VIOLÉ Amandine - Thèses

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ÉCOLE NATIONALE VÉTÉRINAIRE D’ALFORT
Année 2015
LA PRISE EN CHARGE DU SYNDROME DE DÉTRESSE
RESPIRATOIRE AIGÜE :
MODЀLES EXPÉRIMENTAUX ET APPLICATIONS POUR LA
MÉDECINE HUMAINE ET VÉTÉRINAIRE
THÈSE
Pour le
DOCTORAT VÉTÉRINAIRE
Présentée et soutenue publiquement devant
LA FACULTÉ DE MÉDECINE DE CRÉTEIL
le 29 octobre 2015
par
Amandine VIOLÉ
Née le 16 avril 1990 à Paris 14ème
JURY
Président : Pr. LELLOUCHE
Professeur à la Faculté de Médecine de CRÉTEIL
Membres
Directeur : Pr. Renaud TISSIER
Professeur à l’ENVA
Assesseur : Dr. Luca ZILBERSTEIN
Maître de conférences à l’ENVA
LISTE DES MEMBRES DU CORPS ENSEIGNANT
Directeur : M. le Professeur GOGNY Marc
Directeurs honoraires : MM. les Professeurs : COTARD Jean-Pierre, MIALOT Jean-Paul, MORAILLON Robert, PARODI André-Laurent, PILET Charles, TOMA Bernard.
Professeurs honoraires : Mme et MM. : BENET Jean-Jacques, BRUGERE Henri, BRUGERE-PICOUX Jeanne, BUSSIERAS Jean, CERF Olivier, CHERMETTE René, CLERC Bernard,
CRESPEAU François, M. COURREAU Jean-François, DEPUTTE Bertrand, MOUTHON Gilbert, MILHAUD Guy, POUCHELON Jean-Louis, ROZIER Jacques.
DEPARTEMENT D’ELEVAGE ET DE PATHOLOGIE DES EQUIDES ET DES CARNIVORES (DEPEC)
Chef du département : M. GRANDJEAN Dominique, Professeur - Adjoint : M. BLOT Stéphane, Professeur
UNITE DE CARDIOLOGIE
- Mme CHETBOUL Valérie, Professeur *
- Mme GKOUNI Vassiliki, Praticien hospitalier
- Mme SECHI-TREHIOU Emilie, Praticien hospitalier
UNITE DE CLINIQUE EQUINE
- M. AUDIGIE Fabrice, Professeur
- Mme BERTONI Lélia, Maître de conférences contractuel
- Mme BOURZAC Céline, Maître de conférences contractuel
- M. DENOIX Jean-Marie, Professeur
- Mme GIRAUDET Aude, Praticien hospitalier *
- Mme MESPOULHES-RIVIERE Céline, Praticien hospitalier
- Mme TRACHSEL Dagmar, Praticien hospitalier
UNITE D’IMAGERIE MEDICALE
- Mme PEY Pascaline, Maître de conférences contractuel
- Mme STAMBOULI Fouzia, Praticien hospitalier
UNITE DE MEDECINE
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- Mme BENCHEKROUN Ghita, Maître de conférences
- M. BLOT Stéphane, Professeur*
- M. CAMPOS Miguel, Maître de conférences associé
- Mme FREICHE-LEGROS Valérie, Praticien hospitalier
- Mme MAUREY-GUENEC Christelle, Maître de conférences
DISCIPLINE : NUTRITION-ALIMENTATION
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DISCIPLINE : OPHTALMOLOGIE
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UNITE DE PARASITOLOGIE ET MALADIES PARASITAIRES
- M. BLAGA Radu Gheorghe, Maître de conférences (rattaché au DPASP)
- Mme COCHET-FAIVRE Noëlle, Praticien hospitalier
- M. GUILLOT Jacques, Professeur *
- Mme MARIGNAC Geneviève, Maître de conférences
- M. POLACK Bruno, Maître de conférences
- Mme RISCO CASTILLO Véronica, Maître de conférences (rattachée au DSBP)
UNITE DE PATHOLOGIE CHIRURGICALE
- M. FAYOLLE Pascal, Professeur
- M. MAILHAC Jean-Marie, Maître de conférences
- M. MANASSERO Mathieu, Maître de conférences
- M. MOISSONNIER Pierre, Professeur
- Mme VIATEAU-DUVAL Véronique, Professeur *
- M. ZILBERSTEIN Luca, Maître de conférences
DISCIPLINE : URGENCE SOINS INTENSIFS
- Mme STEBLAJ Barbara, Praticien Hospitalier
DISCIPLINE : NOUVEAUX ANIMAUX DE COMPAGNIE
- M. PIGNON Charly, Praticien hospitalier
UNITE DE MEDECINE DE L’ELEVAGE ET DU SPORT
- Mme CLERO Delphine, Maître de conférences contractuel
- M. FONTBONNE Alain, Maître de conférences
- M. GRANDJEAN Dominique, Professeur *
- Mme MAENHOUDT Cindy, Praticien hospitalier
- M. NUDELMANN Nicolas, Maître de conférences
DEPARTEMENT DES PRODUCTIONS ANIMALES ET DE LA SANTE PUBLIQUE (DPASP)
Chef du département : M. MILLEMANN Yves, Professeur - Adjoint : Mme DUFOUR Barbara, Professeur
UNITE D’HYGIENE QUALITE ET SECURITE DES ALIMENTS
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UNITE DES MALADIES CONTAGIEUSES
- Mme DUFOUR Barbara, Professeur*
- Mme HADDAD/HOANG-XUAN Nadia, Professeur
- Mme PRAUD Anne, Maître de conférences
- Mme RIVIERE Julie, Maître de conférences contractuel
UNITE DE PATHOLOGIE DES ANIMAUX DE PRODUCTION
- M. ADJOU Karim, Maître de conférences *
- M. BELBIS Guillaume, Assistant d’enseignement et de recherche contractuel
- M. MILLEMANN Yves, Professeur
- Mme RAVARY-PLUMIOEN Bérangère, Maître de conférences
- Mme ROUANNE Sophie, Praticien hospitalier
UNITE DE REPRODUCTION ANIMALE
- Mme CONSTANT Fabienne, Maître de conférences*
- M. DESBOIS Christophe, Maître de conférences (rattaché au DEPEC)
- Mme MASSE-MOREL Gaëlle, Maître de conférences contractuel
- M. MAUFFRE Vincent, Assistant d’enseignement et de recherche contractuel
- Mme EL BAY Sarah, Praticien hospitalier
UNITE DE ZOOTECHNIE, ECONOMIE RURALE
- M. ARNE Pascal, Maître de conférences
- M. BOSSE Philippe, Professeur*
- Mme DE PAULA REIS Alline, Maître de conférences contractuel
- Mme GRIMARD-BALLIF Bénédicte, Professeur
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Chef du département : M. CHATEAU Henry, Professeur - Adjoint : Mme PILOT-STORCK Fanny, Maître de conférences
UNITE D’ANATOMIE DES ANIMAUX DOMESTIQUES
- M. CHATEAU Henry, Professeur*
- Mme CREVIER-DENOIX Nathalie, Professeur
- M. DEGUEURCE Christophe, Professeur
- Mme ROBERT Céline, Maître de conférences
UNITE D’HISTOLOGIE, ANATOMIE PATHOLOGIQUE
- Mme CORDONNIER-LEFORT Nathalie, Maître de conférences*
- M. FONTAINE Jean-Jacques, Professeur
- Mme LALOY Eve, Maître de conférences contractuel
- M. REYES GOMEZ Edouard, Maître de conférences
UNITE DE BACTERIOGOLIE, IMMUNOLOGIE, VIROLOGIE
- M. BOULOUIS Henri-Jean, Professeur*
- Mme LE PODER Sophie, Maître de conférences
- Mme LE ROUX Delphine, Maître de conférences
- Mme QUINTIN-COLONNA Françoise, Professeur
UNITE DE BIOCHIMIE
- M. BELLIER Sylvain, Maître de conférences*
- Mme LAGRANGE Isabelle, Praticien hospitalier
- M. MICHAUX Jean-Michel, Maître de conférences
UNITE DE MANAGEMENT, COMMUNICATION, OUTILS SCIENTIFIQUES
- Mme CONAN Muriel, Professeur certifié (Anglais)
- M. DESQUILBET Loïc, Maître de conférences (Biostatistiques, épidémiologie)*
- Mme FOURNEL Christelle, Maître de conférences contractuel (Gestion et management)
DISCIPLINE : EDUCATION PHYSIQUE ET SPORTIVE
- M. PHILIPS Pascal, Professeur certifié
DISCIPLINE : ETHOLOGIE
- Mme GILBERT Caroline, Maître de conférences
UNITE DE GENETIQUE MEDICALE ET MOLECULAIRE
- Mme ABITBOL Marie, Maître de conférences
- M. PANTHIER Jean-Jacques, Professeur*
UNITE DE PHARMACIE ET TOXICOLOGIE
- Mme ENRIQUEZ Brigitte, Professeur
- M. PERROT Sébastien, Maître de conférences
- M. TISSIER Renaud, Professeur*
UNITE DE PHYSIOLOGIE ET THERAPEUTIQUE
- Mme COMBRISSON Hélène, Professeur
- Mme PILOT-STORCK Fanny, Maître de conférences
- M. TIRET Laurent, Professeur *
REMERCIEMENTS
Au Professeur Lellouche, de la Faculté de médecine de Créteil, président du jury
Pour m’avoir fait l’honneur d’accepter la présidence de ce jury,
Au Professeur Renaud Tissier
Pour m’avoir aidée dans le choix de ce sujet de thèse,
Pour sa disponibilité et sa réactivité à toute épreuve,
Pour sa gentillesse et sa sincère implication dans l’aboutissement de ce projet,
Toute ma reconnaissance à laquelle s’ajoute un grand merci.
Au Docteur Luca Zilberstein
Pour avoir accepté de prendre part à ce jury de thèse,
Sincères remerciements.
À ma maman et mon papa, ma famille,
My darling, et mes amis.
Un cocktail d’encouragements sans faille, d’entraide et de bonne humeur.
Merci de m’avoir donné le goût de persévérer.
TABLE DES MATIERES
LISTE DES ABRÉVIATIONS .......................................................................... 5
TABLE DES ILLLUSTRATIONS .................................................................... 7
INTRODUCTION ............................................................................................ 11
I.
Présentation du syndrome de détresse respiratoire aigüe (SDRA) ............ 13
A. Définition générale ........................................................................................................ 13
B. Étiologies du SDRA ...................................................................................................... 13
1.
Chez les carnivores domestiques ............................................................................... 13
2.
Chez l’Homme ........................................................................................................... 14
C. Physiopathologie du SDRA .......................................................................................... 14
1.
Rappels ...................................................................................................................... 14
a.
L’unité alvéolo-capillaire ....................................................................................... 14
b.
Mécanique ventilatoire et propriétés du poumon ................................................... 15
i.
Compliance et élasticité pulmonaires ................................................................. 16
ii.
Fonction du surfactant ........................................................................................ 17
iii. Volumes et capacités respiratoires ..................................................................... 17
iv. Notion d’espace mort ......................................................................................... 18
c.
2.
Rapport ventilation/perfusion (V/Q) ...................................................................... 19
Mécanismes pathogéniques du SDRA ...................................................................... 19
a.
Phase exsudative .................................................................................................... 19
i.
Implication des médiateurs de l’inflammation ................................................... 19
ii.
Mise en place de l’œdème lésionnel inflammatoire ........................................... 21
iii. Comblement alvéolaire et altérations du surfactant ........................................... 22
iv. Shunt intrapulmonaire ........................................................................................ 23
b.
Phase fibroproliférative et fibrose chronique ......................................................... 23
c.
Phase de réparation et de résolution de l’œdème ................................................... 24
d.
Conséquences sur la mécanique ventilatoire ......................................................... 25
i.
Réduction du volume aéré et perte de compliance pulmonaire.......................... 25
ii.
Hypertension artérielle pulmonaire .................................................................... 28
D. Approche clinique du SDRA......................................................................................... 28
1
1.
Consensus internationaux .......................................................................................... 28
Chez l’Homme ....................................................................................................... 28
a.
i.
L’European American Consensus Conference................................................... 28
ii.
Actualisations ..................................................................................................... 30
b.
Chez les carnivores domestiques ........................................................................... 31
2.
Diagnostic pratique en clinique vétérinaire ............................................................... 33
3.
Épidémiologie ............................................................................................................ 35
a.
Incidence et mortalité du SDRA ............................................................................ 35
i.
Chez l’Homme ................................................................................................... 35
ii.
Chez les carnivores domestiques ........................................................................ 36
b.
II.
Facteurs prédictifs de mortalité en médecine humaine .......................................... 36
Les stratégies thérapeutiques de prise en charge du SDRA ...................... 39
A. La ventilation mécanique chez l’Homme ...................................................................... 39
1.
Rappels sur la ventilation mécanique artificielle ....................................................... 39
a.
Mécanique ventilatoire assistée ............................................................................. 39
b.
Notion de pression résistive, pression élastique..................................................... 40
2.
Hétérogénéité pulmonaire inhérente au SDRA ......................................................... 42
3.
Objectifs et limites de la ventilation mécanique artificielle ...................................... 43
a.
Recrutement et dérecrutement alvéolaires ............................................................. 43
b.
Le VILI ou Ventilatory Induced Lung Injury......................................................... 44
i.
Mécanismes physiopathologiques ...................................................................... 44
ii.
Manifestations macroscopiques et microscopiques ........................................... 46
iii. VILI et SDRA .................................................................................................... 48
4.
Recommandations actuelles : la ventilation protectrice ............................................ 48
a.
Courbe pression/volume au cours du SDRA ......................................................... 48
b.
La ventilation protectrice ....................................................................................... 50
i.
Choix du ventilateur et confort du patient .......................................................... 50
ii.
Quelle fraction inspirée en oxygène (FiO2) ? ..................................................... 50
iii. Quel volume courant ? ....................................................................................... 51
iv. Quelle PEP ?....................................................................................................... 51
2
c.
Bénéfice de la ventilation protectrice sur la mortalité en milieu hospitalier ......... 55
d.
Techniques adjuvantes d’optimisation de la ventilation assistée ........................... 56
i.
Manœuvres de recrutement alvéolaires (MRA) ................................................. 56
ii.
Ventilation à haute fréquence ............................................................................. 59
iii. Ventilation liquide partielle (VLP)..................................................................... 60
iv. Monoxyde d’azote inhalé ................................................................................... 60
B. La ventilation mécanique chez les carnivores domestiques .......................................... 61
1.
Recommandations en médecine vétérinaire .............................................................. 62
2.
Evaluation de l’efficacité du positionnement en médecine vétérinaire ..................... 63
3.
Report de cas cliniques. ............................................................................................. 63
III.
Modèles expérimentaux du SDRA ........................................................... 67
A. Définition et conditions à la mise en œuvre d’un modèle animal ................................. 67
B. Modélisation du SDRA ................................................................................................. 68
1.
Modèles étiologiques du SDRA ................................................................................ 69
Modèle à l’acide oléique ........................................................................................ 69
a.
i.
Mode d’agression pulmonaire ............................................................................ 70
ii.
Mise en œuvre pratique ...................................................................................... 71
iii. Avantages et limites du modèle.......................................................................... 71
b.
Administration de lipopolysaccharide (LPS) ......................................................... 71
i.
Mode d’agression pulmonaire ............................................................................ 72
ii.
Mise en œuvre pratique ...................................................................................... 74
iii. Avantages et désavantages ................................................................................. 74
iv. Glucocorticoïdes et antioxydants ....................................................................... 74
c.
Autre modèle septique de SDRA : ligature et ponction du caecum....................... 76
i.
Mode d’agression pulmonaire ............................................................................ 76
ii.
Mise en œuvre pratique ...................................................................................... 77
iii. Avantages et désavantages ................................................................................. 77
Instillation intra trachéale d’acide chlorhydrique (HCl) ........................................ 77
d.
i.
Mode d’agression pulmonaire ............................................................................ 77
ii.
Mise en œuvre pratique ...................................................................................... 78
iii. Avantages et désavantages du modèle ............................................................... 78
Modèle d’ischémie/reperfusion.............................................................................. 80
e.
i.
Mécanisme physiopathologique général ............................................................ 80
ii.
Mode d’agression pulmonaire ............................................................................ 80
3
iii. Mise en œuvre pratique ...................................................................................... 82
iv. Modèle d’ischémie reperfusion non pulmonaire ................................................ 82
2.
Modèles reproduisant la pathophysiologie du SDRA ............................................... 83
a.
Modèle de déplétion en surfactant par lavage salin ............................................... 83
i.
Mode d’agression pulmonaire ............................................................................ 83
ii.
Mise en œuvre pratique ...................................................................................... 83
iii. Avantages et désavantages ................................................................................. 83
iv. Surfactant exogène ............................................................................................. 84
b.
Modèle de fibrose pulmonaire : administration de bléomycine ............................. 85
i.
Mode d’agression pulmonaire ............................................................................ 85
ii.
Mise en œuvre pratique ...................................................................................... 86
iii. Avantages et désavantages ................................................................................. 86
3.
Modèles centrés sur la thérapeutique du SDRA ........................................................ 87
Modèle d’hyperoxie ............................................................................................... 87
a.
i.
Mode d’agression pulmonaire ............................................................................ 87
ii.
Mise en œuvre pratique ...................................................................................... 88
iii. Avantages et désavantages ................................................................................. 88
Modèle d’hyperventilation par volo/barotraumatisme........................................... 88
b.
i.
Avantages et désavantages ................................................................................. 89
C. Comparaison des modèles de SDRA ............................................................................ 89
D. Limites à l’utilisation de ces modèles ........................................................................... 90
CONCLUSION ................................................................................................. 91
BIBLIOGRAPHIE ............................................................................................ 93
ANNEXES ...................................................................................................... 106
4
LISTE DES ABRÉVIATIONS
AECC : American European consensus conference
ADN : Acide désoxyribonucléique
ALI : Acute lung injury
CRI : Constant rate infusion
ECG : Electrocardiographie
EtCO2 : End tidal CO2
FiO2 : Fraction inspirée en oxygène
Fc : Fréquence cardiaque
Fr : Fréquence respiratoire
HCl : Chlorure d’hydrogène ou acide chlorhydrique
IL : Interleukine
LBA : Lavage broncho-alvéolaire
LBP : LPS binding protein
LIS : Lung injury score
LPS : Lipopolysaccharide
MEC : Matrice extracellulaire
MODS : Multiple organ dysfunction syndrome
NO : Monoxyde d’azote
PaO2 : Pression partielle artérielle en oxygène
PAO2 : Pression partielle alvéolaire en oxygène
PA : Pression artérielle systémique
PAF : Platelet activating factor
PAP : Pression artérielle pulmonaire
PNN : Polynucléaire neutrophile
PEP : Pression expiratoire positive
5
Pplat : Pression de plateau
ROS : Reactive oxygen species
SDRA : Syndrome de détresse respiratoire aigüe
SIMV : Synchronized intermittent mandatory ventilation
SIRS : Systemic inflammatory response syndrome
SpO2: Saturation partielle en oxygène
TF : Tissular factor
TGF : Tumor growth factor
TNF : Tumor necrosing factor
TUNEL: TdT-mediated dUTP nick end-labeling
VM : Ventilation mécanique
VILI : Ventilatory induced lung injury
VPP : Ventilation à pression positive
Vt : Volume courant (tidal volume)
6
TABLE DES ILLLUSTRATIONS
Liste des tableaux
Tableau 1: Classification des facteurs de risque de développement d’un SDRA chez
l’Homme................................................................................................................................... 14
Tableau 2 : Equation de Starling illustrant la relation entre les différents paramètres
responsables des mouvements de fluide entre les capillaires sanguins et l’interstitium
alvéolaire. ................................................................................................................................. 22
Tableau 3 : Critères de définition du SDRA selon l’AECC. .................................................... 29
Tableau 4 : Critères de définition du SDRA selon la conférence de Berlin ............................ 31
Tableau 5 : Critères de définition du SDRA en médecine vétérinaire ..................................... 33
Tableau 6 : Principales manœuvres de recrutement alvéolaires réalisables en pratique .......... 57
Tableau 7 : Répartition de l’utilisation des différents modèles animaux dans les études
expérimentales sur le SDRA rapportées dans PubMed entre 2003 et 2007. ............................ 69
Liste des figures
Figure 1 : Représentation schématique de la cloison inter-alvéolaire et de la barrière air- sang
.................................................................................................................................................. 15
Figure 2 : Diagramme de compliance chez un individu sain mettant en évidence la relation
volume/pression du poumon en conditions physiologiques.. ................................................... 16
Figure 3 : Représentation des volumes mobilisés au cours d’un cycle respiratoire chez
l’homme et des capacités associées .......................................................................................... 18
Figure 4 : Représentation schématique d’une unité alvéolo-capillaire physiologique et
pathologique ............................................................................................................................. 21
Figure 5: Coupe tomodensitométrique d’un poumon atteint de SDRA.. ................................. 25
Figure 6 : Courbes pression/volume comparées d’un poumon rempli d’une solution de
chlorure de sodium et d’un poumon en conditions physiologiques ......................................... 27
Figure 7 : Corrélation entre la concentration de procollagène III (PCP III) dans le lavage
broncho-alvéolaire d’individus malades et la compliance linéaire mesurée à une pression
expiratoire positive (PEP) donnée.. .......................................................................................... 27
Figure 8 : Radiographie thoracique (incidence latérale) d’un chat atteint de SDRA.. ............. 34
Figure 9 : Taux de mortalité rapporté des patients souffrant de SDRA dans les études
prospectives et les essais thérapeutiques entre 1981 et 2004 . ................................................ 36
7
Figure 10 : Illustration de la pression d’entrée des voies aériennes au cours d’un cycle
respiratoire en ventilation mécanique contrôlée. ...................................................................... 40
Figure 11 : Hétérogénéité pulmonaire au cours du SDRA après une manœuvre ventilatoire. 43
Figure 12 : Evaluation du coefficient de filtration capillaire (Kfc) en fonction de valeurs
croissantes de pression de crête appliquées sur des poumons de chien isolés ......................... 45
Figure 13 : Lésions macroscopiques sur un poumon de rat sain ventilé avec une pression de
crête de 45 cmH2O à To, To+ 5minutes et To+ 20minutes.................................................... 46
Figure 14 : Courbes pression/volume comparées chez un individu sain et un individu atteint
de SDRA.. ................................................................................................................................ 49
Figure 15: Distribution du volume courant entre les zones pulmonaires ventrales et dorsales
de patients atteints de SDRA à différents niveaux de PEP. ..................................................... 53
Figure 16: Proportion de patients ayant survécu au SDRA en fonction du temps parmi ceux
ayant reçu une ventilation protectrice versus classique............................................................ 55
Figure 17: Radiographie thoracique en vue ventro-dorsale ..................................................... 65
Figure 18 : Pourcentage de survie en fonction du temps de deux lots de souris : le premier
ayant reçu une injection seule de LPS, l’autre ayant reçu également un inhibiteur des caspases
(Z-VAD.fmk) ........................................................................................................................... 73
Figure 19: Concentration en granulocytes neutrophiles dans le LBA de souris traitées à la
déxamethasone (Dex 10 mg/kg) et/ou à la N-acétylcystéine (NAC 500 mg/kg) soit 1 heure
avant (a) ou 1 heure après (b) l’instillation de LPS (0.1 mg/ml) ............................................. 76
Figure 20: Concentrations en médiateurs pro-inflammatoires (TNF-α, IL-1β et IL-6
respectivement de gauche à droite et de bas en haut) après lavage broncho-alvéolaire et
analyse ELISA à 6h, 24h et 48h chez différents groupes d’étude : ACID, SNAP, CASP, NS.
.................................................................................................................................................. 79
Figure 21 : Modifications de la pression artérielle pulmonaire en oxygène (P aO2) au cours du
temps (ischémie puis reperfusion durant 4h) sur des poumons ventilés (inflated) ou collabés
(deflated ) au cours de la phase d’ischémie ............................................................................. 81
Figure 22 : Evaluation de la pression artérielle en oxygène (PaO2) dans un modèle de
déplétion en surfactant au cours du temps et des manœuvres ventilatoires engagées (PEP
dégressive de 8 à 0 cmH2O). .................................................................................................... 85
8
9
10
INTRODUCTION
Le syndrome de détresse respiratoire aigüe ou SDRA correspond à la survenue d’une
défaillance respiratoire aigüe associée à un œdème pulmonaire non cardiogénique. Le
diagnostic est essentiellement clinique et s’appuie sur la mise en évidence d’une hypoxémie
majeure ainsi que la présence d’opacités pulmonaires bilatérales à la radiographie. L’étiologie
de ce syndrome est multiple, ce qui rend d’autant plus difficile sa compréhension et son
exploration clinique. C’est toutefois une complication majeure susceptible de se déclarer chez
des patients présentant une pathologie sous-jacente sévère et qui occasionne une
hospitalisation en unité de soins intensifs. En médecine humaine de nombreuses études ont
émergé depuis sa première description en 1967 : celles- ci ont permis de recueillir des
données épidémiologiques et cliniques ayant contribué à une meilleure détection du
syndrome. Bien que les taux de mortalité aient significativement diminué depuis 1967, le
pronostic des patients reste mitigé et intimement corrélé à la sévérité du SDRA.
L’incidence du SDRA est peu renseignée en médecine vétérinaire. Cependant, de
nombreux spécialistes de médecine d’urgence reconnaissent actuellement cette affection
comme une entité clinique à part entière. Très peu de recherches cliniques ont été faites et les
traitements mis en place sont largement inspirés des acquis en médecine humaine. De plus,
l’engagement émotionnel et financier requis constitue souvent un facteur limitant à la prise en
charge des animaux sur le long terme.
Pour comprendre la physiopathologie du SDRA et proposer de nouvelles stratégies
thérapeutiques chez l’Homme et l’animal, le recours aux modèles animaux est indispensable.
Cette thèse s’attache à répertorier les modèles animaux de SDRA et à mettre en lumière les
applications qui en découlent, en médecine humaine et vétérinaire.
Dans une première partie, nous nous intéresserons au SDRA chez l’Homme et les
carnivores domestiques en faisant une mise au point sur son étiologie, sa physiopathogénie et
son diagnostic clinique. Dans un second temps, nous porterons une attention toute particulière
à la ventilation mécanique protectrice, seule méthode reconnue pour soutenir efficacement la
fonction respiratoire. Les autres options thérapeutiques seront également évoquées. Enfin,
dans une troisième partie, nous exposerons les différents modèles animaux qui ont enrichi le
support des connaissances actuelles du SDRA.
11
12
I.
Présentation du syndrome de détresse respiratoire aigüe (SDRA)
A.
Définition générale
Le syndrome de détresse respiratoire aigüe se manifeste par une insuffisance
respiratoire, d’apparition soudaine qui se déclare à la suite d’une agression initiale d’origine
pulmonaire, dite primaire, ou systémique, dite secondaire (Chevrolet et Tassaux, 2004).
Celui-ci est caractérisé par un œdème pulmonaire non cardiogénique qui conduit à une
altération notable des échanges gazeux. Les patients présentent une hypoxémie majeure qui
compromet leur pronostic vital à court terme. Le traitement actuel par ventilation mécanique
consiste à optimiser les échanges gazeux de manière à ce qu’ils soient compatibles avec la
survie du malade.
La définition du SDRA repose sur des paramètres cliniques, paracliniques et
radiologiques. Celle-ci a été proposée, tout d’abord en médecine humaine puis des années
plus tard en médecine vétérinaire, à l’occasion de conférences internationales regroupant des
spécialistes en soins intensifs et médecine d’urgence. Cette définition consensuelle a par la
suite été utilisée dans la majorité des essais thérapeutiques et des enquêtes épidémiologiques
récentes (Papazian et Roch, 2008). En médecine humaine, de nombreuses données ont ainsi
pu être recueillies et ont agrémenté le socle des connaissances, sans cesse actualisé. A
contrario, chez les carnivores domestiques, le SDRA n’a été reconnu comme une réelle entité
clinique qu’à partir de 1996. Bien que la physiopathologie soit en partie connue grâce à
l’apport des modèles expérimentaux animaux, les cliniciens vétérinaires n’ont que très peu de
recul sur l’incidence, les facteurs de risque et la mortalité de ce syndrome.
B.
Étiologies du SDRA
En médecine humaine et vétérinaire, de multiples étiologies sont reconnues, ce qui rend
d’autant plus difficile son identification. Ce syndrome est le résultat d’une cascade de
mécanismes inflammatoires aboutissant à une atteinte diffuse du tissu pulmonaire. Un
ensemble de pathologies sévères peuvent ainsi conduire à un SDRA. Celles-ci sont
communément classifiées en deux entités distinctes : les affections d’origine primaire
pulmonaire et celles d’origine secondaire systémique (Hernandez et Poncet, 2012).
1.
Chez les carnivores domestiques
Les atteintes d’origine primaire touchent directement le parenchyme pulmonaire. Les
pneumonies d’origine infectieuse (bactérienne, virale, parasitaire), les bronchopneumonies par
fausse déglutition, l’inhalation de gaz, de fumées toxiques et les traumatismes thoraciques
sont autant de facteurs de risque d’apparition d’un SDRA.
Les affections d’origine secondaire sont extrapulmonaires mais entraînent indirectement
des lésions pulmonaires par voie systémique. Celles-ci incluent : sepsis, coagulation intravasculaire disséminée (CIVD), syndrome de dilatation-torsion de l’estomac, pancréatite,
intoxications, pathologies digestives infectieuses aigües type parvovirose, anémie
hémolytique à médiation immune. Des cas de SDRA consécutifs à une intoxication au
paraquat (herbicide composé de dérivés chlorés) ont également été rapportés (Darke et al.,
1977). La forte réponse inflammatoire mise en jeu peut aboutir au syndrome de réaction
inflammatoire systémique (SIRS). Si l’organisme ne réussit pas à juguler une agression
initiale et qu’elle se généralise à d’autres organes, le SDRA peut alors être la conséquence
d’un syndrome de dysfonctionnement multi-organique (MODS).
13
Les pneumonies bactériennes, les bronchopneumonies de fausse déglutition, et l’état de
sepsis ont été reconnues comme les principales affections mises en cause chez les chiens
atteints de SDRA (Parent et al., 1996). Peu de facteurs de risque ont été répertoriés chez le
chat. Cependant, des lésions pulmonaires compatibles avec celles décrites dans le SDRA ont
été retrouvées à l’autopsie chez des chats décédés de sepsis sévère (Brady et al., 2000). Dans
l’étude récente de Sauvé et al. (2004) incluant sur dix ans 65 chats ayant présenté un SDRA,
l’examen post mortem permettait de mettre en exergue différentes affections primaires sous
jacentes. Concernant les atteintes les plus fréquentes, onze chats présentaient une pathologie
infectieuse systémique, huit une pathologie respiratoire primaire, huit autres un processus
néoplasique avancé. Pancréatite aigüe, traumatismes et sepsis étaient également rapportés.
2.
Chez l’Homme
En médecine humaine, dans 70% des cas, les causes les plus fréquentes de SDRA sont les
suivantes : bronchopneumonie par fausse déglutition, pneumonie infectieuse d’origine
bactérienne, sepsis généralisé et traumatismes multiples (Villar, 2011). Un patient sera
d’autant plus susceptible de déclarer un SDRA qu’il combine plusieurs facteurs de risque.
Ceux-ci sont synthétisés dans le tableau 1.
Tableau 1: Classification des facteurs de risque de développement d’un SDRA chez
l’Homme (d’après Chevrolet et Tassaux, 2004).
Atteinte pulmonaire directe
Aspiration de contenu gastrique
Contusions pulmonaires
Inhalation de gaz toxique
Noyade
Pneumonie
Irradiation thoracique
Ischémie-reperfusion pulmonaire
Embolies graisseuses
Etc…
C.
Atteinte pulmonaire indirecte
Sepsis sévère
Traumatismes majeurs
Transfusions multiples
Pancréatite aigüe
Overdose
Brûlure
Circulation extracorporelle
État de choc de toute origine
Etc…
Physiopathologie du SDRA
Afin d’envisager au mieux la physiopathologie du SDRA, il est nécessaire de faire un
rappel préalable sur la structure du système respiratoire et de la mécanique ventilatoire. Les
explications suivantes sont valables en médecine humaine ainsi qu’en médecine vétérinaire.
1.
Rappels
a.
L’unité alvéolo-capillaire
Le système respiratoire assure l’apport d’oxygène et l’élimination du CO2, produit du
métabolisme de base de l’organisme. Ces échanges se réalisent au niveau des alvéoles
pulmonaires, conduits terminaux de l’arbre respiratoire, qui présentent une grande extension
de surface. L’unité alvéolo-capillaire est le siège de l’hématose. Histologiquement, celle-ci
est constituée d’un épithélium alvéolaire (pneumocytes I à 90%), d’un endothélium capillaire
et de leurs membranes basales respectives, séparés par une cloison interstitielle. Le réseau
14
capillaire est abondant et tapisse l’intégralité de la surface alvéolaire. La diffusion des gaz est
rendue possible par la finesse de la barrière alvéolo-capillaire. La figure 1 représente cette
structure fonctionnelle.
L’efficacité des échanges gazeux réside dans l’adéquation entre la ventilation et la
perfusion des alvéoles pulmonaires. En outre, l’intégrité de la barrière alvéolo-capillaire est
essentielle : celle-ci assure en effet le maintien de l’homéostasie liquidienne et de la
protection immunitaire du poumon.
Figure 1 : Représentation schématique de la cloison inter-alvéolaire et de la barrière air- sang
(d'après Dellmann’s, 2006).
Capillaire
Membrane basale du capillaire
Pneumocyte I
Membrane basale de l’alvéole
b.
Mécanique ventilatoire et propriétés du poumon
L’apport d’oxygène aux poumons implique l’existence d’un gradient de pression entre
l’extérieur (air atmosphérique) et les alvéoles pulmonaires. Ce gradient est corrélé aux
modifications de volume du thorax liées à l’action des muscles thoraciques inspiratoires et
expiratoires.
La pression transpulmonaire représente la différence de pression qui règne entre les
alvéoles (Palvéolaire) et l’espace pleural (Pintrapleurale). La pression intrapleurale est toujours
négative ce qui assure le « vide pleural » et l’accolement des poumons à la cage thoracique.
La différence de pression transpulmonaire en début et en fin d’inspiration est à l’origine de
l’augmentation du volume pulmonaire et de l’expansion alvéolaire (Storck, 2014). Les
poumons présentent deux propriétés physiques qui modulent les variations de
pression/volume décrites ci-dessus : la compliance et l’élasticité.
15
i.
Compliance et élasticité pulmonaires
La compliance représente la capacité qu’ont les poumons à s’étirer. Elle est définie
comme la modification de volume pulmonaire (V) résultant d’un changement de pression
transpulmonaire (P) (Lefèbvre, 2011). La courbe pression/volume représentée dans la figure 2
reflète cette propriété. L’inverse de la compliance correspond à l’élastance pulmonaire.
Compliance pulmonaire (ml/cmH2O)= ᴧV / ᴧP
Figure 2 : Diagramme de compliance chez un individu sain mettant en évidence la relation
volume/pression du poumon en conditions physiologiques. La courbe de remplissage du
poumon à l’inspiration ne se superpose pas à celle de sa vidange : c’est la notion d’hystérésis
(d’après Lefèbvre, 2011).
Volume (l)
Expiration
Inspiration
P transpulmonaire (cmH20)
L’élasticité pulmonaire dépend de deux facteurs : de la tension de surface présente à la
surface des alvéoles et de la composition structurale des parois alvéolaires (Storck, 2014).
Celles-ci contiennent en effet des fibres élastiques constituées de protéines fibrillaires
telles que le collagène, l’élastine ou la réticuline. Cependant, ce facteur n’est pas le principal
déterminant de l’élasticité pulmonaire.
À la surface des alvéoles se trouve une interface gaz-tissu alvéolaire (équivalente à une
interface gaz-liquide) qui génère une forte tension de surface. Celle-ci peut être assimilée à
une force élastique qui tend à réduire la surface des alvéoles et provoquer leur collapsus.
D’après la loi de Laplace rappelée ci-dessous, la tension de surface (T) est proportionnelle à
une pression (P) nommée pression de distension, c'est-à-dire celle nécessaire à l’expansion de
l’unité alvéolaire. À tension de surface identique, une alvéole de petit diamètre nécessiterait
donc une pression plus importante pour rester ouverte qu’une de grand diamètre. Du fait de
l’hétérogénéité de calibre des alvéoles, certaines d’entre elles auraient donc tendance à se
collaber et à se vider vers des alvéoles contigües de taille supérieure, dans lesquelles la
pression est plus faible.
16
Loi de Laplace
Au cours de la ventilation mécanique artificielle d’un patient, l’enjeu est donc
d’obtenir une pression de distension optimale au recrutement alvéolaire et compatible avec les
capacités d’extension de la cage thoracique.
ii.
Fonction du surfactant
La surface épithéliale est recouverte d’une fine couche liquidienne composée d’une
phase aqueuse et d’une phase lipidique, le surfactant. Le surfactant est une substance
complexe, de composition protéo-phospholipidique produite par les pneumocytes II de
l’épithélium alvéolaire. Ce film présente des propriétés tensioactives qui abaissent
considérablement la tension de surface régnant au sein des alvéoles (Epaud et Fauroux, 2004).
En outre, la concentration du surfactant est plus importante dans les alvéoles de petit
diamètre, égalisant ainsi les pressions de distension entre alvéoles de calibre différent. La
réduction de la tension de surface minimise la force élastique en jeu et contribue ainsi à
l’amélioration de la compliance pulmonaire. La pression de distension, uniforme, est abaissée
et compatible avec les capacités ventilatoires du patient (Storck, 2014). De plus, en
s’opposant à la diminution de pression interstitielle autour des capillaires liée au collapsus
alvéolaire, le surfactant limite le phénomène de transsudation à l’origine de l’œdème (Roch et
Allardet-Servent, 2007). Il joue également un rôle anti-infectieux local.
La déplétion en surfactant objectivée dans le SDRA, est à l’origine d’une diminution
de la compliance pulmonaire. Ce processus implique la création d’un gradient de pression
plus important et donc d’un travail respiratoire accru pour assurer une ventilation alvéolaire
adéquate (Günther et al., 1996).
iii.
Volumes et capacités respiratoires
Au cours d’un cycle respiratoire, des volumes d’air statiques sont mobilisés. La
somme de ces différents volumes définit des capacités, comme schématisé sur la figure 3. On
note ainsi :





