Les investisseurs ont confiance en Trump malgré les

publicité
LE TEMPS
JEUDI 16 FÉVRIER 2017
Source: Bloomberg
Finance 15
SMI / CLÔTURE: 8486,27
STOXX EUROPE 600 / CLÔTURE: 371,47
S&P 500 / 18H00: 2341,06
TOPIX (TOKYO) / CLÔTURE: 1553,49
OBLIGATIONS
Performance sur 3 mois: +7,30%
Performance sur 3 mois: +9,53%
Performance sur 3 mois: +7,88%
Performance sur 3 mois: +10,73%
Taux à 10 ans
8400
366
2300
1560
2
8200
358
2260
1510
1
8000
350
2220
1460
0
7800
342
2180
1410
-1
7600
334
2140
1360
15 novembre
15 février
15 novembre
15 février
15 novembre
15 février
TAUX DE CHANGE
En francs
Etats-Unis 2,498%
Europe 0,373%
Suisse –0,073%
15 février
15 novembre
RAM ETWAREEA
t @ram52
Tir de missile balistique nordcoréen en direction de la Corée du
Sud et du Japon, recrudescence
des tensions entre les Etats-Unis
et l’Iran, résurgence du risque du
Grexit, c’est-à-dire la sortie de la
Grèce de la zone euro, négociations
qui s’annoncent difficiles entre
Bruxelles et Londres sur le Brexit.
Rien n’y fait. Les places financières
gardent le cap haussier.
«Ce n’est pas la grande euphorie,
mais la tendance reste favorable
jour après jour, fait remarquer
Jean-Paul Jeckelmann, directeur
des investissements de la Banque
Bonhôte à Neuchâtel. Les marchés veulent croire en Donald
Trump et lui donnent un préavis
favorable.»
Depuis l’élection de Donald
Trump à la présidence américaine en novembre dernier, les
bourses américaines gagnent
inlassablement du terrain. L’indice Dow Jones a franchi la barre
de 20# 0 00 points fin janvier et
gagné plus de 12% depuis le
8 novembre. Le S&P 500 affiche
pour sa part plus de 10% de progression depuis l’élection présidentielle américaine.
«Les bourses européennes et
asiatiques ont été hésitantes en
novembre et décembre derniers,
mais dès le début de l’année elles
se sont mises à suivre le marché
américain, poursuit Jean-Paul
Jeckelmann. Les investisseurs se
sont ralliés à la ligne de conduite
américaine au lieu d’être en opposition.»
Impulsion positive
L’intervention de la présidente
de la Réserve fédérale américaine
devant le Congrès mardi a aussi
donné une impulsion aux indices
Dow Jones et Nasdaq. Janet Yellen
a déclaré en substance qu’il ne
faudrait pas perdre du temps
avant de procéder à une nouvelle
hausse des taux d’intérêt et a promis d’agir en conséquence si l’économie américaine se maintient
sur les rails.
Les chiffres des ventes de détail
aux Etats-Unis publiés mercredi
indiquent une évolution dans le
bon sens: elles ont progressé plus
qu’attendu en janvier et augmenté
de 0,4% par rapport à décembre
et de 5,6% sur un an. Autre indicateur positif publié mercredi, le
taux d’inflation mensuelle a bondi
en janvier de 0,6% par rapport à
décembre, soit sa plus forte
hausse en quatre ans.
Patrick Artus, chef de la
recherche économique à la
banque Natixis, relève un paradoxe: «Le niveau d’incertitude
sur les politiques que va mener
le président Trump devrait être
défavorable aux actions, dit-il. Or
les marchés se disent qu’il va
prendre des initiatives favorables
aux entreprises américaines.»
Depuis l’élection
de Donald Trump,
les bourses
américaines
gagnent
inlassablement
du terrain
En effet, le nouveau président
américain a beaucoup promis:
baisse d’impôts sur les profits des
entreprises, mesures incitatives
au rapatriement des profits de
l’étranger, réduction des réglementations et, surtout, des investissements massifs pour renouveler les infrastructures vétustes
dans le pays, afin de donner une
impulsion à la croissance et à
l’emploi.
