Réanimation (2010) 19, 121—126
MISE AU POINT
Apport de l’échocardiographie Doppler chez les
patients à haut risque d’échec de sevrage du
respirateur
Clinical value of echocardiography Doppler in patients at
high risk of weaning failure
J.-B. Amiela,b, P. Vignona,,b,c
aService de réanimation polyvalente, CHU Dupuytren, 2, avenue Martin-Luther-King,
87042 Limoges, France
bCIC-P Inserm 0801, 87042 Limoges, France
cUniversité de Limoges, 87000 Limoges, France
Rec¸u le 6 novembre 2009 ; accepté le 5 janvier 2010
Disponible sur Internet le 20 janvier 2010
MOTS CLÉS
Sevrage ;
Fonction cardiaque ;
Échocardiographie ;
Doppler
Résumé Le passage de la ventilation mécanique en pression positive à la ventilation spontanée
induit des modifications brutales de conditions de charge des ventricules et des phénomènes
physiopathologiques volontiers intriqués qui sont susceptibles d’entraîner un œdème pulmo-
naire de sevrage. Les patients à risque sont principalement, mais pas uniquement, ceux qui
ont une dysfonction systolique du ventricule gauche. Alors que le diagnostic d’œdème pulmo-
naire de sevrage reposait sur la mesure invasive de la pression artérielle pulmonaire d’occlusion
par cathétérisme droit, l’échocardiographie transthoracique semble actuellement une alterna-
tive séduisante qui est rapide à mettre en œuvre et strictement non invasive. Elle permet en
effet d’aider à identifier les patients à risque d’échec de sevrage du respirateur en rapport
avec une cause cardiaque et de confirmer rapidement le diagnostic d’œdème pulmonaire de
sevrage. De plus, elle informe sur le mécanisme des échecs de sevrage d’origine cardiaque.
L’échocardiographie a des limites. L’apport diagnostique dépend largement de la qualité des
images obtenues et un opérateur entraîné doit être disponible, en particulier dans cette indi-
cation. La pertinence clinique de combiner le dosage sérique des peptides auriculaires et
l’échocardiographie pour guider au mieux la stratégie thérapeutique reste à déterminer.
© 2010 Société de réanimation de langue franc¸aise. Publié par Elsevier Masson SAS. Tous droits
réservés.
Auteur correspondant.
Adresse e-mail : [email protected] (P. Vignon).
1624-0693/$ – see front matter © 2010 Société de réanimation de langue franc¸aise. Publié par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
doi:10.1016/j.reaurg.2010.01.007
122 J.-B. Amiel, P. Vignon
KEYWORDS
Weaning;
Cardiac function;
Echocardiography;
Doppler
Summary The transition from positive pressure ventilation to spontaneous ventilation induces
abrupt variations of cardiac loading conditions and multiple pathophysiologic phenomena that
may result in the development of a weaning-induced pulmonary edema. High-risk patients
are predominantly, but not exclusively, those with an underlying left ventricular systolic dys-
function. Although the diagnosis of weaning-induced pulmonary edema has long relied on the
invasive measurement of pulmonary artery occlusion pressure using right heart catheterization,
transthoracic echocardiography recently appeared as a promising alternative, rapid-to-perform
and strictly non-invasive technique. This imaging modality allows helping to identify patients
at high risk of cardiac-related weaning failure and rapidly confirming the diagnosis of
weaning-induced pulmonary edema. In addition, echocardiography provides valuable informa-
tion regarding the mechanism of weaning failure from cardiac origin. Limits of echocardiography
are the availability of an experienced operator in this setting and the requirement of good image
quality to obtain relevant information. The clinical value of combining biological markers such as
circulating natriuretic peptides and echocardiography to optimize the management of patients
who enter the process of weaning from the ventilator remains to be determined.
© 2010 Société de réanimation de langue franc¸aise. Published by Elsevier Masson SAS. All rights
reserved.
