
Évaluation
Après chirurgie cardiaque, les opérés sont dirigés directe-
ment en réanimation ou en salle de surveillance post-
interventionnelle (SSPI). Si le patient est extubé et cons-
cient, l’évaluation de la douleur se fait par une méthode
d’auto-évaluation, utilisant soit une réglette (Échelle Vi-
suelle Analogique, EVA), soit plus souvent une échelle
numérique simple (0 = absence de douleur, 10 = douleur
maximale imaginable). Les valeurs doivent être notées sur
la pancarte de surveillance comme tout autre paramètre
vital, à intervalles réguliers et après chaque administration
d’antalgique. Le contrôle de la douleur est une des condi-
tions de sortie de SSPI.
Lorsque le patient est encore sous l’effet de l’anesthésie,
l’évaluation est essentiellement comportementale : aspect
du visage, manifestation d’agitation, profil hémodynami-
que. Il n’existe pas encore d’outil parfaitement validé de
mesure de la douleur chez ces patients. La sédation est
poursuivie jusqu’au réchauffement du patient et à l’obten-
tion d’une hémodynamique stable. L’apparition de la dou-
leur est prévenue par l’administration de morphine sous-
cutanée ou intraveineuse (IV).
Moyens antalgiques
Le soulagement de la douleur postopératoire ne se limite
pas à la prescription de médicaments antalgiques. Il com-
prend également les moyens non médicamenteux que sont
le confort de l’opéré par une bonne installation, un position-
nement sans tension des sondes et drains, et la mobilisation
indolore précoce.
Trois méthodes sont pratiquées pour l’antalgie médicamen-
teuse postopératoire :
–l’administration d’antalgiques par voie intraveineuse et
particulièrement l’autoadministration de morphine par
voie IV,
–l’administration régionale d’anesthésiques locaux,
–l’antalgie par voie périmédullaire.
L’antalgie par voie IV est la plus commune. Elle associe
des antalgiques non morphiniques (paracétamol injectable,
Néfopam, Acupan
®
) à des morphiniques. Lorsque le pa-
tient est maintenu sédaté pour ventilation mécanique, les
morphiniques les plus utilisés sont le sufentanil et la mor-
phine. Toutefois l’emploi, tout comme au bloc opératoire,
d’un morphinique rapidement métabolisé comme le rémi-
fentanyl (Ultiva
®
), est proposé par certaines équipes en
veillant à un relais précoce par la morphine pour éviter un
état hyperalgique. Lorsque le patient est conscient, en ven-
tilation spontanée, la méthode de choix est l’autoadminis-
tration de morphine (PCA) dont les réglages habituels sont
des bolus de 1 mg toutes les 5 minutes. La PCA est débutée
après une « titration » en morphine permettant d’atteindre
un taux de morphine suffisant pour obtenir une antalgie qui
sera ensuite auto-entretenue.
Les anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS) injectables
utilisés dans ce cadre sont le kétoprofène (Profénid
®
) pour
les AINS non sélectifs et le parécoxib (Dynastat
®
) pour les
AINS inhibiteurs sélectifs de la cox-2. Leur emploi après
chirurgie cardiaque doit être très prudent du fait d’effets
délétères possibles sur la fonction rénale d’un patient à
l’hémodynamique instable.
L’administration régionale d’anesthésiques locaux est très
utile car n’ayant que peu de retentissement sympathicolyti-
que et permettant de réduire les morphiniques par voie
systémique. Les deux techniques les plus employées sont
les blocs intercostaux réalisés en fin d’intervention et le
bloc paravertébral avec mise en place d’un cathéter qui peut
être placé chirurgicalement en fin d’intervention. Ce der-
nier bloc est particulièrement indiqué en cas de thoracoto-
mie latérale. Le bloc intrapleural n’est plus recommandé du
fait de la présence des drains thoraciques modifiant la
résorption des anesthésiques locaux. L’anesthésique local
maintenant le plus répandu est la ropivacaïne (Naropeine
®
à 0,2 %) de longue durée d’action (8 heures) et peu cardio-
toxique aux posologies habituelles.
L’antalgie par voie périmédullaire correspond à l’adminis-
tration de morphine intrathécale directement dans le liquide
céphalorachidien à la dose de 0,5-1 mg, procurant une
antalgie d’environ 20 heures. Les effets secondaires sont
une dépression respiratoire tardive (après la 12
e
heure) et
une rétention d’urines, qui sont de peu de conséquences
pour les patients séjournant en réanimation. Des nausées et
un prurit peuvent également survenir.
L’autre technique d’antalgie périmédullaire est la péridu-
rale thoracique réalisée par ponction d’un espace entre T4
et T6 et introduction d’un cathéter dans l’espace péridural
pour une antalgie prolongée par l’administration d’anesthé-
siques locaux. Cette technique est la plus efficace pour la
réduction des douleurs postopératoires après thoracotomie.
Elle pose néanmoins le risque d’hématome périmédullaire
chez un patient ayant des troubles de la coagulation (anti-
coagulation, thrombopénie).
Quelques patients restent hyperalgiques en postopératoire
malgré une antalgie a priori bien conduite. Outre la pré-
sence d’une complication à rechercher systématiquement,
il existe des facteurs favorisants : douleur préopératoire
intense et prolongée, prise antérieure d’opiacés, addiction à
des stupéfiants ou au cannabis, pathologie psychiatrique.
Le médicament de choix est alors la kétamine (Kétalar
®
),
anesthésique général dissociatif utilisé pour son effet blo-
queur de la transmission de la douleur à des doses beaucoup
plus réduites que pour l’anesthésie générale (0,3 mg/kg par
STV, vol. 17, n° 2, février 2005 95
Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 25/05/2017.