1er août 2013
Bilan semestriel : « Modeste » croissance économique aux États-Unis.
Taux hypothécaires : La tendance haussière n’est pas appelée à se renverser.
Regain temporaire de la consommation au Canada.
La production de biens ternie par le secteur des ressources.
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L’Observateur 1er août 2013
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Bilan semestriel : « Modeste »
croissance économique aux États-
Unis
Jusqu’à maintenant la semaine a été particulièrement active sur la
scène américaine avec la publication des données sur l’emploi dans
le secteur privé, la première estimation de la croissance du PIB au
2e trimestre et le communiqué du Comité de politique monétaire de
la Réserve fédérale (FOMC).
Le département du Commerce a également publié des révisions
historiques de la croissance économique. À ce sujet, les participants
au marché étaient fébriles dans l’attente des résultats. Ces derniers
ont été pris de surprise par l’ampleur des révisions tablant sur une
récession moins sévère en 2008-09 et une reprise plus vigoureuse.
La croissance en 2012 a plutôt été de 2,8 % au lieu du 2,2 % estimé
auparavant, ce qui creuse l’écart avec le Canada (1,7 %). Et pour ce
qui est du 2e trimestre, l’économie réelle aurait crû de 1,7 % selon
la première estimation, c’est plus qu’anticipé, mais cela survient aux
dépens d’une révision à la baisse de la croissance au 1er trimestre,
1,1 % au lieu du 1,8 % précédemment estimé. Il reste que l’activité
économique a tourné mollement durant la première moitié de
l’année (1,4 %).
Ainsi, bien qu’on ait pu s’attendre à des indications supplémentaires
concernant le calendrier d’une réduction graduelle d’achats d’actifs
dans son communiqué, le FOMC a préféré rester muet à ce sujet.
En fait, il a souligné le rythme « modeste » de la croissance
économique au premier semestre, alors qu’il le qualifiait de
« modéré » auparavant. Cela est évidemment tributaire d’une
inflation terne, la principale inquiétude de la Réserve fédérale. Or, le
FOMC a reconnu dans son communiqué qu’une inflation
« continuellement sous son objectif de 2 % pourrait poser des
risques pour la performance économique ».
Tout compte fait, le ton légèrement plus pessimiste du communiqué
du FOMC ne change pas la donne, nous nous attendons toujours à
un désengagement graduel de la Réserve fédérale face à son
programme d’achat d’actifs qui pourrait débuter en octobre (pour
plus de détails, veuillez consulter notre analyse suivant la
publication du communiqué du FOMC de mercredi).
C’est aussi ce à quoi s’attend le marché obligataire alors que le
rendement des obligations 10 ans du Trésor américain se situait
autour de 2,60 % en fin de journée mercredi, presque 100 points de
base au-dessus de son niveau enregistré il y a exactement 3 mois
(1,66 % le 1er mai). En somme, il faut s’attendre à ce que
l’accentuation de l’écart entre les rendements des obligations 2 ans
et 10 ans persiste aux États-Unis comme au Canada (voir
graphique).
Taux hypothécaires : La tendance haussière n’est pas
appelée à se renverser
Au Canada, la publication d’indicateurs économiques moins
encourageants par rapport aux États-Unis n’a pas empêché les taux
obligataires de suivre le cours de ceux observés sur le marché
américain. Comme nous l’avons déjà spécifié, le marché obligataire
canadien « importe » en quelque sorte la politique monétaire
américaine. Ainsi, la remontée des taux obligataires signifie des
coûts de financement plus élevés pour les institutions financières
canadiennes. Conséquemment, la hausse récente des taux
hypothécaires fixes1 est là pour durer et est appelée à se
poursuivre.
Également, cela devrait se produire en dépit des effets sur la
concurrence découlant d’une croissance plus faible du volume de
prêts hypothécaires par rapport à l’année dernière, le ralentissement
du marché immobilier canadien étant bien enclenché depuis l’été
dernier. Le montant total déboursé par les banques à chartes
canadiennes en prêts hypothecaires diminue d’un trimestre à l’autre
(voir graphique). La croissance de leurs actifs liés aux hypothèques
résidentielles au 2e trimestre de 2013 a été la plus faible depuis la
récession (1 % en variation trimestrielle) alors celle des actifs liés
aux prêts commerciaux a affiché son rythme le plus élevé depuis le
début de 2011. Ceci dit, malgré une compétition accrue entre les
prêteurs hypothécaires, les taux fixes devraient tout de même
conserver leur tendance haussière.