Contexte
Le sevrage de la ventilation mécanique reste un problème
fréquent en réanimation. L’échec de sevrage du respira-
teur est généralement défini comme un échec d’épreuve
de ventilation spontanée ou la nécessité d’une réintuba-
tion dans les 48 heures suivant l’extubation. Sur un total
avoisinant 2500 patients inclus dans six études randomisées,
l’incidence de l’échec de sevrage atteignait 31 % [1]. L’échec
de sevrage du respirateur reste grevé d’une morbimorta-
lité lourde, notamment parce qu’il prolonge la durée de
ventilation mécanique [2,3].
L’échec de sevrage du respirateur est polyfactoriel. Il
relève de mécanismes qui intéressent la fonction respira-
toire, cardiaque et neuromusculaire, mais aussi de l’état
nutritionnel, de l’équilibre métabolique et de l’état psy-
chologique du patient. Néanmoins, l’insuffisance cardiaque
congestive est la principale cause d’échec de sevrage du
respirateur [1]. Le passage de la ventilation mécanique en
pression positive à la ventilation spontanée a été décrit
comme un véritable exercice physique [4]. La mise en ven-
tilation spontanée augmente le retour veineux, donc la
précharge des ventricules, et majore la postcharge du ven-
tricule gauche (VG) [5]. La compliance effective du VG
diminue en raison de l’interdépendance ventriculaire et par-
fois de l’apparition d’une ischémie myocardique [6,7]. Ces
différents phénomènes concourent à une élévation des pres-
sions de remplissage du cœur gauche susceptible d’entraîner
un œdème pulmonaire cardiogénique lors de la réalisation
d’une épreuve de ventilation spontanée, souvent appelé
«œdème pulmonaire de sevrage »[5].
Le cathétérisme cardiaque droit a longtemps été
utilisé au cours du sevrage de la ventilation mécanique
pour détecter une élévation de la pression artérielle
pulmonaire d’occlusion (PAPO) qui reflète la congestion
veineuse pulmonaire associée à l’œdème pulmonaire de
sevrage [7]. Néanmoins, la PAPO peut être délicate à
mesurer précisément en présence de grandes variations
de pression intrathoracique, comme celles observées chez
les patients qui ont un effort inspiratoire important [8].
L’échocardiographie Doppler est une alternative qui fournit
des informations anatomiques et hémodynamiques sur
le cœur et les gros vaisseaux [9]. Le but de cette mise
au point est de résumer l’apport diagnostique potentiel
de l’échocardiographie Doppler au cours du sevrage du
respirateur chez les patients hospitalisés en réanimation.
Évaluation de la fonction diastolique et des
pressions de remplissage du ventricule gauche
L’échocardiographie Doppler permet d’identifier une dys-
fonction diastolique du VG, mais aussi d’évaluer de manière
semi-quantitative les pressions de remplissage du VG [10].
La fonction diastolique normale peut être définie comme la
capacité du VG à se remplir jusqu’à atteindre un volume
télédiastolique normal sans élévation de la pression auri-
culaire gauche [11]. La morphologie de l’enveloppe des
vitesses Doppler transmitrales (onde E, onde A et temps
de décélération de l’onde E) est principalement condi-
tionnée par les propriétés diastoliques du VG (relaxation,
phénomène actif et compliance, propriété passive) et
par la variation du gradient de pression auriculoventricu-
laire gauche pendant la diastole [10]. Schématiquement,
l’amplitude et le temps de décélération de l’onde E sont
essentiellement conditionnés par la qualité de relaxation
du VG en protodiastole, alors que l’amplitude de l’onde A
dépend aussi de la compliance du VG (Fig. 1). Une anomalie
de la relaxation du VG (vitesse de relaxation diminuée) se
traduit donc par une diminution de l’amplitude de l’onde
E, une augmentation du temps de décélération de l’onde E
et une augmentation de l’amplitude de l’onde A qui reflète
l’augmentation compensatrice de la contribution auriculaire
au remplissage du VG. En présence d’une dysfonction dias-
tolique, la pression auriculaire gauche augmente afin de
maintenir un gradient de pression transmitral qui permette
le remplissage du VG. Au cours de la progression naturelle
de la dysfonction diastolique, ou sous l’effet d’un traite-
ment qui modifie les conditions de charge du VG [12],le
profil Doppler transmitral se modifie (Fig. 2). La mesure par
Échec de sevrage et échocardiographie 123
Figure 1 Représentation schématique des courbes de pres-
sions des cavités cardiaques gauches au cours de la diastole
et d’un profil de vitesses Doppler transmitrales normal. En
l’absence de valvulopathie mitrale, l’aire sous chaque onde
Doppler dépend des propriétés diastoliques du VG et du gradient
de pression entre l’oreillette et le VG. En début de diastole, un
cœur normal a une relaxation ventriculaire gauche rapide qui
maintient un gradient de pression protodiastolique (aire gris
foncé) suffisant pour assurer la majeure partie de son rem-
plissage. Cela se traduit sur le profil Doppler mitral par une
onde E prédominante. La contraction auriculaire gauche a nor-
malement un rôle minime puisqu’une grande proportion du
remplissage ventriculaire a été effectuée en début de dias-
tole. La traduction sur le profil Doppler mitral est une onde
A télédiastolique (aire gris clair) de faible amplitude. Le temps
de décélération de l’onde E est un autre paramètre qui évalue
indirectement la relaxation du VG. PVG : pression du VG ; POG :
pression de l’oreillette gauche ; TDE : temps de décélération de
l’onde E ; VG : ventricule gauche.