Volume courant (ml) : volume mobilisé lors d’une inspiration ou d’une expiration au
repos. Il est d’environ 200 ml chez le chien, 30 ml chez le chat et 400 ml chez
l’Homme (Lafarge, 2001).
Volume de réserve inspiratoire et expiratoire (ml): volume additionnel que le patient
peut inspirer en plus du volume courant, en forçant respectivement son inspiration ou
son expiration.
Volume résiduel (ml) : volume d’air restant dans les poumons après une expiration
forcée. Il est d’environ 40 ml/kg chez le chien et d’1,2 l chez l’Homme (Lafarge,
2001).
Capacité vitale (ml) : volume maximal mobilisable au cours d’un cycle respiratoire
forcé. S’ajoutent donc le volume courant, le volume de réserve inspiratoire et celui de
réserve expiratoire.
Capacité pulmonaire totale (ml) : capacité vitale à laquelle s’ajoute le volume
résiduel.
17

Capacité résiduelle fonctionnelle (ml) : volume d’air qui reste dans le poumon après
une expiration normale (volume de réserve expiratoire auquel s’ajoute le volume
résiduel). Cette capacité permet de maintenir les alvéoles ouvertes en fin d’expiration.
Le renouvellement de l’air alvéolaire est partiel à chaque cycle inspiratoire en raison
de la dilution du volume courant dans le volume résiduel. Le débit de ventilation alvéolaire
correspond au volume d’air nouveau qui parvient aux alvéoles à chaque minute.
D = FR × (Vt – Vm)
D (l/min) = débit de ventilation alvéolaire.
Vt (l) = volume courant (« tidal volume » en anglais).
Vm (l) = volume résiduel.
FR (cycle/min) = fréquence respiratoire.
Figure 3 : Représentation des volumes mobilisés au cours d’un cycle respiratoire chez
l’homme et des capacités associées (Lafarge, 2001).
iv.
Notion d’espace mort
L’espace mort anatomique correspond au volume des voies aériennes (excepté
bronchioles et alvéoles) qui ne participent pas aux échanges respiratoires. Cet espace mort,
fixe, joue non seulement un rôle dans la conduction de l’air, réchauffé et humidifié jusqu’aux
alvéoles, mais aussi dans le phénomène de régulation thermique. Le chien est en effet une des
espèces qui régule sa température corporelle par polypnée thermique.
L’espace mort alvéolaire correspond au volume des alvéoles ventilées mais non
perfusées. En conditions physiologiques très peu d’entre elles sont perfusées de manière
inadéquate (Lafarge, 2001). L’espace mort alvéolaire est ainsi négligeable.
18
c.
Rapport ventilation/perfusion (V/Q)
L’analyse de l’adéquation entre la ventilation et la perfusion alvéolaire est le reflet de
l’hématose. Pour une oxygénation efficace, ce rapport doit physiologiquement être égal à 1 et
similaire au sein de chaque unité alvéolaire.
Deux situations peuvent conduire à une inhomogénéité de ce rapport (l’annexe 1
schématise ces deux états) :

Un effet « SHUNT » (V/Q tend vers 0) : ce phénomène se produit lorsque certaines
alvéoles, bien que perfusées, ne sont plus correctement ventilées. Celles ci sont
collabées et l’hématose altérée. La modification de ce rapport est responsable d’une
hypoxémie majeure : en conséquence, du sang non hématosé est renvoyé vers le cœur
gauche. Le mécanisme réactionnel de vasoconstriction pulmonaire hypoxique limite la
perfusion des territoires non ventilés. Il conduit à la vasoconstriction des artérioles
précapillaires apportant du sang aux alvéoles hypoxiées (Storck, 2014).

Un effet « ESPACE MORT ALVEOLAIRE » (V/Q tend vers ∞) : ce phénomène se
produit lorsque certaines alvéoles, bien que ventilées, ne sont plus correctement
perfusées. La ventilation de ces alvéoles est inutile car les gaz ne peuvent participer
aux échanges. Leur volume se rajoute à celui de l’espace mort anatomique : la somme
de ces deux volumes constitue l’espace mort physiologique. Le pouvoir d’hématose
est ainsi réduit.
2.
Mécanismes pathogéniques du SDRA
Trois phases s’échelonnent au cours du temps dans le SDRA :
Une phase aigüe dite exsudative qui dure environ 6 jours.
Une phase subaigüe fibroproliférative se superposant à la phase précédente en cas de
non résolution. Elle peut varier de 4 à 10 jours.
 Une phase chronique fibrosante qui peut s’étendre sur plusieurs semaines.
Une grande variabilité existe quant à leur durée et à leur chevauchement. Par ailleurs, tous les
patients ne présentent pas forcément ces trois phases, un rétablissement étant possible dans le
temps (Schwarz, 2001).


a.
Phase exsudative
i.
Implication des médiateurs de l’inflammation
Quelque soit l’agression initiale à l’origine du SDRA, cette phase est caractérisée par
une forte réponse inflammatoire locale conduisant à l’augmentation de la perméabilité de la
membrane alvéolo-capillaire. De multiples pathologies peuvent être à l’origine d’une réponse
inflammatoire systémique, comme évoquées dans le paragraphe « Etiologies ». La sévérité de
l’atteinte pulmonaire est d’ailleurs directement corrélée à l’intensité du processus
inflammatoire résultant (Bhatia et Moochhala, 2004). Ainsi, un syndrome de réponse
inflammatoire systémique (SIRS pour Systemic Inflammatory Response Syndrome),
mécanisme physiologique de réponse à une agression organique, peut conduire à un syndrome
de dysfonctionnement multi organique (MODS pour Multiple Organ Dysfunction Syndrome).
Les formes les plus graves de SDRA sont généralement la conséquence d’un MODS.
19
Des phénomènes complexes sont mis en jeu parmi lesquels l’activation en cascade du
système macrophagique, consécutif au SIRS. Le recrutement de cellules immunitaires
incluant macrophages et polynucléaires neutrophiles (PNN) se réalise au niveau du site
lésionnel puis ceux-ci sont véhiculés par voie sérique jusqu’aux capillaires pulmonaires.
L’activation des macrophages est à l’origine du relargage de nombreux médiateurs de
l’inflammation parmi lesquels l’interleukine 1β (IL-1β) et le TNF-α (Tumour Necrosis
Factor). Ces cytokines pro-inflammatoires ont été reconnues comme les deux principaux
médiateurs impliqués dans le choc septique. Leur libération induit la production en cascade
d’autres molécules comme l’IL-8, facteur chimiotactique pour les polynucléaires neutrophiles.
Les PNN qui affluent au poumon présentent une activité transcriptionnelle augmentée,
notamment pour l’IL-8 qu’ils synthétisent en retour. Celle-ci joue un rôle très important dans
le SDRA dans la mesure où elle inhibe l’apoptose des PNN, d’où une amplification du
phénomène inflammatoire (Bhatia et Moochhala, 2004). L’IL-1β est quant à elle impliquée
dans la modulation de l’activation du système d’adhésion entre les cellules endothéliales et
les neutrophiles.
Les PNN synthétisent des composés tels qu’élastases, protéases et métalloprotéinases
qui régulent la synthèse et la dégradation des composants de la matrice extracellulaire, socle
de l’épithélium et de l’endothélium alvéolaire. En situation pathologique, leur expression
compromet ainsi l’architecture cellulaire. Par ailleurs, le TNF-α induit l’activation de
certaines isoformes de protéines kinases C qui, de part leur action destructrice sur le
cytosquelette des cellules endothéliales, promeuvent la perte d’intégrité de la barrière
(Piantadosi et Schwartz, 2004).
L’inflammation généralisée est également à l’origine d’un stress oxydatif important.
Macrophages et neutrophiles actifs sont la source principale de radicaux libres de l’oxygène
(ROS) et de l’azote (NOS), dont l’action a été démontrée comme hautement toxique vis-à-vis
de l’endothélium et de l’épithélium pulmonaire (Szabo et Saunders, 1997).
Cependant le rôle des PNN en phase aigüe n’est pas réellement connu. Sont-ils à
l’origine du SDRA ou leur afflux n’est-il que la conséquence du syndrome ? Cette question
semble légitime dans la mesure où des études ont rapporté que des patients neutropéniques
pouvaient souffrir de SDRA (Mokart et al., 2003). Toutefois, chez les sujets présentant une
neutrophilie marquée, il a été montré que la concentration de neutrophiles recueillis dans le
liquide broncho-alvéolaire était corrélée à la gravité du syndrome (Steinberg et al., 1994).
L’équilibre entre les médiateurs pro et anti-inflammatoires, oxydants et anti-oxydants
module l’intensité de la réaction inflammatoire locale et le cas échéant, en assure la
persistance ou la fait cesser. L’annexe 2 ainsi que la figure 4 synthétisent la cascade
d’évènements pathologiques du SDRA.
20
Figure 4: Représentation schématique d’une unité alvéolo-capillaire physiologique et
pathologique (d'après Chevrolet et Tassaux, 2004).
ii.
Mise en place de l’œdème lésionnel
inflammatoire
En conditions physiologiques, un « facteur de protection contre l’œdème » existe. Ses
effets reposent sur l’action anti-œdémateuse du surfactant ainsi que sur les capacités
d’accommodation capillaire et d’absorption interstitielle et lymphatique.
Le phénomène d’accommodation capillaire correspond à l’absence relative d’augmentation de
pression hydrostatique sanguine face à une hausse du débit sanguin. La diminution de la
résistance périphérique totale est assurée par le recrutement et la dilatation des vaisseaux
sanguins.
PAh = DC × RPT avec PAh = pression artérielle hydrostatique
DC = débit cardiaque
RPT = résistance périphérique totale
Au cours du SDRA, l’œdème est favorisé du fait de l’altération de la perméabilité
alvéolo-capillaire consécutive à l’action synergique des cellules pro-inflammatoires. Pour
comprendre les paramètres régissant les mouvements de fluide entre l’endothélium et
l’interstitium, le tableau 2 rappelle la loi de Starling. Au cours de la phase exsudative,
l’intégrité de la barrière, dont dépend le coefficient de réflexion osmotique moyen, est
endommagée. La valeur de ce dernier diminue fortement, ce qui entraîne une extravasation
de liquide des capillaires vers l’espace interstitiel, alors que la valeur de pression
hydrostatique vasculaire reste dans les normes. L’augmentation au-delà d’un certain seuil du
volume de l’interstitium excède les capacités de réabsorption du système lymphatique. Le
phénomène de transsudation s’ensuit et conduit au remplissage des alvéoles par un liquide
riche en protéines plasmatiques et en cellules inflammatoires. Les cellules épithéliales rendues
jointives par des jonctions serrées, sont abîmées et ne remplissent plus leur fonction primaire
21
de filtre sélectif. En outre, la dérégulation des canaux ioniques situés au niveau des
membranes basales des pneumocytes de type I et II impacte les capacités de résorption
hydrique (Rouby et Lu, 2005). Une corrélation inverse établie entre la clairance alvéolaire et
la mortalité du SDRA témoigne des conséquences de cette perte d’homéostasie liquidienne
(Chevrolet et Tassaux, 2004).
Tableau 2 : Equation de Starling qui illustre la relation entre les différents paramètres
responsables des mouvements de fluide entre les capillaires sanguins et l’interstitium
alvéolaire.
Equation de Starling :
QT = quantité de fluide filtrée par unité de temps. L’augmentation de QT est à
l’origine de la formation d’œdème.
Kf = perméabilité des vaisseaux aux fluides.
PmC = pression hydrostatique des capillaires pulmonaires.
Pl = pression hydrostatique de l’espace interstitiel.
s = coefficient de réflexion osmotique moyen, dépendant de l’intégrité et de la
perméabilité de l’endothélium vasculaire.
pmC = pression oncotique des capillaires pulmonaires.
pl = pression oncotique de l’espace interstitiel.
iii.
Comblement alvéolaire et altérations du
surfactant
La présence de dépôts de fibrine le long des parois alvéolaires est une des
caractéristiques lésionnelles du SDRA. Ces dépôts font suite à l’activation de la cascade de la
coagulation consécutivement à la réponse inflammatoire. L’intervention d’un facteur appelé
« facteur tissulaire » (TF pour Tissular Factor), principal activateur de la coagulation au
niveau des sites lésionnels, est à ce jour bien connue. Celui-ci est produit constitutivement par
les cellules épithéliales et les fibroblastes de la MEC et est également surexprimé par les
cellules endothéliales sous l’influence de cytokines pro-inflammatoires (TNF-α ET TGF-β
notamment). L’interaction entre le TF et le facteur VII activé déclenche la cascade de
coagulation aboutissant à la synthèse de thrombine puis à la conversion du fibrinogène en
fibrine (Chevrolet et Tassaux, 2004). En parallèle, l’apparition de molécules antifibrinolytiques inhibe le système de la fibrinolyse d’où une baisse de clairance de la fibrine
intra-alvéolaire. L’accumulation de fibrine, de débris cellulaires, d’éléments figurés du sang
participe à la formation de membranes hyalines obstruant l’espace alvéolaire et conduisant au
blocage des échanges gazeux. De plus, une synthèse plus importante de thrombine est
responsable d’effets procoagulants délétères. La formation de micro-thrombi vasculaires est
favorisée et interrompt la perfusion pulmonaire en aval, d’où une ischémie des territoires
concernés (Rouby et Lu, 2005).
Par ailleurs, la quantité et la qualité du surfactant sont altérées au cours SDRA.
Günther et al. (1996), ont analysé le surfactant isolé à partir de lavages broncho-alvéolaires
de 153 patients atteints de SDRA, de pneumonie sévère ou d’œdème pulmonaire
cardiogénique. Une diminution de la concentration de phospholipides et des apoprotéines
constitutives, notamment la SP-A a été prouvée dans le SDRA. Ces apoprotéines qui exercent
22
une grande part de l’activité de réduction de la tension de surface sont quantitativement moins
présentes, d’où un déficit fonctionnel évident. Les nombreux radicaux libres, protéines et
enzymes libérés dans la lumière alvéolaire sont par ailleurs reconnus pour inactiver le
surfactant, tout comme la présence de fibrine intra alvéolaire. Conjointement, les lésions des
pneumocytes II de l’épithélium contribuent à une diminution de sa production.
Des modifications similaires sont décrites dans la maladie des membranes hyalines du
nouveau né. Les prématurés présentent une immaturité du système pulmonaire avec une
déficience du surfactant en quantité et qualité. Cette anomalie congénitale aboutit en partie à
une atélectasie à l’origine d’une détresse respiratoire aigüe (Paut et al., 1998).
iv.
Shunt intrapulmonaire
L’abondance de l’infiltrat et des dépôts intra-alvéolaires aboutit à la création de
territoires pulmonaires peu ou non ventilés. Le rapport ventilation/perfusion V/Q évoqué
précédemment est fortement diminué et provoque un « effet SHUNT ». La diffusion de
l’oxygène vers les capillaires pulmonaires est impossible et explique l’hypoxémie
caractéristique du SDRA. L’étude de Lamy et al. (1976), a mis en lumière une corrélation
entre le degré d’hypoxémie clinique de 45 patients (mesure du ratio P aO2/FiO2) et le type de
lésions pulmonaires identifiées à l’histologie après biopsie et/ou autopsie. Les modifications
du parenchyme distinctives de la phase exsudative du SDRA (destruction des cellules
épithéliales, présence d’un œdème éosinophilique et de membranes hyalines le long des
conduits alvéolaires et des septa inter-alvéolaires…) étaient observées chez les personnes
présentant une hypoxémie sévère. Des lésions de fibrose pulmonaire étaient mises en
évidence chez des patients pour lesquels l’hypoxémie était moins marquée.
Parallèlement, ces zones étant perfusées inutilement, le phénomène de
vasoconstriction pulmonaire hypoxique conduit à la réduction de la surface vasculaire utile
aux échanges. L’hypercapnie constatée chez certains patients peut en partie être expliquée par
cette redistribution des secteurs perfusés aboutissant à la constitution d’unités alvéolaires
toujours ventilées mais non perfusées. Un effet « ESPACE MORT » lié à l’augmentation du
rapport V/Q (vers ∞) en résulte.
b.
Phase fibroproliférative et fibrose chronique
Dans le cas où le SDRA ne se résout pas à ce stade par résorption de l’œdème et
renouvellement de la barrière alvéolo-capillaire, une deuxième phase subaigüe dite
fibroproliférative se met conjointement en place. Comme son nom l’indique, celle-ci
correspond à une étape de prolifération des pneumocytes de type II et des fibroblastes
progressivement différenciés en myofibroblastes au sein des conduits alvéolaires. Leurs
capacités prolifératives sont augmentées sous l’action des cytokines pro-inflammatoires, telles
que le TNF-α et le TGF-β. Il a été montré que le TGF-β activait in vitro le promoteur du gène
du collagène I. Ses taux se sont révélés très élevés au sein des liquides broncho-alvéolaires de
patients malades (Budinger et al., 2005). Une néo-matrice extracellulaire provisoire localisée
à l’interstitium, au septum et aux conduits alvéolaires, a fréquemment été décrite à l’autopsie
sur des coupes histologiques de poumon (Chevrolet et Tassaux, 2004). Sa composition
comprend majoritairement du collagène fibrillaire de type III et I. De nombreux arguments
suggèrent que ce processus de fibroprolifération se met en place très précocement après
l’agression. L’étude de Chesnutt et al. en 1997 a ainsi mis en évidence une élévation des
23
concentrations en procollagène III, marqueur biologique de la synthèse du collagène, dès les
premières 24h de prise en charge ventilatoire des patients hospitalisés.
Cette phase fibroproliférative peut par la suite évoluer vers une phase de fibrose
pulmonaire ou vers une phase résolutive. Les mécanismes qui expliquent la survenue d’une
évolution favorable ou non ne sont pas encore totalement connus. La diminution de l’activité
pro-inflammatoire tout comme l’ajustement de la balance entre les facteurs pro et antifibrotiques conditionnent assurément les remaniements pulmonaires.
En cas d’évolution vers la fibrose pulmonaire, la synthèse de collagène de type I, plus
résistant que celui de type III, prédomine et est nettement supérieure à sa dégradation par des
collagénases (Schwarz, 2001). 30 à 50% des patients humains présentent in fine, à des degrés
divers, une fibrose du parenchyme pulmonaire (Chevrolet et Tassaux, 2004). Des séquelles
majeures et un taux de mortalité supérieur y sont associés (Demoule et al., 2008).
c.
Phase de réparation et de résolution de l’œdème
La résolution de l’inflammation passe indéniablement par l’élimination des cellules
inflammatoires. Les polynucléaires neutrophiles sont éliminés par apoptose, tandis que
macrophages et monocytes, après avoir rempli leur rôle de phagocytose des cellules
apoptotiques, sont évacués par drainage lymphatique. Les fibroblastes subissent également ce
mécanisme de mort cellulaire programmée. Le remodelage de la matrice existante est initié
par la synthèse d’enzymes (métalloprotéinases 2 et 9 notamment) capables de digérer le
collagène produit en excès.
Les pneumocytes de type II jouent un rôle majeur dans la réparation de la barrière
alvéolo-capillaire. Précurseurs des pneumocytes de type I, leur taux de renouvellement est
accru en cas d’agression pulmonaire. La ré-épithélialisation passe ainsi par la multiplication et
la différenciation des pneumocytes II en pneumocytes I, à l’origine d’une nouvelle
architecture épithéliale. Par ailleurs, la réparation n’est possible que si la membrane basale
nécessaire à la migration des pneumocytes régénérés est préservée : la matrice provisoire mise
en place au cours de la phase fibroproliférative remplit ce rôle. Chimiokines et facteurs de
croissance dont l’HGF (Hepatocyte Growth Factor) et le KGF (Keratinocyte Growth Factor)
induisent et stimulent la colonisation des cellules épithéliales. L’étude de Verghese et al.
(1998) a ainsi montré la présence très précoce de ces deux facteurs dans l’infiltrat
inflammatoire de patients présentant un SDRA. Dans cette étude, des taux élevés d’HGF
étaient associés à un pronostic favorable en début d’évolution.
La restauration de l’épithélium assure la récupération des capacités de résorption des
liquides par les cellules alvéolaires. Les pneumocytes de type I et de type II sont les
principaux garants de l’homéostasie liquidienne : ils interviennent dans la régulation du
transport transépithélial des fluides par la présence au niveau de leurs membranes de canaux,
sodiques et chlore principalement, et de pompes telles que celle Na+/K+/ATP dépendante. Le
transport de l’eau se réalise passivement de l’espace alvéolaire vers l’interstitium par voie
paracellulaire et à travers les aquaporines des cellules de type I. La réabsorption des ions
sodium met en jeu un transport actif transépithélial à travers des canaux sodiques sensibles
dont le principal est le canal ENac. Son importance a été révélée par l’expérience de Hummler
et al. en 1996. En effet, des souris mutées pour la sous unité α du canal ENac décédaient
précocement de détresse respiratoire par défaut d’élimination des fluides pulmonaires.
L’élimination des protéines ayant préalablement été filtrées, se fait par diffusion simple pour
24
les protéines solubles, tandis que celles insolubles subissent une phagocytose au sein des
macrophages alvéolaires.
Cette phase aboutit au long terme à la restitution ad integrum des fonctions
pulmonaires.
d.
Conséquences sur la mécanique ventilatoire
i.
Réduction du volume aéré et perte de
compliance pulmonaire
Les propriétés mécaniques de l’appareil respiratoire sont modifiées au cours du
SDRA. En médecine humaine, le concept du « baby lung » a été la première explication
proposée à la chute de compliance objectivée dans le SDRA. Ce modèle s’est appuyé sur les
premières coupes tomodensitométriques réalisées au chevet de sujets atteints. Étonnamment
les premières lectures ont permis de constater que l’atteinte du parenchyme pulmonaire était
inhomogène. La densité du tissu pulmonaire était ainsi plus élevée dans les zones déclives,
emplies par l’œdème, tandis que certaines zones supérieures restaient normalement aérées
(Figure 5). L’apport de la tomodensitométrie s’est donc révélé très précieux dans la mesure
où cela a permis de mettre en évidence la réduction notable du volume pulmonaire disponible.
La masse des secteurs pulmonaires correctement ventilés était équivalente à celle d’un
poumon d’enfant, d’où l’appellation « baby lung » (Gattinoni et Pesenti, 2005).
Figure 5: Coupe tomodensitométrique d’un poumon atteint de SDRA. En rouge sont
entourées les zones déclives hyperdenses, en bleu les zones supérieures de faible densité
(d’après Richard, 2010).
25
Une autre étude de Gattinoni et al. a attesté que la distribution des territoires non
ventilés suivait deux gradients, l’un vertébro-sternal et l’autre céphalo-caudal (patient allongé
sur le dos). Schématiquement, étaient distinguées :
 des zones pulmonaires pathologiques hyperdenses, comblées par l’œdème, condensées
en région dorsale.
 des zones pulmonaires moins denses, partiellement collabées.
 des zones normalement aérées et fonctionnelles localisées en région ventrale et
caudale.
Il est évident que les anomalies de densité du parenchyme pulmonaire sont plus
diffuses et non spécifiquement circonscrites comme décrites ci-dessus. Cependant, ces
données permettent de comprendre un point fondamental : la perte d’aération d’un poumon
atteint de SDRA n’est pas uniforme. Nous verrons dans une deuxième partie que cela a une
incidence cruciale sur la conduite de la ventilation mécanique.
Qu’en est-il de la compliance pulmonaire ? Ces travaux ont établi que la compliance
mesurée était le reflet des zones pulmonaires normalement ventilées. La compliance
spécifique (compliance corrigée en fonction du volume pulmonaire disponible) reste donc
normale. Cela suggère que les territoires correctement aérés conservent une élasticité
intrinsèque normale. À contrario la compliance totale est diminuée proportionnellement au
volume de poumon accessible à la ventilation. Dans ce modèle, l’abaissement de la
compliance dans le SDRA serait donc exclusivement déterminée par la réduction du volume
aérien pulmonaire (Demoule et al., 2007). La capacité résiduelle fonctionnelle est
consécutivement très diminuée.
Cependant, cette hypothèse ne prend pas en compte les processus de remodelage du
parenchyme pulmonaire, si ce n’est dans l’exclusion de certains territoires de la ventilation.
L’analyse des courbes de pression/volume selon les stades successifs de la maladie a permis
de mieux envisager l’évolution temporelle de la compliance de l’appareil respiratoire. À la
phase précoce exsudative du SDRA, l’examen des courbes montre une disparition de
l’hystérésis sans modifications de la compliance pulmonaire (Matamis et al., 1984). Ce
constat peut être expliqué expérimentalement par la comparaison des courbes P/V d’un
poumon rempli d’une solution salée isotonique et d’un poumon en conditions physiologiques.
Le comblement des alvéoles par une solution saline annihile l’interface air-liquide
usuellement présente, ce qui abolit les forces de tension superficielles. Nous remarquons sur
la figure 6 qu’il n’y a pratiquement plus d’hystérésis et que la compliance du poumon rempli
de solution salée est augmentée. Transposé au SDRA, l’inondation du poumon par l’œdème
lésionnel justifie cet aspect de la courbe.
26
Figure 6 : Courbes pression/volume comparées d’un poumon rempli d’une solution de
chlorure de sodium et d’un poumon en conditions physiologiques (d’après Bayat, 2014).
Par la suite, au fur et à mesure de l’avancée de la phase fibroproliférative, une
diminution de la compliance pulmonaire avec réapparition d’une hystérésis est constatée. Une
corrélation claire a été établie entre la compliance linéaire mesurée sur la courbe P/V et la
concentration de procollagène III, marqueur biologique de remodelage alvéolaire, comme le
montre la figure 7 (Demoule et al., 2006). En effet, la phase fibroproliférative puis celle de
fibrose chronique, sont caractérisées par des dépôts plus ou moins importants de collagène
constitué de fibres très peu élastiques allant à l’encontre de la déformation du poumon.
Figure 7 : Corrélation entre la concentration de procollagène III (PCP III) dans le lavage
broncho-alvéolaire d’individus malades et la compliance linéaire mesurée à une pression
expiratoire positive (PEP) donnée. La ligne pointillée verticale indique la concentration seuil
de procollagène III au-delà de laquelle le pronostic est décrit comme plus sombre (d’après
Demoule et al., 2006).
27
La réduction de la compliance pulmonaire est donc également corrélée au remodelage
de la matrice extracellulaire pulmonaire. Le dépôt progressif de fibres de collagène limite le
contingent d’alvéoles potentiellement recrutables pour la ventilation.
ii.
Hypertension artérielle pulmonaire
L’apparition d’une hypertension artérielle pulmonaire est possible chez certains patients à des
stades avancés du SDRA. Elle résulte de plusieurs mécanismes incluant la genèse de thrombi
capillaires, l’augmentation des résistances vasculaires périphériques par vasoconstriction
pulmonaire hypoxique et le relargage de médiateurs vasoactifs au cours de l’inflammation
(Richard, 2010).
L’ensemble des conséquences du SDRA sur la mécanique ventilatoire est synthétisé au sein
de l’annexe 3.
D.
Approche clinique du SDRA
1.
Consensus internationaux
a.
Chez l’Homme
L’European American Consensus
i.
Conference
L’émergence d’un consensus quant à la définition du SDRA a été nécessaire afin
d’envisager au mieux la pathogénie de la maladie et de proposer une thérapeutique
standardisée adaptée.
La première évocation du terme SDRA en médecine humaine a été soulevée en 1967 à
la suite d’une étude d’Ashbaugh et al. (1967). Sur 272 patients adultes admis en soins
intensifs et placés sous assistance respiratoire, douze d’entre eux ne répondaient pas à
l’oxygénothérapie initiée (sonde nasale ou respirateur). Cliniquement ceux-ci présentaient une
diminution de la compliance pulmonaire s’exprimant par une tachypnée et une dyspnée
majeure, une cyanose des muqueuses réfractaire à l’oxygénothérapie, et la visualisation
radiographique d’infiltrats pulmonaires bilatéraux. Des similitudes notables ont rapidement
été mises en évidence entre ce processus physiopathologique et celui du syndrome de détresse
respiratoire des nouveaux nés (maladie des membranes hyalines). À la suite de cette étude, le
terme de syndrome de détresse respiratoire a été transposé aux adultes, d’où l’acronyme
SDRA (Syndrome de Détresse Respiratoire de l’Adulte).
Un grand nombre d’études ont été conduites sur ce syndrome. En 1994, des critères
précis ont été définis lors de l’American-European Consensus Conférence (AECC).
L’acronyme SDRA a alors été spécifié comme Syndrome de Détresse Respiratoire Aigu et
non plus Syndrome de Détresse Respiratoire de l’Adulte, cette pathologie pouvant être décrite
à tout âge.
Les critères de définition de l’AECC en médecine humaine sont les suivants (Bernard
et al., 1994) et sont répertoriés dans le Tableau 3 :
28
- Survenue aigüe de l’atteinte respiratoire. Cependant, du fait des difficultés thérapeutiques
souvent rencontrées, la défaillance respiratoire peut devenir chronique et ainsi se prolonger
dans le temps.
- Hypoxémie définie par un ratio PaO2/FiO2 ≤ 200mmHg (quelque soit la PEP imposée en
ventilation assistée).
L’hypoxémie correspond à une diminution de la quantité d’oxygène transporté dans le sang.
Chez un sujet sain, la pression partielle artérielle en oxygène est égale à 100 mmHg. La fraction inspirée
en oxygène dans l’atmosphère ambiante est de 21%.
La valeur usuelle du rapport PaO2/FiO2 avoisine ainsi les 476 mmHg.
- Absence hypertension artérielle pulmonaire consécutive à une insuffisance cardiaque gauche
(pression artérielle pulmonaire ≤ 18mmHg, évaluée par cathéter artériel pulmonaire) et
pouvant être à l’origine de l’œdème constaté (i.e. œdème non cardiogénique).
- Infiltrats alvéolaires bilatéraux à la radiographie thoracique (incidence ventro-dorsale),
compatibles avec un œdème pulmonaire. L’importance de l’infiltration pulmonaire, légère ou
marquée, n’est pas ici prise en compte.
La conjonction des signes cliniques, physiologiques et radiographiques chez un patient
doit ainsi orienter le clinicien vers un diagnostic de SDRA.
De plus, une définition de l’« Acute Lung Injury » (ALI) a été proposée conjointement
au SDRA. Elle reprend les critères notifiés ci-dessus, excepté pour l’hypoxémie, définie par
un ratio PaO2/FiO2 ≤ 300mmHg. Le SDRA correspond ainsi à une forme plus sévère d’ALI.
Des patients présentant un SDRA ont donc systématiquement un ALI ; à contrario la présence
de lésions pulmonaires aigües n’implique pas nécessairement un SDRA.
Tableau 3 : Critères de définition du SDRA selon l’AECC (d’après Chevrolet et Tassaux,
2004).
Début
Oxygénation
artérielle
Radiographie
thoracique
Pression
artérielle
pulmonaire
d’occlusion
ALI
Brutal
PaO2/FiO2 ≤ 39.9 kPa
(300 mmHg) quelque
soit le niveau de PEP.
Infiltrats
bilatéraux.
SDRA
Brutal
PaO2/FiO2 ≤ 26.6 kPa
(200 mmHg) quelque
soit le niveau de PEP.
Infiltrats
bilatéraux.
≤ 2.4kPa (18
mmHg) ou
absence de signes
cliniques parlant
pour la présence
d’une insuffisance
ventriculaire
gauche.
≤ 2.4kPa (18
mmHg) ou
absence de signes
cliniques parlant
pour la présence
d’une insuffisance
ventriculaire
gauche.
29
ii.
Actualisations
En 2012, lors de la conférence de Berlin, un groupe de scientifiques de l’European
Society of Intensive Care Medecine, a réactualisé la définition du SDRA (Ferguson et al.,
2012). Dans la mesure où il n’existe pas de « gold standard » de référence pour attester de la
validité de ses critères de détermination, des précisions supplémentaires à l’AECC ont été
apportées. Cette révision a été menée afin d’optimiser la fiabilité accordée aux critères
d’inclusion du SDRA et de rendre plus sensible sa détection.
Trois catégories d’atteinte (légère, modérée ou sévère) ont ainsi été proposées afin
d’adapter au mieux le traitement et le pronostic au cas par cas. Parallèlement, la notion d’ALI
a été supprimée. L’AECC définit le SDRA par le ratio PaO2/FiO2 indépendamment de la PEP
sélectionnée. Or, il a été prouvé que ce ratio pouvait être modifié par le choix des valeurs de
PEP et de FiO2 en ventilation assistée. En 2007, Villar et al. ont montré que ces paramètres de
ventilation appliqués au cours des premières 24h de prise en charge avaient une incidence sur
la catégorisation de l’atteinte pulmonaire et du pronostic associé. Ainsi, des patients
répondant initialement (à J0) aux critères de définition de l’AECC pouvaient par la suite (à
J+24h) être séparés en trois groupes pour lesquels la sévérité de la défaillance respiratoire
différait. Les taux de mortalité se révélaient également distincts.
Il a donc été décidé au cours de la conférence de Berlin, que les trois catégories ci-dessous
seraient définies pour une PEP supérieure ou égale à 5 cmH2O.



