Otite moyenne aiguë de l'enfant (OMA)
par Philippe Reinert
Pédiatre, Hôpital Intercommunal de Créteil.
L'infection de l'oreille moyenne bactérienne ou virale est d'une extrême fréquence
chez l'enfant. Elle est souvent banalisée car, dans plus de 95 % des cas, elle guérit
spontanément.
Cependant, elle peut se compliquer :
- d'emblée en provoquant une mastoïdite, une méningite, une labyrinthite, une
paralysie faciale, voire un abcès du cerveau,
- secondairement, par une lésion chronique du tympan pouvant conduire à la surdité.
I. Physiopathologie
Dans un premier temps, les germes infectent le rhinopharynx, puis vont gagner la
trompe d'Eustache (orifice étroit faisant communiquer le pharynx avec l'oreille
moyenne).
L'inflammation de la trompe l'obstrue et emprisonne les germes dans l'oreille
moyenne.
En dernier lieu, du pus va se former derrière le tympan entraînant douleur et surdité
unilatérales plus ou moins importantes.
À ce stade, quelquefois sous la pression, le tympan va se rompre, entraînant un
écoulement purulent au niveau du conduit auditif externe (la douleur disparaît alors).
D'autrefois, le liquide rétrotympanique va diminuer de volume laissant place à un
liquide stérile épais (la glue) qui caractérise l'otite séreuse chronique, qui entraîne
presque toujours une surdité partielle qui peut durer de quelques jours à quelques
mois.
II. Les germes responsables
Schématiquement, 75 % des otites sont bactériennes et les deux germes dominants
sont le pneumocoque et l'Haemophilus influenzae ; Moraxella catarrhalis est plus
rare.
Tableau clinique
Les symptômes révélateurs de l'OMA peuvent être divisés en trois groupes :
Ceux associés à l'infection virale déclenchante : rhinite, toux, fièvre,
vomissements, diarrhée.
Ceux liés spécifiquement à l'otite : otalgie, irritabilité, hypoacousie, otorrhée,
fièvre.
Ceux qui témoignent d'une complication tuméfaction rétro-auriculaire qui signe
une mastoïdite, conjonctivite, voire méningite.
Attention : 30 % des OMA sont indolores l'examen des tympans doit donc être
systématique chez l'enfant fébrile (surtout le nourrisson).
Il existe une corrélation bactérioclinique pour le pneumocoque et l'Haemophilus :
L'OMA à pneumocoque a souvent un début brutal qui entraîne une fièvre
importante (39 °C) et une douleur vive.
L'OMA à Haemophilus débute progressivement, provoque souvent une
conjonctivite et est peu fébrile.
Ces corrélations permettent relativement de faire le bon choix antibiotique.
III. Examen otoscopique
Trois aspects sont décrits :
Otite congestive : le tympan est rouge et moins transparent.
Otite purulente : le tympan est bombant et d'aspect jaunâtre.
Otite perforée : du pus s'écoule d'une perforation qui siège dans le quadrant
postéro-supérieur.
IV. La recherche des complications
Les OMA se compliquent surtout chez l'enfant dénutri. Comme la fièvre, l'anorexie,
la diarrhée et les vomissements sont souvent provoqués par l'OMA. On comprend
que la première complication à rechercher est la déshydratation aiguë qui peut
ensuite aggraver la dénutrition.
Plus spécifiques sont :
La mastoïdite ostéite du mastoïde proche des méninges. Il faut la redouter car
elle se complique parfois de méningite. On la met en évidence en recherchant
une rougeur ou une tuméfaction douloureuse derrière le pavillon de l'oreille.
La conjonctivite: apanage de l'infection à Haemophilus.
La méningite: pneumocoque et Haemophilus B sont deux grands responsables
des méningites purulentes de l'enfant : devant le moindre signe évocateur
(torpeur, raideur méningée) la ponction lombaire s'impose.
Une paralysie faciale impose une paracentèse en urgence.
V. Traitement
Il faut d'abord lutter contre la fièvre et la douleur par l'aspirine ou le paracétamol,
ensuite mettre en route une antibiothérapie probabiliste.
L'amoxicilline (50 mg/kg en trois prises pendant 8 jours) est efficace sur le
pneumocoque ; malheureusement 10 à 30 % des Haemophilus lui sont résistants
dans la plupart des pays.
L'amoxicilline acide clavulanique (50 mg/kg en trois prises (Augmentin®, Ciblor®)
est efficace sur tous les Haemophilus mais sa tolérance digestive est moyenne et
il est cher.
La pénicilline, les macrolides, les céphalosporines de première génération
(Oracéfal®, Alfatile®) sont peu efficaces sur Haemophilus.
Le cotrimoxazole (Bactrim®, Eusaprim®, Bakekod®), de faible coût, est peu
efficace sur le pneumocoque.
Place de la paracentèse
Pendant longtemps, l'OMA a éconsidérée comme un abcès qu'il fallait inciser :
l'incision étant la paracentèse. Ce geste douloureux n'est maintenant justifié qu'en
cas d'OMA compliquée l'isolement du germe est important pour adapter le
traitement antibiotique.
Pour toute OMA compliquée, une antibiothérapie intramusculaire ou intraveineuse
s'impose. Les céphalosporines de troisième génération (Claforan®, Rocéphine®)
sont les plus efficaces.
Conclusion
Malgré sa fréquence, l'OMA demande de la vigilance car de redoutables
complications (mastoïdite, méningite) peuvent menacer la vie.
Développement et Santé, n° 126, décembre 1996
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