Doppler tissulaire des vitesses de déplacement de l’anneau
mitral enregistre un spectre triphasique qui comprend une
onde systolique et deux ondes diastoliques contemporaines
des ondes E et A (Fig. 3). L’onde protodiastolique Ea (ou E’)
semble être relativement peu influencée par les conditions
de charge et pourrait ainsi refléter la qualité de relaxa-
tion du VG [13]. Sa combinaison avec la vitesse maximale
de l’onde E permettrait de mieux évaluer les pressions de
remplissage du VG et prenant en compte la qualité de sa
relaxation [14].
Les paramètres Doppler les plus robustes pour évaluer les
pressions de remplissage du VG sont l’analyse du profil de
vitesses transmitral et la mesure du rapport E/Ea. Dans une
population de patients de cardiologie en ventilation sponta-
née dont la fraction d’éjection du VG est altérée, un rapport
E/A supérieur à 2 et un temps de décélération de l’onde E
inférieur à 120 ms prédisaient une élévation de la PAPO au-
dessus de 20 mmHg avec une spécificité proche de 100% [15].
Lorsque le profil mitral était différent, un rapport E/Ea supé-
rieur à 15 identifiait une PAPO supérieure à 15 mmHg avec
une sensibilité et une spécificité proches de 90 % [16], alors
que dans une autre étude le même seuil de PAPO était pré-
dit par un rapport E/Ea supérieur à 10 avec une sensibilité
de 97 % et une spécificité de 78 % [14]. Dans une popula-
tion de patients de réanimation sous ventilation mécanique,
un rapport E/A supérieur à 2 indiquait une PAPO supérieure
à 18 mmHg avec une valeur prédictive positive proche de
100 % [17]. Un rapport E/Ea supérieur à 8 identifiait une PAPO
supérieure à 18 mmHg avec une sensibilité de 83 % et une
spécificité de 88 % [18]. Tant en ventilation spontanée que
sous ventilation mécanique, l’échocardiographie Doppler
permet donc d’identifier une augmentation des pressions de
remplissage du VG et d’orienter ainsi la démarche diagnos-
tique face à un tableau d’œdème pulmonaire [11].
Diagnostic de l’œdème pulmonaire de sevrage
Dès les années 1980, l’œdème pulmonaire de sevrage a été
décrit surtout chez des patients ayant une bronchopneu-
mopathie chronique obstructive (BPCO) ou une pathologie
cardiovasculaire [7]. Lors de mise en ventilation sponta-
née sur pièce en T, la PAPO mesurée par cathétérisme droit
augmentait en moyenne de 8 à 25 mmHg de fac¸on contem-
poraine à la dégradation de l’état respiratoire qui imposait
la reprise de la ventilation mécanique [7]. Le monitorage
de la saturation en oxygène du sang veineux mêlé a égale-
ment été proposé afin de documenter une augmentation de
l’extraction tissulaire en oxygène contemporaine de l’échec
de l’épreuve de ventilation spontanée [19].