1 Ici nous faisons surtout allusion aux taux fixes, car les taux variables fluctuent
davantage en fonction du taux cible de financement à un jour qui, au Canada, ne devrait
pas augmenter avant le dernier trimestre de l’année prochaine. Pour plus de détails sur
l’orientation de la politique monétaire canadienne, veuillez consulter les rapports
suivants : Politique monétaire - Banque du Canada et L'Observateur du 19 juillet.
Pente de la courbe des rendements (10 ans - 2 ans)
États-Unis
Canada
131211100908070605
Source: Haver Analytics
3.00
2.25
1.50
0.75
0.00
-0.75
3.00
2.25
1.50
0.75
0.00
-0.75
Banques à charte canadiennes : Montant déboursé en hypothèques
(en millions de $, données trimestrielles désaisonnalisées)
1211100908070605040302
Source: Bank of Canada /Haver Analytics
67500
60000
52500
45000
37500
30000
22500
67500
60000
52500
45000
37500
30000
22500
Marie-Claude Guillotte Économiste
L’Observateur 1er août 2013
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Regain temporaire de la consommation au Canada
Quant à l’impact de ce relèvement des taux sur les dépenses des
ménages, cela reste à voir. Étant donné que le point de départ de
l’augmentation des taux est déjà historiquement bas, ce contexte ne
devrait pas nuire à l’abordabilité des habitations à court terme. Entre
temps, la croissance du crédit aux ménages augmente à un rythme
modéré, mais les données du 2e trimestre sur la consommation
donnent un son de cloche différent. En fait, après avoir diminué
d’intensité en début d’année, les dépenses de consommation
auraient effectué un retour en force au 2e trimestre et devraient
contribuer à 80 % de la croissance de l’activité réelle selon nos
calculs en s’accélérant de 2,5 % (variation trimestrielle annualisée).
En effet, comme prévu le secteur des services a affiché une forte
progression de sa production en mai (0,5 %) : les détaillants, les
grossistes, les services immobiliers, les restaurateurs et les services
d’hébergement ont fait de bonnes affaires. Cela est particulièrement
relié à la température exceptionnelle tant attendue après un
printemps plutôt pluvieux et très froid particulièrement dans les
Prairies. Conséquemment, plusieurs activités agricoles et corvées
du « grand ménage du printemps » ont été reportées en mai. La
progression a été particulièrement élevée dans les magasins de
matériaux de construction et de matériel et fournitures de jardinage
et chez les grossistes de fournitures agricoles. En temps normal, la
saisonnalité est censée être retirée dans l’évolution des données
afin d’avoir une meilleure idée de la tendance. Toutefois, la réalité
de nos jours est que les variations de température sont loin d’être «
normales » d’une année à l’autre et cela peut affecter la lecture des
données. Il faut donc extrêmement porter attention à cela. D’ailleurs,
la bonne performance du secteur des services ne devrait pas se
reproduire en juin.
Pour en revenir aux consommateurs, une telle progression des
dépenses devrait se renverser pour plusieurs raisons dont les
revenus du travail qui augmentent plus lentement, mais aussi
puisque la contribution provenant l’effet de richesse immobilière sur
la croissance de la consommation sera moins significative que
durant la dernière décennie. La hausse des taux jumelée au
resserrement des règles hypothécaires en matière de refinancement
et d’autorisation de marge de crédit hypothécaire ainsi que
l’appréciation plus faible, voire l’éventualité d’une dépréciation, de la
valeur des actifs immobiliers feront en sorte que l’équité immobilière
ne pourra être utilisée comme auparavant pour contribuer à
l’augmentation des dépenses des ménages. Entre l’automne 2006
et la mi-2012, les limites de refinancement sont passées d’un ratio
prêt-valeur de 100 % à 80 % et depuis juillet 2012, les nouvelles
marges de crédit hypothécaire autorisées ne peuvent être utilisées
au-delà d’un ratio prêt-valeur de 65 %, auparavant 80 %. Bref, cela
limitera l’augmentation de l’endettement des propriétaires en les
incitant à utiliser leur actif immobilier comme mécanisme d’épargne
plutôt que comme mécanisme de dépenses. Selon des calculs
effectués par la Banque du Canada la moitié de sommes obtenues
en prêts ou marges de crédit garantis par la valeur des propriétés a
été « consacrée aux dépenses de consommation courantes et à la
rénovation ou encore à l’achat d’une autre propriété » au cours des
années 2000. Ceci étant dit, la progression des dépenses de
consommation ralentira et se rapprochera de celle des revenus des
ménages.