Atteinte légère : 200 mmHg < PaO2/FiO2 ≤ 300 mmHg avec une PEP ≥ 5 cmH2O.
Atteinte modérée : 100 mmHg < PaO2/FiO2 ≤ 200 mmHg avec une PEP ≥ 5 cmH2O.
Atteinte sévère : 100 mmHg ≤ PaO2/FiO2 avec une PEP ≥ 5 cmH2O.
La notion de syndrome « aigu » a été spécifiée, dans la mesure où l’AECC ne précise pas
à quel délai (heures, jours, semaines) ce terme correspond. Il a été démontré que dans la
majorité des cas, le SDRA était détecté dans les 72 heures, au maximum 7 jours, après la
reconnaissance de facteurs de risque significativement associés à cette pathologie (Gajic et
al., 2011). Une fenêtre d’une semaine entre l’apparition de troubles respiratoires (ou la
détection d’une pathologie systémique intercurrente) et le diagnostic du SDRA a ainsi été
considérée.
Le biais de la variabilité de lecture radiographique inter-opérateur a par la suite été
soulevé. Des critères de lecture plus précis et répétables ont été proposés et sont exposés dans
le tableau 4. La tomodensitométrie pulmonaire a été proposée comme un outil diagnostic
d’imagerie supplémentaire, bien que son coût soit en pratique un frein à son utilisation. Un
fichier d’images radiographiques de référence a également été sélectionné par les scientifiques
afin d’être mis à disposition de chaque clinicien.
La valeur de la PAP comme témoin d’une défaillance cardiaque gauche a de plus été
supprimée de la liste descriptive. Cet abandon s’explique par deux raisons : la première
s’appuie sur le fait que les cathéters artériels pulmonaires nécessaires à sa mesure sont de
moins en moins utilisés en soins intensifs. Deuxièmement, certaines études ont montré qu’un
patient pouvait présenter conjointement à la fois un œdème cardiogénique et un SDRA. Les
scientifiques ont donc statué qu’un patient dont la défaillance respiratoire (à la lumière de
l’anamnèse et des examens complémentaires recueillis) ne peut être directement expliquée par
une étiologie cardiaque est considéré comme présentant un SDRA. En cas de doute, le recours
à l’échocardiographie peut s’avérer précieux.
30
Tableau 4 : Critères de définition du SDRA selon la conférence de Berlin (d'après Ferguson
et al., 2012).
Paramètres
Critères
1. Hypoxémie
PaO2/FiO2 ≤ 200 mmHg avec PEP ≥ 5
cmH2O.
< 72 heures.
Parenchymateuses bilatérales atteignant au
moins 2 quadrants sur le cliché de face.
Absence d’évidence clinique d’insuffisance
cardiaque congestive (incluant les données
du cathétérisme cardiaque et/ou de
l’échocardiographie si cliniquement
indiqués).
Compliance statique du système respiratoire
< 50 ml/ cmH2O (sur patient sédaté, Vt de 8
ml/kg et PEP ≥ 10 cmH2O).
Présence d’un facteur connu de SDRA direct
et/ou indirect.
2. Délai de survenue
3. Opacités radiologiques
4. Origine non cardiogénique
5. Diminution de la compliance pulmonaire
6. Facteurs prédisposants
D’autres définitions du SDRA ont été proposées, notamment le « Lung Injury Score »
ou le « Delphi System », basées sur des critères de diagnostic clinique similaires (Ferguson et
al., 2005).
b.
Chez les carnivores domestiques
Contrairement à la médecine humaine où de nombreuses études ont traité du syndrome
de détresse respiratoire aigüe, très peu d’entre elles existent en médecine vétérinaire. Avec la
démocratisation des soins apportés aux animaux et le développement de services spécialisés
tels que les soins intensifs, de plus en plus d’animaux avec un syndrome similaire au SDRA
humain ont été diagnostiqués. Sur la base des acquis en médecine humaine, il a alors été
nécessaire de proposer une définition précise du SDRA applicable à la médecine vétérinaire et
aux différentes espèces rencontrées en pratique.
Une conférence regroupant de nombreux cliniciens compétents en médecine interne et
soins intensifs a eu lieu dans ce sens en 2007 (Wilkins et al., 2007). D’après les conclusions
de l’AECC en médecine humaine et l’expérience clinique des spécialistes, quatre critères ont
été sélectionnés et constituent le socle de définition du SDRA vétérinaire (VetARDS). Ils sont
synthétisés dans le tableau 5.
1 - Atteinte aigüe : au cours des 72 heures suivant la survenue d’épisodes de tachypnée ou de
détresse respiratoire au repos.
2 - Reconnaissance de facteurs de risque étiologiques connus.
3 - Mise en évidence d’un œdème pulmonaire lésionnel. Cet œdème ne doit pas être la
conséquence d’une insuffisance cardiaque gauche consécutive à une augmentation de la
pression hydrostatique des capillaires pulmonaires. Chez les petits mammifères, une absence
de signes cliniques (dyspnée, insuffisance à l’effort, toux, syncopes…) ou paracliniques
(échographie cardiaque) d’une insuffisance cardiaque gauche permet de conclure.
31
Trois examens, à la convenance du clinicien, permettent de valider ce troisième critère :



À la radiographie : opacité alvéolo-interstitielle diffuse et bilatérale du champ
pulmonaire (plus d’un quadrant ou d’un lobe atteints). Les deux incidences, latérale et
ventro-dorsale (ou dorso-ventrale) sont conseillées. Il a été démontré en médecine
humaine que la localisation des lésions radiographiques était un critère assez
spécifique de distinction d’un œdème cardiogénique ou non cardiogénique (Aberle et
al., 1988). Des chiens avec un œdème de décompensation d’insuffisance cardiaque
gauche présentent dans la plupart des cas une opacité péri-hilaire. Les localisations des
lésions d’œdème non cardiogénique sont plus périphériques, préférentiellement au
sein des lobes caudaux dorsaux. Ce critère semble moins fiable chez le chat.
À la tomodensitométrie pulmonaire : augmentation bilatérale de la densité du champ
pulmonaire sur les coupes obtenues.
Mise en évidence d’un liquide riche en protéines (analyse au réfractomètre) dans les
voies respiratoires hautes.
4- Altération de l’efficacité des échanges gazeux :


Hypoxémie sans qu’une PEP ne soit appliquée et avec une FiO2 connue (air ambiant,
cage à oxygène, ventilation assistée après intubation).
Celle-ci est définie par un ratio PaO2/FiO2 ≤ 200mmHg pour le SDRA et ≤ 300mmHg
pour l’ALI.
L’augmentation de la ventilation d’espaces morts en ventilation assistée peut être
également le témoin d’une détérioration des échanges gazeux.
Un cinquième critère a été évoqué : il s’attache à la mise en évidence de marqueurs de
l’inflammation pulmonaire évocateurs du SDRA à l’origine de l’augmentation de la
perméabilité alvéolo-capillaire. La cytologie après réalisation d’un lavage broncho-alvéolaire
ou trans-trachéal se révèle être un examen de choix avec observation d’une neutrophilie
marquée. Cependant ce type d’examen n’étant actuellement pas réalisé en pratique, ce
cinquième critère ne rentre pas dans la liste de définition.
32
Tableau 5 : Critères de définition du SDRA en médecine vétérinaire (traduit d'après Wilkins
et al., 2007).
Les quatre critères ci-dessous doivent être remplis. Le cinquième reste encore optionnel.
-
-
-
Apparition aigüe (<72h) d’un épisode de tachypnée ou d’une détresse respiratoire au
repos.
Présence de facteurs de risque connus.
Mise en évidence d’un œdème pulmonaire d’origine non cardiogénique
(PAP<18mmHg / absence de signes cliniques ou paracliniques d’une insuffisance
cardiaque gauche)
1- Infiltrats bilatéraux diffus visibles à la radiographie thoracique.
2- Territoires pulmonaires hyperdenses bilatéraux à l’examen
tomodensitométrique.
Mise en évidence d’une altération des échanges gazeux :
 Hypoxémie à une FiO2 connue et sans application de PEP.
1- Ratio PaO2/FiO2 ≤ 200mmHg pour le VetARDS
2- Ratio PaO2/FiO2 ≤ 300mmHg pour le VetALI
3- Augmentation du gradient alvéolo-artériel en oxygène (PAO2 – PaO2 gradient)
 Inadéquation des rapports V/Q : effet SHUNT et ESPACE MORT.
Mise en évidence d’un état inflammatoire pulmonaire diffus
 Neutrophilie, présence de biomarqueurs de l’inflammation au lavage broncho
alvéolaire ou trans-trachéal.
2.
Diagnostic pratique en clinique vétérinaire
Un ensemble d’informations anamnestico-cliniques doivent être recueillies. Des
examens complémentaires sont à la disposition des cliniciens et permettent d’obtenir certaines
données paracliniques inclues dans les critères de définition du VetARDS.
Le recueil des éléments ci-dessous est impératif :
- Signalisation de l’animal. Âge, sexe, poids, race, antécédents médicaux notables doivent être
répertoriés. Les données concernant le statut cardiaque de l’animal s’avèrent indispensables.
La prévalence du syndrome en médecine vétérinaire étant peu renseignée, une base de
données disponible pour de futures études rétrospectives est intéressante à créer.
- Examen clinique complet. Une attention particulière doit être portée à l’auscultation cardiorespiratoire. Tachypnée, dyspnée restrictive, cyanose des muqueuses, orthopnée dans les cas
les plus sévères sont des symptômes d’alerte. L’expectoration d’une mousse rosée est de
mauvais pronostic (Declue, 2007). L’augmentation de bruits respiratoires expiratoires
auxquels des bruits de crépitants s’ajoutent doit alerter le clinicien sur un potentiel œdème
pulmonaire. L’auscultation cardiaque pouvant être masquée par l’augmentation des bruits
pulmonaires, l’historique cardiaque de l’animal doit être renseigné.
- Evaluation de la fonction des autres organes (foie, reins, appareil génital, appareil
vasculaire). La recherche étiologique du SDRA passe par la prise en compte des dysfonctions
organiques et systémiques majeures. Des examens de sang biochimiques et de numération
formule sanguine sont classiquement disponibles en ce sens.
33
- Examens complémentaires d’imagerie. Les radiographies thoraciques (incidence latérale et
ventro-dorsale) permettent d’évaluer la radio-opacité du champ pulmonaire (Figure 8). Le
clinicien peut avoir recours à l’échographie cardiaque afin d’écarter une suspicion d’œdème
cardiogénique.
Figure 8 : Radiographie thoracique (incidence latérale) d’un chat atteint de SDRA. Noter
l’opacité alvéolo-interstitielle majeure du champ pulmonaire (les flèches noires annotent des
images de bronchogramme). L’examen du cœur ne montre pas d’anomalie (d'après Amy E.
Declue, 2007).
- Analyse des gaz du sang attestant de la fonction pulmonaire. Une prise de sang artérielle
permet, grâce à un analyseur, d’obtenir les valeurs des gaz du sang (PaO2, PaCO2, pH, tCo2,
HCO3-, valeur des électrolytes) ainsi que celle de l’hématocrite sanguin. La valeur de PaO2 est
indispensable pour la réalisation du ratio PaO2/FiO2. En pratique cette prise de sang n’est pas
évidente à obtenir à moins d’avoir le matériel et des spécialistes à disposition. Les prises de
sang sont en effet majoritairement réalisées sur une veine périphérique. La mise sous
ventilation assistée permet, grâce au capnographe et à l’oxymétrie de pouls d’avoir une bonne
approximation de la PaO2 et de la PaCO2. L’oxymétrie de pouls est une méthode non invasive
donc appréciable en soins intensifs sur des animaux présents au long terme. Cependant, ces
mesures restent approximatives : ainsi une SpO2 de 95% est indicative d’une PaO2 voisine de
80mmHg (Hopper et Powell, 2013). L’étude récente de Calabro et al. (2013) rapporte une
bonne corrélation entre le ratio SpO2/FiO2 et PaO2/FiO2 dans le diagnostic du SDRA.
Communément, une hypoxémie, une hypercapnie (l’animal en détresse respiratoire hypoventile et ne réussit donc pas à éliminer le dioxyde de carbone produit par son métabolisme de
base) ainsi qu’une acidose métabolique sont observées. Ces résultats sont cependant à
moduler en fonction de la cause sous jacente au SDRA.
34
- Paramètres de ventilation assistée du patient.
Une fois l’animal pris en charge et selon la technique d’oxygénothérapie souhaitée, les
paramètres tels que la fréquence respiratoire, la FiO2, la pression de plateau, le volume
courant et la PEP, sont à renseigner.
D’autres examens sont réalisables comme l’analyse des sécrétions recueillies par
lavage broncho-alvéolaire. Une analyse directe au réfractomètre révèle le plus souvent un
liquide riche en protéines. L’analyse cytologique montre une population de cellules
inflammatoires (granulocytes neutrophiles) en grande quantité.
3.
Epidémiologie
a.
Incidence et mortalité du SDRA
i.
Chez l’Homme
Il existe une grande hétérogénéité dans la littérature quant à l’incidence du SDRA en
médecine humaine. Ce constat fait écho à l’absence de consensus jusqu’en 1994 (AECC),
rendant difficile l’analyse des études réalisées jusque là. Les critères d’inclusion ont par la
suite été modifiés, affinés, ce qui peut expliquer la variabilité du nombre de cas rapportés
dans les différentes études. De plus le diagnostic de SDRA étant posé en réanimation, la
mesure de son incidence est fortement dépendante du nombre de services et de places
disponibles pour les malades.
Sur la base des critères de l’AECC, Luhr et al. (1999), rapportent une incidence de
13,4 cas pour 100 000 habitants par an. Les recherches épidémiologiques menées avant 1999
font état d’une incidence plus faible (4,8 patients/100 000 habitants/ an dans une étude menée
en 1995 dans l’état de l’Utah). Cette variabilité peut s’expliquer notamment par la sélection
des patients sur un ratio PaO2/FiO2 différent (PaO2/FiO2 ≤200mmHg en 1999 versus PaO2/FiO2
≤ 110mmHg en 1995).
La dernière étude d’incidence européenne a été conduite dans 78 services de soins
intensifs de 10 pays européens (Brun-Buisson et al., 2004). Tous les patients admis plus de 4h
étaient examinés afin de déceler un ALI, et suivis dans les 2 mois suivant leur hospitalisation.
L’inclusion des patients était réalisée sur la base des critères de l’AECC. Sur 6522 patients,
463 d’entre eux présentaient un ALI (soit 7,1%). A l’issue de 3 jours de prise en charge,
86,6% d’entre eux avaient rapidement développé un SDRA (401 patients considérés pour un
ratio PaO2/FiO2 ≤ 200mmHg). À la lumière de cette étude, l’incidence du SDRA a ainsi pu
être évaluée à environ 6% des patients introduits en unité de soins intensifs.
Trente huit ans après la première évocation du SDRA, la mortalité associée à cette
affection reste élevée et le pronostic mitigé, bien que celui-ci dépende de l’étiologie sous
jacente. Là encore, les données sont très disparates. Phua et al., (2009) ont passé en revue les
études prospectives et les programmes de recherche d’essais thérapeutiques menés entre 1984
et 2004. Ont été pris en compte les travaux qui incluaient 50 patients ou plus avec un
ALI/SDRA et qui rapportaient un taux de mortalité. Deux périodes ont été considérées, de
1984 à 1994 puis de 1994 à 2004, une fois la définition de l’AECC reconnue. Il en résulte
que : la valeur moyenne de la mortalité entre 1994 et 2004 s’élevait à 44% dans les études
prospectives (intervalle de confiance à 95% [40,1 ; 47,5]). Elle s’abaissait à 36,2% dans les
essais randomisés (intervalle de confiance à 95% [32,1; 40,5]) (Phua et al., 2009). La figure 9
rapporte l’évolution de la mortalité sur les périodes détaillées ci-dessus.
35
Mortalité totale pondérée
Figure 9 : Taux de mortalité rapporté des patients souffrant de SDRA dans les études
prospectives (cercles noirs) et les essais thérapeutiques (cercles blancs) entre 1981 et 2004
(d’après Phua et al., 2009).
Année médiane des essais cliniques étudiés
Dans l’étude de Brun-Buisson et al. (2004), la mortalité des patients atteints du SDRA
et d’ALI s’élevait respectivement à 57,9% et 32,7% (p <0,05). Le pronostic à terme est
modulé par la sévérité de l’atteinte pulmonaire.
ii.
Chez les carnivores domestiques
Très peu d’informations existent quant à la mortalité et au pronostic en médecine
vétérinaire. L’évolution va de la récupération complète de la fonction pulmonaire à une
aggravation rapide de l’affection. Dans ce cas, l’issue est considérée comme néfaste. Les
animaux présentés avec une détresse respiratoire aigüe nécessitant une assistance respiratoire
au long terme décèdent fréquemment de sepsis ou de défaillance multi-organique. De plus,
pour des raisons éthiques, techniques ou financières, il n’est actuellement pas envisageable de
maintenir un animal sous ventilation assistée pendant plusieurs semaines
b.
Facteurs prédictifs de mortalité en médecine humaine
Des indices pronostiques associés à des scores de gravité pulmonaire existent en
médecine humaine. Leur intérêt réside dans la caractérisation de la sévérité du terrain médical
de chaque patient afin d’ajuster au mieux la thérapeutique.
Des scores de gravité non spécifiques du poumon tels que le « Simplified Acute
Physiology Score » (SAPS) ou l’« Acute Physiology and Chronic Health Evaluation »
(APACHE) sont utilisés en unité hospitalière. Le score « SAPS II » a été considéré comme le
plus fiable pour prédire la mortalité du SDRA (Monchi et al., 1998). Différents paramètres
anamnestico-cliniques sont pris en compte : âge, fréquence cardiaque, rapport PaO2/FiO2,
pression artérielle systémique, score de Glasgow, valeur des électrolytes… Ils doivent être
sélectionnés dans les 24h suivant l’admission en urgence-soins intensifs, dans un logiciel
conçu à cet usage. Le pronostic est déterminé aux vues de la valeur du score obtenu. Plus ce
score est élevé à l’arrivée, plus le pronostic est sombre. D’autres paramètres se référant à
l’anamnèse sont considérés comme facteurs de risque de mortalité : l’âge du patient, si ce
36
dernier a préalablement séjourné à l’hôpital avant la survenue du SDRA ainsi que la présence
d’un processus immunosuppressif concomitant.
La normalisation des valeurs des gaz du sang et du ratio PaO2/FiO2 au cours de
l’hospitalisation sont de toute évidence des marqueurs prédictifs positifs. L’étude de Monchi
et al. (1998) soulève cependant que la valeur du ratio PaO2/FiO2 mesuré à J0 (soit le jour de
l’admission) n’est significativement pas différente parmi les patients décédés et ceux ayant
survécu. Ce ratio n’est donc pas un facteur pronostic initialement utilisable pour préjuger de
l’issue du SDRA.
Il a par contre été montré que l’index d’oxygénation est un indice prédictif offrant une
bonne sensibilité en début d’évolution. Dans une étude de ventilation à haute fréquence, les
patients décédés au cours de l’expérience présentaient à leur entrée un index d’oxygénation
plus élevé (> 47) que les survivants (Fort et al., 1997). Cet index utilisé particulièrement en
pédiatrie est facile à mettre en œuvre et d’interprétation aisée : son augmentation est signe
d’une détérioration de l’oxygénation du patient.
Index d’oxygénation = (Pmoy voies aériennes (mmHg) × FiO2 × 100) ÷ PaO2 (mmHg)
La pression moyenne dans les voies aériennes est le reflet de la pression alvéolaire.
Les scores de gravité et des paramètres comme l’index d’oxygénation sont bien
corrélés avec le pronostic du SDRA. Ceux-ci ne sont pas décrits en médecine vétérinaire.
L’issue doit être anticipée en prenant en compte l’affection étiologique à l’origine du SDRA
et la réponse de l’animal à la thérapeutique engagée. Aucune étude ne fait état d’un taux de
mortalité significativement différent selon l’origine primaire ou secondaire du SDRA.
Cependant, la présence d’une déficience multi-organique semble de toute évidence être un
facteur prédictif négatif de mortalité.
37
38
Les stratégies thérapeutiques de prise en charge du SDRA
II.
A.
La ventilation mécanique chez l’Homme
La ventilation mécanique constitue le socle de la prise en charge thérapeutique du
syndrome de détresse respiratoire aigüe. Celle-ci doit remplir deux fonctions :