Depuis les années 1990, le développement de
l’évaluation hémodynamique non invasive par écho-
cardiographie Doppler chez les patients de réanimation
suggère l’intérêt de cette technique dans le diagnostic de
l’œdème pulmonaire de sevrage [20]. La coupe apicale
des quatre cavités cardiaques permet en effet l’acquisition
rapide des paramètres nécessaires à l’évaluation de la
fonction systolique et diastolique du VG et de ses pressions
de remplissage (profil Doppler transmitral, rapport E/Ea).
Lors du passage de la ventilation mécanique à la ventilation
spontanée, le rapport E/A augmente et le temps de décé-
lération de l’onde E diminue de manière contemporaine à
l’augmentation de sécrétion du facteur natriurétique atrial
[21]. Lamia et al. ont récemment étudié les variations des
rapports E/A et E/Ea chez 39 patients qui étaient surveillés
par cathétérisme droit suite à deux échecs préalables
d’épreuve de ventilation spontanée sur tube en T [22].En
cas d’élévation de la PAPO supérieure ou égale à 18 mmHg
(17 patients), l’épreuve se soldait toujours par un échec.
La combinaison à la fin de l’épreuve de ventilation spon-
tanée d’un rapport E/A supérieur à 0,95 et d’un rapport
E/Ea supérieur à 8,5 prédisait une élévation de la PAPO
124 J.-B. Amiel, P. Vignon
Figure 2 Profil Doppler mitral enregistré en échocardiographie transthoracique chez un patient hémodialysé au cours de modifi-
cations de conditions de charge du ventricule gauche (VG). Avant la séance d’hémodialyse, le profil Doppler mitral est apparemment
normal (en haut, à gauche). Après une ultrafiltration de trois litres, le profil Doppler mitral est en faveur d’une anomalie de relaxa-
tion avec une amplitude de l’onde E diminuée, un temps de décélération de l’onde E augmenté et une onde A prédominante (en
haut, à droite). Ce patient avait en fait une dysfonction diastolique du VG secondaire à une cardiopathie ischémique comme en
témoigne la vitesse de déplacement de l’anneau mitral protodiastolique fortement réduite en Doppler tissulaire (en bas, onde E’ à
5 cm/s). En situation basale, l’élévation des pressions de remplissage chez ce patient anurique en hypervolémie masquait l’anomalie
de relaxation du VG sous-jacente. En diminuant les pressions de remplissage, l’ultrafiltration a révélé la dysfonction diastolique.
Figure 3 Vitesses de déplacement de l’anneau mitral enre-
gistrées en Doppler tissulaire (mode pulsé). On identifie trois
ondes principales : une systolique (S) et deux diastoliques (E’
contemporaine de l’onde E et A’ contemporaine de l’onde A).
La vitesse maximale de l’onde E’ semble refléter de manière
plus fidèle que les paramètres Doppler conventionnels la qua-
lité de relaxation du ventricule gauche. Dans le cas présent,
elle est normale (15 cm/s).
(18 mmHg) avec une sensibilité de 82 % et une spécificité
de 91 % [22]. Nous avons récemment étudié 117 patients par
échographie transthoracique (ETT) en aide inspiratoire puis
au terme d’une épreuve de ventilation spontanée sur pièce
en T de 30 minutes ou avant rebranchement au respirateur
en cas d’échec. L’incidence des échecs de sevrage était de
20 % et l’origine cardiaque prédominait largement. Chez
les patients n’ayant pas pu être sevrés du respirateur,
la fraction d’éjection du VG était significativement plus
basse (médianes : 36 % contre 51 % ; p= 0,04), le temps de
décélération de l’onde E était raccourci (médianes : 138 ms
contre 170 ms ; p= 0,07) et le rapport E/Ea était significa-
tivement plus élevé (médianes : 7,0 contre 5,6 ; p= 0,04).
En revanche, le rapport E/A n’était pas discriminant
(médianes : 0,88 contre 0,94 ; p= 0,7).