Jean-Paul Jeckelmann se veut
toutefois prudent et met en garde
contre les risques d’une déception. «Même si l’indice de la volatilité est très bas, ce qui montre
une grande confiance dans l’économie américaine, des risques
sont bien réels, dit-il. Les résultats se vérifieront dans quelques
mois et nous verrons alors si le
président Trump aura tenu ses
promesses. Le réveil peut être
rude.»
Le paradoxe du dollar
L’économiste neuchâtelois commente également le paradoxe de
la monnaie américaine, qui poursuit son appréciation par rapport
aux principales devises. Le président Trump est très critique sur
cette question, craignant qu’un
dollar fort grève les exportations
américaines et freine la croissance.
Jean-Paul Jeckelmann tempère
et explique que l’évolution de la
devise d’un pays peut être déconnectée de celle des marchés financiers: «Avec un billet vert fort, les
Etats-Unis reprennent leur place
de puissance qui pèse de tout son
poids au niveau économique mondial.» Et d’ajouter: «Le rouble se
raffermit. Ce n’est pas pour autant
que l’économie russe brille, mais
plutôt parce que la Russie se réaffirme sur la scène politique internationale.» ■
1,00
15 février
0,95
Dollar 1,0063
15 novembre
15 février
BOURSE
Les investisseurs ont confiance
en Trump malgré les incertitudes
MARCHÉS Les principales places
financières ont progressé en
continu depuis novembre dernier.
Pour l’heure, en tout cas, elles
minimisent les risques politiques
et économiques
1,05
0,90
-2
15 novembre
Euro 1,0662
1,10
MARCHÉ DE ZURICH
Tir groupé des bancaires
MAIS ENCORE
La BCN a accru
son bénéfice net
l’an dernier
La Banque
Cantonale
neuchâteloise
(BCN) a accru en
2016 son bénéfice
net de 5,1%
à 36,7 millions
de francs.
L’établissement
est parvenu à faire
évoluer son bilan
à 10,6 milliards
de francs, soit une
hausse de 2,7%
par rapport à
2015. Le volume
des avoirs
de la clientèle a
progressé de 0,2%
pour s’établir
à 6,2 milliards.
La rétribution à
l’Etat neuchâtelois
s’est portée à
24,5 millions, soit
un million de plus
qu’en 2015. ATS
Le marché suisse a ouvert la séance de
mercredi en hausse de 0,4% à 8458,04
points. La veille, Wall Street avait encore
battu des records
et les marchés
LE TITRE VEDETTE
asiatiques étaient
Credit Suisse, en francs
également bien
+2,12%
orientés dans la
15,45
matinée. Lors
15,35
d’une audition
mardi devant une
15,25
commission du
9h00
17h30
Sénat, la patronne
Source: Bloomberg
de la Réserve
fédérale, Janet
Yellen, a averti d’un lent resserrement de la
politique monétaire. L’inflation revient
lentement mais sûrement aux Etats-Unis,
avec une progression en janvier. Sur la
base des déclarations de Janet Yellen, les
intervenants ont estimé probable une
hausse de taux en mars déjà. Le SMI a
clôturé en hausse de 0,7% à 8486 points et
le SPI de 0,65% à 9291 points. Credit
Suisse (+2,1% à 15,42 francs) et UBS (+1,3%
à 16,15 francs) ont figuré parmi les plus
fortes hausses du jour. Julius Baer a suivi
le mouvement avec un gain de 1,7% à
49,01 francs. Les poids lourds pharma
Novartis (+0,9% à 75,80 francs) et Roche
(+1,7% à 241,50 francs) ont soutenu l’indice.
Roche a renforcé ses collaborations dans le
domaine du diabète avec un partenariat
exclusif avec Medtronic. Nestlé, qui doit
livrer ses résultats annuels ce jeudi, a
affiché un léger repli de 0,2% à 73,15 francs.
