrent
également que la notion de « corps de bâtiment » fait défaut, pour distinguer les
parties d’un même bâtiment présentant des formes très différentes. Ces extensions
sont actuellement en cours.
L’interfaçage avec les outils de simulation doit être rendu plus efficace en
s’adaptant à la nature de l’information produite (surfacique, volumique ou
illustrative) plutôt qu’au format des résultats, comme nous le faisons actuellement.
Des mécanismes généraux et robustes doivent être développés en ce sens, de
manière à pouvoir ouvrir la palette des outils de simulation et à garantir leur
interopérabilité avec le système. Notons cependant que la plupart des outils de
simulation mis en oeuvre appellent une certaine expertise physique, si bien que
l’usage du SIG reste, en l’état actuel, réservé aux physiciens et ingénieurs experts de
ces questions (mécanique des fluides, rayonnement, acoustique notamment).
Sur le plan de l’analyse environnementale, de nouvelles techniques de requêtes
spatiales et attributaires doivent être introduites pour tenir compte du caractère
spatio-temporel de l’information. De manière plus générale, une réflexion doit être
conduite sur la représentation des données environnementales urbaines, et
notamment sur la question de leurs multiples échelles d’appréhension, spatiales et
temporelles (de la façade à la ville entière, de la seconde à l’année entière, suivant
les phénomènes). Cette réflexion devrait être mise en œuvre prochainement. Un
travail théorique sur les indicateurs environnementaux pertinents en matière de
gestion urbaine reste également à entreprendre.
Sur le plan de présentation des données, de nouvelles méthodes permettant de
prendre connaissance, et d’analyser efficacement l’information 3D doivent être
développées. Les vues perspectives sont en général inefficaces, d’une part parce
qu’une partie de l’information est nécessairement masquée (le vol dans la scène ne
garantit pas de prendre connaissance de toute l’information utile), et d’autre part
parce que l’information visible est déformée par les effets de la perspective. Des
techniques comme le développé de façade (vue frontale d’un ensemble de façades
urbaines formant un bâtiment, un îlot ou une rue, consécutivement dépliées dans le
même plan) nous paraissent prometteuses.
Les auteurs tiennent à remercier D. Chérel (ADEME), N. Bedjaoui (Ville de
Nantes), L. Huchet du Guermeur, M. Guillard et A. Mallet (communauté urbaine
Nantes-Métropole), C. Tuffery (ESRI-France), ainsi que toutes les personnes qui ont
contribué au développement de cette recherche.
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