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GUIDE DE
PRATIQUE
CLINIQUE DE
LA SOCIÉTÉ
CANADIENNE
DE PÉDIATRIE
ID 97-03
L’antibiothérapie de l’otite
moyenne aiguë
L
’otite moyenne est l’infection de l’enfance contre laquelle on prescrit le plus d’antibiotiques.
On s’interroge pourtant sur le traitement idéal de l’otite moyenne aiguë (OMA), et les avis
sont partagés au sein du corps médical quant à plusieurs notions fondamentales. Le présent
guide porte sur plusieurs points controversés au sujet du traitement antimicrobien de l’OMA et
présente un avis consensuel à l’égard de chacun d’eux. Il convient de souligner qu’il reste beaucoup à apprendre sur la prise en charge de ce problème courant de l’enfance et que les recherches en cours imposeront peut-être la révision de ces avis dans un avenir rapproché. Ces
recommandations doivent donc être perçues comme provisoires et tributaires de l’état actuel
des connaissances.
Il est difficile d’établir si l’antibiothérapie, par l’interprétation des études publiées, influence
l’issue de l’OMA en raison du taux élevé de guérison spontanée chez les enfants atteints (1). Par
ailleurs, de nombreuses études sont conçues pour démontrer si de nouveaux antimicrobiens
sont aussi efficaces que le traitement conventionnel mais font appel à de petits échantillons.
Pourtant, étant donné le taux élevé de guérison spontanée, seules des études sur vastes échantillons peuvent véritablement prouver que deux interventions différentes sont bel et bien comparables. Ainsi, la documentation publiée ne permet pas vraiment de déterminer la supériorité
d’un antimicrobien par rapport à un autre.
Pour les besoins de ce guide, l’OMA désigne une inflammation soudaine de l’oreille moyenne
associée à un épanchement et à au moins l’un des symptômes suivants : douleur, fièvre et irritabilité. Le diagnostic doit être posé après une otoscopie pneumatique consciencieuse.
LES ANTIBIOTIQUES DEVRAIENT-ILS SERVIR AU TRAITEMENT DE L’OMA?
Le traitement antimicrobien représente l’une des pierres angulaires du traitement de l’OMA,
mais certaines études portent à croire que son utilisation systématique n’est pas indiquée (2-4).
Puisque la majorité des cas d’OMA guérissent spontanément (1), les antimicrobiens peuvent en
effet sembler inutiles. Néanmoins, avant l’ère des antibiotiques, des complications de l’OMA,
telles que la mastoïdite, étaient beaucoup plus courantes qu’elles ne le sont de nos jours (5,6);
cette différence s’explique peut-être par le recours systématique aux antibiotiques. Une métaanalyse récente de 5 400 enfants atteints d’OMA révèle que le traitement antimicrobien accroît le
‹‹ contrôle primaire ›› de 13,7 %, malgré une guérison spontanée dans 81 % des cas (1). Selon
toutes probabilités, il est impossible de prévoir les cas d’OMA qui provoqueront des complications purulentes, et il est tout aussi impossible de distinguer les cas qui nécessitent un traitement antimicrobien de ceux qui guériront spontanément. Il semble donc prudent de soumettre
tous les cas d’OMA à un traitement antimicrobien afin de réduire au minimum les risques de
complications. Il s’agit sans conteste d’un domaine où des recherches plus approfondies s’imposent si l’on veut identifier les patients atteints d’OMA qui ont besoin d’un traitement et ceux
dont l’état s’améliorera spontanément. Certains spécialistes recommandent d’observer l’enfant
de 48 h à 72 h avant d’entreprendre l’antibiothérapie (4). Cette méthode peut être réalisable
chez les enfants de plus de deux ans lorsqu’il est possible de garantir un suivi convenable. La
décision de ne pas prescrire d’antibiotiques dès le départ doit alors être prise de manière ponctuelle.
QUEL ANTIBIOTIQUE REPRÉSENTE LE TRAITEMENT DE CHOIX CONTRE L’OMA?
