Échec de sevrage et échocardiographie 125
La survenue d’une ischémie myocardique a été documen-
tée au cours de l’épreuve de ventilation spontanée. Elle
est associée à un risque plus élevé de sevrage difficile du
respirateur [6]. L’ETT permet une analyse de la cinétique
segmentaire du VG, au niveau de toutes ses parois et seg-
ment par segment. Réalisée sous ventilation mécanique, elle
peut identifier une cardiopathie ischémique méconnue et
permettre d’anticiper un sevrage du respirateur difficile.
Réalisée en cas d’échec de sevrage du respirateur, l’ETT
peut aider à attribuer la détresse respiratoire aiguë à un
œdème pulmonaire de sevrage (élévation des pressions de
remplissage du VG) et détecter l’apparition ou l’aggravation
d’anomalies de contraction segmentaire en rapport avec la
cardiopathie ischémique qui est à l’origine du problème res-
piratoire. Ces constatations peuvent avoir des répercussions
thérapeutiques immédiates dans la prise en charge d’une
cardiopathie ischémique.
L’ETT peut également révéler l’implication d’une val-
vulopathie en cas de difficulté de sevrage du respirateur.
L’insuffisance mitrale fonctionnelle dynamique, volontiers
rencontrée dans les cardiopathies ischémiques évoluées,
est définie par des changements épisodiques du degré de
régurgitation [26]. La surface de l’orifice régurgitant, déter-
minant principal de la sévérité de l’insuffisance mitrale,
dépend alors de l’influence respective de forces de traction
et de forces de fermeture de la valve qui varient en fonc-
tion des conditions hémodynamiques. La variation brutale
des conditions de charge du VG lors de l’épreuve de venti-
lation spontanée, éventuellement associée à une ischémie
myocardique, peut entraîner la majoration d’une insuffi-
sance mitrale fonctionnelle dynamique. Il s’ensuit alors
une augmentation des pressions de remplissage du VG qui
peut entraîner un œdème pulmonaire de sevrage [10]. Dans
notre expérience préliminaire, les patients insuffisants car-
diaques (fraction d’éjection du VG inférieure à 40 %) qui
échouent à l’épreuve de ventilation spontanée sur tube en
T ont plus souvent une insuffisance mitrale fonctionnelle
sous ventilation mécanique. Chez ces patients, le volume
de la régurgitation mitrale évalué par planimétrie du jet
en Doppler couleur augmente plus au passage en ventila-
tion spontanée que chez les patients qui ne développent pas
d’œdème de sevrage (résultats non publiés). Ces résultats
doivent être confirmés dans une population plus impor-
tante.
L’augmentation du volume télédiastolique du ventri-
cule droit dans le sac péricardique inextensible induit
instantanément une réduction compensatrice du volume
télédiastolique du VG et, par là même, une diminution
de la compliance effective du VG à l’origine d’une éléva-
tion de ses pressions de remplissage [5]. Le rôle de cette
interdépendance ventriculaire dans l’échec d’épreuve de
ventilation spontanée sur pièce en T a été suggéré chez les
patients atteints de BPCO [7]. L’ETT permet l’analyse des
dimensions des cavités droites et l’étude de la fonction du
ventricule droit [27]. Dans une population de patients de
réanimation qui ne comprenait que peu de patients ayant
une BPCO (16 sur 117 patients), nous n’avons pas observé de
variation du rapport des surfaces télédiastoliques des ventri-
cules mesuré dans la vue apicale quatre cavités au moment
de l’épreuve de ventilation spontanée sur pièce en T.
Dans sa forme obstructive, la cardiomyopathie hyper-
trophique peut être à l’origine d’un œdème pulmonaire
de sevrage [28,29]. Un ensemble de mécanismes physiopa-
thologiques complexes (hypertrophie septale, mouvement
antérieur de la valve mitrale et insuffisance mitrale direc-
tionnelle) que seule l’échocardiographie peut identifier
entraînent une augmentation brutale des pressions de rem-
plissage et une chute du débit cardiaque par obstruction
dynamique de la chambre de chasse du VG. Dans cette
situation clinique, les données du cathétérisme droit (aug-
mentation de la PAPO et effondrement de l’index cardiaque)
peuvent orienter à tort vers une dysfonction systolique du
VG et aboutir à un traitement inadapté.
Limites de l’échocardiographie et marqueurs
biologiques
Comme toute méthode d’imagerie, les résultats de
l’échocardiographie dépendent beaucoup de l’expérience
de l’opérateur. L’examen en ETT d’un patient au cours
d’une épreuve de ventilation spontanée est techniquement
difficile et requiert une formation avancée. Dans notre expé-
rience, la faisabilité de l’ETT limitée à la vue apicale quatre
cavités dans cette situation clinique est supérieure à 90 %
lorsque l’examen est pratiqué par un opérateur expérimenté
dans une population comptant peu de patients avec une
BPCO. De plus, de nombreux patients ont un rythme non
sinusal et l’évaluation des pressions de remplissage du VG
par échocardiographie Doppler dans cette situation clinique
est plus délicate [10].
Le dosage de la concentration sérique des peptides
natriurétiques (BNP, NT-proBNP, ANP) est largement dis-
ponible, aisé et reproductible. Ces marqueurs biologiques
pourraient être utiles pour le diagnostic d’une participation
cardiaque à l’échec de sevrage du respirateur [21,30,31].
Cependant, la concentration sérique ne semble pas varier au
cours de l’épreuve de ventilation spontanée [31]. De plus,
un dosage élevé, bien qu’évocateur d’une élévation des
pressions de remplissage du VG, ne permet pas d’identifier
précisément le mécanisme à l’origine de l’œdème pulmo-
naire de sevrage.
Conclusion
L’échocardiographie voit son champ d’application s’élargir
chez le patient en état critique. Elle a aujourd’hui toute sa
place dans l’évaluation des patients en phase de sevrage du
respirateur car elle aide à identifier les patients à risque
d’échec en rapport avec une cause cardiaque, elle per-
met le diagnostic d’œdème pulmonaire de sevrage et elle
informe sur le mécanisme des échecs de sevrage d’origine
cardiaque. Les autres avantages essentiels de l’ETT sont
sa rapidité de réalisation et son caractère strictement non
invasif. Ses principales limites sont liées à la disponibi-
lité d’un opérateur expérimenté et à la qualité des images
obtenues. Le recours au cathétérisme cardiaque droit dans
cette indication devrait désormais être rare. Une approche
combinée pourrait permettre d’identifier les patients à
risque d’œdème pulmonaire de sevrage à l’aide du dosage
sérique des peptides natriurétiques afin de réaliser dans
cette population cible une ETT pour guider au mieux la
stratégie thérapeutique.