Améliorer les capacités ventilatoires du patient de manière à soutenir sa fonction
respiratoire. L’efficacité de l’oxygénation et de la ventilation est une priorité. Le relais
par un ventilateur permet de diminuer le travail des muscles respiratoires.
Minimiser les impacts délétères de la ventilation afin d’empêcher l’aggravation des
lésions alvéolaires préexistantes.
Au cours du SDRA, l’hématose est impactée : l’objectif de cette assistance consiste à
homogénéiser la ventilation, sans modification de la perfusion, et ainsi de rétablir les rapports
V/Q. L’assistance respiratoire peut être soit totale (ventilation assistée contrôlée), soit partielle
si le patient conserve une activité respiratoire.
Ces dix dernières années, de nombreuses études se sont penchées sur le sujet et ont
abouti à la publication de valeurs de référence concernant les paramètres disponibles en
ventilation mécanique. Les progrès réalisés ont justifié d’adapter la prise en charge à chaque
pathologie pulmonaire, à la lumière des mécanismes physiopathogéniques mis en jeu. Le
SDRA reste une affection fréquente et sévère mais les stratégies de ventilation actuelles ont
permis une réduction significative de la mortalité; elles font actuellement foi en médecine
humaine. Cependant, du fait de la découverte de traumatismes induits par la ventilation
pouvant aggraver les lésions préexistantes, l’un des objectifs de la ventilation mécanique est
également de limiter les risques de complications en assurant un support ventilatoire le moins
traumatique possible. Ces manœuvres sont réalisées dans l’attente de l’efficacité du traitement
étiologique du SDRA.
1.
Rappels sur la ventilation mécanique artificielle
a.
Mécanique ventilatoire assistée
En ventilation spontanée, l’inspiration est un phénomène actif qui se fait à pression
négative sous l’action des différents muscles thoraciques et du diaphragme. À contrario, la
ventilation mécanique assistée est dite à « pression positive ». Lors de l’insufflation, la
pression dans les voies aériennes augmente selon les réglages de la machine et des capacités
ventilatoires du patient. Si le patient ne fait pas d’effort inspiratoire, le diaphragme subit
l’augmentation de volume des poumons par le biais des pressions positives provenant du
ventilateur. Dans cette partie, nous nous plaçons en ventilation assistée contrôlée.
L’apport d’un certain volume d’oxygène au poumon engendre une pression positive
qui peut être décomposée en plusieurs entités. On distingue la pression de crête maximale
(Pmax), la pression de plateau (Pplat) et pression téléexpiratoire positive (PEP), annotées sur la
figure 10.
39
Figure 10 : Illustration de la pression d’entrée des voies aériennes au cours d’un cycle
respiratoire en ventilation mécanique contrôlée (d’après Jaber et al., 2007).
Pression de crête (Pmax) = pression maximale atteinte à l’intérieur des voies aériennes
pendant l’insufflation. Elle correspond à la somme de la pression de fin d’expiration, de la
pression inspiratoire résistive et de la pression élastique, définies ci-dessous.
Pression de plateau (Pplat) = pression alvéolaire maximale à l’issue de l’inspiration. Sa
mesure se fait par une pause en fin d’inspiration.
Pression expiratoire positive = pression alvéolaire résiduelle à l’issue de l’expiration. Sa
mesure se fait par une pause en fin d’expiration.
Il existe deux types de PEP :
- La PEP intrinsèque correspond à la celle du patient placé sous ventilation assistée. Elle
est la conséquence d’une expiration incomplète liée à un temps expiratoire insuffisant.
Cette pression est supérieure à celle de la pression atmosphérique (Constantin et al.,
2004).
- La PEP extrinsèque, positive, correspond à la pression réglée intentionnellement par le
clinicien sur la machine ventilatoire.
PEP totale = PEP intrinsèque + PEP extrinsèque
b.
Notion de pression résistive, pression élastique
Afin d’expliciter les notions de résistivité et d’élasticité, le système thoracopulmonaire peut être modélisé par un ballon de baudruche déformable. Initialement, il est
nécessaire de souffler fort pour ouvrir le collet du ballon : une pression élevée est d’emblée
mise en jeu afin de vaincre les forces de résistance au passage de l’air. Une fois le collet
ouvert, l’effort pour gonfler le ballon, compliant, est moindre et requiert une pression dont
l’augmentation est plus progressive.
De même, lors de l’insufflation, le ventilateur doit contrer les forces de rétraction
résistives et élastiques. Schématiquement, nous pouvons diviser l’arbre respiratoire en deux
sections :
1/ Voies aériennes supérieures, trachée et bronches souches principales.
40
Au sein de ces conduits, l’augmentation de pression est directement liée au débit sélectionné.
La résistance des voies aériennes est définie par la relation pression/débit : celle-ci s’oppose à
l’écoulement de l’air dans le système respiratoire de conduction.
2/ Le secteur bronchio-alvéolaire.
Au sein des bronchioles et alvéoles, l’augmentation de pression est directement liée au
volume insufflé. La compliance pulmonaire est définie par la relation pression/volume,
comme nous l’avons précédemment évoqué.
L’analyse de la figure 10 ci-dessus, permet de définir la pression résistive liée aux
résistances à l’écoulement du gaz dans les voies aériennes et le matériel de ventilation (sonde
d’intubation) ainsi que la pression élastique liée à la compliance du système pulmonaire.
Pression résistive = Pression de crête - pression de plateau, en fin d’inspiration.
Pression élastique = Pression de plateau – pression expiratoire positive, en fin d’expiration.
Nous pouvons ainsi aisément calculer la compliance (C) et la résistivité (R) du système si le
débit inspiratoire (Dinsp) et le volume courant (Vt) sont connus :
R =
C=
Pression résistive
Dinsp
é
La pression résistive s’élève si le débit d’insufflation réglable sur le ventilateur et la résistance
dans le matériel d’intubation ou les voies aériennes augmentent. La pression élastique s’élève
si le volume courant réglable sur le ventilateur augmente ou si la compliance pulmonaire
diminue. La pression mesurée par le ventilateur (P) répond à l’équation du mouvement
respiratoire :
P = (R × Dinsp) + ((1/C) × Vt) + PEPtot.
Cette équation montre que pour un débit et un volume donnés, la pression des voies
aériennes dépend des capacités mécaniques, dynamiques (R) et statiques (C) du système ainsi
que de la PEP totale.
Au cours du SDRA, la diminution de compliance a donc un impact sur les pressions
mesurées par le ventilateur, Pcrête et Pplateau. L’altération des propriétés élastiques du poumon et
la réduction de son volume aéré induisent une forte élévation de ces pressions pour un faible
volume insufflé.
41
2.
Hétérogénéité pulmonaire inhérente au SDRA
La perte d’aération liée au SDRA peut prendre deux formes : une forme diffuse ou
focale (Rouby et Lu, 2005). L’atteinte focale est la plus souvent retrouvée, que l’étiologie du
SDRA soit primaire ou secondaire. La présentation diffuse fait principalement suite à une
agression pulmonaire (Rouby et al., 2000). Les images radiographiques sont alors équivoques
et prennent un aspect typique de poumons uniformément blancs. Dans cette situation,
l’intégralité du parenchyme pulmonaire est touchée : en fin d’expiration, le poumon est donc
exclusivement constitué de zones pauvrement aérées. Au contraire, en cas de perte d’aération
focale, les lésions sont souvent unilatérales et ne condamnent qu’une partie du système
pulmonaire. Ce constat se réfère aux études de Gattinoni et al. en 2001 qui ont mis en exergue
une entité pathologique du SDRA : l’hétérogénéité de l’atteinte pulmonaire. En ce sens,
l’apport de la tomodensitométrie pulmonaire a été un outil extrêmement précieux. Nous avons
déjà évoqué dans la première partie de cet exposé la régionalisation des territoires ventilés :
l’analyse des coupes tomodensitométriques a permis de mettre en évidence une augmentation
des zones non aérées selon un axe antéropostérieur et crânio-caudal. En décubitus dorsal, la
perte d’aération prédomine donc dans les lobes inférieurs diaphragmatiques. Ainsi, dans sa
forme lobaire, le SDRA est une pathologie pulmonaire restrictive dans laquelle des zones
« malades » coexistent avec des zones relativement « saines » (Figure 11). En parallèle,
l’observation de ces images tomodensitométriques au cours de manœuvres ventilatoires
révélait que ces territoires distincts s’ouvraient à des pressions différentes : de basses
pressions de crête (≤ 10 cmH2O) assuraient le recrutement des zones saines tandis que de
hautes pressions de crête (≥ 30 cmH2O) étaient requises pour des régions plus denses.
D’autres zones, trop pathologiques restaient non disponibles pour la ventilation (Gattinoni et
al., 2001). Les images scanner de patients atteints d’un SDRA d’origine pulmonaire montrent
principalement des zones consolidées, difficilement recrutables. A contrario, concernant les
SDRA d’origine extra-pulmonaire, les poumons semblent présenter majoritairement des
territoires atélectasiés mais favorablement recrutables (Malarkkan et al., 2003).
Cette inhomogénéité pulmonaire rend particulièrement difficile les réglages de la
ventilation mécanique. En effet, si les zones collabées s’ouvrent avec l’augmentation du
volume courant (ou de la pression inspiratoire), les zones saines risquent une surdistension,
d’autant que les gaz apportés par la ventilation se répartissent préférentiellement dans les
parties les plus compliantes, dont la pression d’ouverture est plus basse.
42
Figure 11 : Hétérogénéité pulmonaire au cours du SDRA après une manœuvre ventilatoire
(d’après Jaber et al., 2007).
Zones de
consolidations et
d’atélectasies
(partiellement aérées)
Zones
surdistendues
Zones
normales
3.
Objectifs et limites de la ventilation mécanique artificielle
a.
Recrutement et dérecrutement alvéolaires
L’objectif principal de la ventilation est l’ouverture des alvéoles pauvrement aérées de
manière à réduire le shunt intrapulmonaire : c’est ce que l’on appelle le recrutement
alvéolaire. Ainsi, ce phénomène dynamique correspond à l’aération de territoires initialement
non disponibles. L’expansion alvéolaire résulte :
- De la pression de plateau qui règne dans les alvéoles en fin d’inspiration.
- De la PEP, pression de fin d’expiration, qui maintient un certain volume résiduel
dans les alvéoles. Les unités sont ainsi plus aisément recrutables au début du cycle respiratoire
suivant. L’utilité de la PEP sera abordée par la suite.
Le dérecrutement alvéolaire correspond au collapsus des alvéoles, court-circuitées des
échanges gazeux. La réduction du volume pulmonaire aéré, caractéristique du SDRA,
implique que de nombreuses alvéoles soient initialement dérecrutées. Un soutien ventilatoire
est instauré afin de recruter ces zones, non mobilisables physiologiquement. Cependant, la
ventilation mécanique peut également être à l’origine de phénomènes de dérecrutement,
défavorables à l’optimisation des capacités ventilatoires du patient. Ainsi, une ventilation
basée sur des pressions et volumes réduits n’est pas à même de contrer les forces thoracopulmonaires de rétraction élastique et conduit à l’affaissement téléexpiratoire des unités
alvéolaires. D’autres manœuvres telles que la sédation et l’aspiration trans-trachéale perventilatoire sont également à même de favoriser le dérecrutement de certains espaces
(Maggiore, 2003).
Pendant longtemps, la préoccupation des cliniciens en médecine humaine a été de
corriger les échanges gazeux défectueux. Afin de recruter au mieux les territoires d’atélectasie
et de limiter le dérecrutement alvéolaire, de hauts volumes et pressions ont été utilisés.
43
Cependant, cette stratégie s’est rapidement révélée délétère du fait l’hétérogénéité pulmonaire
constatée dans le SDRA.
b.
Le VILI ou Ventilatory Induced Lung Injury
Un bouleversement des pratiques est survenu après que les cliniciens ont remarqué que
l’application de pressions et de volumes élevés était à l’origine de graves lésions pulmonaires
et d’une aggravation des anomalies préexistantes du SDRA. Ces lésions iatrogènes sont
regroupées sous le terme de VILI, Ventilatory Induced Lung Injury (Dreyfuss et Saumon,
1998). Deux atteintes sont communément distinguées: le barotraumatisme, conséquence d’une
surpression alvéolaire et le volotraumatisme lié à de hauts volumes insufflés. Les mécanismes
lésionnels liés à la ventilation « traditionnelle » sont imputables à l’inhomogénéité du tissu
pulmonaire. En effet, les pressions et volumes nécessaires au recrutement de territoires
shuntés ne peuvent être appliqués de manière identique à des zones saines. Ces dernières
risquent une surdistension alvéolaire survenant en fin d’inspiration.
La pression de plateau est le reflet de la pression alvéolaire maximale de fin
d’inspiration. C’est sa valeur qui doit être suivie car elle traduit le mieux le risque de
surdistension. Grâce aux technologies actuelles, elle s’obtient aisément en réalisant une pause
en fin d’inspiration. La pression de plateau est définie par rapport à la pression élastique et la
PEP totale. La pression élastique dépend de la compliance du système pulmonaire, fonction
de l’affection pulmonaire sous-jacente, et du volume courant. En pratique, la pression de
plateau peut donc être modulée selon les valeurs du volume courant et de la PEP extrinsèque
sélectionnées par le clinicien. La pression maximale (pression de crête) reflète à la fois la
pression alvéolaire mais également la pression résistive c’est à dire celle régnant dans les
voies respiratoires hautes et le circuit de ventilation. Cette variable est donc moins fiable pour
suivre l’évolution de la pression au sein des unités alvéolaires.
Des études basées sur des modèles animaux puis des essais randomisés et contrôlés
ont progressivement déterminé l’impact de hautes pressions d’insufflation puis de grands
volumes courants en ventilation mécanique artificielle. Cependant, il reste difficile d’évaluer
l’étendue des lésions imputables au VILI : en effet, leur survenue dépend non seulement du
type de ventilation délivrée mais également de l’atteinte pulmonaire sous-jacente sensibilisant
l’arbre respiratoire. Les travaux ont donc été initialement menés sur des poumons sains puis
sur des poumons atteints de SDRA.
i.
Mécanismes physiopathologiques
Les premières expériences ont été réalisées en 1974 sur des rats sains, ventilés avec
trois valeurs différentes de pressions de crête (Pcrête) : 14, 35 ou 45 cmH2O. Après une heure
d’expérimentation, les rats recevant une Pcrête de 30 et 45 cmH2O avaient développé un
œdème pulmonaire aigu dont la sévérité était corrélée aux valeurs les plus élevées. Ceux
soumis à une Pcrête de 14 cmH2O ne présentaient pas d’anomalie (Webb et Tierney, 1974). En
1992, Dreyfuss et al. ont prouvé de manière similaire que l’application durant deux minutes
d’une Pcrête de 35 cmH2O conduisait précocement à une altération de l’homéostasie
pulmonaire comme en témoignait la récupération d’un liquide riche en protéines après lavage
broncho-alvéolaire.
44
Une étude en particulier a alors émis l’hypothèse que cet œdème résultait du même
mécanisme physiopathologique que celui impliqué dans le SDRA, à savoir l’altération de la
perméabilité alvéolo-capillaire (Parker et al., 1984). Pour confirmer ce postulat, des poumons
sains isolés de chien ont été soumis à des valeurs graduelles de pression de crête (de 3 à 65
cmH2O]) durant 20 minutes. La perméabilité de l’endothélium vasculaire était évaluée par des
mesures successives du coefficient de filtration capillaire (Kfc). Il en résulte que la valeur de
Kfc était nettement augmentée après l’application de hautes de pressions de crête, comme le
rapporte la figure 12. Par ailleurs, ce coefficient n’était modifié qu’à partir d’une pression de
30 cmH2O ce qui suggère l’existence d’une valeur seuil au-delà de laquelle la perméabilité est
altérée. Le coefficient de réflexion osmotique moyen, marqueur de la perméabilité alvéolocapillaire, était parallèlement évalué et sa valeur était diminuée pou r des pressions de crête
supérieures à 30 cmH2O.
Figure 12 : Evaluation du coefficient de filtration capillaire (Kfc) en fonction de valeurs
croissantes de pression de crête appliquées sur des poumons de chien isolés (d’après Parker et
al., 1984).
Intervalles de pressions de crête
(cmH2O)
Pression de crête (cmH2O)
45
ii.
Manifestations macroscopiques et
microscopiques
Conjointement, une description des lésions macroscopiques et microscopiques a été
proposée dans le cadre d’études post mortem. Les modifications macroscopiques observables
sur un poumon sain de rat soumis à une Pcrête de 45 cmH2O à To, To+ 5 minutes et To+ 20
minutes sont visibles sur la figure 13. À l’issue de vingt minutes de ventilation, ce poumon
présentait une congestion notable associée à un œdème infiltrant expliquant l’augmentation de
volume observée (Webb et Tierney, 1974).
Par ailleurs, des lésions pulmonaires semblables à celles retrouvées en phase
exsudative du SDRA ont été mises en évidence à l’autopsie de plusieurs cochons sains. Ces
derniers avaient été monitorés avec une Pcrête de 40 cmH2O, une fréquence respiratoire de 20
mouvements par minute ainsi qu’une PEP de 5 cmH2O. L’analyse histologique dévoilait une
infiltration neutrophilique, une prolifération macrophagique, des hémorragies alvéolaires ainsi
que la présence de multiples membranes hyalines (Tsuno et al., 1991). Une altération diffuse
des cellules épithéliales et endothéliales, détachées de leur membranes basales respectives a
également été décrite en microscopie électronique (Dreyfuss et al., 1985).
Figure 13 : Lésions macroscopiques sur un poumon de rat sain ventilé avec une pression de
crête de 45 cmH2O à To, To+ 5 minutes et To+ 20 minutes (respectivement de gauche à
droite) (d’après Webb et Tierney, 1974).
Alors qu’initialement les cliniciens pensaient que seules de hautes pressions de crête
pouvaient occasionner un VILI, la notion de volotraumatisme est ensuite née des travaux de
Dreyfuss et al., en 1988. L’objectif était de déterminer l’implication respective de hautes
pressions inspiratoires et de volumes courants importants. Pour y répondre, trois groupes de
rats sains ont été séparés et ventilés selon les réglages décrits ci-dessous :
46
 Groupe 1: HiP – LoV pour High Pressure/Low Volume.
Groupe ventilé avec un Vt bas et une Pcrête élevée afin d’évaluer indépendamment l’impact de
hautes pressions.
 Groupe 2: LoP – HiV pour Low Pressure/ High Volume.
Groupe ventilé avec un Vt élevé et une Pcrête basse afin d’évaluer indépendamment l’impact de
hauts volumes.
 Groupe 3: HiP – HiV pour High Pressure /High Volume.
Groupe ventilé avec un Vt et une Pcrête élevés.
Les résultats qui en ressortaient sont les suivants : à l’issue de l’expérimentation, le
groupe 3 (HiP – HiV) avait développé un œdème pulmonaire aigu conséquent et des
altérations pulmonaires à l’histologie compatibles avec celles décrites précédemment.
Étonnamment, le groupe 1 (HiP – LoV) ne présentait aucune anomalie et l’ultrastructure des
poumons se révélait normale en microscopie électronique. À contrario, le groupe 2 (LoP –
HiV), soumis à des volumes élevés, présentait un œdème pulmonaire notable. L’augmentation
du volume courant seul semblait ainsi responsable de lésions iatrogéniques, d’où
l’introduction du terme volotraumatisme.
L’existence d’un VILI à hauts volumes associé à de hautes pressions est maintenant
clairement démontrée et est à l’origine d’une surdistension alvéolaire se manifestant en
microscopie électronique par des lésions de la barrière alvéolo-capillaire expliquant l’œdème
lésionnel retrouvé. Ces traumatismes peuvent conduire in fine à une rupture alvéolaire. Dans
ce cas, un pneumothorax iatrogène est fréquemment mis en évidence sur les clichés
radiographiques (Pierson et al., 1986).
Plus tardivement, un autre processus lésionnel a été suspecté comme intervenant pour
une grande part dans le VILI : celui d’un « stress alvéolaire » lié à une fermeture/ouverture
cyclique de certaines unités alvéolaires instables (Maggiore, 2003). L’alternance d’un
collapsus expiratoire suivi d’une réouverture inspiratoire est à l’origine de phases répétitives
de dérecrutement. Ce phénomène appelé atélectraumatisme, est une conséquence de la
réduction du volume courant, acte pourtant nécessaire aux vues de l’ampleur des lésions
induites par la ventilation traditionnelle. Ce volume courant, réduit, est alors trop faible pour
empêcher les alvéoles de ne pas s’affaisser à l’expiration. L’objectif des chercheurs a alors été
de trouver un moyen de maintenir le poumon « ouvert » contre ce phénomène. L’utilité de la
PEP a ainsi été évoquée. La présence d’un volume résiduel téléexpiratoire est en effet
fondamentale. D’après la loi de Laplace, de moindres pressions d’insufflations sont
nécessaires pour expandre des alvéoles préalablement ouvertes. Par ce biais, la PEP restreint
les pressions utiles requises pour le recrutement et limite le VILI. L’atélectraumatisme est à
l’origine de contraintes de cisaillement qui favorisent notamment la production de cytokines
pro-inflammatoires. À titre d’exemple, dans l’étude de Chu et al. en 2004, la concentration en
IL-6 et d’une protéine inflammatoire synthétisée par les macrophages était significativement
plus importante dans le LBA de poumons de rats sains ventilés à bas Vt sans PEP par rapport
à une PEP de 5 cmH2O (Chu et al., 2004).
47
Mécanismes à l’origine du VILI
1/ Existence de hautes pressions de plateau alvéolaires liées à une augmentation du
volume courant et de la pression crête.
Surdistention alvéolaire en fin d’inspiration.
2/ Existence de pressions alvéolaires en fin d’expiration chutant sous la valeur seuil
du point d’inflexion inférieur et mobilisant des forces de distension très importantes
pour rouvrir les alvéoles au cycle inspiratoire suivant.
Phénomènes de dérecrutement/recrutement à chaque cycle.
Lésions alvéolaires de surdistension et de cisaillement aboutissant à une altération de
la perméabilité alvéolo-capillaire.
L’annexe 4 reprend les mécanismes et conséquences du VILI.
iii.
VILI et SDRA
Des poumons sensibilisés par une agression directe ou indirecte sont, de toute
évidence, plus sensibles au VILI que des poumons sains. Les risques liés à une ventilation
traditionnelle sont ainsi amplifiées. La baisse de compliance observée dans le SDRA
s’accompagne d’une augmentation de la pression élastique d’où une élévation de la pression
alvéolaire intrinsèque téléinspiratoire (Thille et al., 2005). Ainsi, plus la compliance
pulmonaire est faible, plus les lésions causées par le baro/volotraumatisme sont majorées. Une
comparaison des lésions post mortem retrouvées sur des poumons de patients atteints de
SDRA, ventilés avec différentes valeurs de Pcrête et de Vt a été réalisée par Rouby et al. en
1993. La taille des lésions bulleuses de distension alvéolaire était significativement plus
importante parmi les patients ventilés avec une P crête et un Vt plus élevés (Pcrête = [56 +/- 18
cmH2O] versus [44 +/- 10 cmH2O] avec p < 0,05, Vt = [12 +/- 3 ml/kg] versus [9 +/- 2
ml/kg] avec p < 0,05). Ces lésions étaient principalement visibles dans les zones non
dépendantes du poumon, plus sujettes à la surdistension. Dans une étude incluant 5183 sujets
ventilés pour diverses pathologies pulmonaires, l’incidence du barotraumatisme s’élevait à
6,5% des patients atteints de SDRA (Anzueto et al., 2004). En outre, le taux de mortalité était
significativement plus élevé parmi les patients ayant subi un barotraumatisme (51,4% contre
39,2% avec un p<0,05 sur les 5183 sujets inclus dans l’étude).
4.
Recommandations actuelles : la ventilation protectrice
a.
Courbe pression/volume au cours du SDRA
La courbe pression/volume tracée sur la figure 14 est un instrument d’exploration
physiologique et d’aide à la prise en charge ventilatoire des patients atteints du SDRA. Elle
est actuellement fournie sur la plupart des ventilateurs disponibles en services de réanimation
humaine.
48
Figure 14 : Courbes pression/volume comparées chez un individu sain (courbe en pointillés)
et un individu atteint de SDRA (courbe pleine). Le point vert représente le point d’inflexion
inférieur. Le point rouge, le point d’inflexion supérieur (d'après Jaber et al., 2007).
(CPT = Capacité pulmonaire totale)
(CRF = Capacité résiduelle fonctionnelle)
(VR = Volume résiduel)
La courbe pression/volume est tracée au dessus d’un volume de référence traduisant la
capacité résiduelle fonctionnelle du système respiratoire. En cas d’hyperinflation, ce volume
correspond au volume pulmonaire téléexpiratoire. La courbe inspiratoire du SDRA, au-delà
de la CRF, présente un aspect sigmoïdal en trois segments délimités par ce que l’on nomme
les points d’inflexion inférieur et supérieur (Duperret et al., 2003). La pente de la courbe est le
reflet de la compliance pulmonaire. Chez un sujet sain, cette pente est linéaire. Dans le cas du
SDRA, la compliance linéaire est réduite ce qui se traduit par un aplatissement de la courbe.
Le point d’inflexion inférieur représente un seuil au-delà duquel l’augmentation de pression
entraîne des phénomènes de recrutement c'est-à-dire l’ouverture de territoires alvéolaires
préalablement non ventilés. La partie linéaire de la courbe, comprise entre les deux points
d’inflexion, correspond à l’ouverture successive des alvéoles survenant tout au long de
l’insufflation. Enfin, l’augmentation du volume pulmonaire associée à l’ouverture itérative
des alvéoles, laisse progressivement place à des phénomènes de distension alvéolaire au
niveau de la zone d’inflexion supérieure. Au-delà de ce point, toute variation de pression
s’accompagne de faibles variations de volume : cela indique que l’étirement de certaines
unités alvéolaires a atteint son maximum, majorant le risque de surdistention.
La pression du point d’inflexion inférieur a été définie comme la pression critique
d’ouverture des unités alvéolaires collabées ; la pression du point d’inflexion supérieur
comme la pression au-delà de laquelle la surdistention alvéolaire se produit. Des travaux ont
cependant suggéré que le point d’inflexion supérieur serait plutôt un marqueur de fin du
recrutement alvéolaire et que la surdistention pourrait survenir bien avant celui-ci (Dambrosio
et al., 1997).
49
b.
La ventilation protectrice
L’enjeu de la ventilation mécanique consiste à déterminer les réglages optimaux de
pression/volume afin de recruter les territoires pulmonaires faiblement aérés tout en évitant
l’apparition du VILI au niveau de zones relativement épargnées par la maladie. C’est de ce
défi qu’est née la notion d’une ventilation dite protectrice. L’objectif des stratégies
ventilatoires actuelles concerne donc la protection pulmonaire vis-à-vis des traumatismes
induits susmentionnés et non plus la normalisation à tout prix des échanges gazeux. La
limitation de la pression de plateau en dessous du point d’inflexion supérieur et le réglage de
la PEP au dessus du point d’inflexion inférieur sont actuellement les deux principales
recommandations pour lesquelles un accord fort existe.
i.
Choix du ventilateur et confort du patient
Il est recommandé d’utiliser un ventilateur permettant de régler aisément et de mesurer
avec une bonne fiabilité les paramètres suivants : le volume courant, la pression de plateau
ainsi que la PEP totale (PEP réglée à laquelle s’ajoute l’auto-PEP). Une ventilation en mode
assisté-contrôlé sera préférée dans les phases critiques du SDRA. Dans ce cas, le ventilateur
prend en charge la totalité du travail respiratoire, un volume précis est délivré et le monitorage
de la pression de plateau est facilité. Par ailleurs, les malades sont fréquemment sédatés,
spécialement dans la phase aigüe de la maladie. L’objectif est d’assurer un certain confort aux
patients et que ceux-ci ne se débranchent pas de la machine ventilatoire (Boyadjiev et
Albanèse, 2008). La sédation permet également de limiter les besoins en oxygène des
principaux organes demandeurs et d’améliorer leur statut hémodynamique. La mesure des gaz
du sang est indispensable afin de suivre la réponse de l’organisme aux manœuvres imposées.
Les résultats permettent d’adapter au mieux les paramètres du ventilateur.
ii.
Quelle fraction inspirée en oxygène (FiO2) ?
Bien que la standardisation parfaite des échanges gazeux ne soit pas recherchée, les
réglages du ventilateur doivent tout de même s’attacher à corriger l’hypoxémie dominante du
SDRA. Les objectifs consistent à obtenir une PaO2 comprise entre 50 et 80 mmHg et/ou une
SpO2 de 90% à 95%. Aucune préconisation n’existe quant à la FiO2 « idéale » à délivrer.
Alors qu’une toxicité liée à des fractions très élevées en oxygène (proches de 100%) a été
démontrée dans des modèles animaux, celle-ci n’a pu être mise en évidence en médecine
humaine. Cette toxicité serait consécutive à une exposition prolongée et attribuée à une
production excessive de formes oxygénées activées et de radicaux libres au niveau de
l’endothélium pulmonaire (Tsan, 1993). Cependant, chez les patients atteints de SDRA, une
certaine « résistance » à de hautes fractions en oxygène a été notée. Ainsi, à l’issue d’une
étude rétrospective de Capellier et al. en 1998, les sujets décédés avaient été exposés aussi
longtemps à des FiO2 hautes (supérieures à 90%) que les survivants. Cette « tolérance »
pourrait être expliquée par les propriétés antioxydantes du liquide alvéolaire modifié (Lykens
et al., 1992). À ce jour, la raison invoquée à l’utilisation de FiO2 raisonnées est la survenue
d’atélectasies dites de dénitrogénation. Ce phénomène est la conséquence de l’absorption
complète de l’oxygène alvéolaire en l’absence d’un gaz inerte comme l’azote qui permet
normalement d’empêcher, dans une certaine mesure, le collapsus alvéolaire. L’étude de
Aboab et al., (2006) met ainsi en évidence une dégradation rapide du volume recruté et du
rapport PaO2/FiO2 chez des patients ventilés avec une FiO2 de 100 % à PEP faible. L’impact de
ces atélectasies de dénitrogénation a peu été détaillé en recherche. En deçà d’une FiO2 de 80%
50
le risque semble cependant négligeable ; en pratique, la valeur de la FiO2 doit être arrêtée en
fonction des objectifs d’oxygénation poursuivis et avoisine souvent les 80%.
iii.
Quel volume courant ?
La pression de plateau est le reflet le plus fiable de la pression alvéolaire maximale. Sa
surveillance pluriquotidienne au cours de la prise en charge d’un patient est fondamentale. De
manière à limiter les phénomènes de surdistension, celle-ci doit se situer constamment sous le
point d’inflexion supérieur, à moins de 30 cmH2O. La pression de plateau dépend à la fois du
volume courant et de la PEP sélectionnées sur le ventilateur. La réduction du volume courant
est donc indispensable pour maintenir une pression de plateau acceptable. Mais quelles
valeurs choisir pour une ventilation protectrice ?
Les volumes courants utilisés en ventilation mécanique classique avoisinent les 9 à 12
ml/kg de poids vif (le poids idéal est pris en compte) et sont calibrés afin que les valeurs de la
capnie et du pH associé soient dans les intervalles de référence. Il a été montré que
l’utilisation de volumes courants traditionnels associés à une PEP de 10 cmH2O impliquait
une pression de plateau en fin d’inspiration supérieure au point d’inflexion supérieur chez la
majorité des malades atteints du SDRA (Roupie et al., 1995). Actuellement tous les experts
s’accordent à dire que la valeur du volume courant à utiliser doit être comprise entre 6 et 8
ml/kg de poids idéal. En effet, la masse grasse n’interférant pas sur le volume courant à
délivrer, celui-ci doit être réglé en fonction du poids théorique et non du poids réel. La
limitation du volume courant à 6 - 8 ml/kg permet d’obtenir une valeur de pression de plateau
sous le seuil de 30 cmH2O.
Cependant, ce parti pris n’est pas sans conséquences. Il découle de la réduction du
volume courant une hypoventilation alvéolaire et donc une relative hypercapnie. Pour autant,
celle-ci est tolérée aux vues des bénéfices de la diminution du volume courant : on parle
d’hypercapnie permissive (Network ARDS, 2000). Sa correction passe par l’augmentation de
la fréquence respiratoire jusqu’à 30 à 35 cycles par minute ainsi que la réduction de l’espace
mort instrumental (ablation du filtre et du raccord) (Richecoeur et al., 1999). L’augmentation
du volume minute par la fréquence respiratoire doit cependant être raisonnée car elle peut
générer une PEP intrinsèque. En effet, la hausse de la fréquence respiratoire réduit le temps
disponible du patient pour l’expiration. Les alvéoles sont vidangées partiellement d’où une
séquestration de gaz qui est à l’origine d’une pression positive surajoutée.
La baisse du volume courant en deçà des valeurs traditionnelles est nécessaire mais a
pour corollaire un dérecrutement alvéolaire, à l’encontre des objectifs de la ventilation
mécanique. L’application conjointe d’une certaine valeur de PEP et de manœuvres de
recrutement a pour effet d’inverser cette tendance (Richard et al., 2001).
iv.
Quelle PEP ?
L’effet de la PEP sur les volumes pulmonaires a d’abord pu être quantifié par
l’analyse des courbes de mécanique respiratoire puis, plus récemment, par tomodensitométrie
pulmonaire. En 1981, les observations de Katz et al., indiquaient déjà que le volume
pulmonaire téléexpiratoire enregistré était plus élevé avec l’application d’une PEP que celui
prédit par la courbe pression-volume d’une ventilation sans PEP. Autrement dit, pour une
51
même pression, le volume pulmonaire au dessus de la capacité résiduelle fonctionnelle était
plus important chez un patient ventilé avec une PEP. La figure 15 illustre la distribution du
volume courant à différents niveaux de PEP après lecture de coupes de tomodensitométrie
pulmonaire (Gattinoni et al., 1995). Sans PEP, le volume pulmonaire aéré est à minima deux
fois plus important dans les zones ventrales non dépendantes du poumon que dans les zones
dorso-caudales. À 20 cmH2O, la répartition de la ventilation est bien plus homogène. Ce
constat suggère donc que la PEP permet d’obtenir un poumon « ouvert » en fin d’expiration,
constitué d’unités alvéolaires disponibles pour le cycle suivant. Celle-ci limite le
dérecrutement des alvéoles et facilite par la suite leur expansion. À cause de l’instabilité
alvéolaire inhérente au SDRA, les poumons ont tendance à se collaber quand la pression
transpulmonaire chute pendant l’expiration, en particulier dans les zones les plus dépendantes.
La PEP conserve donc aérées des alvéoles recrutées au cycle précédent mais en aucun cas
celle-ci ne génère le recrutement de zones collabées.
Afin d’évaluer l’impact de la sélection d’une PEP en ventilation mécanique, Sandhar
et al., ont travaillé sur un modèle de déplétion en surfactant par instillation d’une solution
saline à seize lapins anesthésiés. Ces derniers présentaient ainsi une atteinte pulmonaire
similaire à celle observée dans le SDRA. Deux groupes ont été formés : le premier ventilé
avec une PEP comprise entre 1 et 2 mmHg, le second avec une PEP comprise entre 8 et 12
mmHg. Ces valeurs ont été sélectionnées respectivement en dessous et au dessus du point
d’inflexion inférieur de la courbe pression/volume réalisée à cet effet. La pression de crête
imprimée était stable aux alentours de 15 mmHg. Il en ressort que les lapins recevant une PEP
supérieure au point d’inflexion inférieur présentaient une capacité résiduelle fonctionnelle
nettement supérieure en fin d’expiration. De plus, à l’examen histologique post mortem, le
comblement alvéolaire par des membranes hyalines était moindre dans le groupe à PEP
élevée. La PEP constitue donc un facteur protecteur contre la réduction de la capacité
résiduelle fonctionnelle du SDRA, aggravée par la baisse du volume courant.
52
Répartition du volume courant
(%)
Figure 15: Distribution du volume courant entre les zones ventrales (Upper) et dorsales
(Lower) pulmonaires de patients atteints de SDRA à différents niveaux de PEP. (d’après
Malarkkan et al., 2003).
PEP (cmH2O)
La relation entre la présence d’une PEP et l’amélioration des paramètres
d’oxygénation est maintenant clairement établie. La PEP a pour objectif de restreindre le
shunt intrapulmonaire, principal facteur en cause expliquant l’hypoxémie du SDRA. Dans la
thèse de Maggiore datant de 2003, la réduction progressive de la PEP par paliers de 5 cmH2O
(PEP initiale à 20 cmH2O) était significativement associée à une dégradation du rapport
PaO2/FiO2. La variation de ce ratio était corrélée au volume dérecruté entre les deux niveaux
de PEP choisis. La PEP est donc le moyen le plus efficace pour prévenir le dérecrutement
induit par la réduction du volume courant. Mais quelle valeur de PEP sélectionner ?
Le choix de la « best PEP » reste actuellement très controversé et de nombreuses
propositions ont été soumises. Initialement, les recommandations se tournaient vers une PEP
sélectionnée par rapport au point d’inflexion inférieur. Néanmoins, d’autres études rapportent
que le recrutement alvéolaire se poursuit bien au-delà du point d’inflexion inférieur, pression
pour laquelle l’ouverture alvéolaire serait minime (Jonson et al., 1999). Il parait pourtant
contre intuitif de régler la PEP en fonction du point d’inflexion inférieur. En effet, la PEP est
une manœuvre de fin d’expiration pour prévenir le collapsus téléexpiratoire. Le point
d’inflexion inférieur correspond à une caractéristique de la partie inspiratoire de la courbe
pression/volume. Par conséquence, la PEP devrait être réglée par rapport aux pressions de
fermeture alvéolaire. En 2003, Maggiore a confirmé qu’il n’existait pas de relation entre le
point d’inflexion inférieur et la fermeture alvéolaire et que la valeur de la PEP ne devait donc
s’y référer. Idéalement une mesure continue de la pression œsophagienne permettrait
d’évaluer la pression transpulmonaire (pression des voies aériennes - pression œsophagienne).
Ainsi, la PEP serait réglée afin de maintenir une pression transpulmonaire téléexpiratoire
positive pour limiter le collapsus alvéolaire (Jaber et al., 2010). Le débat reste donc ouvert. À
53
l’heure actuelle, les experts préconisent l’utilisation d’une PEP d’au moins 5 cmH2O dans la
prise en charge du SDRA. Assurément le choix du niveau de PEP optimal doit
impérativement tenir compte des potentielles répercussions hémodynamiques et du risque de
distension alvéolaire (Jaber et al., 2010). Les paramètres clés de ventilation sont tous
interdépendants : ainsi l’augmentation de la PEP ne doit en aucun cas se faire aux dépens
d’une élévation de la Pplat au-delà de 30cmH2O. Chez l’adulte des niveaux de PEP supérieurs
à 20 cmH2O sont très rarement utilisés.
Il n’existe pas non plus de consensus quant à la sélection de la PEP en fonction du
type d’atteinte du SDRA, diffuse ou lobaire. Une atteinte diffuse justifierait l’utilisation de
valeurs de PEP élevées (12 à 20 cmH2O), le risque de surdistension étant minime. Le poumon
se comporte en effet comme un seul compartiment dans lequel la distribution des pressions est
homogène. À contrario une atteinte lobaire inciterait à recourir à des niveaux de PEP plus
faibles (inférieurs 6 à 8 cmH2O) du fait d’une réponse hétérogène aux manœuvres
ventilatoires.
Récemment, l’étude française ExPress a comparé une stratégie de recrutement
maximal à une autre de distension minimale. Pour ce faire, 767 adultes présentant un SDRA
ont été recrutés dans 37 structures de soins intensifs entre 2002 et 2005 (Mercat et al., 2008).
La première stratégie était basée sur une PEP réglée de telle manière à ce que la Pplat soit
comprise entre 28 et 30 cmH2O. La seconde s’appuyait sur une PEP définie de manière
standard entre 5 et 9 cmH2O. Le volume courant était maintenu à 6 ml/kg. Plusieurs critères
ont été évalués: le taux de mortalité à 28 jours puis à 60 jours, la durée de prise en charge
ventilatoire ainsi que le nombre de jours avant qu’une défaillance multi-organique ne se
déclare. Les résultats n’ont pas montré de différence significative concernant la mortalité à 28
ou 60 jours. Par contre, les patients ventilés selon une stratégie de recrutement maximal, tout
en limitant l’hyperinflation, étaient significativement placés moins longtemps sous ventilation
assistée, et présentaient plus tardivement une défaillance multi-organique. Malheureusement,
cette étude à grande échelle, comme les autres décrites dans la littérature, ne prenait pas en
compte le type d’atteinte pulmonaire et l’origine étiologique du SDRA. À ce jour, aucune
valeur « idéale » de PEP n’a été publiée : le clinicien s’orientera plutôt vers une titration
personnelle de la PEP en fonction de la présentation clinique du SDRA et de la réponse du
patient aux manœuvres engagées. Les réglages du ventilateur doivent être adaptés aux
caractéristiques individuelles de la mécanique respiratoire déduites de la courbe
pression/volume.
Recommandations
Réduire le volume courant à 6-8 ml/kg (poids idéal) afin de maintenir une
pression de plateau inférieure à 30 cmH2O.
Y associer une PEP suffisante de manière à prévenir le collapsus
alvéolaire téléexpiratoire.
Ces préconisations sont résumées dans l’annexe 5.
54
c.
Bénéfice de la ventilation protectrice sur la mortalité en
milieu hospitalier
Des essais randomisés et contrôlés ont évalué à large échelle l’impact d’une
modification des réglages ventilatoires sur le pronostic du SDRA en réanimation. En 2000, le
réseau international de recherche sur le SDRA a ainsi publié une grande étude réalisée entre
1996 et 1999 dans 10 centres universitaires (Network ARDS, 2000). Les sujets étaient
recrutés d’après une liste de critères, le premier étant l’expression d’un SDRA sur la base
d’un ratio PaO2/FiO2 ≤ 300mmHg. Ces derniers étaient placés sous ventilation assistée
contrôlée. Deux groupes ont été constitués :
- l’un à ventilation mécanique classique. Le volume courant était initialement réglé à 12 ml/kg
(poids idéal estimé selon des abaques précis) puis ajusté de telle manière à ce que la pression
de plateau ne chute pas sous les 45 cmH2O (mesure réalisée après une pause d’une demiseconde en fin d’inspiration).
- l’autre à ventilation mécanique protectrice. Le volume courant était initialement réglé à 6
ml/kg (poids idéal estimé selon des abaques précis) puis ajusté de telle manière à ce que la
pression de plateau ne s’élève pas au-delà de 30 cmH2O (mesure réalisée après une pause
d’une demi-seconde en fin d’inspiration).
Les résultats ont été les suivants : le taux de mortalité était significativement moins
élevé dans le groupe ayant reçu un volume courant de 6 ml/kg que celui à 12 ml/kg (39,7% vs
31,0%, p<0,05). La figure 16 représente, au sein des deux groupes, la proportion de patients
ayant survécu à l’affection et ceux sortis de l’hôpital sans assistance respiratoire au cours du
temps. Nous pouvons ainsi noter que le nombre de sujets ayant survécu était supérieur dans le
groupe ventilé de manière protectrice. Les différences étaient notables dans les 20 premiers
jours de surveillance qui correspondent aux jours critiques d’évolution du SDRA.
Proportion de patients (%)
Figure 16: Proportion de patients ayant survécu au SDRA en fonction du temps parmi ceux
ayant reçu une ventilation protectrice (courbe noire pleine) versus classique (courbe noire
pointillés) (d’après Network ARDS, 2000).
Ventilation protectrice
Survie
Décharge à domicile
Ventilation classique
Survie
Décharge à domicile
Temps (jours)
55
Le bénéfice de la réduction du volume courant associé à une PEP sur la mortalité et le
pronostic du SDRA a amplement été démontré dans d’autres travaux. Citons à titre d’exemple
celui d’Amato et al. (1998). Deux groupes de patients étaient placés sous assistance
respiratoire avec des réglages de ventilation traditionnelle (V t = 12 ml/kg, valeur de PEP non
spécifiée, décrite comme la plus faible possible compatible avec l’oxygénation) ou de
ventilation protectrice (Vt = 6 ml/kg, valeur de PEP supérieure de 2 cmH2O au point
d’inflexion inférieur). À l’issue des 28 jours d’expérimentation, le taux de mortalité était
significativement différent, à savoir 71% pour le groupe à ventilation conventionnelle contre
31% pour celui à ventilation protectrice (p<0,05).
Etonnamment, d’autres études publiées dans la littérature n’ont pas mis en évidence
de corrélation entre la réduction du volume courant et la baisse de mortalité du SDRA.
L’analyse des protocoles expérimentaux apporte une explication partielle à ce constat. Un
manque de puissance statistique découlait certainement d’une différence minime entre les
volumes courants testés (Amato et al., 1998).
d.
Techniques adjuvantes d’optimisation de la ventilation
assistée
Si la stratégie basée sur la réduction du volume courant et l’application d’une certaine
valeur de PEP supérieure à 5 cmH2O permet d’améliorer le pronostic des malades, celle-ci ne
permet pas de pallier à tous les problèmes inhérents au SDRA. Ainsi dans les cas les plus
sévères, la ventilation protectrice n’assure pas une oxygénation systémique compatible avec la
survie. L’hypercapnie résultant de ce compromis s’accompagne parfois d’une acidose
respiratoire sévère, source d’instabilité hémodynamique. De nouvelles techniques
additionnelles ou alternatives font ainsi l’objet de recherches poussées.
Manœuvres de recrutement alvéolaires
i.
(MRA)
Le principal écueil de la réduction du volume courant, est la survenue d’un
dérecrutement alvéolaire, contre lequel la ventilation est pourtant censée lutter. La fermeture
alvéolaire est un processus dynamique qui se réalise progressivement à différents niveaux de
pression, pour certains élevés. Ainsi le dérecrutement est-il inévitable dans certains secteurs
pulmonaires et ce, malgré l’application d’une PEP haute (Maggiore, 2003). Les manœuvres
de recrutement sont actuellement étudiées dans le but de s’opposer transitoirement au
dérecrutement alvéolaire ainsi qu’à la baisse de PaO2 consécutive à la réduction du Vt.
Plusieurs techniques existent pour réaliser des manœuvres de recrutement. Elles
consistent toutes en l'administration de pressions intra-thoraciques élevées pendant un laps de
temps court afin d’« ouvrir » le poumon, notamment les territoires les plus dépendants
nécessitant des pressions de recrutement élevées. Une PEP y est ensuite associée afin de
conserver ce poumon le plus disponible possible pour le cycle suivant. Ces techniques sont
décrites dans le tableau 6.
56
Tableau 6 : Principales manœuvres de recrutement alvéolaires réalisables en pratique
(d’après Jaber et al., 2007).
Nom de la MRA
CPAP
(Continuous Positive Airway Pressure)
Soupirs intermittents
PEP croissantes
PEP élevées