La production de biens ternie par le secteur des
ressources
Quant au secteur de la production de biens, ce dernier a affiché un
deuxième recul mensuel consécutif en mai (-0,3 %). Malgré une
légère progression du secteur manufacturier et une forte croissance
de l’agriculture et de la foresterie depuis le début de l’année cela
pourrait ne pas être suffisant pour contrebalancer les difficultés du
secteur de l’extraction minière, pétrolière et gazière alors que le
secteur de la construction fait du surplace.
Plus précisément, la production réelle à l’échelle nationale a été
freinée par une réduction de l’extraction de pétrole brut à partir des
sables bitumineux pour un deuxième mois consécutif. Même si des
arrêts temporaires de production à des fins de maintenance ont créé
de la distorsion dans les données, il n’en demeure pas moins que
les perspectives pour ce secteur sont moins encourageantes.
D’abord, en juin, les inondations en Alberta ont forcé le
ralentissement de la production de pétrole : Suncor a annoncé la
réduction temporaire de sa production de pétrole suite à l’arrêt
préventif du réseau de pipelines dans la région de Fort McMurray.
Ensuite, dans les prochains mois, l’écart de prix entre les cours du
pétrole WTI et WCS, soit le prix que reçoivent les producteurs de
pétrole lourd albertains, pourrait s’élargir de nouveau.
À la fin juillet, le cours WTI est retombé à 105 $ US le baril, alors
qu’il avait touché son niveau le plus élevé depuis février 2012
quelques jours auparavant. Toutefois, le prix WCS, a chuté
davantage creusant l’écart de prix à 20 $ US, le plus élevé en deux
mois. Est-ce un signe que le bond du prix WTI observé en juillet
n’était que temporaire? Certains facteurs pointent dans cette
direction : la production au sud de la frontière se situe à un sommet
en plus deux décennies et l’économie chinoise montre des signes
de ralentissement. Il ne faut pas oublier que la Chine consomme
l’équivalent de la moitié de la consommation mondiale de pétrole.
Néanmoins, en ce qui concerne le prix WCS, les perspectives à
moyen terme sont encourageantes. Comme l’a précisé la Banque
du Canada dans son rapport sur la politique monétaire de janvier,
des « améliorations au chapitre du transport et du raffinage
devraient à moyen terme entraîner une réduction des écarts relatifs
au WCS ». En attendant, l’incertitude continue de planer, et cela nuit
aux investissements dans ce secteur.
Taux moyen des prêts hypothécaires (5 ans)
%
Taux obligataire à échance de 5 ans
%
10050095
Sources: Bank of Canada /Haver Analytics
12
10
8
6
4
2
0
12
10
8
6
4
2
0
L’Observateur 1er août 2013
4
En outre, les perspectives moins encourageantes entourant la
Chine et les pays émergents (voir l’Observateur du 25 juillet pour
plus de détails à ce sujet) ont poussé à la baisse les cours
mondiaux des matières premières, surtout celles reliées aux
métaux. Cela signifie de nouvelles difficultés pour l’industrie minière
canadienne qui devrait voir sa production s’affaisser dans les
prochains mois. Déjà au Québec, les difficultés se font sentir et
même jusqu’au sein du marché immobilier où les prix à Val-d’Or et
Sept-Îles ont chuté de plus de 10 % en glissement annuel au cours
du 2e trimestre selon les dernières données compilées par la
Fédération des chambres immobilières du Québec (FCIQ).
Qui plus est, une importante nouvelle publiée cette semaine
concernant l’industrie de la potasse vient relever le niveau
d’incertitude d’un cran pour le secteur minier canadien. Sans trop
entrer dans les détails étant donné la difficulté de cerner les réelles
intentions du producteur russe (Uralkali) dans cette situation de
quasi-cartel, déjà en présence d’une abondance de l’offre. La
décision du producteur russe de rompre les liens avec son
partenaire biélorusse a eu un effet drastique sur les prix et pourrait
stopper des investissements majeurs en Saskatchewan sans oublier
l’impact à la baisse sur les volumes de vente de potasse au 3e
trimestre, jumelé à une possible réduction de la production. Les
impacts nets pour l’économie canadienne sont encore difficiles à
évaluer, et le demeureront tant et aussi longtemps qu’il n’y aura
aucun doute que la décision du producteur russe puisse être
annulée. La production de potasse demeure minime en proportion
de l’économie canadienne (0,5 % du PIB et 1,5 % des exportations).
Néanmoins, la baisse du prix des engrais advenant une chute
durable du prix de la potasse entraînera une réduction des coûts de
production pour les agriculteurs nord-américains, favorisant du
même coup une hausse de leurs revenus.
En terminant, bien que la production réelle ait augmenté pour un
cinquième mois d’affilée, sa croissance a peu impressionné en mai.