Dans le secteur des assurances, hormis
Swiss Life qui s’est apprécié de 0,9% à
315,90 francs, les valeurs ont cédé du
terrain, à l’image de Zurich Insurance
(–0,5% à 281,50 francs). Swiss Re a reculé
de 1,4% à 92,50 francs. ■
BCGE, SALLE DES MARCHÉS
Janet Yellen riposte aux reproches de Donald Trump
POLITIQUE MONÉTAIRE Le président
américain rêve de réduire l’indépendance
de la Fed. Il peinera à mener ce projet à
terme
Un exercice délicat. Pour ne pas dire
périlleux. Mardi 14 février, Janet Yellen,
la présidente de la Réserve fédérale (Fed),
a commencé une série d’auditions au
Congrès américain. D’abord devant une
commission du Sénat. Puis face à la
Chambre des représentants, mercredi 15
février. C’est la première fois, depuis
l’élection du nouveau président Donald
Trump, qu’elle est ainsi entendue par les
parlementaires américains.
L’objectif, pour Janet Yellen, était
double. D’abord, alerter sur «l’incertitude» et «le manque de clarté» du programme économique de Donald Trump,
qui risque, selon elle, de faire déraper le
budget. «Attendre trop longtemps avant
de durcir la politique monétaire accommodante serait imprudent», a-t-elle
ajouté devant le Sénat, préparant les
esprits à une nouvelle hausse des taux.
Mais le véritable défi était, pour elle, de
parer aux attaques d’une administration
républicaine ouvertement hostile à sa
personne. Et dont les projets pourraient
nuire à l’indépendance de la banque centrale américaine. Quatre questions pour
comprendre les enjeux de ce bras de fer.
1•QUE REPROCHE DONALD TRUMP
À LA FED DE JANET YELLEN?
A l’écouter, elle incarne tout ce qu’il
déteste. Pendant sa campagne, Donald
Trump a violemment accusé Janet Yellen
de maintenir des taux artificiellement
bas pour soutenir les démocrates, de
favoriser la création de bulles spéculatives, mais aussi de ne rien faire contre
JANET YELLEN
PRÉSIDENTE DE LA RÉSERVE
FÉDÉRALE AMÉRICAINE
«Attendre trop
longtemps avant
de durcir la politique
monétaire
accommodante
serait imprudent»
le dollar fort. «Il lui reproche tout et son
contraire, ce qui illustre le flou de sa position économique», analyse Thomas
Julien, chez Natixis, à New York.
Début février, le sénateur Patrick
McHenry l’a également accusée de participer à des «forums internationaux de
régulation bancaire», non conformes
selon lui aux intérêts américains. Dit
autrement: un certain nombre de républicains estiment que la Fed a pris trop
de pouvoir pendant la crise. Et rêvent qu’à
l’avenir elle obéisse sagement à la stratégie économique dessinée par le gouvernement.
2•JUSQU’OÙ LE PRÉSIDENT PEUT-IL
DÉRÉGULER LA FINANCE?
Le 3 février, Donald Trump a signé
deux décrets visant à détricoter la loi
Dodd-Frank, adoptée sous Barack
Obama pour mieux réguler la finance,
et dont la Fed fut l’un des artisans. Ce
texte a notamment renforcé les exigences de capitaux propres des banques,
et leur a interdit de spéculer pour leur
propre compte.
En théorie, Donald Trump peut aller
loin dans le démantèlement de ces
mesures. Mais dans les faits, mener son
projet à bien sera plus complexe qu’il ne
l’imagine. «Il faudra bien remplacer les
2300 pages de la loi Dodd-Frank par
quelque chose, explique Gregori
Volokhine, du courtier Meeschaert, à
New York. Or, comme pour la réforme
de la santé Obamacare que Donald
Trump souhaite retirer, son équipe n’a
pas commencé à plancher sur un texte
de loi alternatif, ce qui prendra des
mois.»
