La construction du TAFTA : une mythologie ancienne Le TAFTA

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La construction du TAFTA : une mythologie ancienne
Le TAFTA prend naissance dans la pure tradition de pensée néolibérale qui domine
aujourd’hui le monde économique. Cette pensée libérale, qui prend racine avec les Lumières
et le 18ème siècle anglais, est construite sur un certain nombre de postulat théorique, qui ont
été érigés au fil des années en grandes vérités (l’objet de la science économique est par
conséquent de découvrir les lois naturelles régissant l’économie). Or, on peut parler de
vraie mythologie concernant les hypothèses de base de la pensée néolibérale. Concernant le
TAFTA, on a identifié 4 postulats qui soutiennent la mise en place de ce traité de libreéchange.
1/ Le marché
Le marché, dans la pensée libérale, est facteur de progrès social, de bien-être. Si on laisse
fonctionner le marché librement (c’est-à-dire sans intervention extérieure, sans intervention
de l’Etat) alors il atteint ce qu’on qualifie d’équilibre général. L’équilibre général correspond
à l’équilibre entre l’offre et la demande sur tous les marchés : donc pas de chômage (si ce
n’est volontaire), des prix des biens et des salaires optimaux etc…
Cet état d’équilibre général peut être atteint selon les néoclassiques si on respecte 5 conditions
de Concurrence Pure et Parfaite :
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Atomicité : nombre d’acheteur et de vendeur très grand (pas de monopole)
Homogénéité des produits : tous les biens doivent être semblables et de qualité
identique (si qualité supérieure, c’est un autre marché)
Libre entrée et sortie sur le marché : toute firme doit pouvoir entrer sur le marché si
elle le souhaite (donc pas d’entrave administrative, pas de protectionnisme, ou pas de
refus de la concurrence de la part des autres firmes).
Libre circulation du capital et du travail
Transparence de l’information
Enfin, dans la conception libérale, le marché est naturel et à la base de toute société.
2/ L’individu
L’un des postulats de base de l’école néoclassique est l’Homo oeconomicus. C’est donc un
individu rationnel, qui prend en chaque instant la meilleure décision et qui dispose en tout
temps de toute l’information. La vie des individus est alors déterminée par cette rationalité et
par le calcul coût-avantage : le travail est un arbitrage entre revenu et loisir, la consommation
est un arbitrage entre besoin physique et épargne…
3/ Le commerce
Les Hommes ont toujours eu tendance à l’échange mais l’échange marchand est valorisé. Le
commerce est positif pour l’Homme et l’humanité. C’est le « doux commerce » de
Montesquieu qui pacifie et enrichit les Hommes. Mais il faut bien une théorie qui justifie la
suprématie du commerce marchand et le jeu à somme positive que représente le commerce.
On trouve la justification théorique du commerce comme créateur de richesse dans la théorie
des avantages absolus d’Adam Smith. Ainsi, chaque pays a intérêt à se spécialiser dans la
production pour laquelle il dispose des plus grands avantages (en gros la production qui lui
coûte le moins cher !) et il doit importer le reste. Le problème de cette théorie est qu’elle
exclut certains pays du commerce international. Ne pouvant accepter cette idée, les
économistes libéraux, Ricardo en tête, propose alors une théorie des avantages
comparatifs. Chaque pays doit ainsi se spécialiser là où il est le moins mauvais même si
d’autres pays sont meilleurs que lui. Ainsi, tous les pays ont intérêt à commercer entre eux. Le
commerce devient créateur de richesse pour tous, c’est un jeu à somme positive.
Le développement moderne de cette théorie est la théorie HOS. Ici, et c’est la théorie
dominante actuellement en commerce international, chaque pays se spécialise en fonction de
ces dotations en facteurs travail ou capital. Par exemple, la Chine dispose de beaucoup de
travailleurs à faible coûts, elle doit donc se spécialiser dans les produits à faible valeur
ajoutée. La France au contraire, dispose de beaucoup de capital et doit donc se spécialiser
dans les produits à forte valeur ajoutée.
Par conséquent, le marché est central et doit s’étendre au monde. On trouve ici une autre
base du modèle néolibéral : l’ouverture des frontières et l’extension des marchés est
créateur de croissance économique.
4/ La concurrence
Le monde doit fonctionner sur un modèle de concurrence. En effet, la concurrence éclate le
marché en plein de petits producteurs afin que les firmes ne puissent plus décider des prix. La
justification de la concurrence est centrée sur le bien être des consommateurs : c’est lui,
par le mécanisme de l’offre et de la demande qui influence les prix.
Par ailleurs, la concurrence fait baisser les prix. La concurrence justifie alors la suprématie
de l’offre. En effet, la recherche de la baisse des prix augmente la compétitivité des
entreprises et donc l’offre.
Voilà grosso modo ce qui fonde et justifie la pensée néolibérale et qui est la base du TAFTA.
Mais le problème, c’est que ces théories sont depuis longtemps dépassées ou totalement
fausses. Il faut faire donc un travail de démystification et un travail d’information. Ce qu’on
va tenter de faire maintenant sur les 4 postulats évoqués.