Type de procédure
Application d’une pression expiratoire
positive de 40 cmH2O pendant 40 secondes.
Alternative : pression entre 35 et 60 cmH2O
pendant 40 à 60 secondes.
Augmentation transitoire du volume courant/
de la pression d’insufflation, une, deux ou
trois fois par minute, consécutivement ou
non.
Ex : 3 soupirs par minute à 45 cmH2O de
pression de plateau.
Augmentation de la PEP par paliers de 5
cmH2O en limitant la pression de plateau à
50 cmH2O, puis retour à la ventilation
initiale.
PEP réglée 10 cmH2O au-delà du point
d’inflexion inférieur pendant 15 minutes.
Réduction du volume courant afin que la
pression de plateau reste < 40 cmH2O.
Hauts niveaux de CPAP (Continuous Positive Airway Pressure).
Cette technique consiste à imposer une PEP élevée de 30 à 60 cmH2O pendant un laps de
temps très bref de l’ordre de 40 à 60 secondes. Le réglage en mode CPAP du ventilateur
permet cette manœuvre. L’application rapide de cette pression assure l’ouverture des
territoires alvéolaires les plus pathologiques. La PEP est par la suite re-diminuée à sa valeur
initiale. Dans l’étude de Grasso et al. (2002), la réalisation de cette MRA pendant 40 secondes
à 40 cmH2O se traduisait par une augmentation de 175% +/- 23% du rapport PaO2/FiO2 chez la
moitié des sujets. Les résultats d’une ventilation protectrice avec MRA versus sans MRA ont
été comparés dans une large étude, « The Lung Open Ventilation Study », au Canada, en
Australie ainsi qu’en Arabie Saoudite (Meade et al., 2008). La manœuvre de recrutement
consistait à fixer une pression de 40 cmH2O pendant 40 secondes, à 100% de FiO2. Le volume
courant moyen était de 6 ml/kg, la PEP était réglée initialement à 20 cmH2O puis modulée
entre 5 et 20 cmH2O, en fonction de la valeur de FiO2. Dans le groupe d’expérimentation, la
MRA était initiée au début de la prise en charge respiratoire, puis réitérée à chaque
déconnexion patient-ventilateur. Plusieurs paramètres ont été évalués et les résultats les
suivants. Tout d’abord, la réalisation de ces MRA n’a pas montré d’effet bénéfique sur le taux
de mortalité à 28 jours en service de réanimation. Les médecins avaient cependant
statistiquement moins recours à la mise en place de traitements additionnels (décubitus
ventral, monoxyde d’azote inhalé, ventilation à haute fréquence) chez les patients traités avec
une MRA. De plus, parmi les causes de décès rapportées, l’hypoxémie réfractaire était
significativement moins fréquemment invoquée dans le groupe de travail. Ces travaux ont
également permis de prouver que les manœuvres de MRA n’étaient pas sans complications:
hypotension, barotraumatisme et arythmies cardiaques étaient rapportés.
57

Soupirs en ventilation mécanique artificielle
Cette technique consiste à obtenir transitoirement de hauts niveaux de pression
d’insufflation (soit une pression de plateau > 40 cmH2O) en augmentant la PEP ou le volume
courant. Des cycles de « soupirs » sont réalisés pendant une certaine durée définie par le
clinicien. Ainsi Pelosi et al., (1999) ont alterné deux heures de ventilation protectrice suivie
d’une heure de MRA caractérisée par la mise en œuvre de trois soupirs par minute. Le volume
courant était modifié de telle manière à maintenir une pression de plateau inférieure à 45
cmH2O. La PEP (titrée entre 10 et 15 cmH2O) et la FiO2 étaient constantes. À l’issue de
l’heure dédiée à la MRA, la PaO2 était significativement améliorée (92.8 +/- 18.6 mmHg
versus 137.6 +/- 23.9 mmHg, p < 0.05) et la PaCO2 diminuée. Ces résultats témoignent d’une
rectification des échanges gazeux, bien qu’elle ne soit pas constante dans le temps : une heure
après arrêt, les paramètres hémodynamiques étaient revenus à leurs valeurs de base.

Ventilation posturale en décubitus ventral
Positionner transitoirement un patient en décubitus ventral est un moyen efficace de
potentialiser le recrutement alvéolaire et d’optimiser l’oxygénation artérielle. Sur le dos, la
majeure partie des gaz délivrés se répartissent dans les zones antérieures thoraciques, les
moins pathologiques du SDRA. Or, d’un point de vue anatomique, ce sont les zones
postérieures déclives comblées qui sont les plus perfusées. Le décubitus ventral permet ainsi
de redistribuer la ventilation vers ces zones postérieures caudo-diaphragmatiques.
Quelques études se sont maintenant positionnées sur l’intérêt du décubitus ventral comme
méthode additionnelle à la prise en charge des patients présentant un SDRA. Citons à titre
d’exemple en 1998 celle de Jolliet et al. Dix-neuf patients hypoxémiques (PaO2/FiO2≤150
mmHg) étaient placés en décubitus ventral pendant 2 heures après une heure de décubitus
dorsal. Onze d’entre eux ont répondu favorablement à ce changement de position et ont été
maintenus ainsi 12 heures de plus. Le suivi des variables hémodynamiques a été fait en
position initiale, 30 minutes après le début du décubitus ventral, puis 2 heures après. Une
amélioration du rapport PaO2/FiO2 de plus de 20 mmHg était observée chez les sujets
réceptifs à l’issue des trente premières minutes. En outre, les valeurs de F iO2 délivrées
pouvaient être diminuées du fait de la correction des paramètres d’oxygénation (0.85 +/- 0.16
versus 0.66 +/- 0.18, p<0.05). Aucune détérioration n’était par ailleurs visible durant les 12
heures suivantes. La répétition de cette manœuvre a montré des résultats positifs identiques.
Si la ventilation posturale a montré ses bénéfices, son bénéfice concernant la mortalité
péri-hospitalière n’est pas clairement prouvé. Selon les recommandations d’experts,
l’indication du décubitus ventral ne se discute que chez les patients les plus hypoxémiques et
présentant un SDRA sévère. Une des principales limites à sa mise en œuvre est logistique : le
changement de positionnement peut être délicat si le patient n’est pas stable, possède des
drains chirurgicaux avec un risque de déconnexion patient machine supplémentaire.
L’extubation entraine en effet un dérecrutement alvéolaire délétère.
La plupart des études concernant les MRA sont issues de l’expérimentation animale ou
d’essais randomisés à faibles effectifs et ne permettent donc pas d’avoir un recul suffisant. De
plus en plus de travaux à grande échelle sont publiés et semblent attester de l’efficacité des
MRA concernant l’hématose. Les résultats encourageants sont cependant à moduler en
fonction du type d'atteinte respiratoire, du stade de l'affection et du niveau de PEP relai
sélectionné. Aucune réduction de la mortalité hospitalière n’a pour le moment été constatée.
58
L’utilisation systématique d’une manœuvre de recrutement alvéolaire quelle qu’elle soit ne
peut donc être systématiquement recommandée. Il reste à préciser quelle technique utiliser, à
quelle fréquence et quelles valeurs sélectionner.
ii.
Ventilation à haute fréquence
Le principe de la ventilation à haute fréquence repose sur l’insufflation rapide de
faibles volumes courants, souvent inférieurs à l’espace mort anatomique (2-4ml/kg). Il en
existe plusieurs types qui diffèrent par la fréquence respiratoire imposée au patient (Krishnan
et Brower, 2000):



ventilation par pression positive à haute fréquence (VPPHF) : Fr = [60-100]
mouvements/min.
ventilation par jet à haute fréquence (VJHF) : Fr = [100-200] mouvements/min.
ventilation par oscillation à haute fréquence (VOHF) : Fr
jusqu’à 2400
mouvements/min.
Seule la ventilation par oscillation à haute fréquence est actuellement pratiquée, les
autres étant plus anciennes. Contrairement à la ventilation conventionnelle, un oscillateur à
haute fréquence est nécessaire pour mettre en œuvre une VOHF. Un débit constant de gaz
frais est délivré au niveau du circuit inspiratoire. Ce débit et l’inflation plus ou moins
complète d’une valve placée sur le circuit expiratoire détermine une pression moyenne
permanente dans les voies aériennes. Elle varie usuellement entre 25 et 35 cmH2O de façon à
maintenir le volume pulmonaire au-delà du volume de fermeture. Sur le circuit se trouve
également un piston solidaire d’une membrane dont les oscillations entraînent l’insufflation et
l’expiration d’un certain volume courant de gaz. Ce volume est conditionné par la fréquence
et la puissance des mouvements du piston. La fréquence est réglée en hertz ; un hertz
correspond à 60 mouvements/min. En VOHF, l’expiration est un phénomène actif ce qui
minimise le risque de PEP intrinsèque lié à ces fréquences élevées. En outre, la ventilation à
haute fréquence se réalise le plus souvent associée à une manœuvre de recrutement initiale
afin d’aérer au maximum le poumon : à titre d’exemple une CPAP basée sur une pression de
40 cmH2O pendant 40 secondes peut être initiée. Tout l’intérêt de la VOHF réside dans le
découplage de l’oxygénation et de l’élimination du CO2 : en effet, le réglage de la fréquence
et de la puissance des mouvements du piston permet de faire varier la P aCO2 indépendamment
de la pression moyenne, déterminant la PO2 (Jamal et al., 2004). Cette technique assure à la
fois le recrutement du parenchyme pulmonaire et la normalisation de la capnie. La pression
moyenne étant maintenue constante au-delà des valeurs de fermeture du poumon, la VOHF
limite également les phénomènes de dérecrutement/recrutement observés en ventilation
conventionnelle.
Plusieurs études cliniques ont évalué l’efficacité de la VOHF chez des adultes
présentant un SDRA marqué ne se résolvant pas en ventilation protectrice. L’index
d’oxygénation était significativement amélioré et la P aCO2 réduite chez Fort et al. (1997). La
seule étude multicentrique prospectrice réalisée (MOAT pour Multicenter Oscillatory
Ventilation for ARDS Trial) a permis de montrer que l’utilisation de la VOHF était sûre et
associée à une amélioration de l’oxygénation dans les 24 premières heures (Mehta et al.,
2001). Pour autant, aucune réduction significative de la mortalité n’a été mise en évidence à
30 jours chez les sujets ventilés à haute fréquence.
59
Les découvertes laissent penser que la VOHF est un traitement prometteur du SDRA,
particulièrement pour la population de patients ne répondant pas à la ventilation protectrice.
Les bénéfices sur l’oxygénation semblent plus nets quand la VOHF est initiée dans les phases
précoces du SDRA et combinée à une MRA. De vastes essais multicentriques en cours
devraient apporter sous peu des précisions complémentaires.
iii.
Ventilation liquide partielle (VLP)
Ce mode de ventilation est basé sur la combinaison d’une ventilation gazeuse
traditionnelle et de l’instillation intra-trachéale d’une solution de perfluorocarbone. Le volume
apporté varie entre 30 à 100% de la capacité résiduelle fonctionnelle du patient. Les
perfluorocarbones sont des composés inertes et non métabolisables dont fait partie le
perflubron, utilisé à l’heure actuelle. Les particularités physico-chimiques de ce produit sont
sa faible tension de surface, sa densité élevée ainsi que la solubilité élevée de l’oxygène et du
dioxyde de carbone. De fait, la tension de surface au sein des alvéoles est clairement diminuée
par rapport à l’insufflation de gaz frais. L’application simultanée d’une PEP extrinsèque
favorise la distribution périphérique du perflubron ce qui assure le recrutement des zones
alvéolaires les plus dépendantes. De plus, le perflubron se répartit préférentiellement dans les
zones déclives, alors maintenues ouvertes pour le prochain cycle inspiratoire : on parle de
« PEP liquide » (Chiche et al., 2005). D’autres effets positifs semblent découler de
l’utilisation du perflubron. In vivo, la VLP occasionnerait une diminution des concentrations
sériques de cytokines pro-inflammatoires et inhiberait l’activation des PNN (Colton et al.,
1998). La concentration des PNN, d’IL-1, d’IL-6 et d’IL-10 était ainsi abaissée dans le LBA
de patients recevant une VLP chez Croce et al., en 1998. Bien que les données de la littérature
mentionnent une nette optimisation de l’aération pulmonaire, aucune différence significative
de survie par rapport à la ventilation protectrice n’a pour le moment été établie. Ce type de
ventilation reste actuellement du domaine de l’expérimental.
iv.
Monoxyde d’azote inhalé
Le monoxyde d’azote (NO) est un puissant vasodilatateur artériel pulmonaire.
Physiologiquement, il est produit par les cellules endothéliales et module le tonus vasculaire
pulmonaire chez les sujets sains. Dans le cadre thérapeutique, son administration par
inhalation entraîne une diminution des résistances vasculaires pulmonaires ainsi qu’une
baisse de la pression artérielle pulmonaire (Fierobe et al., 1995). L’intérêt de son utilisation
dans le SDRA n’a été découvert que récemment mais semble avantageux selon les premiers
résultats publiés. Son administration se fait par inhalations successives à petites doses (1
ppm) qui peuvent être progressivement augmentées (jusqu’à 10 ppm maximum). Le NO
garantit la vasodilatation des zones pulmonaires correctement ventilées et améliore les
rapports V/Q. De ce fait, l’oxygénation des patients qui en bénéficient est améliorée. L’étude
de Michael et al., (1998) rapporte une amélioration transitoire du rapport PaO2/Fi O2 jusqu’à
36 heures après introduction du NO. De plus, l’action du NO semble potentialisée par
l’application d’une PEP dans la mesure où celle-ci augmente le nombre de territoires aérés.
Son effet sur l’inflammation alvéolaire est peu connu mais il semblerait avoir des propriétés
antioxydantes intéressantes (Chollet-Martin et al., 1996). Son emploi doit cependant être
raisonné. Dissout dans le liquide alvéolaire, le NO peut générer des radicaux libres
cytotoxiques pour l’épithélium. Une fois dans le sang, il est rapidement fixé par
l’hémoglobine et inactivé. Le complexe formé est appelé méthémoglobine dont les taux
60
sériques doivent être surveillés. Les publications actuelles ne permettent pas de recommander
l’utilisation systématique du NO au cours du SDRA. Il peut être envisagé lorsque les moyens
instrumentaux et posturaux ont été réalisés et qu’ils n’ont pas permis de rectifier
l’oxygénation des patients en question. De plus aucune étude n’a démontré de bénéfices en
termes de durée de ventilation mécanique, de temps de séjour à l’hôpital ni même sur la
mortalité.
La ventilation à haute fréquence, liquide partielle et le monoxyde d’azote restent du
domaine des thérapeutiques d’avenir et quelques années d’évaluation sont encore nécessaires
avant leur utilisation régulière. Quoiqu’il en soit, la prise en charge d’un individu atteint de
SDRA doit faire l’objet d’une attention individuelle et respecter plusieurs étapes. Pour
chacune d’entre elles, un contrôle de la réponse hémodynamique, des paramètres
d’oxygénation et de la compliance statique est indispensable. Ainsi en cas de réponse
favorable, la thérapeutique engagée peut être poursuivie ; à défaut une nouvelle manœuvre
est à envisager.
B.
La ventilation mécanique chez les carnivores domestiques
Aucune étude prospective à grande échelle n’a pour le moment été réalisée en
médecine vétérinaire concernant les stratégies de prise en charge des animaux atteints de
SDRA. Ainsi, les traitements actuellement entrepris reposent-ils en grande partie sur les
connaissances acquises puis extrapolées à partir des données en médecine humaine. La
physiopathologie du SDRA étant similaire chez les humains et les carnivores domestiques, les
objectifs thérapeutiques s’en trouvent majoritairement identiques. L’identification de la cause
sous jacente au SDRA est fondamentale. La ventilation à pression positive reste tout de même
la pierre angulaire du traitement de l’œdème pulmonaire aigu non cardiogénique. Cependant,
certaines limites inhérentes à la pratique vétérinaire compliquent sa gestion:



Tout d’abord, le coût que représente la mise sous ventilation assistée d’un animal est
assurément un frein à la mise en œuvre du traitement. La durée de prise en charge est
souvent longue et les dépenses d’autant plus onéreuses. Celles-ci ne sont pas
abordables par n’importe quel propriétaire.
La disponibilité des machines ventilatoires limite l’accès aux soins d’urgences pour
de nombreux patients. Bien que l’oxygénothérapie soit disponible dans de
nombreuses structures, celle-ci n’est souvent pas suffisante pour soutenir à court
terme les animaux en détresse respiratoire aigüe. Les ventilateurs adaptés ne sont
disponibles que dans certaines structures hospitalières, tout comme le personnel
compétent en la matière. Ces hôpitaux peu nombreux en France ne sont pas
accessibles au plus grand nombre.
Enfin, le SDRA étant nettement moins décrit en médecine vétérinaire qu’en médecine
humaine, la détection des animaux présentant une atteinte respiratoire aigüe
compatible avec les critères consensuels d’inclusion
est généralement faite
tardivement (Wilkins et al., 2007). Le nombre de cas annuels de SDRA est ainsi
clairement sous-estimé.
En médecine vétérinaire, le recours à la ventilation mécanique se justifie en cas de
détresse respiratoire aigüe, d’hypoxémie réfractaire à toute autre mesure d’oxygénothérapie
(PaO2 ≤ 60 mmHg à 21% d’oxygène), d’hypercapnie persistante (PaCO2 ≥ 60mmHg), ou de
tout autre état nécessitant une assistance respiratoire à plus ou moins long terme (l’état de
choc en est un par exemple).
61
1.
Recommandations en médecine vétérinaire
Les recommandations en médecine vétérinaire sont similaires à celles chez l’Homme à
savoir l’adoption d’une ventilation protectrice dans la prise en charge thérapeutique du
SDRA. Les effets délétères d’une ventilation inadaptée ayant été décrits grâce aux modèles
animaux, il est admis que le VILI se manifeste également chez les carnivores domestiques Les
ventilateurs disponibles permettent l’application d’une PEP chez les animaux présentant un
shunt intrapulmonaire important. L’objectif est analogue, à savoir maintenir un contingent
d’alvéoles ouvertes et prévenir les cycles lésionnels d’ouverture/fermeture afin d’optimiser
l’oxygénation alvéolaire. La « best PEP » n’existe pas non plus en médecine vétérinaire : il est
admis que la valeur de PEP la plus adaptée est celle qui assure le maintien d’une oxygénation
optimale (SpO2 ≥ 92% minimum). L’utilisation de PEP trop élevées peut être préjudiciable et
conduire à une surdistention des zones normalement ventilées. L’étude de Lanza et al. (2009),
montre cependant qu’une PEP plus élevée permet le maintien d’une oxygénation satisfaisante
sans conséquences délétères. Dans cette expérience, le SDRA expérimental était obtenu par
administration d’acide oléique. La PaO2 était significativement supérieure dans le groupe
ventilé à une PEP égale à 18 cmH2O que dans celui à 10 cmH2O (228.5 ± 72.4 mmHg vs
92.7 ± 29.7mmHg, p < 0.05). Combinées à la PEP, des manœuvres de recrutement alvéolaires
(MRA) peuvent également être entreprises. Dans l’étude citée ci-dessus, un troisième groupe
était soumis à la fois à une PEP élevée (18 cmH2O) ainsi qu’à une manœuvre de recrutement
(élévation de la PEP à 50 cmH2O sur trois périodes en une minute). Non seulement la PaO2
étaient nettement augmentée par rapport aux autres groupes mais l’hypercapnie était
également moins sévère après cette MRA. À noter que les paramètres utilisés étaient
compatibles avec ceux d’une ventilation protectrice: Vt = 6 ml/kg, Fr = [25 ; 35] mpm, FiO2 =
100%. Tout le compromis résulte donc de l’utilisation d’une PEP suffisante pour éviter le
dérecrutement alvéolaire mais sans engendrer de lésions de surdistension. Cette PEP assure
une nette augmentation de la capacité résiduelle fonctionnelle. L’utilisation de MRA relève de
la même nécessité qu’en médecine humaine, à savoir recruter brièvement mais efficacement
l’intégralité des unités alvéolaires ne participant pas aux échanges gazeux afin de réduire le
shunt intrapulmonaire.
Au même titre que chez l’Homme, une ventilation en pression ou volume contrôlé est
conseillée. La ventilation en pression contrôlée a l’avantage de minimiser les risques de
surdistention alvéolaire dans la mesure où la valeur de la pression de crête est fixée et que la
pression de plateau ne peut donc l’excéder. Aucune étude clinique prospective n’a à ce jour
édicté de réglages spécifiques aux carnivores domestiques. La solution optimale est donc
d’opter pour une ventilation protectrice associant un volume courant bas, une PEP supérieure
à 5 cmH2O ainsi qu’une pression de plateau inférieure à 35 cmH2O. Alors qu’en médecine
humaine ce mode de ventilation a prouvé ses bénéfices sur le taux de survie en structure
hospitalière, aucune conclusion n’a été apportée en hôpital vétérinaire. Les pratiques actuelles
découlent donc des certitudes acquises chez l’Homme. L’utilité des courbes de pressionvolume (PV) afin d’ajuster les paramètres de la ventilation selon les points spécifiques
d’inflexion inférieur et supérieur, est actuellement controversée (Mueller, 2001). Leur
obtention nécessite une phase d’apnée en fin d’inspiration d’environ une à deux minutes ce
qui requiert la sédation poussée du patient. Chez les carnivores domestiques, ce point parait
moins problématique que chez l’Homme dans la mesure où les animaux sont
systématiquement anesthésiés à l’initiation d’une ventilation mécanique. En pratique,
l’acquisition des points d’inflexion supérieurs et inférieurs n’est pas évidente et leur lecture
peut varier d’un clinicien à l’autre. Parfois aucun point d’inflexion clair ne peut être obtenu ce
qui suggère qu’au au sein d’un poumon très inhomogène, il existe une large distribution des
62
pressions alvéolaires d’ouvertures. Ainsi, les courbes PV sont-elles peu utilisées en médecine
vétérinaire, et décriées en médecine humaine.
Dans une étude rétrospective s’intéressant aux indications, à la réalisation et au
pronostic des animaux ayant reçu une prise en charge par VPP, le groupe présentant une
affection du parenchyme pulmonaire liée à un défaut d’oxygénation comme dans le SDRA,
avait un taux de sevrage et de survie après décharge plus bas que les autres (20.5% taux de
survie à domicile, contre 38.7% dans l’autre groupe, p<0.05) (Hopper et al., 2004). Ainsi bien
que la ventilation soit la seule réponse adaptée, ce syndrome reste entaché d’un taux de
mortalité important, d’autant plus en médecine vétérinaire. La décision de placer un animal
sous ventilateur doit donc être prise en tout état de cause, aux vues de la maladie sous-jacente,
des frais engendrés et des complications potentielles. Dans l’étude ci-dessus celles-ci
incluaient le pneumothorax ainsi que les ulcérations buccales et cornéennes (liées au défaut de
lubrification cornéen sous anesthésie).
2.
Evaluation de l’efficacité du positionnement en médecine
vétérinaire
Alors qu’en médecine humaine, il est maintenant admis que le positionnement répété
des patients sur le ventre améliore significativement l’aération pulmonaire, qu’en est- il en
médecine vétérinaire ?! Peu d’études existent à ce sujet, excepté celle de Xu et al. en 2008. Le
SDRA était modélisé par l’injection d’acide oléique chez plusieurs chiens répartis en quatre
groupes. Ceux-ci étaient ensuite ventilés avec un Vt de 10 ml/kg et une PEP de 16 cmH2O. Le
premier groupe était placé en décubitus dorsal, le second en décubitus ventral. Une MRA était
également appliquée. Il s’avère que concernant les paramètres évalués - notamment
concentrations sériques d’IL-8 et de TNF- α et le ratio du poids pulmonaire avant induction et
après induction (wet/dry weight ratio) - le groupe placé en décubitus ventral présentait de bien
meilleurs résultats que les autres. Ainsi, chez les carnivores domestiques, la mise en
décubitus ventral semble également améliorer le rapport V/Q par redistribution de la
ventilation vers les régions dorsales les plus perfusées.
3.
Report de cas cliniques
Le premier cas fait état d’une une femelle chihuahua entière de 5 ans présentée pour
dyspnée mixte d’apparition aigüe évoluant depuis 5 heures (Kelmer et al., 2012). La chienne
montrait des signes d’atteinte respiratoire chronique depuis quelques mois avec notamment
une toux persistante et un écoulement nasal séreux bilatéral. La radiographie d’admission
révélait une opacité alvéolaire diffuse en vue latérale et ventro-dorsale. À la gazométrie
sanguine, le pH était dans les valeurs usuelles (pH =7.38), la PaO2 égale à 57 mmHg et la
PaCO2 égale à 42.3 mmHg. La chienne a été immédiatement mise sous oxygénation au
masque à une FiO2 de 40% d’où un ratio PaO2/FiO2 égal à 142.5. Aucun antécédent de
pathologie cardiaque n’étant rapporté et l’examen clinique ne mettant pas en évidence de
souffle cardiaque, un diagnostic de SDRA a été posé. Quatre critères sur les cinq édités dans
le consensus international VetARDS étaient en effet remplis :
63




Apparition soudaine des troubles respiratoires.
Présence de facteurs de risques au développement d’un SDRA, en l’occurrence, les
troubles respiratoires chroniques laissant suspecter une atteinte pulmonaire pré
existante.
Détermination d’un ratio PaO2/FiO2 ≤ 200mmHg à PEP nulle et FiO2 connue.
Mise en évidence d’un œdème pulmonaire lésionnel à la radiographie, de distribution
diffuse.
Une ventilation mécanique à pression positive en mode SIMV (Synchronized Intermittent
Mandatory Ventilation) a par la suite été initiée. Dans ce mode, outre un nombre
d’inspirations prédéfini délivré au patient, ce dernier peut également respirer spontanément et
générer des cycles respiratoires. Les paramètres étaient les suivants :




Fr = 20 mouvements par minute.
FiO2 = 100% d’oxygène.
Vt = 15 ml/kg.
PEP = 5 mmHg.
Ce traitement a été couplé à une prise en charge symptomatique à l’aide d’antibiotiques à
tropisme pulmonaire et d’une fluidothérapie de type cristalloïdes isotoniques. À l’issue de
sept heures de ventilation, la chienne avait répondu positivement aux traitements mis en place.
En témoignent l’amélioration du ratio PaO2/FiO2 à 195.7 et la diminution de la FiO2 à 50%.
Après trois jours de ventilation assistée, la chienne a été replacée sous ventilation spontanée à
l’aide de lunettes nasales délivrant une FiO2 de 40%. Ses paramètres d’oxygénation sont restés
stables. Les radiographies révélaient une nette amélioration du pattern alvéolaire bien qu’une
consolidation du lobe moyen droit ait été visible. Il n’a pas été établi si ces lésions étaient
primaires au SDRA ou induites par la ventilation mécanique (dans la mesure où le volume
courant était assez élevé). Cette chienne a été rendue à ses propriétaires 5 jours après
l’initiation de la ventilation, sous antibiotiques. Aucune rechute n’a été rapportée.
Un case report rapporte également le cas d’une chienne labrador stérilisée de 7 ans
amenée aux urgences après avoir été retrouvé inconsciente au bord d’une rivière, la tête
quasiment immergée dans l’eau (Haas et Davidow, 2008). La chienne présentait un historique
de crises convulsives n’ayant été ni explorées ni traitées. Dans ce contexte, il a été suspecté
que la noyade était consécutive à la survenue d’une crise convulsive. L’examen clinique
d’entrée révélait un animal hypotherme, aux muqueuses cyanosées, et tachypnéique. Des
bruits surajoutés étaient audibles à l’auscultation respiratoire. Les premières valeurs de la
saturation en oxygène par oxymétrie de pouls variaient autour de 60%, révélant une
hypoxémie majeure. Un œdème pulmonaire était visible à la radiographie, d’origine à priori
non cardiogénique aux vues des antécédents et de la clinique de l’animal (figure 17). Des
lunettes nasales ont été posées et l’oxygène délivré à une FiO2 de 60% à débit inconnu.
Devant l’absence d’amélioration clinique, une ventilation mécanique a été engagée sous
anesthésie générale. Le choix s’est porté in fine sur un mode en pression contrôlée avec :





64
Fr = 16 mouvements par minute.
FiO2 = 100%.
Vt = 6.7 ml/kg.
PEP = 7 cmH2O.
Pmax = 18 cmH2O.
Cette stratégie ventilatoire était associée à des séances de positionnement en décubitus ventral
réitérées toutes les deux heures. Le suivi passait par des examens cliniques réguliers ciblés sur
la fonction respiratoire et cardiaque (ECG) et l’annotation des paramètres hémodynamiques
indiqués par le ventilateur (SpO2, EtCO2, pression non invasive). Les examens paracliniques
incluaient principalement l’analyse des gaz sanguins artériels.
Figure 17: Radiographie thoracique en vue ventro-dorsale. L’œdème pulmonaire est bien
visible grâce aux nombreux bronchogrammes (flèches noires) et à l’opacification de la
silhouette cardiaque. L’opacité alvéolaire est bilatérale et diffuse (d’après Haas et Davidow,
2008).
Le maintien d’une ventilation adaptée a permis l’amélioration progressive du rapport
PaO2/FiO2 et la diminution de la FiO2. À l’issue de trois jours de ventilation, la PaO2 était de
288 mmHg à une FiO2 de 40% pour un rapport à 720. Une acidose respiratoire liée à
l’hypercapnie permissive a été détectée et résolue grâce à l’augmentation de la fréquence
respiratoire et du volume courant à 10.3 ml/kg. La bactériologie du liquide récupéré au niveau
de la sonde endotrachéale a révélé la présence de plusieurs germes, la plupart sensibles à
l’antibiogramme associé. Il n’a pas été établi si ces germes étaient primaires ou secondaires
aux manœuvres per-hospitalières. L’ensemble des traitements mis en place en parallèle de la
ventilation mécanique ont permis la sortie de la chienne 5 jours après son admission.
65
Cet exemple décrit le cas d’un chien présentant un SDRA consécutif à une noyade
partielle. Le SDRA est ici la résultante d’une atteinte pulmonaire primaire. L’aspiration d’eau
salée et de corps étranger (sable, algues, autres…) conduit à des dommages directs de
l’endothélium pulmonaire. La libération de médiateurs inflammatoires après activation
endothéliale conduit à l’altération de la perméabilité capillaire. S’ensuit un œdème
pulmonaire lésionnel à l’origine de modifications complexes de la mécanique respiratoire. Les
animaux sont souvent présentés en hypercapnie par hypoventilation, acidose respiratoire et en
hypoxémie majeure. L’emballement de la réponse inflammatoire peut s’accompagner d’un
SIRS, élément alors propice au développement d’un SDRA. Il convient de savoir si de l’eau
douce ou salée a été ingurgitée du fait de leur osmolarité différente. En effet, l’eau salée est
un soluté hypertonique par rapport au plasma, entrainant par gradient de concentration un
mouvement d’eau du compartiment intra-vasculaire vers les compartiments interstitiels et
alvéolaires. Les conséquences incluent l’hypovolémie, l’hémoconcentration, l’altération du
surfactant et le comblement alvéolaire. Une ventilation protectrice à base d’un volume courant
bas et d’une PEP d’environ 5 cmH2O doit faire partie de la prise en charge d’urgence. En cas
d’absence d’amélioration de l’oxygénation artérielle et de la persistance d’une acidose
métabolique, les paramètres ventilatoires doivent être modifiés. Toujours est-il qu’un
traitement de la cause sous jacente au SDRA, si elle est connue, doit impérativement être mis
en place et sera le gage d’une résolution clinique la plus rapide possible.
66
III.
Modèles expérimentaux du SDRA
A.
Définition et conditions à la mise en œuvre d’un modèle animal
Le développement de modèles animaux est d’une importance fondamentale en
recherche biomédicale. La complexité de la pathogénie du SDRA les rend nécessaires afin
d’étayer sans cesse les connaissances pré existantes, compte tenu de l’absence de méthode
alternative. Un modèle animal se définit comme suit (Guide for the Care and Use of
Laboratory Animals, 1985):


un modèle permettant l’étude de données de référence sur la biologie.
un modèle chez lequel un processus pathologique spontané ou induit peut être
exploré, celui-ci ayant un ou plusieurs aspects communs avec un phénomène
équivalent chez l’Homme ou d’autres espèces animales.
Cinq types de modèles existent et sont énoncés comme suit :





Les modèles naturels dans lesquels les maladies sont présentes naturellement chez les
animaux et identiques à des maladies ou affections humaines. À titre d’exemple le
lapin Watanabe est un modèle naturel d’hypercholestérolémie chez l’Homme.
Les modèles expérimentaux sont crées afin de reproduire expérimentalement une
affection ou une maladie. Les animaux sont initialement en bonne santé puis sont
soumis à une intervention (acte chirurgical, administration de médicament, d’agents
infectieux) susceptible d’engendrer un état physiologique anormal. À titre d’exemple,
l’administration de streptozotocine chez le lapin permet l’induction d’un diabète de
type I.
Les modèles génétiquement modifiés font appel à des animaux dont le code
génétique a été modifié afin de provoquer la maladie désirée. L’insertion d’un ADN
étranger, le remplacement (modèle knock-in) ou la neutralisation de certains gènes
(modèle knock-out) font partie des techniques utilisées.
Les modèles négatifs s’appuient sur des animaux résistants à une affection donnée.
Des études sont ainsi entreprises sur cette « résistance naturelle » afin de comprendre
son origine et ses fondements physiologiques. À titre d’exemple, le chimpanzé est un
modèle négatif pour la maladie d’Alzheimer à laquelle ce dernier est peu sensible.
Les modèles orphelins rassemblent des animaux qui présentent de manière
congénitale une pathologie pour laquelle il n’existe aucun équivalent chez l’Homme.
Les résultats obtenus à l’issue des explorations peuvent par la suite être extrapolés en
médecine humaine dans le but de proposer de nouvelles applications thérapeutiques. Pour des
questions évidentes d’éthique, la mise en œuvre d’études sur l’Homme est proscrite. Sur les
animaux, ces expérimentations peuvent être entreprises à la lumière d’une réglementation très
stricte et dans des conditions de laboratoire extrêmement contrôlées. Quand ils sont
concluants, ces recherches permettent une meilleure compréhension des mécanismes
physiopathologiques en jeu. Les modèles animaux sont alors le support de nouveaux essais
thérapeutiques qui pourront par la suite être adaptés en médecine humaine ou vétérinaire.
67
Un modèle doit requérir certaines qualités indispensables à sa validité. Ainsi celui-ci se
doit d’être soit :



