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Métabolismes Hormones Diabètes et Nutrition (IX), n° 5, septembre/octobre 2005
Il existe pour la plupart des précurseurs plurifonction-
nels, comme la POMC par exemple, une maturation dif-
férentielle selon les tissus. Les produits peptidiques
issus de cette maturation sont généralement libérés de
manière coordonnée et peuvent soit exercer des activi-
tés biologiques distinctes, soit agir en synergie. C’est
dans ce contexte que des efforts ont été réalisés pour
déterminer la structure et la distribution des produits de
maturation du ppTRH, à l’aide des techniques de
dosages radio-immunologiques (RIA) et de chromato-
graphie liquide haute performance en phase inverse
(RP-HPLC) (3). Deux types de mécanismes de matura-
tion ont été mis en évidence dans le cerveau. Dans l’hy-
pothalamus et la moelle épinière, les fragments cryp-
tiques sont avec la TRH les formes majeures de
stockage, suggérant une maturation totale du ppTRH.
Dans les lobes olfactifs, la situation est différente
puisque la maturation du ppTRH est partielle et conduit
à l’obtention, en quantité majeure, de peptides cryp-
tiques allongés en N-terminal par une séquence TRH
(TRH-Ps3, TRH-Ps4 et TRH-Ps5), à la suite d’un défi-
cit de clivage au niveau des doublets d’acides aminés
basiques Arg-Arg.
Activités biologiques des peptides cryptiques
du ppTRH
Si les fonctions biologiques de la TRH sont bien
connues, il n’en est pas de même pour les autres produits
dérivés du ppTRH. Cela tient au fait que peu d’équipes
se sont intéressées aux peptides cryptiques, contraire-
ment à la TRH. L’examen de la distribution de ces pep-
tides ou la mise en évidence de leur régulation, dans des
conditions physiologiques ou pathologiques spécifiques,
est indispensable pour mieux comprendre leurs rôles bio-
logiques. Des études immunocytochimiques ont permis
de montrer que les peptides de connexion sont colocali-
sés avec la TRH dans l’hypothalamus, et particulièrement
au niveau des terminaisons nerveuses de la zone externe
de l’éminence médiane (3) qui sont au contact du sys-
tème sanguin porte hypothalamo-hypophysaire. Cela a
laissé entrevoir, comme pour la TRH, une éventuelle
implication des peptides cryptiques du ppTRH dans la
régulation de l’hypophyse antérieure. Pour la première
fois en 1990, il a été démontré que le décapeptide Ps4
(ppTRH-[160-169], figure 2) potentialise la sécrétion
antéhypophysaire de TSH induite par la TRH, sans tou-
tefois posséder des effets intrinsèques sur la libération
basale de TSH (3). L’effet potentialisateur de Ps4 est un
phénomène dépendant du calcium qui semble impliquer
des canaux calciques de type L, directement ou indirec-
tement régulés par une protéine G sensible à la toxine
pertussis. Des récepteurs spécifiques de Ps4 ont été
détectés dans l’hypophyse antérieure et les propriétés
de liaison ont été caractérisées à l’aide du traceur
[125I-Tyr0]Ps4 et d’analogues peptidiques (4). De manière
surprenante, ces récepteurs ne sont pas présents sur les
cellules à TSH, mais sont exclusivement localisés sur les
cellules folliculo-stellaires qui sont connues pour jouer
un rôle important dans la régulation de l’activité des cel-
lules hypophysaires. Par exemple, l’effet inhibiteur de
l’interféron γ,ou activateur du PACAP (pituitary adeny-
late activating polypeptide),passe par les cellules folli-
culostellaires. Cette localisation inattendue des récep-
teurs de Ps4 indique que le mécanisme d’action de Ps4,
qui reste inconnu, semble plus complexe que prévu. Il est
possible d’envisager que Ps4 puisse moduler, à partir des
cellules folliculo-stellaires, la sécrétion d’un facteur para-
crine qui serait responsable de la potentialisation de la
réponse TSH induite par la TRH. L’intervention de fac-
teurs diffusant par les gap junctions des cellules follicu-
lostellaires est également possible.
L’utilisation de lignées cellulaires tumorales capables
d’exprimer des sites de liaison à haute affinité pour Ps4,
comme la lignée gliale C6 ou la lignée neuronale
BN1010, pourrait constituer une bonne approche expéri-
mentale pour l’étude du mécanisme d’action de Ps4 au
niveau moléculaire et le clonage de son récepteur (4).
D’autres activités biologiques ont été découvertes pour
le peptide de connexion Ps4, comme la stimulation de
l’expression du gène de la TSH, la stimulation de la syn-
thèse et de la sécrétion de prolactine, ou la potentialisa-
tion de la sécrétion d’acide gastrique induite par la TRH
au niveau du système nerveux central (SNC). Ps4 pour-
rait également potentialiser les effets antidépresseurs de
la TRH (3, 4).
Ps5 (ppTRH-[178-199], figure 2) est le peptide de
connexion qui a été le plus étudié après Ps4 et pour
lequel plusieurs activités biologiques ont aussi été mises
en évidence. Il inhibe la sécrétion de GH hypophysaire
induite par la TRH, chez le rat, mais est sans effet sur la
libération basale de GH. Ps5 inhibe également la syn-
thèse et la sécrétion d’hormone corticotrope (ACTH :
adrenocorticotropic hormone) et serait donc le CRIF
(corticotropin release-inhibitory factor),dont l’existence
a été postulée depuis plusieurs décennies (4).
L’implication de Ps5 dans la modulation des réponses
neuroendocrines et comportementales au stress a été
démontrée par la suite. Une fonction supplémentaire a
récemment été attribuée à Ps5 : l’inhibition de la sécré-
tion de prolactine antéhypophysaire (5). Cette fonction
réside dans la partie C-terminale du peptide cryptique
puisque le ppTRH-[186-199] possède la même propriété
que Ps5. À ce jour, le récepteur de Ps5 n’a pas encore été
caractérisé et aucun rôle biologique précis n’a été défini
pour les autres peptides de connexion. La distribution
large des peptides cryptiques du ppTRH et des récepteurs
de Ps4, aussi bien en périphérie (pancréas, thyroïde,
Mise au point
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