En outre, il faudra aussi que ces nouvelles règles soient adoptées par le
Congrès. Or, même si les républicains
sont majoritaires dans les deux
Chambres, ils ne sont pas unanimes sur
le sujet. Sans surprise, ceux proches du
secteur financier militent pour la fin de
la régulation Dodd-Frank. «Mais une
partie de ceux proches du lobby industriel redoutent qu’une réglementation
financière plus légère ne nuise à leurs
intérêts, puisque les banques pourraient
en profiter pour augmenter leurs tarifs»,
confie un banquier new-yorkais.
Enfin, les démocrates détiennent une
minorité de blocage ou obstruction au
Sénat pour les textes importants. Emmenés par Bernie Sanders, ex-candidat à la
présidentielle, et Elizabeth Warren, la
combative sénatrice du Massachusetts,
ils sont déterminés à mener la fronde
pour empêcher l’adoption des mesures
les plus excessives.
3•PEUT-IL NUIRE À
L’INDÉPENDANCE DE LA FED?
Là aussi, il est important de distinguer
la théorie et la pratique. Sur le papier,
le Congrès à majorité républicaine a le
pouvoir de réviser le mandat de l’institution afin de réduire son indépendance.
Ou encore, de lui imposer des audits à
répétition afin de lui mettre des bâtons
dans les roues. «Mais en pratique, la
majorité des élus américains, notamment au Sénat, restent très attachés à
l ’ i n d é p e n d a n c e d e l ’ i n s t i tut io n ,
conscients qu’elle est la garante de sa
crédibilité et de la stabilité financière»,
explique Alexandra Estiot, spécialiste
du pays chez BNP Paribas.
Donald Trump peut
modifier le visage
de la Fed par le jeu
des nominations mais
il ne peut pas révoquer
Janet Yellen
En revanche, Donald Trump peut
considérablement modifier le visage de
la Fed par le jeu des nominations. A la
suite de la démission le 9 février de
Daniel Tarullo, l’un des artisans des
régulations bancaires prises après
2008, trois des sept sièges de gouverneurs de l’institution sont désormais
ouverts. Donald Trump en profitera à
coup sûr pour nommer des candidats
favorables à une réglementation financière édulcorée.
Mais il ne peut pas révoquer Janet
Yellen, dont le mandat prendra fin en
février 2018. «J’ai l’intention de le mener
à terme», a-t-elle confirmé mardi. De
même, le mandat de son vice-président,
Stanley Fischer, se terminera en juin
2018. Dans les deux cas, Donald Trump
nommera probablement à leur place des
personnalités proches des républicains.
«Mais ça ne veut pas dire que ces dernières lui obéiront, et cela pourrait
même se retourner contre lui», juge le
courtier Gregori Volokhine. Réputés
«faucons», les républicains sont en général plutôt favorables à un resserrement
monétaire rapide. Ce qui a tendance à
pousser le dollar à la hausse face aux
autres devises. Soit précisément ce que
veut éviter Donald Trump.
4•QUELLES CONSÉQUENCES
SUR LES MARCHÉS?
«Il est trop tôt pour le dire, car cela
dépendra beaucoup de l’application du
programme de Donald Trump», estime
Alexandra Estiot. Les mesures protectionnistes et de relance pourraient alimenter les tensions inflationnistes et
convaincre la Fed d’accélérer la hausse
de ses taux directeurs pour éviter la surchauffe de l’économie.
En outre, toute atteinte sérieuse à l’indépendance de la banque centrale
déplairait aux marchés, rarement amateurs de ce genre d’incertitudes. «Cela
engendrerait de la volatilité», juge Thomas Julien de Natixis. Voire créerait un
petit mouvement de défiance des investisseurs, qui se détourneraient alors de
la traditionnelle valeur refuge américaine. ■
MARIE CHARREL (LE MONDE)
Téléchargement