TransAtlantic Free Trade Agreement TAFTA : DANGER ? On parle encore peu du TAFTA et en dehors d’articles émanant de spécialistes, professionnels de l’économie et animateurs d’ONG, peu de choses ont été écrites à son sujet jusqu’à ces derniers mois. Le TAFTA, traité transatlantique de libre échange appelé aussi TTIP, vise à instaurer des échanges commerciaux les plus libres possibles entre l’Union Européenne et les Etats Unis. Les négociations conduites pour l’Europe par la commission dite de Bruxelles ont commencé en 2013 et devraient s’achever au cours de cette année. Le fondement de ce projet d’accord repose sur la théorie que plus les échanges sont libres entre Etats, c'est-à-dire dépourvus de tous droits de douane, quotas, protections et réglementations de toutes sortes, plus le commerce se développe et par le fait même, plus les économies sont stimulées. Il en résulte donc selon cette théorie un gain de croissance économique pour le bénéfice de tous les signataires. Cette théorie a été élaborée à la fin du 18ème siècle et au début du 19ème par des économistes européens, notamment l’écossais Adam Smith (1923/1790) le français J.B Say et l’anglais David Ricardo (1772/1823) . On reconnaît aussi dans cette conviction la griffe de la présidence de R. Reagan aux Etats Unis de 1981 à 1989 et du gouvernement de M.Thatcher au Royaume Uni de 1979 à 1990. Cette vision est largement responsable de la couleur qu’a prise la mondialisation et inspire aujourd’hui la négociation du TAFTA. Face au coût social du libéralisme non régulé est né au 19ème siècle le mouvement coopératif et mutualiste (économie sociale) mais ont été aussi élaborées des critiques plus radicales. On les connaît sous l’appellation de socialisme scientifique (ou marxisme), de socialisme de l’utopie et de socialisme libertaire. Dans ce court article il n’est pas possible de procéder à une analyse technique du contenu probable du TAFTA tel qu’il semble se dessiner. Il faut dire « il semble » car les négociations ne se déroulent pas selon la transparence qui serait pourtant souhaitable pour ce type de question. Pourquoi y a-t-il danger ? Le CCFD Terre Solidaire et avec lui beaucoup d’ONG et autres souhaitent attirer l’attention des dangers de ce possible accord . A juste titre . En effet, pour que des échanges très libres soient profitables à tous, il est une condition impérative, c’est que les économies des pays qui échangent soient de poids égal ou tout au moins très proche, sinon c’est la rencontre du pot de fer contre le pot de terre. Au fil des décennies, des décisions ont été prises pour rendre le marché acceptable quand les partenaires sont de poids inégal ou dit autrement pour que le pot de fer ait moins de puissance et le pot de terre de vraies protections lors de leur rencontre sur les marchés. C’est le rôle à la fois de l’Etat par les lois qui régulent les marchés, celui des biens et services, des capitaux et du travail et de la société civile quand elle s’organise en syndicats, associations de consommateurs, ONG etc… pour défendre les intérêts des partenaires les plus fragiles dans la confrontation de l’offre et de la demande. De plus, des biens et services sont d’une telle importance que dans certains cas il a été convenu que ce ne serait pas le seul marché qui définirait les prix mais des décisions de nature politique. Ainsi lorsque le 25 mars 1957 a été signé le traité de Rome, créant notamment le Marché Commun,il a été décidé que la production agricole serait organisée à partir de critères politiques tant l’alimentation des hommes et la présence d’une population en quantité suffisante dans les campagnes s’avèrent des exigences prioritaires. Ainsi est née la Politique Agricole Commune (PAC). Certains critiquent le contenu de la PAC mais pas les principes qui sont à son origine. De même au niveau planétaire, l’Union Européenne, au prix d’âpres négociations, a fait reconnaître son droit à « l’exception culturelle » car selon elle la culture est trop précieuse pour que son expression dépende d’un marché totalement libre. Dernier exemple : les principes qui ont dicté la convention de Lomé signée entre l’Europe et 70 pays d’Afrique, Caraïbes et Pacifique (les accords ACP) s’inspiraient de ce que l’économiste lyonnais François Perroux (1903/1987) appelait « l’échange inégal ». L’accord violait notamment une des bases de l’économie libérale classique car il admettait que les pays les plus faibles (les ACP) pouvaient se doter de mesures protégeant leur économie sans qu’il y ait possibilité pour les pays européens d’en faire autant. Aujourd’hui se développe même l’affirmation que des biens aussi précieux que l’eau, la terre, les produits de santé ne peuvent être offerts selon les seules lois du marché. Elle est encore marginale mais elle progresse. Il n’est donc pas étonnant que le CCFD s’oppose à un partenariat transatlantique clairement imprégné des règles de fonctionnement d’un libéralisme non régulé. Certains dénoncent aussi le poids croissant qu’auraient les firmes multinationales face aux Etats dans l’arbitrage des conflits qui interviendraient entre l’Europe et les USA. C’est le cas notamment de l’économiste jésuite Gaël Giraud bien connu du CCFD . Il faut signaler aussi que lors de son séjour dans la région pendant le Carême 2014 Mgr Ramazzini du Guatemala disait le coût social qui résulterait de l’accord de libre échange envisagé entre l’Union Européenne et des pays d’Amérique Latine car ce serait là, encore plus que pour le TAFTA, un « échange inégal ». Un plaidoyer s’organise – Dans le numéro de Faim Développement Magazine de novembre/décembre 2014, Olivier Vilain fait état de l’organisation d’un collectif européen regroupant une quarantaine d’associations,syndicats et partis politiques, pour dénoncer le danger du TAFTA. ( https://stop-ttip.org.fr ) Il précise que 890.000 signatures ont été recueillies en Europe pour imposer à la Commission de Bruxelles l’abandon des négociations. Sur internet certains sites assurent que la pétition aurait même reçu aujourd’hui plus d’un million d’adhésions. On n’a pas fini d’entendre parler du TAFTA : On peut en tout cas l’espérer et contribuer à ce qui en soit ainsi. René Valette Janvier 2015