Identification du mécanisme de l’échec de
sevrage d’origine cardiaque
La dysfonction systolique du VG est un facteur de risque
important d’élévation des pressions de remplissage lors
de l’épreuve de ventilation spontanée [23]. L’ETT permet
d’évaluer simplement et rapidement la fonction systolique
globale et segmentaire du VG [24]. De plus, l’ETT peut attri-
buer la survenue d’un œdème aigu du poumon cardiogénique
à une dysfonction diastolique isolée du VG [11]. Ainsi, chez
38 patients se présentant avec un œdème pulmonaire dans
un contexte de poussée hypertensive, Gandhi et al. ont
montré que la fraction d’éjection du VG restait comparable
entre l’épisode d’insuffisance respiratoire aiguë (avant trai-
tement) et la régression complète de l’œdème pulmonaire
(après traitement et normalisation de la pression artérielle)
[25]. Ce résultat était constaté que la fraction d’éjection du
VG soit normale ou diminuée. De plus, aucune insuffisance
mitrale transitoire n’a été observée. Les auteurs concluaient
donc qu’une dysfonction diastolique transitoire du VG était
probable au cours de l’œdème aigu du poumon associé à une
hypertension artérielle sévère [25]. La dysfonction diasto-
lique du VG semble jouer un rôle dans les échecs de sevrage
des patients qui ont une dysfonction systolique associée. En
revanche, le rôle potentiel d’une dysfonction diastolique
dans la genèse d’un œdème pulmonaire de sevrage chez
les patients ayant une fraction d’éjection du VG conservée
reste à établir. La caractérisation par échocardiographie du
type de dysfonction VG survenant lors de l’œdème pulmo-
naire de sevrage pourrait guider le traitement (traitement
de l’hypertension artérielle en cas de dysfonction diasto-
lique isolée, déplétion hydrosodée en cas de dysfonction
systolique) afin d’augmenter la probabilité de succès de
l’épreuve de ventilation spontanée suivante.
Échec de sevrage et échocardiographie 125
La survenue d’une ischémie myocardique a été documen-
tée au cours de l’épreuve de ventilation spontanée. Elle
est associée à un risque plus élevé de sevrage difficile du
respirateur [6]. L’ETT permet une analyse de la cinétique
segmentaire du VG, au niveau de toutes ses parois et seg-
ment par segment. Réalisée sous ventilation mécanique, elle
peut identifier une cardiopathie ischémique méconnue et
permettre d’anticiper un sevrage du respirateur difficile.
Réalisée en cas d’échec de sevrage du respirateur, l’ETT
peut aider à attribuer la détresse respiratoire aiguë à un
œdème pulmonaire de sevrage (élévation des pressions de
remplissage du VG) et détecter l’apparition ou l’aggravation
d’anomalies de contraction segmentaire en rapport avec la
cardiopathie ischémique qui est à l’origine du problème res-
piratoire. Ces constatations peuvent avoir des répercussions
thérapeutiques immédiates dans la prise en charge d’une
cardiopathie ischémique.
L’ETT peut également révéler l’implication d’une val-
vulopathie en cas de difficulté de sevrage du respirateur.
L’insuffisance mitrale fonctionnelle dynamique, volontiers
rencontrée dans les cardiopathies ischémiques évoluées,
est définie par des changements épisodiques du degré de
régurgitation [26]. La surface de l’orifice régurgitant, déter-
minant principal de la sévérité de l’insuffisance mitrale,
dépend alors de l’influence respective de forces de traction
et de forces de fermeture de la valve qui varient en fonc-
tion des conditions hémodynamiques. La variation brutale
des conditions de charge du VG lors de l’épreuve de venti-
lation spontanée, éventuellement associée à une ischémie
myocardique, peut entraîner la majoration d’une insuffi-
sance mitrale fonctionnelle dynamique. Il s’ensuit alors
une augmentation des pressions de remplissage du VG qui
peut entraîner un œdème pulmonaire de sevrage [10]. Dans
notre expérience préliminaire, les patients insuffisants car-
diaques (fraction d’éjection du VG inférieure à 40 %) qui
échouent à l’épreuve de ventilation spontanée sur tube en
T ont plus souvent une insuffisance mitrale fonctionnelle
sous ventilation mécanique. Chez ces patients, le volume
de la régurgitation mitrale évalué par planimétrie du jet
en Doppler couleur augmente plus au passage en ventila-
tion spontanée que chez les patients qui ne développent pas
d’œdème de sevrage (résultats non publiés). Ces résultats
doivent être confirmés dans une population plus impor-
tante.
