La médiation franco-arabe - Ginestié Magellan Paley

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L’œil sur
Par CHRISTINE TACONNET
La médiation franco-arabe : subtile mais efficace
La médiation, qui prend de l’ampleur dans l’Hexagone, est-elle adaptable aux litiges franco-arabes ? Sans nul
doute, répondent de nombreux experts, réunis récemment à Paris pour un colloque sur le sujet. Encore faut-il
savoir s’y prendre.
L
es nombreux participants au colloque « La médiation internationale : pratiques en France et dans
les pays arabes », qui s’est tenu fin juin à
l’Institut du Monde Arabe, à Paris, sous
la houlette de la Chambre de commerce
franco-arabe (CCFA), sont partis rassurés. Ils savent maintenant que ces litiges
bi-culturels peuvent trouver une issue via
ce mode alternatif de règlement des
conflits (MARC).
Le centre de médiation et d’arbitrage
(CMA) de la CCFA s’appuie ainsi sur la
co-médiation, réunissant un médiateur
français et un médiateur arabe. Un système « extrêmement utile et approprié
au règlement des différends entre les
acteurs économiques », a souligné
Patrice Mouchon, président du CMA. Ce
centre, reconnu par la Coface, fait
désormais partie intégrante des instances d’arbitrages françaises. Les
entreprises, conscientes que la médiation est moins onéreuse et plus rapide
que le recours à une juridiction étatique
ou même à l’arbitrage, n’hésitent plus à
le solliciter.
Mais il faut partir sur de bonnes bases.
Pour rétablir la confiance, comprendre et
respecter la culture et les traditions des
deux bords est essentiel. Un point sur
lequel a longuement insisté Jalal El
Ahdab, associé chez Ginestié Magellan
Paley-Vincent, et vice-président du
conseil scientifique du CMA de la CCFA,
car de cela dépend la construction d’une
solution alternative qui satisfasse les
parties. Il s’est penché sur l’exemple
d’une médiation familiale entre une
femme française et un homme libanais
musulman pratiquant. Leur conflit portait
sur la garde de l’enfant, accordée au
père. Face à une situation bloquée, Jalal
el Ahdab a demandé à Danièle Ganancia, magistrate et spécialiste réputée de
la médiation familiale internationale, d’intervenir. Un nouvel accord a été trouvé :
il imposait au père de jurer de son respect sur le Coran.
Embûches
Efficace, la résolution amiable bi-culturelle
est également semée d’embûches. Il faut
d’abord surmonter quelques tensions
théoriques (confusion entre monde arabe
et musulman, diversité des formes de
l’Islam et de la langue arabe, etc.). De
plus, « les techniques de médiation viennent de Harvard, d’une culture particulière, qui s’universalise mais porte un préjugé » qu’il ne faut pas minimiser, signale
Jalal El Ahdab. Autre défi : la barrière de
la langue : « le médiateur peut avoir
besoin d’un interprète ». Enfin, la notion
de médiation est relative. « D’un pays à
l’autre, il y a une compréhension du terme
très différente ».
Reste que ce processus amiable est
« une des formes les plus anciennes de
règlement des litiges dans l’Islam », a
souligné Selim Jahel, professeur en droit
privé à l’université Paris II, où il enseigne
le droit des pays du monde arabomusulman. L’Islam prévoit un dispositif
d’arbitrage qui prend la forme d’une
médiation en matière familiale, puisque
les deux parties peuvent avoir recours à
un tiers accepté par elles deux en cas de
conflit portant sur des intérêts privés.
« C’est dans l’article 35 de la sourate
des femmes que l’idée de médiation est
la mieux articulée. La médiation en tant
que MARC est donc bien ancrée dans
le monde musulman et consacrée par le
Coran, a noté l’expert. Mais la médiation
liée à une structure judiciaire est en
quête de définition ».
Plusieurs témoignages ont pointé le
dynamisme de la médiation dans le
monde arabe. Cette tendance s’observe
via « le souci croissant de réglementation, la prolifération des centres de
médiation avec chartes, l’intégration de
cet instrument dans les réformes judiciaires, l’élargissement du champ de la
médiation », énumérait Tarik Mossadek,
professeur et avocat au barreau de
Casablanca. En Égypte, « plusieurs
centres de médiation ont publié depuis
la Révolution des prototypes d’accords », remarquait Sally El Sawah,
avocate au barreau de Paris et du Caire.
L’Algérie et le Liban reconnaissent la
médiation judiciaire. Au Maroc, la médiation conventionnelle a été intégrée au
Code de procédure civile en 2007.
Une confusion persiste toutefois entre
médiation, conciliation et transaction
arbitrale. « La culture orale fait que l’on
a du mal à formaliser un processus de
médiation. Et dans le milieu juridique,
elle est interprétée comme un préalable
au recours judiciaire », soulignait Tarik
Mossadek. Or tous les spécialistes se
sont accordés pour combattre cette
idée. Il y a donc encore du chemin à
parcourir...
I
PARIS, PLACE DE LA MÉDIATION
Le bâtonnier Christiane Féral-Schuhl l’avait
ailleurs annoncé la mise en place à la
Exercice en groupe, juridiction du bâtonnier,
promis : 2013 serait l’année de la médiation.
Forte de cet engagement, le bâtonnier de
rentrée d’un Centre de règlements des
litiges professionnels. Ce dernier aura un
en cas d'échec de la procédure de conciliation ou de médiation et en l'absence de
Paris a confirmé lors de Campus, le 9 juillet
2013, la création d’une École de la média-
objet large : conciliation des litiges de la collaboration libérale ou salariée ou entre avo-
convention d'arbitrage valable, arbitrage
conventionnel de droit commun, à l'exclu-
tion qui proposera un socle commun de for-
cats en raison de leur exercice profession-
sion des litiges de la collaboration qui ne
mation puis une spécialisation, notamment
en médiation dans l’entreprise. Elle a par
nel, médiation pour les litiges qui ne
seraient pas soumis à la commission
peuvent faire l'objet d'une clause compromissoire.
LA LETTRE DES JURISTES D’AFFAIRES - N° 1124 - 22 JUILLET 2013 - PAGE 6
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