1/ Sur le marché
L’équilibre général n’existe pas, il n’est que théorique. D’ailleurs les bases de l’équilibre
général ont été théorisées par Léon Walras dont la pensée à été largement détournée. En effet,
de son œuvre majeure « Elément d’économie politique pure », on ne retient que le premier
tome qui propose l’autorégulation des marchés. Or, dans le tome 2 (Economie politique
appliquée) et surtout le tome 3 (Economie sociale) Walras nous dit bien que le tome 1 est une
vision théorique de l’économie, ce qu’elle serait dans un monde idéal, sans frottement. Or, il
nous dit bien qu’un tel monde n’existe pas et qu’il faut donc une régulation étatique des
activités économiques. D’ailleurs Walras se déclarait lui-même comme étant socialiste !
Les conditions de concurrence pure et parfaite ne peuvent pas s’appliquer.
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Si on prend par exemple la libre circulation des Hommes, même les plus libéraux de
nos politiques s’y opposent aujourd’hui ! Il n’y a qu’à voir ce qu’on à fait avec les
Roms qui sont pourtant des citoyens européens et que l’on a empêchés de travailler !
Si on laissait faire complètement le marché, ce serait un retour sur toutes les luttes
sociales : plus de SMIC, plus de couverture santé etc… On aurait une explosion des
inégalités voire une révolution ! (précepte de Hayek)
Sur la libre entrée et sortie sur le marché, on peut prendre l’exemple de l’entrée de
Free sur le marché de la téléphonie ! Les autres opérateurs et même l’Etat s’y sont
opposés !
Dans l’histoire, on a une instabilité chronique du marché. Attention, ce n’est pas la trop
grande régulation étatique (comme les libéraux le prétendent) qui a amené les crises mais
c’est bien la dérégulation : les subprimes avec la dérégulation des marchés financiers ; la
« crise de la dette » avec le financement quasi-obligatoire sur les marchés financiers.
Si on s’appuie sur les travaux de l’anthropologie et de la socio-économie, le marché apparait
comme une construction sociale et humaine, il a besoin de normes et de règles,
historiquement il n’est qu’une parenthèse : Braudel, Polanyi…
2/ Sur l’individu
L’individu rationnel n’existe pas. Il sert aux calculs d’équation de comportement mais c’est
tout. Keynes avait très bien compris cela puisqu’il place toute sa théorie dans un cadre
d’incertitude. On ne connait pas l’information, on l’anticipe. C’est l’exemple de Tétris ! Ou
avec Stiglitz et l’information imparfaite.
Donc si on veut que le marché s’autorégule, il faut que les individus soient rationnels et vis et
versa donc ça ne tient pas !
3/ Sur le commerce
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Toutes les théories de la spécialisation ont été remises en cause courant XXe siècle
avec ce que Krugman notamment appelle le commerce intra-branche : la majorité
des flux commerciaux se font entre pays similaires en termes de richesses et sur les
mêmes types de produits. D’ailleurs, on veut signer un accord de libre-échange avec
les USA alors que 70% du commerce de l’UE se fait entre pays européens !
Il ne faut pas oublier que le libre-échange actuel est très récent. Il date des années
70’s. Or, pendant tout le XIXe siècle et de 45 à 70, on était dans un monde régulé,
protectionniste, très peu libre-échangiste.
Pour le XIXe siècle, on retient souvent l’image de l’Angleterre libre-échangiste
dominant le monde. Or, Bairoch nous dit que le XIXe siècle est « un océan
protectionniste cernant quelques ilots libre-échangistes ». On peut même ajouté
que ce sont les pays qui se sont le plus protégés qui ont connus les plus fort taux de
croissance. De plus, on était dans un monde très protectionniste mais cela n’a pas
empêché l’ouverture commerciale, les échanges entre pays etc… Mais c’étaient des
échanges régulés.
Il faut garder à l’esprit que le libre-échange « négocié » depuis les 70’s prend les
mêmes formes que le protectionnisme « négocié » du XIXe siècle. Donc tout est
possible !
Pour conclure, on peut donner deux chiffres concrets qui résument bien les enjeux du
TAFTA :
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Les experts de la commission européenne ont estimé un gain de croissance pour l’UE
de l’ordre de 0.01% à 0.05% par an sur 10 ans ! Autant dire rien du tout ! Donc la
logique du TAFTA n’est pas à chercher dans l’amélioration de la croissance
économique.
On peut prendre comme exemple l’ALENA pour estimer les retombées économiques
des accords commerciaux de libre-échange. Or, aux USA, suite à cet accord avec le
Canada et le Mexique, il y a eu 900 000 destruction d’emplois…
4/ Sur la concurrence
On peut faire une critique interne à la théorie néolibérale : la concurrence ne fait pas
forcément baisser les prix. En effet, la concurrence pousse les firmes à être les plus
compétitives par rapport aux autres et donc à vouloir s’affaiblir mutuellement pour mieux
se racheter. On le voit aujourd’hui avec Alstom. Donc cette concurrence pousse les firmes à
se racheter. On est donc dans un mouvement de concentration, de monopolisation du monde,
d’entente (Opérateurs mobiles en France) qui annule d’elle-même la concurrence et donc la
baisse des prix. C’est un peu l’analyse Marxiste du capitalisme qui s’autodétruirait de luimême.
On peut aussi faire une critique externe : face à la concurrence, il faut baisser les prix pour
être le plus compétitif possible. Donc les firmes vont baisser les coûts de production, y
compris le « coût » du travail. Mais si on baisse le coût du travail, on affaiblit la demande.
Or, selon Keynes, c’est la demande qui créée l’offre. Le contraire est juste débile !
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