Isomorphe : les symptômes observés doivent être identiques à ceux de la pathologie
humaine malgré les différences anatomiques ou physiologiques inhérentes à l’espèce.
Homologue : la connaissance des mécanismes du modèle et de la pathologie doit
assurer la comparaison avec l’Homme.
Prédictif : la réponse du modèle animal aux traitements doit être similaire à celle de
la pathologie humaine.
Une fois un modèle validé d’après les critères définis ci-dessus, celui-ci peut être
modulé au cours du temps. En effet, ce n’est qu’à l’issue des ajustements entrepris par les
équipes de recherche qu’un modèle démontre sa pertinence et son analogie avec la pathologie
humaine. Cette analogie reste cependant toujours imparfaite, d’où une transposition à
l’Homme parfois délicate. Certaines limites sont inhérentes aux modèles animaux. Citons
notamment des facteurs non expérimentaux liés à l’animal (racines génétiques, âge, sexe, état
reproducteur, présence de stress, maladies intercurrentes…), physiques et environnementaux
(température, humidité, ventilation, taille des cages et densité du milieu, stress lié au
transport…) ou liés aux manipulations (anesthésie, type d’intervention, nursing per et post
opératoire…). Ils sont susceptibles d’influer sur la réponse des animaux de laboratoire.
B.
Modélisation du SDRA
Aucun modèle animal n’est à même de reproduire entièrement toutes les
caractéristiques physiopathologiques du SDRA chez l’Homme. Seuls certains mécanismes
des phases inflammatoire, fibroproliférative ou résolutive ont été modélisés. Cependant, sous
réserve d’une interprétation tenant compte des limites du modèle expérimental, certaines
données pertinentes ont pu être extrapolées et des éléments clés du SDRA clarifiés.
L’étude du SDRA a été réalisée sur différentes espèces animales. Les mammifères
comme les singes et autres anthropoïdes sont les plus intéressants de part leur proximité
phylogénétique avec l’Homme. Cependant des considérations éthiques, techniques et
financières limitent leur implication en recherche biomédicale. Lapins, rats et souris
constituent actuellement les petits animaux les plus utilisés dans les modèles d’atteinte
pulmonaire aigüe, et ce, pour de multiples raisons. Tout d’abord, ce sont des animaux de
petite taille dont l’élevage est aisé et rapide. Ces derniers disposent d’une grande faculté
d’adaptation, notamment environnementale. De part leur durée de gestation brève (21 jours
pour les souris), plusieurs générations de rongeurs peuvent être obtenues à court terme. De
plus, la majorité d’entre eux sont issus de lignées consanguines. Leur patrimoine génétique
est donc identique (aux différences sexuelles près), à l’exception du ou des gênes d’intérêt sur
lesquels l’étude porte. La création de lignées génétiquement modifiées permet ainsi d’annuler
toute variabilité génétique et environnementale afin que l’analyse finale des résultats soit la
plus fiable possible (Sigmund, 2000). Enfin, ce sont des espèces connues des chercheurs sur le
plan anatomique, physiologique ou génétique, dont les altérations physiopathologiques sont
aisées à comprendre. Pour autant, leur petite taille peut constituer un frein à certaines
démarches paracliniques. En effet, la prise en charge à court terme d’un patient atteint de
SDRA nécessite le suivi précis et régulier de ses paramètres vitaux (pression artérielle,
fréquence cardiaque et respiratoire, température...) et biochimiques (gaz du sang, comptage
des populations érythrocytaires et lymphocytaires, dosage de cytokines…). Récemment, des
68
dispositifs télémétriques se sont développés et permettent le monitorage des systèmes cardiovasculaires et respiratoires sur des animaux de petit format, vigiles. En outre, le prélèvement
de sang n’est pas un acte anodin quand seul 1% du poids vif peut être prélevé. Par extension,
les grands animaux type cochons, chiens, moutons sont des espèces plus adaptées à des suivis
cliniques sur le long terme. Ils font partie de nombreux protocoles expérimentaux bien que ces
derniers soient plus coûteux et difficiles à mettre en place.
In fine, les spécificités anatomiques et biologiques de chaque espèce doivent être
prises en compte avant de sélectionner la plus adaptée au modèle souhaité.
Tous les modèles animaux de SDRA se basent sur la reproduction de facteurs de
risque associés à sa survenue chez l’Homme, à savoir : le sepsis, les traumatismes, les
réactions post transfusionnelles, les fausses déglutitions, les lésions pulmonaires d’ischémie –
reperfusion et les traumatismes induits par la ventilation.
Les différents modèles animaux rapportées dans la littérature sont synthétisés dans le
tableau 7.
Tableau 7 : Répartition de l’utilisation des différents modèles animaux dans les études
expérimentales sur le SDRA rapportées dans PubMed entre 2003 et 2007 (d’après MatuteBello et al., 2008).
Volo/Barotraumatisme induit par la
ventilation mécanique
Lipopolysaccharide
Bactérie vivante
Hyperoxie
Bléomycine
Acide oléique
Ponction et ligature caecale
Instillation intra trachéale d’HCl
1.
Pourcentage (%)
30%
19%
16%
12%
10%
5%
4%
3%
Modèles étiologiques du SDRA
a.
Modèle à l’acide oléique
L’acide oléique correspond à l’acide gras mono-insaturé à chaîne longue le plus
abondant de l’organisme des mammifères, utile à la synthèse d’acides gras à chaîne carbone
plus longue. Ce modèle à l’acide oléique s’appuie sur l’induction d’un syndrome d’embolie
pulmonaire graisseuse à l’origine d’une atteinte pulmonaire aigüe équivalente à celle du
SDRA. Le syndrome d’embolie pulmonaire graisseuse est une complication fréquente à la
suite d’un polytraumatisme incluant plusieurs fractures d’os longs et qui conduit à
l’obstruction du réseau circulatoire par des micros gouttelettes de graisses insolubles (Mimoz
et al., 1997). Cette libération d’acides gras libres mène à un SDRA par toxicité directe au
niveau de la membrane alvéolo-capillaire. Ce modèle peut également reproduire l’agression
pulmonaire consécutive à une pancréatite.
69
i.
Mode d’agression pulmonaire
L’endothélium vasculaire est la première structure touchée suite à l’administration
d’acide oléique. Son injection au moyen d’un cathéter placé directement au niveau de l’artère
pulmonaire s’accompagnait ainsi très rapidement de modifications structurales visibles en
microscopie électronique (Motohiro et al., 1986). Celles-ci étaient mises en évidence grâce à
l’utilisation d’une technique diagnostique s’appuyant sur un marqueur colorimétrique,
l’« Evans Blue dye ». L’utilité de ce colorant réside dans sa forte affinité pour l’albumine. En
conditions physiologiques, la membrane alvéolo-capillaire est imperméable à cette molécule
de haut poids moléculaire qui reste cloisonnée au compartiment vasculaire. A contrario, dans
cette étude, le test à l’acide oléique révélait une coloration « Evans Blue » au sein de l’espace
sous-endothélial, témoin d’une extravasation anormale d’albumine au niveau de la barrière
alvéolo-capillaire. L’administration acide oléique provoque donc une augmentation de
perméabilité à l’origine de la formation un œdème riche en protéines similaire à celui décrit
dans le SDRA. Ces altérations sont consécutives à une nécrose directe des cellules
endothéliales par peroxydation lipidique au niveau de la membrane cellulaire. Le
déterminisme de l’atteinte épithéliale n’est pas encore entièrement élucidé. Cet état
s’accompagne d’un afflux maximal de polynucléaires neutrophiles à 24 heures, auxquels
s’ajoutent de nombreux macrophages alvéolaires résidents. L’analyse de liquides de LBA de
rats ayant reçu 30µl d’acide oléique dilué dans du sérum de bovins par voie intraveineuse
corroborait ce processus inflammatoire (Hussain et al., 1998). Les PNN ne semblaient
toutefois pas activés et indispensables à la genèse de l’agression locale.
Sur le plan anatomopathologique, les lésions incluent des hémorragies alvéolaires, des
modifications endothéliales avec des thromboses capillaires, la présence de membranes
hyalines et d’infiltrats neutrophiliques. Cependant cette atteinte, bien que diffuse, est inégale
et certaines zones restent épargnées, relativement saines (Matute-Bello et al., 2008).
Vadász et al. (2005) ont par ailleurs montré qu’une fois l’œdème installé, l’acide
oléique induisait un blocage des mécanismes de réabsorption transépithéliale. La résorption
active au pôle apical et basal de l’épithélium étaient impactés, respectivement à travers les
canaux EnaC-amiloride dépendants et la pompe Na +/K+/ATP. Le mécanisme moléculaire par
lequel l’acide oléique inactive les canaux et la pompe reste encore incertain mais il semblerait
qu’une interaction directe par fixation de l’acide oléique sur les sous unités canalaires soit une
explication plausible. D’autres hypothèses ont aussi été soulevées notamment la stimulation
de la synthèse de radicaux libres de l’oxygène par l’acide oléique. Ces composés
influenceraient notamment l’expression et l’activité des canaux EnaC et de la pompe ATP
dépendante (Matalon et al., 2003).
Cliniquement, l’administration d’acide oléique se traduit in vivo par une détresse
respiratoire aigüe dose dépendante. La fréquence respiratoire (Fr) et cardiaque (Fc) ainsi que
la pression artérielle systémique (PA) ont été monitorées chez de jeunes cochons ayant reçu
par voie intraveineuse différentes concentrations d’acide oléique (30-50-60-75-90µL).
L’augmentation de la fréquence respiratoire était immédiate. À forte dose (supérieure à
75µL), une chute brutale de la FR et de l’index cardiaque était notée et se soldait par la mort
des animaux sous une heure. Le suivi du ratio PaO2/FiO2 montrait une nette diminution de sa
valeur (Akella et al., 2014). L’acide oléique entraine donc une hypoxie progressive associée à
des effets cardiovasculaires marqués.
70
ii.
Mise en œuvre pratique
Pratiquement, l’administration d’acide oléique se fait soit au niveau d’une veine
périphérique ou centrale soit directement dans l’atrium droit ou l’artère pulmonaire. Cette
molécule nécessite d’être préalablement dissoute dans l’éthanol car sa solubilité est faible
dans les solutés aqueux couramment disponibles (NaCl 0.9% et Ringer Lactate). Ses effets
sont quasiment instantanés et dépendent de la dose administrée. Prenons l’exemple de lobes
pulmonaires de chiens, isolés, ventilés et perfusés à l’aide de deux solutions d’acide oléique
de concentration différente (1µl/kg versus 45µl/kg). Une solution saline servait de témoin.
Une heure après l’injection, leur poids était évalué par pesée conventionnelle. Les résultats
montraient une différence significative entre le groupe témoin et le groupe d’expérimentation.
Les lobes perfusés avec la solution titrée à 45µL/kg d’acide oléique étaient significativement
plus lourds que les autres (0.60g +/- 0.10 vs 0.31g +/- 0.07, p<0.05) (Ehrhart et Hofman,
1981). En outre, il a été prouvé qu’une administration unique occasionnait un état
inflammatoire similaire à celui de la phase exsudative du SDRA, tandis que des
administrations répétées aboutissaient à une fibrose plus tardive (Derks et Jacobovitz-Derks,
1977).
iii.
Avantages et limites
Le modèle à l’acide oléique reproduit le socle de la physiopathologie du SDRA à
savoir l’atteinte inflammatoire interstitielle et alvéolaire diffuse. La modification de la
perméabilité alvéolo-capillaire en est à l’origine et se traduit cliniquement par une
détérioration des échanges gazeux. La plupart des travaux sur la mise en œuvre de la
ventilation assistée ont été portés à partir de ce modèle. De plus, il présente une bonne
reproductibilité : ceci est un avantage majeur en recherche biomédicale du fait du nombre
important d’essais à entreprendre.
Toutefois, ce modèle présente un désavantage majeur : celui de sa concordance
étiologique chez l’Homme. Peu de cas de détresse respiratoire aigüe consécutifs à un
syndrome d’embolie graisseuse lié à un polytraumatisme sont en effet cités dans la littérature.
Ce modèle s’avère peu transposable à d’autres étiologies du SDRA et aucune étude n’a pour
le moment démontré que l’atteinte primaire induite par l’acide oléique (toxicité directe sur
l’endothélium pulmonaire) était similaire à ce qui survient par exemple en cas de sepsis ou de
fausse déglutition.
Enfin, les injections intraveineuses d’acide oléique sont difficilement réalisables sur
des petits mammifères type souris ou rats. Du temps et une certaine expérience sont requis
pour manipuler ces animaux. En pratique, les lapins, chiens ou cochons sont plus employés.
b.
Administration de lipopolysaccharide (LPS)
Ce modèle s’appuie sur l’injection intraveineuse de LPS (lipopolysaccharide) et a pour
objectif de reproduire les conséquences pulmonaires d’une infection bactérienne systémique.
Le sepsis est en effet l’une des étiologies principales du SDRA.
Le LPS est un glycolipide présent à la surface des bactéries Gram négatives telles
qu’Escherichia Coli ou Salmonella sp. C’est une endotoxine pyrogène composée d’un lipide
A hydrophobe qui ancre le LPS à la membrane externe, et d’une chaîne latérale appelée
71
antigène O. Celle-ci se compose d’un groupement de deux triosides et d’un dioside qui se
répètent de nombreuses fois. L’activité endotoxinique est portée par le lipide A, la spécificité
antigénique de la souche bactérienne par l’antigène O.
i.
Mode d’agression pulmonaire
Le lipide A est la partie responsable de l’induction de la réponse immunitaire non
spécifique. Celui-ci a la capacité de se fixer sur une protéine ligand, la LPS binding
proteine (LBP). Le complexe lipide A-LBP a pour cible première les macrophages sur
lesquels il se fixe via des récepteurs spécifiques, dont deux principaux : le CD14 et le TLR-4
(Toll Like Receptor) (Wright et al., 1990). D’autres cellules immunitaires expriment à leur
surface ces deux récepteurs. Des souris mutées pour le gène TRL-4 sont ainsi résistantes à
l’action du LPS (Wang et al., 2007). L’adhésion du LPS entraine la synthèse en cascade de
cytokines pro-inflammatoires comme l’IL-1, le TNF-α, l’IL-1β, l’IL-8 ou le PAF (Platelet
Activating Factor) et de médiateurs de l’inflammation (leucotriènes, prostaglandines)
(O’Grady et al., 2001). Un afflux majeur de PNN s’ensuit, activés sous l’action des agents
cités précédemment. Leur accumulation est à l’origine de la production de dérivés oxydatifs
qui aggravent les dommages existants par destruction des membranes cellulaires et des
protéines nucléaires (Rocksén et al., 2000). Au cœur des mécanismes de régulation
transcriptionnelle de cette cascade de l’inflammation, se trouve le facteur nucléaire NF-kappa
B qui agit sur les ARN messagers responsables de la synthèse de toutes ces protéines de
l’inflammation. Agir en amont sur des régulateurs transcriptionnels proches du NF-kappa B
pourrait être un moyen de suspendre précocement certaines voies de la cascade inflammatoire.
Contrairement au modèle à l’acide oléique dans lequel les cellules endothéliales et
épithéliales subissent une nécrose toxique, le LPS semble vraisemblablement provoquer leur
apoptose (Wang et al., 2007). Cette mort cellulaire survient à la suite de l’activation en
cascade d’un schéma intrinsèque qui implique notamment une famille de protéines appelées
caspases. Certaines d’entre-elles (citons par exemple la protéine « Bid ») dont l’action
consiste à perméabiliser la membrane externe mitochondriale, entrainent la libération intracytosolique de médiateurs pro-apoptotiques. La balance entre facteurs pro et anti-apoptotiques
conduit ainsi à une signalétique cellulaire spécifique. L’importance de ces protéines a
notamment été soulignée par une étude portant sur des souris mutées pour le gène codant la
caspase « Bid » (souris« Bid -/-»). En effet, à 48h post injection de 6 mg/kg de LPS, les
anomalies histologiques (œdème, lésions infiltratives alvéolaires) étaient moins marquées
chez ces souris mutées que chez des souris saines. De plus, des cellules mutées pour surexprimer une protéine anti apoptotique (protéine « Bcl-2 Bcl-x ») étaient moins sensibles à
l’action délétère du LPS que des cellules témoin (Wang et al., 2007).
L’étude de Kawasaki et al. (2000) s’est penchée sur les effets in vivo d’un inhibiteur
large spectre des caspases, le benzyloxycarbonil-Val-Ala-Asp fluoromethylketone (ZVAD.fmk). Le nombre de cellules épithéliales et endothéliales présentant des images
d’apoptose était significativement moins important chez les souris traitées avec cet inhibiteur.
En outre, celles-ci vivaient en moyenne plus longtemps et 27% d’entre elles étaient toujours
vivantes à To+ 7 jours. À l’autopsie, leur architecture pulmonaire conservée. À contrario, 30
heures après induction, 100% des souris témoin étaient décédées (figure 18). Le gold standard
pour valider un essai thérapeutique et l’appliquer sur le terrain clinique est une réduction du
taux de mortalité associé. Dans ce cas, la réalisation de travaux à plus grande échelle pourrait
permettre de confirmer les effets positifs d’inhibiteurs tels que celui décrit ci-dessus et de les
envisager comme traitement d’avenir du SDRA.
72
Survie (%)
Figure 18 : Pourcentage de survie en fonction du temps de deux lots de souris : le premier
ayant reçu une injection seule de LPS, l’autre ayant reçu également un inhibiteur des caspases
(Z-VAD.fmk) (d’après Kawasaki et al., 2000).
Temps (h)
Les modifications hémodynamiques surviennent 3 à 4 heures après administration de
LPS. Elles se manifestent en premier lieu par une hypoxémie et une chute du gradient
alvéolo-artériel en oxygène. Les autres altérations hémodynamiques liées au choc septique
incluent une baisse importante du débit cardiaque, de la pression artérielle systémique et
l’apparition anomalies rénales et hépatiques. L’action pathogène du LPS réside également
dans sa résistance aux systèmes de défense de l’hôte (ex : résistance aux propriétés
bactéricides du complément) (Matute-Bello et al., 2008).
La réponse vasculaire aux endotoxines bactériennes implique la NO-synthase
inductible et la voie des cyclo-oxygénases dont l’activation module la balance entre molécules
vasodilatatrices et vasoconstrictrices. Les mécanismes de vasoconstriction hypoxique
normalement activés en cas d’inadéquation du ratio V/Q sont altérés. L’étude de Hutchison et
al. (1985), a mis en évidence une diminution des résistances vasculaires périphériques quatre
heures après l’inoculation d’endotoxines d’Escherichia Coli chez des moutons de laboratoire.
Les cascades du complément et de la coagulation sont initiées consécutivement. L’activation
de la cascade de la coagulation est secondaire à la mise en jeu du TF (Tissular Factor) qui,
par le biais de facteurs de la voie commune aboutit à la transformation du fibrinogène en
fibrine. Au cours du choc septique, l’activité procoagulante est stimulée aux dépens de
l’activité anticoagulante médiée en partie par l’antithrombine III et la protéine C pulmonaire.
Les effets procoagulants et anti-fibrinolytiques prédominent et accroissent les risques de
formation de thrombus pulmonaires à l’origine d’un défaut d’oxygénation (Welty-Wolf et al.,
2002).
73
ii.
Mise en œuvre pratique
La genèse des lésions pulmonaires diffère selon la voie d’administration. Celle ci peut
se réaliser par voie intraveineuse, intratrachéale ou intrapéritonéale. Par dissémination
bronchique directe, l’épithélium alvéolaire est initialement lésé. Par voie hématogène, la
réponse est majoritairement endothéliale. D’autres modèles se rapprochent de celui
endotoxinique et consistent à injecter une dose standardisée de bactéries, de produits
bactériens ou de cytokines pro-inflammatoires. Chacun à leur manière tente de reproduire une
partie ou l’ensemble des processus impliqués dans l’agression pulmonaire d’origine septique.
L’inoculation intranasale, intratrachéale ou endobronchique de bactéries vivantes est la
méthode la plus fiable pour modéliser une pneumonie bactérienne primaire au SDRA.
iii.
Avantages et désavantages
L’utilisation de LPS est une méthode particulièrement intéressante pour comprendre
les réponses physiologiques de l’hôte en cas d’infection bactérienne systémique. Ce modèle
caractérise particulièrement bien la phase inflammatoire du SDRA et les modifications cardiocirculatoires qui en découlent. À l’avenir ce modèle pourrait être une base de réflexion à
l’utilisation thérapeutique de modulateurs de la vasomotricité et de la coagulation dans la
prise en charge du SDRA. La facilité d’exécution et la bonne reproductibilité des
expérimentations en font un modèle avantageux.
La susceptibilité des espèces au LPS constitue cependant une limite au modèle. Du fait
de divergences phylogénétiques entre l’Homme et d’autres espèces, ces dernières se sont
adaptées différemment aux pathogènes de leurs niches environnementales respectives. La
reconnaissance entre les cellules de l’immunité et les molécules de signalisation bactériennes
se fait - comme précisé précédemment - via des Toll Like Receptor ou TLR. Les travaux de
Hajjar et al. (2002) ont démontré que la chaîne extracellulaire des TLR4, composée d’acides
aminés, était extrêmement variable d’une espèce à l’autre et que ces TLR4 reconnaissaient
ainsi des LPS très différents. Au cours de l’évolution, des changements sont apparus
concernant la structure et la spécificité au ligand des TLR modifiant par la même le schéma
de réponse immunitaire. Les particularités interspécifiques doivent donc être prises en compte
dans la sélection des animaux destinés à modéliser le SDRA.
Le dernier écueil concerne les préparations contenant les endotoxines destinées à être
injectées. Il a été démontré que leur pureté pouvait différer d’une solution à une autre,
d’autres produits protéiques bactériens pouvant être présents. Cette contamination occasionne
des interactions indésirables entre le LPS et d’autres TLR, modifiant ainsi ses effets
biologiques intracellulaires (Tapping et al., 2000).
iv.
Glucocorticoïdes et antioxydants
L’inflammation médiée par les PNN et les molécules pro-inflammatoires étant une
dominante du SDRA, le recours à des anti-inflammatoires semble légitime. Ces substances
peuvent intervenir à différents points de la chaîne inflammatoire : au niveau de la régulation
de l’expression des cytokines impliquées, du blocage des mécanismes de migration
neutrophilique, ou de l’inhibition de la synthèse des composés oxydatifs toxiques. Les effets
d’un traitement à l’aide de déxamethasone et de NAC (N-acétylcystéine) ont été évalués dans
un modèle d’instillation intratrachéale de LPS. La déxamethasone est un glucocorticoïde de
74
synthèse. Des études ont montré que son action limitait l’expression de cytokines
inflammatoires via le blocage de l’activation et de la translocation nucléaire du NF-kappa B,
un de leurs facteurs de transcription (Auphan et al., 1995). Elle agit également sur les
molécules stimulant l’adhésion des neutrophiles aux membranes basales (ICAM-1 par
exemple). La N-acétylcystéine promeut la synthèse intracellulaire de glucathione molécule
aux propriétés antioxydantes.
La figure 19 expose la concentration en PNN dans le LBA de souris traitées à l’aide de ces
deux molécules. Le choix des posologies se basait sur les conclusions de travaux
complémentaires. Ceux-ci montraient notamment que l’effet antioxydant du NAC n’était
visible qu’à sa dose maximale (500 mg/kg). L’utilisation d’une injection de déxamethasone à
10 mg/kg s’accompagnait d’une réduction significative du recrutement local de neutrophiles,
tout comme la production de radicaux libres. La combinaison déxamethasone + NAC ne
montrait pas plus d’efficacité que l’administration seule de glucocorticoïde. Les effets anti
inflammatoires d’une seule dose de NAC, bien qu’élevée, semblaient faibles comparés à son
action antioxydante (Rocksén et al., 2000).
Les autres études qui se sont penchées sur l’utilité des corticoïdes dans le traitement
du SDRA n’ont pas montré d’impact sur le taux de mortalité. Seuls les travaux de Meduri et
al. en 1998 ont rapporté une différence significative de mortalité en structure hospitalière
entre des patients ayant reçu 2 mg/kg/jr de methylprednisolone pendant 32 jours et ceux
placebo (12.5% contre 62.5%, p<0.05). Cependant le protocole incluait uniquement des
patients n’ayant pas présenté d’amélioration de leur LIS (Lung Injury Score) après 7 jours de
ventilation mécanique. Les corticostéroides intervenaient ainsi en phase tardive non résolutive
du syndrome. En 2007, Meduri et ses collègues ont réitéré l’étude en phase précoce du
SDRA, soit 72h après diagnostic. La methylprednisolone était injectée à 1mg/kg/jour, 28 jours
durant. Une diminution des taux circulants de cytokines et de marqueurs inflammatoires telle
la protéine C réactive était notée. Les patients restaient significativement moins de temps sous
ventilation mécanique. Cependant, aucun effet bénéfique sur la mortalité à l’hôpital n’a pu
être démontré (Meduri et al., 2007). Les résultats de l’ARDS Network (étude menée sur 180
patients en SDRA depuis minimum 7 jours) ont confirmé qu’entre un groupe témoin et un
groupe ayant reçu de la methylprednisolone, ce dernier était in fine resté moins longtemps
sous ventilation, avait présenté une amélioration plus rapide de sa compliance pulmonaire et
n’avait pas été sujet à plus de complications infectieuses. La mortalité à 60 et 180 jours post
prise en charge n’était significativement pas différente entre ces deux groupes. Etonnamment
l’étude soulignait également que l’initiation d’un traitement à base de corticostéroïdes chez
des patients pris en charge tardivement (plus de 14 jours après le début du SDRA) pouvait
aggraver le risque de mortalité (« Efficacy and Safety of Corticosteroids for Persistent Acute
Respiratory Distress Syndrome », 2006). L’emploi de corticostéroïdes à dose faible au long
court semble ainsi envisageable mais la démonstration de leur utilité réelle dans le SDRA
nécessite encore la publication de données supplémentaires. D’autant que leur utilisation n’est
pas sans conséquence : sensibilité aux infections concomitantes, ulcères, retard à la
cicatrisation, hyperglycémie sont autant d’effets secondaires qu’il convient de prendre en
compte chez des patients débilités.
75
Concentration en
granulocytes neutrophiles
dans le LBA (×10-5)
Figure 19: Concentration en granulocytes neutrophiles dans le LBA de souris traitées à la
déxamethasone (Dex 10mg/kg) et/ou à la N-acétylcystéine (NAC 500mg/kg) soit 1 heure
avant (a) ou 1 heure après (b) l’instillation de LPS (0.1 mg/ml). Le comptage cellulaire a été
fait par technique de cytométrie de flux (d’après Rocksén et al., 2000).
c.
Autre modèle septique de SDRA : ligature et ponction du
caecum
Chez l’Homme, les infections abdominales/péritonéales sont souvent à l’origine du
développement d’un sepsis généralisé, cette affection étant connue comme un facteur de
risque de SDRA. Dans ce modèle une péritonite est induite expérimentalement, suivie d’un
sepsis. La physiopathologie de l’atteinte pulmonaire secondaire partage de nombreux aspects
avec celle induite par l’administration d’endotoxines, mais s’avère tout de même plus
complexe.
i.
Mode d’agression pulmonaire
L’apparition de remaniements au niveau de l’arbre respiratoire est moins immédiate
qu’après inoculation de LPS. Dans les travaux de Goya et al. (1992), les signes d’œdème
interstitiel et d’infiltrats neutrophiliques étaient observables à l’histologie 24h après
l’intervention, au moment où l’endotoxémie était maximale. Dans ce modèle, l’agression est
majoritairement médiée par les macrophages alvéolaires et implique peu les granulocytes
neutrophiles. Leur activation semble stimulée par l’arrivée des endotoxines par voie
hématogène bien que l’implication de cytokines pro-inflammatoires intervienne également.
Sur le plan hémodynamique, ce modèle est marqué par une hypertension artérielle
pulmonaire et une diminution de la réponse vasculaire à l’hypoxie médiée par les toxines
bactériennes 24 à 30h après l’opération. L’hypoxémie est variable en fonction des protocoles
expérimentaux choisis.
76
ii.
Mise en œuvre pratique
Une opération chirurgicale doit être réalisée afin d’accéder au caecum. Une ligature est
posée en amont de la valvule iléo-caecale de manière à individualiser cet appendice. Le
caecum est ensuite ponctionné à l’aide d’une aiguille en différents endroits, trois à cinq fois.
Le contenu caecal, riche en bactéries se vide ainsi dans la cavité péritonéale qui assure la
multiplication bactérienne. La sévérité de l’atteinte est fonction du nombre de ponctions
réalisées et du diamètre de l’aiguille choisi. Ainsi une ponction simple induit un sepsis
modéré tandis qu’une ponction multiple est responsable d’un sepsis sévère avec péritonite,
bactériémie et réaction inflammatoire systémique (Walley et al., 1996).
iii.
Avantages et désavantages
Sa mise en œuvre est contraignante dans la mesure où une chirurgie sous anesthésie
générale est nécessaire. Etant donné que la ponction du caecum est à l’origine de l’infection,
l’inoculum bactérien n’est pas connu. Des examens bactériologiques sanguins peuvent être
conduits. Cependant, la flore caecale étant variable d’une espèce à l’autre, la réponse
systémique et pulmonaire pourra l’être également.
d.
Instillation intra trachéale d’acide chlorhydrique (HCl)
Ce modèle vise à reproduire l’agression pulmonaire observée chez l’Homme après
inhalation de liquide gastrique. Bien que ce modèle ait été peu utilisé (3% des articles décrits
dans la littérature), la fausse déglutition est connue comme l’un des facteurs de risque majeurs
d’apparition d’un SDRA. L’une des caractéristiques physico-chimiques du suc gastrique est
son pH acide d’où l’utilisation en recherche d’acide chlorhydrique (HCl). Le contenu
gastrique contient également des particules alimentaires, des produits de dégradation de
bactéries commensales ainsi que des cytokines de type IL-1β. Cela est à prendre en compte
pour comprendre la pathogénie du SDRA consécutif à l’inhalation de suc gastrique (MatuteBello et al., 2008).
i.
Mode d’agression pulmonaire
La réponse à ce modèle se révèle être bi-phasique (Raghavendran et al., 2011). Dans
un premier temps, l’atteinte primaire due à l’acide chlorhydrique siège au niveau de
l’épithélium alvéolaire et particulièrement au niveau des pneumocytes de type I. Les lésions
épithéliales sont directement provoquées par l’action caustique de l’acide et se traduisent par
une altération de la perméabilité alvéolo-capillaire. Ainsi, l’instillation intra trachéale d’HCl
chez une cohorte de chiens anesthésiés était suivie d’une augmentation de plus de 50% du
volume liquidien pulmonaire (Grimbert et al., 1981). Quatre à six heures après, la deuxième
phase débute par l’intervention majeure des polynucléaires neutrophiles. Le relargage de
cytokines pro inflammatoires telle que l’IL-8 serait à l’origine de leur arrivée massive sur le
site lésionnel. Leur adhésion puis leur migration à travers l’épithélium et l’endothélium sont
responsables des lésions pulmonaires. Cette étape nécessite la présence de facteurs
chimiotactiques (monocyte chemoattractant proteine, dont MCP-2) et de molécules
d’adhésion (ICAM-1) variables selon l’espèce concernée. L’IL-8 joue un rôle fondamental
comme « recruteur » de PNN comme l’a montrée l’étude de Folkesson et al., (1995). Dans
celle-ci, l’utilisation d’anticorps anti IL-8 aboutissait à une diminution de plus de 50% de la
77
concentration de neutrophiles visibles dans le LBA de lapins de laboratoire et ceci était
directement corrélé à une nette amélioration de leur statut respiratoire. En outre, les PNN
activés synthétisent des agents oxydants et des protéases qui contribuent aux dommages
tissulaires (Knight et al., 1992).
L’histologie révèle une atteinte inflammatoire aigüe avec des zones d’infiltration
neutrophilique importante, des hémorragies alvéolaires et de l’œdème alvéolo-interstitiel.
L’étude de Marumo et al., (2009) a confirmé que la distribution des lésions n’était pas
uniforme et que les zones dépendantes du poumon, les plus compliantes, étaient les plus
touchées. Les modifications hémodynamiques incluent une augmentation rapide de la
pression dans les voies aériennes ainsi qu’une baisse de la compliance pulmonaire associée à
une augmentation de l’espace mort.
ii.
Mise en œuvre pratique
L’instillation d’HCl se fait directement dans la trachée voire dans les bronches sur un
animal sous ventilation assistée. La sévérité de l’atteinte est fonction de la concentration en
HCl administrée. Le pH gastrique dépend du taux de production des ions H+, variable à jeun
ou en période post prandiale, de l'action tampon ou non des aliments (protéines) et des
facteurs de dilution avec les autres composants du suc gastrique. Chez l’Homme le pH est
compris entre 1 et 3 à jeun et peut devenir plus basique sous l’action tampon du contenu
alimentaire (pH = [4-5]). Chez les carnivores, sa valeur est beaucoup plus fixe et basse, la
nourriture ayant peu de propriétés tampon (pH = [1,5-2]). Dans la plupart des études, la
solution expérimentale se compose d’un mélange de NaCl titré à 0,3% d’HCl, dont le pH final
est compris entre 1,2 et 1,5. Celle-ci a ainsi des propriétés chimiques (pH et osmolarité) qui
s’approchent de celles du suc gastrique de la majorité des patients (Matute-Bello et al., 2008).
iii.
Avantages et désavantages
Ce modèle à l’instillation d’acide chlorhydrique se révèle particulièrement utile à la
compréhension des mécanismes de recrutement neutrophilique. Il permet aussi l’étude des
conséquences hémodynamiques et physiologiques du SDRA. La principale limite réside dans
le fait qu’en situation réelle un patient ne déglutit pas une solution purement acide mais un
contenu gastrique constitué de particules alimentaires, de produits de dégradation bactériens
et de cytokines, dont le pH est généralement supérieur à 1,5. D’autres études doivent être
menées afin de voir s’il existe une différence pathophysiologique entre ce modèle et ce qui
survient chez des patients hospitalisés. L’ajout de particules gastriques non acides isolées chez
l’animal sain semble aggraver le processus inflammatoire siégeant au niveau de l’arbre
respiratoire. À titre de justification, les travaux de Raghavendran et al. (2005) se sont basés
sur trois groupes d’étude : des souris ayant reçu une solution intratrachéale d’HCl (pH =1,25)
(groupe ACID), une solution contenant des particules gastriques non acides (groupe SNAP) et
enfin une combinaison des deux solutions précédentes (CASP). L’instillation d’une solution
saline de NaCl (NS) constituait le groupe témoin. Les résultats ont révélé que 48h après le
début de l’expérimentation, les concentrations au sein du LBA de certains médiateurs
inflammatoires (TNF-α, IL-1β et IL-6 dans ce cas) étaient nettement supérieures pour le
groupe ayant reçu à la fois des particules gastriques non acides et de l’HCl (figure 20). Cette
composition reproduirait plus fidèlement le contenu du chyme gastrique. Affiner ce modèle
d’injection intratrachéale d’HCl permettrait d’extrapoler plus précisément les résultats à
l’Homme.
78
Figure 20: Concentrations en médiateurs pro-inflammatoires (TNF-α, IL-1β et IL-6
respectivement de gauche à droite et de bas en haut) après lavage broncho-alvéolaire et
analyse ELISA à 6h, 24h et 48h chez différents groupes d’étude : ACID, SNAP, CASP, NS
(voir dans le texte ci-dessus) (d’après Raghavendran et al., 2005).
Temps d’expérimentation (h)
79
e.
Modèle d’ischémie/reperfusion
Les lésions pulmonaires d’ischémie/reperfusion peuvent être directes (atteinte pulmonaire
primaire) ou indirectes et toucher initialement d’autres organes. Dans ce cas l’atteinte
pulmonaire se développe à partir d’un foyer secondaire.
L’ischémie résulte d’une inadéquation entre la perfusion d’un territoire et la demande
métabolique en oxygène et substrats énergétiques associés. En médecine humaine les
mécanismes d’ischémie/reperfusion surviennent à la suite, soit d’une interruption totale du
flux sanguin (arrêt cardiaque, infarctus myocardique, ischémie mésentérique, transplantation
pulmonaire…) soit d’une diminution de la perfusion tissulaire. Celle-ci est couramment
consécutive à des insuffisances circulatoires aigües (choc septique, anévrisme avec thrombus
etc…). Consécutivement, un SDRA est susceptible de se déclarer. Reperfuser les organes
ischémiés est indispensable à leur survie. Cependant, il est actuellement prouvé que le
rétablissement de la perfusion et d’une oxygénation adéquate pouvait aggraver les lésions
tissulaires existantes.
i.
Mécanisme physiopathologique général
En situation d’ischémie les voies métaboliques classiques productrices d’ATP sont
inactivées faute d’oxygène. La glycolyse anaérobie est initiée au niveau de la mitochondrie et
une cascade de mécanismes intracellulaires de compensation se met en place. Ces anomalies
aboutissent à l’inactivation des pompes dépendantes d’énergie et à l’accumulation de produits
terminaux des voies métaboliques (lactates, protons, acides gras…). S’ensuit une perte de
l’homéostasie cellulaire associée à des lésions irréversibles. En cas de reperfusion, l’oxygène
est réintroduit brutalement aux cellules sans pouvoir être utilisé efficacement par les voies
classiques, endommagées. L’oxygène est métabolisé au sein de la mitochondrie en dérivés
radicalaires de l’O2 dont les effets sont hautement délétères pour la cellule (Cour et Argaud,
2010).
ii.
Mode d’agression pulmonaire
L’ischémie/reperfusion de territoires pulmonaires entraine à la fois une atteinte de
l’épithélium alvéolaire et de l’endothélium vasculaire. Dans les travaux de Sakuma et al.
(1999), les images visibles en microscopie électronique étaient compatibles avec celles
d’apoptose et de nécrose cellulaires. Les pneumocytes de type I étaient séparés de leur
membrane basale, les cellules endothéliales vacuolisées et la barrière alvéolo-capillaire
altérée. Il est intéressant de noter que l’induction de l’ischémie d’un territoire pulmonaire
entraine des dommages inflammatoires également sur les zones controlatérales, dont l’atteinte
se révèle cependant plus modérée.
Différents paramètres influent sur le degré d’agression pulmonaire : l’étendue du territoire
