livre blanc #3 - David Suzuki Foundation

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En quoi la reconnaissance constitutionnelle du droit à un environnement sain et son devoir corollaire de
protéger l’environnement pourront-ils servir à changer concrètement les choses au Canada? Ce
troisième livre s’inspire de l’expérience observée dans divers pays pour envisager des changements de
portée générale ou des améliorations systématiques – lois plus strictes, obstacles à d’éventuels reculs
législatifs, application plus rigoureuse des lois en vigueur et importance aux réformes fiscales
écologiques (écofiscalité). Nous nous pencherons également sur des exemples concrets de l’effet
d’une reconnaissance constitutionnelle des droits et obligations en matière d’environnement sur
l’amélioration de la qualité de l’air, le nettoyage des sites hautement toxiques, la salubrité de l’eau
potable, et la feuille de route du Canada en matière de réchauffement climatique et de protection de la
biodiversité.
Lois plus rigoureuses en matière de protection de l’environnement
La reconnaissance constitutionnelle du droit à un environnement sain donne un solide coup d’envoi au
resserrement par les gouvernements de leurs lois sur l’environnement. De fait, dans 80 des 98 états
ayant inscrit ce droit dans leur constitution, les lois en matière d’environnement ont été révisées et la
protection de l’environnement, resserrée. Dans certains cas – Argentine, Portugal, Philippines et
Afrique du Sud –, c’est toute l’approche en matière de gouvernance environnementale qui s’est
transformée, passant de la simple tentative de minimiser les dégâts à une approche proactive assurant
le droit à un environnement sain.
Prévention des reculs de la réglementation environnementale
Dans plusieurs pays où le droit à un environnement sain est inscrit dans la constitution – Belgique,
France, Hongrie, par exemple –, les législatures ne peuvent plus édulcorer leurs propres règles de
protection de l’environnement. Si le Canada reconnaissait dans sa constitution le droit à un
environnement sain, il ne serait plus possible chez nous de procéder à des gestes antidémocratiques
tels que ceux qui ont mené à l’affaiblissement de la Loi canadienne d’évaluation environnementale, de la
Loi canadienne sur les pêches, de la Loi sur la protection des eaux navigables et de tant d’autres lois et
règlements provinciaux sur l’environnement.
Application de la législation environnementale
L’expérience que l’on observe dans nombre de pays démontre que l’inscription dans la constitution de
droits et obligations en matière d’environnement favorise une mise en œuvre et une application plus
rigoureuses des lois et politiques environnementales. On constate en effet que des ressources accrues
y sont allouées, que les citoyens s’engagent davantage et que le nombre de poursuites augmente. Le
Brésil est un très bon exemple de ce phénomène – les amendements constitutionnels adoptés en 1988
ont mené à un resserrement spectaculaire de l’application de la réglementation environnementale. Il
est donc bien probable que la reconnaissance constitutionnelle des droits et obligations
environnementales au Canada aurait pour effet d’intensifier notablement l’application de la législation
en ce domaine.
Écofiscalité
Dans les pays dont la constitution reconnaît le droit à un environnement sain et le devoir de l’État de
protéger l’environnement, l’écofiscalité bénéficie d’un appui sensible. Cet appui s’affirme parfois de
manière explicite comme au Portugal, dont la constitution exige du gouvernement que « sa politique
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fiscale rende le développement compatible avec la protection de l’environnement et la qualité de vie ».
Ailleurs, le droit à un environnement sain a servi à repousser les attaques contre les écotaxes
prétendant que de telles taxes portent atteinte aux droits de propriété ou débordent du champ des
compétences d’un gouvernement donné.
Lutte à la pollution de l’air
Les pays riches et industrialisés qui ont reconnu constitutionnellement les droits et obligations en
matière d’environnement ont mené une lutte plus efficace contre la pollution de l’air. Par exemple, les
émissions d’oxyde d’azote ont baissé dix fois plus rapidement dans ces pays qu’ailleurs où de telles
dispositions sont absentes de la constitution. On a vu plus d’une fois de nouvelles dispositions
constitutionnelles susciter la promulgation ou le resserrement de lois et règlements en matière de
qualité de l’air. La reconnaissance constitutionnelle du droit à un environnement sain au Canada
contribuerait certainement à l’adoption de normes sur la qualité de l’air rigoureuses et ayant force
contraignante, ce qui favoriserait la santé humaine et environnementale.
Capacité d’action en matière de pollution industrielle et de zones toxiques
La reconnaissance du droit à un environnement sain au Canada pourrait contribuer à une meilleure
qualité de vie des citoyens exposés à des volumes disproportionnés de produits polluants. De fait, le
Canada compte un certain nombre de zones hautement toxiques – Sarnia, haut lieu de production de
produits chimiques, les étangs de goudron de Sydney, Fort Chipewyan, Hamilton, Uranium Lake, et
Boat Harbour. Dans plusieurs pays – Costa Rica, Espagne, Italie, Inde, Philippines, Colombie, Brésil,
Thaïlande et Russie –, les citoyens ont réussi à forcer les gouvernements et entreprises à nettoyer les
lieux à forte concentration de polluants en brandissant leur droit constitutionnel à un environnement
sain, ce qui s’est traduit par des lois plus strictes, des normes plus rigoureuses et une application plus
concrète de la réglementation.
