L’Observateur 1er août 2013
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Regain temporaire de la consommation au Canada
Quant à l’impact de ce relèvement des taux sur les dépenses des
ménages, cela reste à voir. Étant donné que le point de départ de
l’augmentation des taux est déjà historiquement bas, ce contexte ne
devrait pas nuire à l’abordabilité des habitations à court terme. Entre
temps, la croissance du crédit aux ménages augmente à un rythme
modéré, mais les données du 2e trimestre sur la consommation
donnent un son de cloche différent. En fait, après avoir diminué
d’intensité en début d’année, les dépenses de consommation
auraient effectué un retour en force au 2e trimestre et devraient
contribuer à 80 % de la croissance de l’activité réelle selon nos
calculs en s’accélérant de 2,5 % (variation trimestrielle annualisée).
En effet, comme prévu le secteur des services a affiché une forte
progression de sa production en mai (0,5 %) : les détaillants, les
grossistes, les services immobiliers, les restaurateurs et les services
d’hébergement ont fait de bonnes affaires. Cela est particulièrement
relié à la température exceptionnelle tant attendue après un
printemps plutôt pluvieux et très froid particulièrement dans les
Prairies. Conséquemment, plusieurs activités agricoles et corvées
du « grand ménage du printemps » ont été reportées en mai. La
progression a été particulièrement élevée dans les magasins de
matériaux de construction et de matériel et fournitures de jardinage
et chez les grossistes de fournitures agricoles. En temps normal, la
saisonnalité est censée être retirée dans l’évolution des données
afin d’avoir une meilleure idée de la tendance. Toutefois, la réalité
de nos jours est que les variations de température sont loin d’être «
normales » d’une année à l’autre et cela peut affecter la lecture des
données. Il faut donc extrêmement porter attention à cela. D’ailleurs,
la bonne performance du secteur des services ne devrait pas se
reproduire en juin.
Pour en revenir aux consommateurs, une telle progression des
dépenses devrait se renverser pour plusieurs raisons dont les
revenus du travail qui augmentent plus lentement, mais aussi
puisque la contribution provenant l’effet de richesse immobilière sur
la croissance de la consommation sera moins significative que
durant la dernière décennie. La hausse des taux jumelée au
resserrement des règles hypothécaires en matière de refinancement
et d’autorisation de marge de crédit hypothécaire ainsi que
l’appréciation plus faible, voire l’éventualité d’une dépréciation, de la
valeur des actifs immobiliers feront en sorte que l’équité immobilière
ne pourra être utilisée comme auparavant pour contribuer à
l’augmentation des dépenses des ménages. Entre l’automne 2006
et la mi-2012, les limites de refinancement sont passées d’un ratio
prêt-valeur de 100 % à 80 % et depuis juillet 2012, les nouvelles
marges de crédit hypothécaire autorisées ne peuvent être utilisées
au-delà d’un ratio prêt-valeur de 65 %, auparavant 80 %. Bref, cela
limitera l’augmentation de l’endettement des propriétaires en les
incitant à utiliser leur actif immobilier comme mécanisme d’épargne
plutôt que comme mécanisme de dépenses. Selon des calculs
effectués par la Banque du Canada la moitié de sommes obtenues
en prêts ou marges de crédit garantis par la valeur des propriétés a
été « consacrée aux dépenses de consommation courantes et à la
rénovation ou encore à l’achat d’une autre propriété » au cours des
années 2000. Ceci étant dit, la progression des dépenses de
consommation ralentira et se rapprochera de celle des revenus des
ménages.
La production de biens ternie par le secteur des
ressources
Quant au secteur de la production de biens, ce dernier a affiché un
deuxième recul mensuel consécutif en mai (-0,3 %). Malgré une
légère progression du secteur manufacturier et une forte croissance
de l’agriculture et de la foresterie depuis le début de l’année cela
pourrait ne pas être suffisant pour contrebalancer les difficultés du
secteur de l’extraction minière, pétrolière et gazière alors que le
secteur de la construction fait du surplace.
Plus précisément, la production réelle à l’échelle nationale a été
freinée par une réduction de l’extraction de pétrole brut à partir des
sables bitumineux pour un deuxième mois consécutif. Même si des
arrêts temporaires de production à des fins de maintenance ont créé
de la distorsion dans les données, il n’en demeure pas moins que
les perspectives pour ce secteur sont moins encourageantes.
D’abord, en juin, les inondations en Alberta ont forcé le
ralentissement de la production de pétrole : Suncor a annoncé la
réduction temporaire de sa production de pétrole suite à l’arrêt
préventif du réseau de pipelines dans la région de Fort McMurray.
Ensuite, dans les prochains mois, l’écart de prix entre les cours du
pétrole WTI et WCS, soit le prix que reçoivent les producteurs de
pétrole lourd albertains, pourrait s’élargir de nouveau.
À la fin juillet, le cours WTI est retombé à 105 $ US le baril, alors
qu’il avait touché son niveau le plus élevé depuis février 2012
quelques jours auparavant. Toutefois, le prix WCS, a chuté
davantage creusant l’écart de prix à 20 $ US, le plus élevé en deux
mois. Est-ce un signe que le bond du prix WTI observé en juillet
n’était que temporaire? Certains facteurs pointent dans cette
direction : la production au sud de la frontière se situe à un sommet
en plus deux décennies et l’économie chinoise montre des signes
de ralentissement. Il ne faut pas oublier que la Chine consomme
l’équivalent de la moitié de la consommation mondiale de pétrole.
Néanmoins, en ce qui concerne le prix WCS, les perspectives à
moyen terme sont encourageantes. Comme l’a précisé la Banque
du Canada dans son rapport sur la politique monétaire de janvier,
des « améliorations au chapitre du transport et du raffinage
devraient à moyen terme entraîner une réduction des écarts relatifs
au WCS ». En attendant, l’incertitude continue de planer, et cela nuit
aux investissements dans ce secteur.
Taux moyen des prêts hypothécaires (5 ans)
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Taux obligataire à échance de 5 ans
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10050095
Sources: Bank of Canada /Haver Analytics
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