ischémié, la durée pendant laquelle l’ischémie perdure, l’état d’inflation du poumon, le
modèle in vivo/in vitro sélectionné et l’espèce sur laquelle les essais sont réalisés.
Concernant la phase initiale d’ischémie, celle-ci peut être induite sur poumon ventilé ou
en anoxie totale. Dans ce cas, à la fois la ventilation et la circulation pulmonaires sont
bloquées. Au cours de cette manœuvre, les chercheurs peuvent décider de conserver le
poumon ouvert ou collabé. En effet, l’état d’inflation du poumon au moment de l’induction de
80
l’ischémie semble avoir une importance capitale et conditionne la sévérité des lésions
tissulaires. Sakuma et al. (1999) ont réalisé leurs travaux sur des lapins anesthésiés, ventilés à
une FiO2 de 100%, un volume courant de 15 ml/kg et une certaine PEP. Une fois la
sternotomie réalisée, le hile du poumon gauche incluant l’artère, la veine et la bronche souche
gauches était clampé. Deux stratégies étaient alors envisagées : soit de laisser le poumon
collabé (groupe 1), soit de le maintenir ouvert (groupe 2). Dans ce cas, l’occlusion était
réalisée au moment où la Pplat atteignait les 30 cmH2O à 100% d’O2. Les poumons étaient
isolés après euthanasie des animaux. Le taux de mortalité du groupe 1 était de 100% après
seulement une heure de reperfusion. L’œdème alvéolaire était majeur et la concentration
protéique similaire à celle du plasma sanguin. À la fois le poumon gauche et droit étaient
touchés, les lésions étant plus sévères à gauche. L’oxygénation artérielle était impactée et
aucune amélioration n’était notable après reperfusion. À contrario, dans le groupe 2,
l’inflation du poumon semblait constituer un facteur de protection contre les dommages liés à
la reperfusion. L’atteinte pulmonaire était plus modérée et non létale. Les poumons étaient
enflés à l’aide d’azote ou d’oxygène. La figure 21 montre les effets en termes d’oxygénation
pulmonaire (PaO2) d’un poumon ouvert vs collabé dans ce modèle d’ischémie/reperfusion.
Figure 21 : Modifications de la pression artérielle pulmonaire en oxygène (PaO2) au cours du
temps (ischémie puis reperfusion durant 4h) sur des poumons ventilés (inflated) ou collabés
(deflated ) au cours de la phase d’ischémie (d’après Sakuma et al., 1999).
T0
Ischémie
Phase de reperfusion (h)
Les débats persistent concernant la durée des phases d’ischémie et de reperfusion
susceptibles d’induire des dommages pulmonaires. Luh et Chiang (2007), suggèrent
81
notamment que l’atteinte est significative après 60 minutes d’ischémie en situation d’anoxie
complète. Cette phase peut varier de 15 minutes à 48 heures dans la littérature. Il a cependant
été démontré que, sous couvert d’une phase de reperfusion constante, plus l’ischémie est
longue, plus les lésions s’avèrent sévères (Fard et al., 2014).
Au cours de la phase de reperfusion, les poumons sont majoritairement endommagés.
Deux phases, aigüe puis chronique se succèdent dans le temps et mettent en jeu les
macrophages puis les PNN du système immunitaire. Les paramètres physiologiques tels que
la pression artérielle pulmonaire, le ratio V/Q sont modifiés. Le rapport entre le poids du
poumon avant et après traumatisme était significativement augmenté dans l’étude de Bishop
et al. (1986), traduisant une altération de la perméabilité alvéolo-capillaire. Les taux sériques
de ROS étaient également nettement accrus. Au même titre que la phase d’ischémie, plus la
reperfusion dure longtemps, plus le poumon est remanié et les lésions irréversibles.
iii.
Mise en œuvre pratique
Ce modèle peut être réalisé in vivo ou sur poumon isolé. Le protocole choisi n’a pas
d’influence sur les résultats obtenus. In vivo, le poumon controlatéral peut également être
évalué. La perfusion pulmonaire est assurée via deux systèmes séparés : la circulation
pulmonaire par l’artère pulmonaire et la circulation bronchique qui nourrit les bronches et la
plèvre par les artères bronchiques. Une ischémie peut être obtenue expérimentalement en
occluant soit l’artère pulmonaire – la circulation bronchique est alors conservée – soit le hile
du poumon droit et/ou gauche. Dans ce cas le poumon concerné n’est plus vascularisé.
En pratique, dans les modèles d’ischémie/reperfusion directe, une thoracotomie est
pratiquée entre le 4ème et le 5ème espace intercostal. Le poumon est approché le plus souvent
par voie latérale gauche, le hile gauche étant plus facile à dégager avant d’être clampé. Dans
les modèles indirects sur grands animaux, l’artère mésentérique (ou fémorale) est la plus
souvent occlue. Dans les modèles murins, l’artère cœliaque est ligaturée. La pose d’un clamp,
d’une ligature ou d’un occluder sont possibles. Tous ces protocoles nécessitent une anesthésie
générale.
iv.
Modèle d’ischémie reperfusion non
pulmonaires
Le rein, le foie ou l’estomac sont les plus souvent impliqués. La sévérité de l’atteinte
pulmonaire est majoritairement corrélée à l’étendue de la zone ischémiée et non pas à la durée
du traumatisme. En règle générale, les lésions pulmonaires sont modérées et réversibles. Elles
ne s’aggravent que si une agression directe s’y surajoute (ex : injection intratrachéale de LPS).
Dans l’étude de Koike et al. (1992), la fuite protéique (dont l’albumine) à travers la barrière
alvéolo-capillaire était objectivable après 6h de reperfusion et se résolvait à l’issue des 18h
d’expérience. Une réponse systémique était amorcée après plusieurs minutes de reperfusion
tissulaire et se caractérisait par une baisse du débit cardiaque, une acidose métabolique et
l’activation d’un processus inflammatoire mettant essentiellement en jeu les PNN.
82
2.
Modèles reproduisant la pathophysiologie du SDRA
a.
Modèle de déplétion en surfactant par lavage salin
Ce modèle a été décrit pour la première fois en 1979 par Lachmann et al., dans la
mesure où l’inactivation et la déplétion en surfactant alvéolaire sont représentatifs de la phase
exsudative du SDRA et contribuent en grande partie à l’agression pulmonaire.
i.
Mode d’agression pulmonaire
La répétition de lavages salés conduit à la diminution de la concentration des
molécules phospholipidiques constituant le surfactant. De ce fait, les espaces alvéolaires ne
sont plus tapissés de cet agent tensioactif primaire qui empêche leur collapsus physiologique.
Deux mécanismes d’agression pulmonaire peuvent être explicités: tout d’abord la déplétion en
surfactant entraine l’atélectasie de certains espaces alvéolaires, exclus des échanges
respiratoire du fait d’une ventilation inadaptée. Le poumon devient également plus sensible
aux phénomènes cycliques d’ouverture/fermeture alvéolaires qui entretiennent le processus
inflammatoire local. Deuxièmement, le surfactant possède des propriétés anti infectieuses qui
prémunissent le poumon contre toute affection locale ou systémique. En cas de déficience, les
défenses naturelles pulmonaires sont impactées. Les lavages conduisent rapidement à une
perturbation des échanges gazeux en faveur d’une dégradation du gradient alvéolo-artériel
(Matute-Bello et al., 2008). Cependant, le poumon reste « recrutable » et l’hypoxémie
résultante peut être rapidement corrigée par des manœuvres de ventilation. Cela laisse
suspecter que l’atteinte est strictement « mécanique », liée au collapsus alvéolaire. Dans une
étude prospective in vivo, 46 lapins ayant été préalablement soumis à des lavages répétés
présentaient une amélioration de leurs paramètres d’oxygénation dès l’initiation d’une
ventilation protectrice (Vt = 6 ml/kg PEP réglée 2 cmH2O au-delà du point d’inflexion
inférieur) (Rotta et al., 2001). Les lavages salins en eux-mêmes ont peu de conséquences
lésionnelles sur la barrière alvéolo-capillaire et n’entrainent pas d’infiltration inflammatoire
parenchymateuse. C’est pourquoi ce modèle est souvent couplé à un protocole incluant une
agression par volo/barotraumatisme (hauts volumes courants, absence de PEP). Dans ce cas,
le pattern lésionnel est très similaire à celui retrouvé au cours du SDRA chez l’Homme.
ii.
Mise en œuvre pratique
L’opération consiste à administrer une solution isotonique de NaCl 0.9% réchauffée
(37°C) par voie intratrachéale jusqu’aux poumons puis à l’aspirer de nouveau. Cette opération
est répétée jusqu’à ce qu’un certain degré d’hypoxémie fixé par le protocole expérimental soit
atteint.
iii.
Avantages et désavantages
La déplétion en surfactant est l’une des caractéristiques emblématiques du SDRA.
Cependant, contrairement au nouveau né où l’absence de surfactant est primitive et causale,
celle-ci est consécutive à l’agression locale chez l’adulte. Ainsi ce modèle fournit des
éléments de compréhension concernant les conséquences d’un déficit en surfactant mais il ne
peut être utilisé pour modéliser les mécanismes étiologiques à l’origine du SDRA. Il est idéal
pour tester différentes stratégies ventilatoires.
83
iv.
Surfactant exogène
Au cours du SDRA, le surfactant est inactivé par les molécules inflammatoires
(fibrinogène, albumine, protéines sériques) ayant exsudé du plasma vers la lumière alvéolaire.
L’ajout de surfactant exogène constitue un atout thérapeutique dans la prise en charge du
SDRA, si tant est que la réaction inflammatoire locale n’aboutisse pas à sa dégradation. La
mise en œuvre de ce traitement constitue donc un réel défi. Sa réussite peut passer par
l’augmentation des doses apportées de telle manière à outrepasser l’action délétère siégeant au
sein des alvéoles. Cependant le prix élevé s’avère un facteur limitant, que ce soit en médecine
vétérinaire ou même en médecine humaine. L’autre stratégie consiste à trouver une solution
visant à limiter la fuite des molécules pro-inflammatoires à travers la barrière alvéolocapillaire. C’est pourquoi de nombreuses études se sont intéressées à la combinaison
« surfactant exogène et ventilation artificielle ». Citons à titre d’exemple celle de Hartog et al.
(2000), portant sur 22 rats ayant été traités à l’aide d’une solution saline à 37°C (32 ml/kg).
Deux groupes - groupe témoin exclu - ont par la suite été crées selon le type de ventilation
reçue (ventilation protectrice permettant le recrutement alvéolaire à haute PEP (18 cmH2O) vs
ventilation conventionnelle à basse PEP (8 cmH2O). Après 4 heures de ventilation, du
surfactant exogène de cochon à la posologie de 120 mg/kg leur a été administré par voie
intratrachéale. Les résultats montraient une meilleure compliance pulmonaire visible sur la
courbe pression/volume dans le groupe à PEP élevée. Ainsi cette pression assure l’ouverture
des espaces alvéolaires, recouverts à nouveau d’un filtre tensioactif apporté par voie exogène.
Le choix d’une stratégie de ventilation avec une PEP élevée optimise donc un traitement
ultérieur avec du surfactant.
Différents types de surfactants exogènes existent. L’étude de Häfner et al., (1995) s’est
attardée sur plusieurs d’entre eux dans un modèle de déplétion chez des rats. Cinq
formulations ont été testées à doses croissantes (25, 50 puis 100 mg/kg): deux surfactants
naturels d’origine bovine (« Survanta »/« Alveofact »), deux surfactants synthétiques
(« Exosurf »/« protein free phospholipid based surfactant ») et un dernier recombiné. La
figure 22 rapporte les bénéfices en termes d’oxygénation (PaO2) pour les différents groupes,
après lavage puis lors de la ventilation mécanique. Les effets d’une PEP dégressive ont
parallèlement été évalués ([8-0] cmH2O). La chute immédiate de PaO2 consécutive aux
multiples lavages salins est clairement mise en évidence à la lecture du graphique. Cependant,
la mise en œuvre d’une ventilation assistée corrige rapidement cette hypoxémie comme
l’atteste l’augmentation de la PaO2 cinq minutes après son initiation. L’observation d’une
dégradation à l’issue de deux heures de prise en charge traduit l’inactivation du surfactant par
le contenu alvéolaire inflammatoire. De plus, il ressort de ce graphique que l’application
combinée d’une PEP élevée agit de manière synergique avec l’ajout de surfactant. En effet à
8 cmH2O, les valeurs de PaO2 sont nettement supérieures à celles une fois la PEP diminuée à 2
ou 0 cmH2O. Les deux surfactants d’origine bovine ainsi que le recombiné semblent présenter
les meilleurs résultats concernant l’amélioration hémodynamique respiratoire. Le surfactant
recombiné était en effet constitué d’une des protéines constitutives du surfactant naturel, la
protéine C, contrairement aux surfactants synthétiques. Cette protéine C semble jouer un rôle
fonctionnel fondamental.
84
Figure 22 : Evaluation de la pression artérielle en oxygène (P aO2) dans un modèle de
déplétion en surfactant au cours du temps et des manœuvres ventilatoires engagées (PEP
dégressive de 8 à 0 cmH2O). Les barres représentent les différents types de surfactants
exogènes administrés (d’après Häfner et al., 1995).
PaO2 (mmHg)
Légendes
Barre noire : Alveofact.
Barre grise : Survanta
Barre croisillons : Surfactant recombiné
Barre blanche : Exosurf
Barre rayée : « Protein free phospholipid based » surfactant
Avant lavage
To
To+5min
T0+120min PEP(8)
de ventilation de ventilation
b.
Modèle
bléomycine
de
fibrose
pulmonaire :
PEP(6)
PEP(0)
administration
de
La bléomycine appartient à la catégorie des antibiotiques cytostatiques, produite par la
bactérie Streptomyces Verticillus. L'action de la bléomycine repose sur une intercalation avec
l'ADN simple et double brin. Cela donne lieu à des ruptures qui entraînent une inhibition de
la division cellulaire, de la croissance et de la synthèse d’ADN. Cette molécule a été
largement utilisée comme agent anticancéreux en thérapeutique humaine en particulier sur des
tumeurs cutanées. Cependant dans de nombreux cas, l’apparition secondaire d’une fibrose
pulmonaire majeure a limité son utilisation en pratique. Par la suite, cette molécule a été
introduite dans les travaux expérimentaux sur le SDRA afin de mimer l’évolution fibrosante
parfois observée. Son action dose dépendante dirigée contre le poumon a été démontrée chez
de nombreux animaux d’expérimentation (rats, souris, cochons, lapins, chiens, etc…).
i.
Mode d’agression pulmonaire
Différentes phases se succèdent au cours du temps et ce jusqu’à quinze jours post
initiation. L’endothélium pulmonaire est le premier touché après administration par voie
intraveineuse. En microscopie électronique les cellules endothéliales apparaissent œdèmatiées
et séparées de leur membrane basale. Ces lésions sembleraient permettre à la bléomycine de
85
diffuser dans l’espace interstitiel pour s’attaquer par la suite à l’épithélium alvéolaire.
Cependant dans de nombreux cas, l’agression ne progresse pas jusqu’aux pneumocytes de
type I. Si tel est le cas, du matériel fibrineux, des protéines plasmatiques et autres agents
peuvent alors rejoindre l’espace alvéolaire jusqu’à le combler. Ainsi, en microscopie
électronique, un œdème diffus localisé à l’interstitium est visible associé à une infiltration
lymphocytaire et macrophagique. La phase de réparation passe par la prolifération et la
différenciation des pneumocytes de type II. Cette étape est sous la dépendance de cytokines et
de médiateurs inflammatoires comme les monocytes, les fibroblastes ainsi qu’une cytokine
pro-fibrosante majeure, TGF-β1 (Dhainaut et al., 2003). L’accumulation de collagène est
notable à l’histologie au sein des septa et de l’interstitium alvéolaire. Une fibrose extensive est
ainsi observée en moyenne après 14 jours d’évolution.
Le mécanisme de toxicité induit par la bléomycine n’est pas encore complètement
élucidé. Certaines études rapportent une perte de fonctionnalité voire une mort cellulaire liées
à des aberrations chromosomiques ou l’inhibition des mécanismes de division cellulaire. Le
marquage à l’aide d’un isotope radioactif de la bléomycine montre sa fixation au niveau du
noyau cellulaire deux heures après son administration (Adamson, 1976). La bléomycine est
également à l’origine du relargage de molécules oxydatives.
Comment expliquer la plus grande sensibilité du poumon à la bléomycine ? Celle ci
peut être métabolisée par une enzyme spécifique appelée bléomycine hydrolase. Il a été
prouvé que l’activité de cette enzyme était moins importante dans les poumons que dans
d’autres organes comme la rate, le foie ou les reins et ce, uniquement chez certaines espèces.
C’est notamment le cas des souris chez lesquelles l’expression in vivo de la bléomycine
hydrolase est nettement diminuée (Lazo et Humphreys, 1983). De plus il a été noté que
différentes lignées de souris ne répondaient pas de manière similaire à une agression à la
bléomycine. Des souris C57BL/6 y sont ainsi plus sensibles que des souris BALB/c,
lesquelles ne développent pas de fibroprolifération pulmonaire (Schrier et al., 1983). Des
travaux devront ainsi être menés pour élucider le rôle de la génétique dans les mécanismes
intraspécifiques de fibrose pulmonaire.
ii.
Mise en œuvre pratique
L’administration de bléomycine peut se faire par voie intrapéritonéale, intraveineuse,
sous cutanée ou intratrachéale. La voie intraveineuse a pour intêret de mimer fidèlement une
situation en médecine humaine. Cependant, ce protocole requiert de réaliser deux injections
par semaine à la dose de 20mg/kg et ce, pendant quatre à huit semaines. A contrario, une
seule dose est nécessaire par voie intratrachéale. Sa simplicité d’exécution et sa bonne
reproductibilité en font une voie préférentiellement utilisée en recherche.
iii.
Avantages et désavantages
Par voie intratrachéale ce modèle est standardisé, facile à exécuter puis à réitérer. Il
reproduit de manière adéquate les séquences temporelles du SDRA à savoir l’état
inflammatoire primaire évoluant vers une phase chronique de fibroprolifération. Pour autant,
la pertinence de sa réalisation par voie intratrachéale a souvent été remise en cause. Il semble
en effet y avoir peu d’équivalent clinique chez l’Homme. Par voie intraveineuse, deux
inconvénients sont à rapporter. Tout d’abord la fibrose pulmonaire ne survient pas chez tous
les animaux. Et si tel est le cas, cette phase est longue à se mettre en place, quatre semaines
86
étant a minima nécessaires (Matute-Bello et al., 2008). Cependant, la bléomycine reste à ce
jour la molécule la plus utilisée dans les modèles murins de fibrose pulmonaire.
3.
Modèles centrés sur la thérapeutique du SDRA
a.
Modèle d’hyperoxie
L’exposition à des fractions élevées en oxygène supérieures à 60% se traduit chez la
majorité des mammifères par une détresse respiratoire aigüe. La mortalité animale est élevée
mais dépend de la durée d’exposition, de la FiO2 et de l’espèce animale. La sensibilité à
l’oxygène est en effet variable d’une espèce à une autre. Ainsi chez l’Homme, bien que la
ventilation à 100% d’O2 induise des modifications au sein de l’arbre respiratoire, celles-ci
semblent réversibles et aucun effet nocif n’a été rapporté même après plusieurs jours
d’oxygénothérapie (Davis et al., 1983). L’action délétère de l’oxygène à haute dose se
manifesterait chez des patients critiques présentant une pathologie respiratoire sous jacente.
i.
Mode d’agression pulmonaire
Les dérivés réactifs de l’oxygène (ROS pour Reactive Oxygen Species) sont les
principaux médiateurs de l’hyperoxie. Les radicaux libres, les ions oxygénés ou les peroxydes
en font partie. L’anion superoxide O2- contient par exemple un électron célibataire sur sa
couche externe, de valence non appariée constituant de ce fait un radical libre. Ils agissent soit
comme des oxydants (receveurs d’électrons) soit comme des réducteurs (donneurs
d’électrons). Physiologiquement, les cellules possèdent des enzymes capables de contrer les
dommages causés par ces composés. Citons par exemple la superoxide dismutase, la catalase
ou encore la lactoperoxydase (Fridovich, 1978). En situation d’hyperoxie, anions superoxide
et autres radicaux libres sont produits en grande quantité jusqu’à excéder les capacités des
enzymes antioxydantes associées. Leur toxicité s’exprime donc une fois les possibilités de
défense cellulaire dépassées. De plus, les anions superoxide sont susceptibles de réagir avec le
monoxyde d’azote (NO) endogène pour former des peroxynitrites cytotoxiques. Tous ces
agents ont pour cible l’ADN, les protéines ainsi que les membranes lipidiques qu’ils altèrent
par stress oxydatif. Les cellules endothéliales et épithéliales sont exposées in fine à deux
mécanismes de mort cellulaire : l’apoptose et la nécrose.
L’étude de Barazzone et al., (1998) rapporte les conséquences d’une exposition
prolongée à une FiO2 de 100% d’O2 chez différentes lignées de souris. Les poumons étaient
isolés après euthanasie. L’examen en microscopie électronique révélait à la fois des foyers
d’apoptose et de nécrose cellulaires. La perte d’intégrité de la membrane plasmique de
certaines cellules épithéliales était révélatrice de processus de nécrose. Leur mort s’ensuivait
après destruction nucléaire. Les premières manifestations morphologiques d’apoptose étaient
celles d’une compaction et d’une marginalisation nucléaire. Après 48h d’exposition à
l’oxygène, un nombre accru de cellules (16%) étaient marquées positivement par méthode
TUNEL 1 et montraient une fragmentation de leur ADN nucléaire in situ (p <0.001 par rapport
au groupe témoin). Enfin l’augmentation de l’expression de certains gènes impliqués dans les
1
Le principe de la technique de TUNEL est de révéler la présence de cassures dans l’ADN (présentes
dans les cellules en apoptose) par une réaction colorimétrique sur des coupes tissulaires.
87
mécanismes d’apoptose était notable après analyse Western Blot. L’implication des caspases
dans l’activation des voies métaboliques aboutissant à la mort cellulaire n’a pas été démontrée
dans ces travaux. Ainsi, la compréhension des mécanismes impliqués dans la toxicité
pulmonaire de l’oxygène ne sont encore que partiellement connus.
Les modifications pulmonaires évoquent celles du SDRA. Une phase exsudative se
met en place après trois jours d’insufflation de fractions élevées en O2. Celle ci se caractérise
par la mort des pneumocytes de type I, la présence de lésions endothéliales et le comblement
des alvéoles par un exsudat protéique et inflammatoire. Toutefois, et à la différence du SDRA
aigu, les cellules retrouvées dans le liquide de LBA après exposition à l’hyperoxie sont
principalement d’origine macrophagique. Le macrophage alvéolaire semble d’ailleurs jouer
un rôle central dans la médiation de la toxicité pulmonaire de l’oxygène, dans la mesure où la
déplétion macrophagique améliore la survie des animaux (Berg et al., 1995). Dans les
modèles murins, la mort de souris survient après 40 à 50 heures d’exposition à 100% d’O2. Le
taux de mortalité devient quasiment nul si la fraction inspirée est diminuée à 85% (Crapo et
al., 1980). La sensibilité à l’oxygène diffère selon l’espèce et le statut physiologique des
animaux. Etonnamment, des souris nouvellement nées et d’autres très âgées semblent
présenter une meilleure tolérance. Ceci est à mettre en relation avec l’efficacité de leur
système enzymatique antioxydant (Frank et al., 1978).
ii.
Mise en œuvre pratique
Les modèles d’hyperoxie sont principalement adaptés à l’étude des petits animaux de
laboratoire. Pour ce faire, rats, souris ou lapins sont placés dans une cage à oxygène close de
telle manière à ce que soient obtenus les taux d’O2 et de CO2 fixés par le protocole. Les cages
sont conçues de telle manière à ce que de l’eau et des aliments puissent être ajoutés sans
modifier leur composition interne.
iii.
Avantages et désavantages
Ce modèle est actuellement controversé dans la mesure où chez l’Homme l’exposition
à de hautes fractions en oxygène ne se conclue pas par un ALI. De plus, l’analyse de l’activité
antioxydante d’exsudats de patients atteints de SDRA indiquait la présence en quantité
importante de deux protéines plasmatiques antioxydantes appelées transferrine et
céruloplasmine (Lykens et al., 1992). Celles ci conféreraient un certain effet protecteur contre
l’hyperoxie. Cependant ce modèle reste couramment utilisé et a permis d’adapter la
thérapeutique ventilatoire en médecine humaine et vétérinaire. Pour autant, sa mise en œuvre
demande un équipement à la fois spécialisé et onéreux.
b.
Modèle d’hyperventilation par volo/barotraumatisme
Ce modèle a été construit afin d’évaluer le rôle délétère de la ventilation mécanique
(VM) sur des patients nécessitant une prise en charge respiratoire. Des réglages inadaptés sont
en effet à l’origine du développement de lésions pulmonaires similaires à un ALI. Dans le
cadre du SDRA, la VM aggrave substantiellement l’atteinte pulmonaire pré existante et
assombrit le pronostic du patient. De nombreuses études expérimentales ont donc été réalisées
sur des animaux d’expérimentation afin de proposer une stratégie de ventilation dite
88
protectrice. Ces études ont reçu une validation clinique par la démonstration d’une réduction
de mortalité chez des patients ventilés pour un SDRA, notamment par une baisse du volume
courant (Network ARDS, 2000). Les lésions induites par la VM sont regroupées sous les
termes de volo et de barotraumatisme. Nous ne les développerons pas une nouvelle fois dans
cette partie étant donné que le sujet a préalablement été traité dans la partie « VILI ou
Ventilatory Induced Lung Injury » (se reporter au paragraphe II.A.3.b).
i.
Avantages et désavantages du modèle
L’avantage majeur de ce modèle est sa pertinence clinique, attestée par les
changements survenus en pratique hospitalière secondaires aux conclusions tirées lors des
expérimentations. C’est ainsi le seul modèle qui a abouti à une modification des pratiques
hospitalières, visant à améliorer le statut des patients. Cependant ce modèle se révèle
complexe, difficile à mettre en œuvre du fait des multiples paramètres interdépendants en
ventilation assistée. De nombreux protocoles ont ainsi été nécessaires et ont du être ajustés
jusqu’à l’obtention de résultats significatifs. Le manque de reproductibilité entre les
différentes espèces constitue un autre point négatif. Enfin, l’agression expérimentale est
souvent réalisée sur quelques heures alors qu’en milieu hospitalier la gravité de l’état de
certains patients impose une assistance respiratoire sur plusieurs jours, voire semaines.
C.
Comparaison des modèles de SDRA
Aucun des modèles décrits ci-dessus ne reproduit entièrement les caractéristiques du
SDRA, qu’il soit primaire ou secondaire. Les modèles qui exposent les conséquences
pulmonaires d’un choc septique sont particulièrement utiles pour l’étude des traitements anti
inflammatoires et anti infectieux à envisager dans un futur proche. Une meilleure
compréhension des altérations vasculaires et de la coagulation peut également résulter de leur
exploitation. Le modèle d’agression pulmonaire par acide oléique est très proche du SDRA
sur le plan histologique. Les lésions endothéliales qui en découlent semblent corrélées aux
modifications de l’hémodynamique respiratoire, ce qui en fait un modèle adapté pour
reproduire les anomalies survenant précocement chez l’Homme. L’agression pulmonaire par
acide chlorhydrique induit des lésions épithéliales alvéolaires et inflammatoires superposables
au SDRA, mais sans atteinte endothéliale et vasculaire. Enfin, l’agression par la bléomycine
pourrait être plus indiquée pour l’étude des SDRA tardifs. L’obtention d’une déplétion en
surfactant est le corollaire de ce qui survient au cours de la phase exsudative du SDRA. Le
poumon restant recrutable, ce modèle est souvent couplé à celui de volo/barotraumatisme et
permet ainsi d’étudier l’agression pulmonaire induite par la ventilation mécanique. Les
modèles d’hyperoxie et d’hyperventilation sont les seuls à avoir prouvé leur réelle relevance
en termes d’extrapolation à l’Homme. C’est en effet à la suite des conclusions tirées sur les
dommages causés par de hauts volumes et pression que les pratiques ont pu évoluer en milieu
hospitalier et aboutir à une ventilation protectrice améliorant nettement le pronostic des
patients atteints de SDRA.
Parce que la physiopathologie du SDRA humain n’est pas univoque, de plus en plus
de modèles expérimentaux combinés ont été développés. Ces modèles associent le plus
souvent une agression physicochimique et une agression septique inflammatoire (ex : acide
oléique et endotoxine, acide chlorhydrique et ligature ponction cæcale etc…). Celles ci
agissent le plus souvent de façon synergique sur l’aggravation des lésions pulmonaires.
89
L’annexe 6 apporte une synthèse et une comparaison des différents modèles expérimentaux
de SDRA.
D.
Limites à l’utilisation de ces modèles
Même si certains modèles combinés ont des caractéristiques très similaires à celles du
SDRA, plusieurs éléments peuvent toutefois limiter leur extrapolation en médecine humaine.
Pour des raisons pratiques de conditionnement, les animaux de laboratoire sont souvent de
jeune âge, ce qui limite la transposition des résultats à l’adulte, lequel présente souvent
d’autres pathologies concomitantes (diabète, insuffisance rénale…). De plus, afin d’obtenir
des résultats les plus adéquats possibles, les essais, qui impliquent parfois l’euthanasie des
animaux, doivent être fréquemment répétés. Cela explique pourquoi de jeunes générations de
souris sont utilisées. En outre, les études sont parfois réalisées en ventilation spontanée, soit
parce que la compréhension des dommages causés par la ventilation mécanique ne constitue
pas l’objectif initial soit par souci de simplification du protocole expérimental. Or, la
ventilation mécanique peut être une composante fondamentale d’agression pulmonaire. De
plus, les réglages du ventilateur sont souvent très éloignés de ceux appliqués en pratique
clinique. Pour des raisons évidentes de coût et de reproductibilité, les travaux sont souvent de
courte durée (quelques heures en moyenne), ce qui n’équivaut en rien à la durée d’évolution
du SDRA (plusieurs semaines). Enfin, la prise en charge annexe des animaux est souvent bien
éloignée du support thérapeutique fourni aux patients de réanimation (alimentation, dialyse,
fluidothérapie de soutien, gestion analgésique…). La création d’unités de réanimation
expérimentales est encore au stade de projet mais pourrait permettre de recréer au mieux les
conditions de prise en charge réelles en service de réanimation chez l’Homme. Leur coût
d’activité est assurément un frein à leur fondation.
Les animaux de laboratoire sont maintenus dans des conditions environnementales
extrêmement contrôlées, à l’écart de certains pathogènes environnementaux. Cette protection
iatrogène pourrait affecter les réponses physiologiques à certaines pathologies. L’élevage
permet d’obtenir des lignées animales génétiquement identiques ce qui a l’avantage de rendre
les expérimentations hautement reproductibles. Cependant, cela aboutit à la création de
certains génotypes et phénotypes qui ne sont pas nécessairement pertinents pour
l’extrapolation chez l’Homme.
90
CONCLUSION
Le SDRA est un état de défaillance respiratoire avancée, conséquence commune de
maladies sévères qu’elles soient d’origine pulmonaire ou systémique. Une prise en charge
globale et une adaptation individuelle des réglages du ventilateur constituent les piliers de la
prise en charge. Le suivi doit être pluriquotidien en fonction de l’évolution clinique, des
paramètres hémodynamiques, des lésions tomographiques et de la mécanique ventilatoire de
chaque patient. Du fait cette dernière décennie de l’incidence croissante du SDRA en
médecine humaine et de son pronostic sombre, plusieurs modèles animaux ont été
développés. Ceux-ci ont eu pour but d’élucider les principaux mécanismes pathogéniques du
SDRA pour, par la suite, proposer des solutions thérapeutiques adaptées. Le gold standard
attestant de la validité d’un essai clinique dérivé de travaux expérimentaux est une
amélioration du taux de mortalité en système hospitalier. Ainsi, seules les conclusions tirées
du modèle animal d’hyperventilation par baro/volotraumatisme ont eu une application directe
chez l’Homme, grâce à l’émergence de nouvelles stratégies ventilatoires. À ce jour, la
ventilation protectrice basée sur l’utilisation d’un faible volume courant, d’une PEP et de
MRA adaptées, constitue le traitement de référence du SDRA.
En médecine vétérinaire, le SDRA est de plus en plus reconnu par les cliniciens.
Cependant la faible disponibilité des machines ventilatoires et l’importance des coûts
nécessaires au traitement, en font encore un syndrome sous-traité. Toutefois, quand il peut
être pris en charge à temps, les pratiques découlent de ce qui est admis en médecine humaine.
Des études prospectives sont encore nécessaires pour faire émerger des stratégies claires,
spécifiques aux différentes espèces animales domestiques. Des thérapeutiques d’avenir
existent et devront répondre à trois enjeux majeurs: réduction du taux de mortalité, diminution
de la durée à l’extubation et prévention d’autres dysfonctionnements organiques (Bastarache
et Blackwell, 2009).
Dans le domaine de la recherche, des améliorations sont encore possibles. Les modèles
animaux doivent s’attacher à reproduire au plus près les éléments clés de la pathophysiologie
du SDRA. Pour ce faire l’utilisation concomitante de différents modèles (LPS et ventilation
mécanique à titre d’exemple) doit être réalisée. Des pistes restent à explorer notamment sur
les mécanismes de coagulation et de fibrinolyse de la phase exsudative du SDRA.
91
92
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106
107
108
Annexe 1 : Rapports ventilation/perfusion alvéolaire (V/Q) (d’après Génestal et Anglès,
2010)
109
Annexe 2 : Pathogénie du SDRA et principaux médiateurs impliqués (d’après Bhatia et
Moochhala, 2004).
110
Annexe 3 : Conséquences des mécanismes physiopathologiques du SDRA.
Circulation pulmonaire
Mécanique respiratoire
Echanges gazeux
Vasoconstriction
hypoxique
Compliance
Inégalité V/Q
Shunt intrapulmonaire
CRF
Hypoxémie
Des RVP
Travail des muscles inspiratoires et expiratoires
Hyperventilation
Alcalose respiratoire
HTAP
Anaérobiose
Acidose métabolique
Fatigue, Détresse respiratoire
111
Annexe 4 : Mécanismes à l’origine des lésions pulmonaires induites par la ventilation
(VILI) (d’après Ralfs, 2010).
112
Annexe 5 : Stratégie ventilatoire actuellement admise pour la prise en charge respiratoire de
patients atteints du SDRA (d’après Jaber et al., 2007).
113
Annexe 6 : Comparaison des différents modèles expérimentaux de SDRA (d’après Richard
et Guérin, 2006).
Légendes :
Bléo = bléomycine ; IP = intrapéritonéal ; IV = intraveineux ; IT = intratrachéal ; NA = non applicable, PNN =
polynucléaires neutrophiles ; ND = non disponible ; Mɸ = macrophages ; HTAP = hypertension artérielle
pulmonaire ; ƛ = lymphocytes.
114
115
116
LA PRISE EN CHARGE DU SYNDROME DE DÉTRESSE
RESPIRATOIRE AIGÜE : MODЀLES EXPÉRIMENTAUX ET
APPLICATIONS POUR LA MÉDECINE HUMAINE ET
VÉTÉRINAIRE
NOM et Prénom : VIOLÉ Amandine
RESUME
Le syndrome de détresse respiratoire aigüe (SDRA) est un état de défaillance
respiratoire d’apparition aigüe consécutif à de multiples maladies, pulmonaires ou
systémiques. C’est une entité clinique à part entière en médecine humaine, qui tend à le
devenir en médecine vétérinaire. Actuellement, ce syndrome est encore entaché d’un taux
élevé de mortalité. Le but de cette thèse est de présenter l’importance vétérinaire de ce
syndrome au travers de ses applications cliniques mais également d’aborder la place de la
recherche animale dans la compréhension du SDRA.
Nous présentons dans notre exposé l’ensemble de la physiopathologie du SDRA à la
lumière des différents modèles expérimentaux conduits sur les animaux de laboratoire ces
dernières années. Ces travaux ont permis de mieux appréhender les mécanismes impliqués
dans la genèse du SDRA et les implications qui en découlent, notamment en termes de prise
en charge. Les recommandations thérapeutiques actuelles en médecine humaine et vétérinaire
prônent l’utilisation d’une ventilation mécanique assistée dite protectrice associée à une
pression expiratoire positive et des manœuvres de recrutement alvéolaires. C’est à ce jour le
seul traitement qui a montré son efficacité sur le taux de survie en milieu hospitalier. Il
convient donc d’en maîtriser la mise en œuvre et d’en connaître ses limites. Les perspectives
d’avenir concernant des méthodes thérapeutiques alternatives sont cependant multiples.
MOTS CLÉS : DETRESSE RESPIRATOIRE / PHYSIOPATHOLOGIE /
TRAITEMENT / VENTILATION RESPIRATOIRE / MODELE ANIMAL /
MEDECINE HUMAINE / MEDECINE VETERINAIRE
JURY
Président : Pr. LELLOUCHE
Directeur : Pr. TISSIER
Assesseur : Dr. ZILBERSTEIN
117
MANAGEMENT OF ACUTE RESPIRATORY DISTRESS
SYNDROME : ANIMAL MODELS AND APPROACHES FOR
HUMAN MEDICINE AND VETERINARY MEDICINE
SURNAME : VIOLÉ
Given name : Amandine
SUMMARY
Acute respiratory distress syndrome (ARDS) is a state of acute respiratory failure
provoked by numerous pulmonary or systemic diseases. In human medicine, ARDS is
recognized as a distinct entity. In veterinary medicine, ARDS is sub-diagnosed but more and
more described in veterinary literature. At present time, this syndrome still has a strong
mortality rate and prognosis remains uncertain.
In this presentation, we decipher the physiopathology of this syndrome that has been
understood through numerous animal experimental models. Mechanisms involved in the
genesis of ARDS have been discovered thanks to these trials, as well as its management. A
lung protective ventilation strategy is now recommended and should be instituted with
positive end expiratory pressure and alveolar recruitment maneuvers. This therapeutic strategy
is the only one that has been shown to improve survival rate in hospital. Indeed clinicians
should be aware of the main guidelines and the potential clinical risks. Unproven and newer
investigational therapies may prove their benefits in the future.
KEY WORDS: RESPIRATORY DISTRESS / PHYSIOPATHOLOGY/ TREATMENT/
MECHANICAL VENTILATION/ ANIMAL MODEL/ HUMAN MEDICINE/
VETERINARY MEDICINE
JURY
Président : Pr. LELLOUCHE
Director : Pr. TISSIER
Assessor : Dr. ZILBERSTEIN
118
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