Nettoyage et restauration des Grands Lacs
Depuis près de 40 ans que cela dure, les projets de nettoyage et de restauration des Grands Lacs sont
ressortis des placards pour être ensuite abandonnés de nouveau, ce qui fait que les défis d’aujourd’hui
sont immenses à cet égard. On a vu récemment en Argentine et aux Philippines, deux pays nettement
moins riches que le Canada, des projets qui démontrent bien le pouvoir réel d’un droit constitutionnel à
un environnement sain à induire des progrès remarquables en matière de nettoyage d’écosystèmes
pollués. Ainsi en Argentine et aux Philippines, forts de leur droit constitutionnel de vivre dans un
environnement sain, des citoyens ont réussi à faire établir la responsabilité du gouvernement et, dans
les deux pays, la Cour suprême a ordonné à divers paliers gouvernementaux de mettre au point et en
œuvre de vastes programmes de nettoyage, de restauration et de prévention de la pollution. Par
exemple, la Banque mondiale a déjà autorisé un financement de 2 milliards de dollars US pour le projet
de développement durable du bassin Riachuelo en Argentine; selon la Banque elle-même, ce
financement doit aider les instances concernées à se conformer à l’ordre de la Cour suprême.
De l’eau potable pour tous les Canadiens
Le droit à un environnement sain, c’est également l’accès à de l’eau potable saine. En Afrique du Sud, la
reconnaissance constitutionnelle du droit à l’eau a eu une incidence marquée sur les lois et politiques
sur l’eau, a favorisé des investissements de taille en infrastructures, et a contribué à étendre à 10
millions de Sud-Africains – essentiellement noirs et pauvres – l’accès à l’eau potable sur une période de
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10 ans. Nelson Mandela a dit de l’accès étendu à une eau potable saine pour des millions de SudAfricains était l’une des plus grandes réalisations de la démocratie dans ce pays.
Or en 2013 au Canada, plus de 100 communautés des Premières Nations ont dû faire bouillir leur eau
de consommation courante. Pire encore, des milliers de personnes des Premières Nations vivent dans
des maisons sans eau courante, sans toilette. La reconnaissance constitutionnelle du droit à un
environnement sain servirait sans doute à pousser les gouvernements canadiens à traiter l’absence
d’eau potable saine dans les communautés autochtones comme une réelle crise – ce qu’elle est – et à
investir dans les infrastructures, de la formation à l’intention des opérateurs de systèmes et
l’établissement de normes ne permettant plus de traiter les Autochtones comme des citoyens de
deuxième classe. Tous les Canadiens bénéficieraient de la promulgation de normes nationales
exécutoires en matière de qualité de l’eau potable.
Émissions de gaz à effet de serre
Les pays riches et industrialisés dont la constitution reconnaît les droits et obligations en matière
d’environnement affichent une bien meilleure feuille de route en ce qui touche au contrôle des
émissions de gaz à effet de serre. De fait, les pays qui ont émis le projet d’atteindre le degré carbone
zéro et ont entrepris les démarches dans cette direction – Norvège, Costa Rica et Suède, notamment –
ont tous une constitution comprenant des dispositions environnementales.
Forage en mer
L’industrie pétrolière et gazière est en plein essor dans l’Est du Canada, et en expansion en Arctique.
Les pays qui ont reconnu le droit constitutionnel à un environnement sain ont également une approche
plus rigoureuse en matière d’exploration pétrolière et gazière en mer. Par exemple, en raison des
préoccupations d’ordre environnemental, la Cour constitutionnelle du Costa Rica a annulé les
autorisations qu’avait obtenues une grande société pétrolière qui souhaitait mener des projets
d’exploration pétrolière et gazière en mer. Au Brésil et en Norvège, la mise en valeur pétrolière et
gazière en mer est régie par des règles beaucoup plus strictes qu’au Canada ou aux États-Unis.
Conservation de la biodiversité
Au Canada, lorsque les intérêts économiques se heurtent aux intérêts de la biodiversité, ce sont
généralement les premiers qui l’emportent. Les états dont la constitution reconnaît le droit à un
environnement sain arrivent à trouver un meilleur équilibre. Ainsi le Costa Rica et l’Espagne, par
exemple, ont adopté des lois très rigoureuses pour protéger des écosystèmes et des espèces menacés
contre les activités humaines dommageables, reconnaissant ainsi la valeur intrinsèque de la nature. En
Europe, les tribunaux ont joué un rôle important de protection de la biodiversité en s’appuyant sur le
droit à un environnement sain. Parmi les exemples de telles mesures de protection, mentionnons la
protection de lacs contre le développement, l’annulation de projets de privatisation de forêts, la
protection des habitats d’espèces menacées de salamandres, la protection de diverses espèces
d’oiseaux et de leur habitat, et le rejet de grands projets de déviation de cours d’eau. Selon les
expériences que l’on observe dans divers pays, on peut penser que la reconnaissance du droit
constitutionnel à un environnement sain au Canada pourrait aider à la survie et à la reconstitution des
populations de nombreuses espèces menacées, de la tortue de mer au caribou des bois.
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Conclusion
Le droit constitutionnel à un environnement sain n’est certes pas la panacée qui règlera tous les enjeux
environnementaux auxquels nous sommes confrontés ici, au Canada. Cela étant, les exemples
présentés dans ce document, inspirés de l’expérience de divers pays, démontrent bien que ce droit est
un outil puissant dont nous pourrions user à notre tour pour enfin joindre le geste à la parole en ce qui
touche à notre environnement.
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