En prenant en considération un recul de 0,4-0,5 % en juin, un recul
considérable que l’on peut attribuer en bonne partie à des situations
temporaires survenues en Alberta et au Québec, le PIB aurait crû
de 1,4 % durant la première moitié de l’année par rapport à la même
période l’an dernier. Pour le 2e trimestre, les comptes économiques
qui seront publiés par Statistique Canada à la fin du mois d’août
devraient afficher une croissance trimestrielle annualisée du PIB
réel de 1,5 %. Cela peut paraître relativement faible étant donné le
bond observé dans la consommation, mais il reste que les heures
travaillées, un bon indicateur de la tenue de l’activité économique,
ont stagné au 2e trimestre.
Au final, le portrait ne change pas, la croissance demeure modeste
et la reprise s’essouffle. Les efforts de reconstruction dans le sud de
l’Alberta de même que la fin de la grève dans l’industrie de la
construction au Québec devraient donner de l’élan à la croissance
économique canadienne au 3e trimestre. Cela pourrait ne pas être
suffisant pour changer la donne alors que des vents défavorables
soufflent sur le secteur pétrolier, gazier et minier tel que mentionné
précédemment. Néanmoins, nous anticipons que l’accélération de la
croissance de l’économie américaine bénéficiera aux exportations
canadiennes et les effets positifs sur l’activité économique devraient
être plus significatifs en 2014.
Marie-Claude Guillotte | Économiste
PIB réel par industrie au Canada
(var. mensuelle en %)
1
121110
Sources: Statistics Canada /Haver Analytics
1.5
1.0
0.5
0.0
-0.5
-1.0
-1.5
1.5
1.0
0.5
0.0
-0.5
-1.0
-1.5
Services
Biens
L’Observateur 1er août 2013
5
Prévisions nord-américaines
Données historiques
2009 2010 2011 2012 2013T1 2013T2 2013T3 2013T4 2014T1 2014T2 2014T3 2014T4 2015T4
Canada
Taux cible du financement à un jour 0,43 0,59 1,00 1,00 1,00 1,00 1,00 1,00 1,00 1,00 1,00 1,50 2,00
Bons du Trésor 3 mois 0,33 0,56 0,91 0,94 0,96 1,00 1,00 1,05 1,05 1,05 1,10 1,60 2,05
Obligations 2 ans 1,23 1,54 1,36 1,12 1,00 1,22 1,20 1,30 1,40 1,40 1,60 1,80 2,40
Obligations 5 ans 2,34 2,48 2,05 1,39 1,30 1,80 2,05 2,10 2,20 2,20 2,50 2,75 2,85
Obligations 10 ans 3,23 3,24 2,78 1,88 1,88 2,44 2,70 2,80 2,90 3,00 3,10 3,25 3,75
Obligations 30 ans 3,85 3,77 3,29 2,45 2,50 2,90 3,00 3,10 3,20 3,25 3,60 3,80 4,30
,
États-Unis
Taux cible des fonds fédéraux 0,125 0,125 0,125 0,125 0,125 0,125 0,125 0,125 0,125 0,125 0,125 0,125 1,50
Bons du Trésor 3 mois 0,15 0,14 0,05 0,09 0,07 0,04 0,10 0,10 0,10 0,10 0,10 0,25 1,50
Obligations 2 ans 0,96 0,70 0,45 0,28 0,25 0,36 0,35 0,40 0,50 0,60 0,90 1,00 2,10
Obligations 5 ans 2,19 1,93 1,52 0,76 0,77 1,41 1,60 1,70 1,90 2,00 2,40 2,50 3,00
Obligations 10 ans 3,26 3,22 2,78 1,80 1,87 2,52 2,80 2,90 3,10 3,20 3,40 3,50 4,00
Obligations 30 ans 4,08 4,25 3,91 2,92 3,10 3,68 3,70 3,75 3,90 4,10 4,20 4,30 4,75
Dollar canadien ($É.-U./$C) 0,88 0,97 1,02 1,00 0,98 0,95 0,93 0,93 0,94 0,95 0,96 0,96 0,98
Dollar canadien (Euro/$C) 0,63 0,73 0,73 0,78 0,77 0,73 0,72 0,72 0,71 0,70 0,70 0,70 0,70
Euro (.-U./Euro) 1,39 1,33 1,39 1,29 1,28 1,30 1,29 1,30 1,32 1,35 1,37 1,38 1,40
Yen (Yen/$É.-U.) 93,7 87,8 79,7 79,8 94,1 100,0 101 102 103 106 108 110 115
Données de fin de trimestre et moyennes annuelles
* au 9 juillet 2013
Prévisions de taux d'intérêt et de taux de change
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