Les bactéries sont responsables de la majorité des cas d’OMA, et les agents étiologiques les
plus souvent en cause sont le Streptococcus pneumoniae, l’Haemophilus influenzae non typé,
le Moraxella catarrhalis, les streptocoques du groupe A et le Staphylococcus aureus. Les virus
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Guide de pratique clinique de la SCP: ID 97-03
TABLEAU 1 : Le prix d’une antibiothérapie de 10 jours pour un enfant de 10 kg atteint l’otite moyenne aiguë
Coût selon le lieu (en dollars)
Antibiotique
Dose
Fréquence
Vancouver BC
Québec QC
Amoxicilline
125 mg
tid
10,13
11,99
Amoxicilline-clavulanate
125 mg
tid
23,25
27,25
Trimethoprime-sulfaméthoxazole
Érythromicyne-sulfisoxazole
5 cc
bid
9,07
9,43
2,5 cc
qid
19,31
25,72
30,53
Suspension de céfaclor
125 mg
tid
25,32
Céfixime
100 mg
od
25,59
25,07
125 ou 250 mg
bid
23,46
23,45
Céfuroxime axétil
Suspension de cefprozil
125 mg
bid
22,37
22,30
Suspension de clarithromycine
75 mg
bid
33,70
24,37
Jour 1 : 100 mg
Jours 2 à 5 : 50 mg
od
24,42
23,85
Azithromycine†
*Prix total pour le patient, y compris les frais d’ordonnance; prix obtenus dans des pharmacies privées de Vancouver et de Québec; †On recommande une antibiothérapie de
cinq jours dans le cas de l’azithromycine en raison de sa pharmacocinétique unique.
perdure ou s’est compliquée de suppuration. Si le patient
a respecté le traitement prescrit et que les symptômes,
comme la douleur et la fièvre, demeurent, il convient
d’adopter un autre antimicrobien. Les divers agents de
deuxième ligne sont énumérés au tableau 1. Même si les
symptômes d’OMA déjà précisés se résorbent rapidement
grâce au traitement antimicrobien, l’épanchement de
l’oreille moyenne peut se poursuivre jusqu’à trois mois,
malgré la guérison bactériologique (8). Ainsi, la présence
de liquide dans l’oreille moyenne après une antibiothérapie complète ne justifie pas la prolongation ou la reprise
du traitement à l’aide d’un médicament de deuxième ligne.
continuent de déclencher une minorité non négligeable de
cas (7), et l’antibiothérapie ne devrait alors pas influencer
l’issue de la maladie. Étant donné la prévalence croissante de souches productrices de bétalactamase (résistant à la pénicilline) d’H. influenzae et de M catarrhalis,
on s’est interrogé sur l’utilisation systématique d’aminopénicilline (telle que l’amoxicilline) comme antimicrobien
de choix standard en cas d’OMA sans complication. Malgré les préoccupations théoriques au sujet de l’utilité décroissante de l’amoxicilline, ce médicament continue
d’être tout aussi efficace que les autres antimicrobiens
contre l’OMA de l’enfance. En fait, il fonctionne aussi bien
que les agents oraux à large spectre résistant aux pénicillinases contre l’otite moyenne causée par des bactéries
susceptibles ou résistantes à la pénicilline (1). La plupart
des essais comparatifs sur les divers traitements antimicrobiens contre l’OMA n’ont pu démontrer la différence
d’efficacité entre l’amoxicilline et les autres agents. En outre, les antimicrobiens à large spectre stables vis-à-vis des
pénicillinases, plus récents, sont beaucoup plus chers
que l’amoxicilline (tableau 1). Leur utilisation peut également s’associer à un taux relativement élevé d’effets secondaires et favoriser l’émergence des souches de
bactéries aux antibiorésistances multiples. Ainsi, en raison de son excellente ‹‹ performance ›› (contre les infections imputables à des bactéries susceptibles ou
résistantes aux pénicillinases), de son faible prix, de son
innocuité et de son acceptabilité par les patients, l’amoxicilline demeure le médicament de choix contre l’OMA
sans complication.
QUELLE EST LA DURÉE OPTIMALE DU TRAITEMENT
ORAL CONTRE L’OMA?
Étant donné le taux très élevé de guérison spontanée
de l’OMA, il est difficile d’établir la durée optimale du traitement antimicrobien. Par ailleurs, sans évaluation bactériologique (9) et un suivi (accompagné de paracentèses
répétées) convenables, il est impossible d’estimer la réaction au traitement. Il s’est donc révélé difficile d’effectuer
des études assez solides et bien conçues pour établir l’efficacité d’un bref traitement. Les études qui tendent à démontrer une amélioration après cinq ou dix jours de
traitement (10,11) indiquent peut-être simplement que
l’état de la plupart des patients s’améliorera, avec ou sans
traitement. Tant qu’on ne pourra pas prouver sans équivoque l’efficacité d’un bref traitement, les patients devraient être traités pendant 10 jours. L’azithromycine
constitue l’exception à cette directive; en raison de ses caractéristiques pharmacocinétiques uniques, on préconise en effet un traitement de cinq jours.
QUE CONSTITUE UNE RÉACTION RAISONNABLE
AU TRAITEMENT?
QUEL EST LE RÔLE DU TRAITEMENT PAR VOIE PARENTÉRALE CONTRE L’OMA?