L’augmentation du volume télédiastolique du ventri-
cule droit dans le sac péricardique inextensible induit
instantanément une réduction compensatrice du volume
télédiastolique du VG et, par là même, une diminution
de la compliance effective du VG à l’origine d’une éléva-
tion de ses pressions de remplissage [5]. Le rôle de cette
interdépendance ventriculaire dans l’échec d’épreuve de
ventilation spontanée sur pièce en T a été suggéré chez les
patients atteints de BPCO [7]. L’ETT permet l’analyse des
dimensions des cavités droites et l’étude de la fonction du
ventricule droit [27]. Dans une population de patients de
réanimation qui ne comprenait que peu de patients ayant
une BPCO (16 sur 117 patients), nous n’avons pas observé de
variation du rapport des surfaces télédiastoliques des ventri-
cules mesuré dans la vue apicale quatre cavités au moment
de l’épreuve de ventilation spontanée sur pièce en T.
Dans sa forme obstructive, la cardiomyopathie hyper-
trophique peut être à l’origine d’un œdème pulmonaire
de sevrage [28,29]. Un ensemble de mécanismes physiopa-
thologiques complexes (hypertrophie septale, mouvement
antérieur de la valve mitrale et insuffisance mitrale direc-
tionnelle) que seule l’échocardiographie peut identifier
entraînent une augmentation brutale des pressions de rem-
plissage et une chute du débit cardiaque par obstruction
dynamique de la chambre de chasse du VG. Dans cette
situation clinique, les données du cathétérisme droit (aug-
mentation de la PAPO et effondrement de l’index cardiaque)
peuvent orienter à tort vers une dysfonction systolique du
VG et aboutir à un traitement inadapté.
Limites de l’échocardiographie et marqueurs
biologiques
Comme toute méthode d’imagerie, les résultats de
l’échocardiographie dépendent beaucoup de l’expérience
de l’opérateur. L’examen en ETT d’un patient au cours
d’une épreuve de ventilation spontanée est techniquement
difficile et requiert une formation avancée. Dans notre expé-
rience, la faisabilité de l’ETT limitée à la vue apicale quatre
cavités dans cette situation clinique est supérieure à 90 %
lorsque l’examen est pratiqué par un opérateur expérimenté
dans une population comptant peu de patients avec une
BPCO. De plus, de nombreux patients ont un rythme non
sinusal et l’évaluation des pressions de remplissage du VG
par échocardiographie Doppler dans cette situation clinique
est plus délicate [10].
Le dosage de la concentration sérique des peptides
natriurétiques (BNP, NT-proBNP, ANP) est largement dis-
ponible, aisé et reproductible. Ces marqueurs biologiques
pourraient être utiles pour le diagnostic d’une participation
cardiaque à l’échec de sevrage du respirateur [21,30,31].
Cependant, la concentration sérique ne semble pas varier au
cours de l’épreuve de ventilation spontanée [31]. De plus,
un dosage élevé, bien qu’évocateur d’une élévation des
pressions de remplissage du VG, ne permet pas d’identifier
précisément le mécanisme à l’origine de l’œdème pulmo-
naire de sevrage.
Conclusion
L’échocardiographie voit son champ d’application s’élargir
chez le patient en état critique. Elle a aujourd’hui toute sa
place dans l’évaluation des patients en phase de sevrage du
respirateur car elle aide à identifier les patients à risque
d’échec en rapport avec une cause cardiaque, elle per-
met le diagnostic d’œdème pulmonaire de sevrage et elle
informe sur le mécanisme des échecs de sevrage d’origine
cardiaque. Les autres avantages essentiels de l’ETT sont
sa rapidité de réalisation et son caractère strictement non
invasif. Ses principales limites sont liées à la disponibi-
lité d’un opérateur expérimenté et à la qualité des images
obtenues. Le recours au cathétérisme cardiaque droit dans
cette indication devrait désormais être rare. Une approche
combinée pourrait permettre d’identifier les patients à
risque d’œdème pulmonaire de sevrage à l’aide du dosage
sérique des peptides natriurétiques afin de réaliser dans
cette population cible une ETT pour guider au mieux la
stratégie thérapeutique.
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