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Les émotions sont des
composantes essentielles
de notre raison.
Antonio Damasio
La rubrique
Idée Zip de
BVA propose
chaque mois,
dans
Marketing
Magazine
, une sélection
d’ouvrages valorisant
les apports de la recherche
à la connaissance marketing.
La synthèse de chacun
des livres est diffusée
sur e-marketing.fr.
Après une première série
consacrée à l’économie
comportementale
(cf.
Marketing Magazine
n°162, novembre 2012),
voici un tour d’horizon
de la recherche portant sur
les émotions.
par richard
bordenave,
Marketing Magazine / n°164 / Février 2013
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progrès des neurosciences ont conduit le
grand public à s’intéresser aux mystères
de notre cerveau et à la façon dont nous
“pensons sans penser”. Le best-seller
Blink
, de Malcom Gladwell, (en fran-
çais,
La Force de l’intuition
) donne
des exemples éloquents de la manière
dont certains indices sensoriels peuvent
influencer inconsciemment le jugement
de l’expert ou du consommateur. Car
la préférence de celui-ci peut se jouer
en quelques secondes. Et c’est de notre
capacité à former un jugement immédiat
qu’il s’agit, car la première impression est
très souvent la bonne. Pourtant, les études
marketing ne capturent généralement que
la seconde, en laissant le consommateur
réfléchir à des questions fermées…
Les limites du déclaratif pour comprendre
les comportements, associées à la démo-
cratisation des techniques de mesures
physiologiques d’origine médicale, ont
ouvert la voie à de nouveaux vendeurs
d’études dites de neuromarketing (voir
la Parole d’expert sur le neuromarke-
ting dans
Marketing Magazine
n°163,
déc. 2012 - janv. 2013). Pour autant, si
la recherche avance, le charlatanisme
aussi. Certains promeuvent ainsi la quête
du bouton d’achat dans le cerveau du
consommateur : l’endroit qu’il suffirait
d’activer pour déclencher des ventes.
Un mythe simpliste, dont la validité est
réfutée par les neuroscientifiques, mais
Les émotions sont un levier de séduc-
tion bien connu des publicitaires et du
marketing, mais elles restent une variable
difficile à mesurer avec les techniques
d’études classiques. Les progrès scienti-
fiques leur ont toutefois offert un nouvel
âge d’or : l’imagerie médicale permet
aujourd’hui de les observer en temps réel
et de mieux comprendre leur rôle dans
nos comportements. C’est d’ailleurs l’ou-
vrage d’un neurologue, Antonio Damasio,
L’erreur de Descartes,
qui en a modifié
nos représentations à la fin des années
quatre-vingt-dix. Prenant le contre-pied de
la pensée cartésienne, Antonio Damasio a
montré que les émotions ne sont pas des
facteurs de trouble pour notre rationa-
lité : elles sont en fait des composantes
essentielles de notre raison. À l’aide de
cas cliniques, il a pu établir que, sans
émotion, la décision raisonnable n’est pas
possible. En effet, celles-ci fixent dans
notre mémoire corporelle les réponses
positives ou négatives entraînées par nos
comportements passés et nous aident
directeur innovation
et marketing du groupe BVA
dans nos arbitrages futurs. Ainsi, lors de
nos décisions d’achat courantes, nous
ne traitons pas rationnellement toute
l’information disponible, mais notre
cerveau va piocher directement dans son
stock d’empreintes émotionnelles. Ces
raccourcis sont d’ailleurs bien utiles pour
aller vite. Et il n’est pas étonnant que le
marketing veuille mieux en appréhender
les ressorts.
La mesure de l’émotion revisitée
C’est Gérald Zaltman, professeur de
marketing à Harvard, qui a jeté un pavé
dans la mare des études en matière
de connaissance client en 2003. Dans
son ouvrage
Dans la tête du client,
il dénonce l’illusion de rationalité que
génèrent certaines méthodes d’enquête
classiques. Le questionnaire, nous dit-il,
n’est souvent pas apte à restituer les rai-
sons réelles qui président à nos compor-
tements : trop de facteurs se cachent en
deçà de notre seuil de conscience. Pour
les explorer, Gérald Zaltman a revisité les
techniques projectives (tests qualitatifs)
comme révélateurs de “vérités-client” fon-
damentales. Il s’attache en particulier aux
métaphores : des représentations sym-
boliques partagées qui s’adressent
à l’inconscient collectif. Intégrées
dans le discours des marques, les
métaphores permettent d’instau-
rer une communication de nature
émotionnelle avec le client et favo-
risent son engagement. Mais pour
les découvrir, le professeur invite
le marketing à ne jamais considé-
rer le client comme un “cerveau”
isolé, mais bien comme un individu
au sein d’un réseau d’interactions
culturelles et sociales. Les rapides
qui reste un miroir aux alouettes pour
certains. L’enseignement marketing
devra donc rapidement intégrer ces
nouvelles disciplines, pour cerner leurs
potentialités et maîtriser les questions
éthiques qu’elles soulèvent. Dans leur
livre,
Neuromarketing,
Bernard Roullet
et Olivier Droulers font le point sur les
apports des neurosciences : ce sont, avant
tout, des avancées conceptuelles pour une
nouvelle intelligence du comportement
du consommateur et non des outils de
substitution pour une aide à la décision
au quotidien.
Les émotions, l’arbre qui cache la forêt
Effet de mode ou tendance durable du
marketing ? Toujours est-il que le concept
même d’émotion est aujourd’hui sur le
devant de la scène. Il n’est pas rare, par
exemple, de constater un amalgame
entre le couple émotion / raison et le
duo conscient / inconscient. Pourtant,
ces notions sont loin d’être assimilables :
l’émotion peut être consciente et verbali-
sée, et inversement, il existe des méca-
nismes décisionnels non-conscients qui
ne sont pas des émotions.
Les émotions, effet de
mode ou nouveau graaL ?
Quantifier les émotions dans le seul but
de redresser les mesures classiques ne
résout donc pas le problème : au contraire,
un tel pansement maintient le marketing
dans sa vision dualiste : celle qui existait
avant les découvertes d’Antonio Damasio.
Or, ces deux types de mesures ne
s’ajoutent pas : il n’y a pas de décision
raisonnable qui n’intègre déjà l’émotion,
et l’émotion n’existe pas sans le reste du
corps. Les émotions ne sont donc qu’une
partie du problème. Ce sont tous les
mécanismes qui interviennent en dessous
du seuil de la conscience qui vont consti-
tuer la nouvelle frontière pour le marke-
ting et les études. Comment stimuler et
mesurer une décision naturelle qui intègre
déjà l’émotion ? Peut-on prédire nos
comportements sans connecter le corps
à un environnement sensoriel ? Il y a fort
à parier que de nombreuses découvertes
scientifiques bousculeront nos modèles
actuels : ceux décrivant les processus
attentionnels ou sensoriels, par exemple.
Sans oublier la mémorisation, un concept
très usité en marketing, dans lequel les
émotions jouent un rôle-clé mais dont la
science est loin de nous avoir dévoilé tous
les secrets.
n
Le concept d’émotion et ses applications marketing sont aujourd’hui sur le devant
de la scène. Elles demeurent néanmoins difficiles à appréhender et à mesurer.
Tour d’horizon des connaissances en la matière, des travaux d’Antonio Damasio
à ceux de Gérald Zaltman, en passant par les recherches d’Olivier Droulers.
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Idée Zip
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Marketing Magazine / n°164 / Février 2013