Il est raisonnable de prévoir que les symptômes
d’OMA (fièvre, irritabilité et douleur à l’oreille) disparaîtront dans les 72 h suivant le début du traitement antimicrobien. Si les symptômes persistent après cette période,
il faut réévaluer l’enfant afin de déterminer si l’infection
Depuis la découverte des céphalosporines à large spectre à demi-vie prolongée (p. ex. la ceftriaxone), il est possible d’administrer une unidose par voie parentérale. Pour
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des considérations thérapeutiques (soulagement de la
pression et de la douleur) et diagnostiques (récupération
de l’agent étiologique). S’il est impossible de procéder à
une paracentèse, on doit envisager l’administration
d’amoxicilline-clavulanate ou d’un des agents énumérés
au tableau 1. Si l’on procède à une paracentèse, le choix
de l’antibiotique dépend alors de l’agent étiologique et de
la susceptibilité antimicrobienne.
l’instant, peu de données publiées laissent supposer que
le traitement par voie parentérale comporterait un quelconque avantage par rapport au traitement oral conventionnel de dix jours. En outre, l’utilisation de ces agents à
large spectre peut hâter l’émergence d’organismes antibiorésistants. Sauf dans des situations exceptionnelles, il
faut donc éviter le traitement par voie parentérale en cas
d’OMA de l’enfance sans complication. Si l’enfant semble
trop malade pour respecter le traitement oral normal, il
faut envisager la possibilité d’un autre diagnostic et songer à une hospitalisation.
QUEL EST LE MEILLEUR TRAITEMENT CONTRE
L’OMA POUR LES ENFANTS ALLERGIQUES À
LA PÉNICILLINE?
QUELLE EST LE MEILLEUR ANTIMICROBIEN
EN CAS D’ÉCHEC DU TRAITEMENT?
Chez les enfants dont l’allergie à la pénicilline est démontrée, il faut prescrire autre chose que de l’amoxicilline. Il existe un risque de réaction croisée à d’autres
bétalactamines, mais cette réaction se produit rarement,
et le traitement à la céphalosporine constitue généralement une solution sécuritaire. Les agents, ainsi que leur
prix, sont énumérés au tableau 1. Le choix doit dépendre
de divers facteurs, dont le prix, la fréquence des effets secondaires et la tolérance du patient. La triméthoprimesulfaméthoxazole ou l’érythromicyne-sulfisoxazole représentent de bons choix.
Comme on l’a déjà précisé, les symptômes d’OMA (fièvre, irritabilité et otalgie) devraient disparaître dans les
72 h suivant le début du traitement antimicrobien. L’absence de réaction symptomatique à un traitement convenable (avec preuve de compliance) représente un échec
du traitement. La prise en charge optimale de ces patients
est controversée, et on a préconisé plusieurs méthodes (12). On doit envisager une paracentèse, à la fois pour
RÉFÉRENCES
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COMITÉ DES MALADIES INFECTIEUSES ET D’IMMUNISATION
Membres : Docteurs Gilles Delage, directeur scientifique, Laboratoire de santé publique du Québec, Sainte-Anne-de-Bellevue (Québec) (président);
François Boucher, département de pédiatrie, Centre hospitalier universitaire de Québec, Pavillon CHUL, Québec (Québec); Joanne Embree, Winnipeg
(Manitoba); Elizabeth Ford-Jones, unité des maladies infectieuses, The Hospital for Sick Children, Toronto (Ontario); David Speert, chef, unité des
maladies infectieuses et immunologiques, université de la Colombie-Britannique, Vancouver (Colombie-Britannique) (auteur principal); Ben Tan, unité
des maladies infectieuses, Royal University Hospital, université de la Saskatchewan, Saskatoon (Saskatchewan)
Conseillers : Docteurs Noni MacDonald, unité des maladies infectieuses, Hôpital pour enfants de l’est de l’Ontario, Ottawa (Ontario); Victor
Marchessault, Cumberland (Ontario)
Représentants : Docteurs Neal Halsey, université Johns Hopkins, Baltimore (Maryland) (American Academy of Pediatrics); Susan King, unité des
maladies infectieuses, The Hospital for Sick Children, Toronto (Ontario) (Canadian Paediatric AIDS Research Group); David Scheifele, unité des maladies
infectieuses, BC’s Children Hospital, Vancouver (Colombie-Britannique) (Centre d’évaluation des vaccins); Susan Tamblyn, conseil régional de santé de
Perth, Stratford (Ontario) (Santé publique); John Waters, agent de santé provincial, Santé Alberta, Edmonton (Alberta) (Épidémiologie)
Les recommandations du présent guide de pratique clinique ne constituent pas une démarche ou un mode de traitement exclusif. Des variations tenant compte de la situation du patient peuvent se révéler pertinentes.
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