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Dossier
Génome et diversité chez les plantes cultivées
D
ans le cadre de Génoplante
(1)
, les travaux ont
été orientés d’une part sur le développement d'ou-
tils et d’autre part sur l’étude de caractères agro-
nomiques ou qualitatifs chez le blé et le maïs.
Pour le maïs, les travaux portent essentiellement sur
les caractères de tolérance à la sécheresse, de tolérance
au froid, d'adaptation de la plante (précocité de flo-
raison), de remplissage du grain et de valeur alimen-
taire de l’ensilage (essentiellement digestibilité des
parois). Pour le blé, la recherche a été orientée sur l’ef-
ficacité d’utilisation de l’azote, la qualité boulangère
et la résistance aux maladies.
Le modèle maïs fourrage
L
a culture du maïs, pour la récolte de ses grains, est
très ancienne. Le maïs a été progressivement domesti-
qué en Amérique centrale, et les plus vieux vestiges de
maïs connus datent de 7 000 ans. Lors de la décou-
verte de « l’Amérique » en 1492, le grain de maïs était
un aliment de base pour les civilisations inca, aztèque
et maya. C’est aussi à partir de cette époque que plu-
sieurs introductions successives du maïs ont eu lieu en
Europe, en vue d’abord d'une production de grain des-
tinée à l’alimentation humaine. L’utilisation inten-
sive du grain pour l’alimentation du bétail est le fait
de sociétés plus riches et fortes consommatrices de pro-
duits animaux.
L
’utilisation du maïs comme plante fourragère pour
l’alimentation des ruminants est relativement récente.
Le maïs a d’abord été utilisé en fourrage vert imma-
ture, récolté bien avant le remplissage du grain. Ainsi,
en 1789, Antoine-Auguste Parmentier note que « le
maïs pourrait aussi très bien mériter une place parmi
les plantes que l’on peut employer en prairie momen-
tanée. Les vaches mangent ce fourrage avec avidité, et
il leur donne beaucoup de lait ». Les premiers essais
d’ensilage de maïs ont été faits en France par Auguste
Goffart en Sologne en 1852, mais la culture du maïs
en fourrage ensilé ne s’est ainsi significativement déve-
loppée qu'avec l’apparition des premières variétés pré-
coces et tolérantes aux basses températures comme
Inra258 (génération 1960). Actuellement, plus de
4 500 000 ha de maïs ensilage sont cultivés dans
l'Europe des 25 (soit environ 43 % des surfaces ense-
mencées en maïs sur ce même territoire).
La valeur alimentaire : un critère récent
A
u cours de la période 1985-2000, il y a eu un progrès
génétique très important en productivité du maïs en
plante entière, en régularité de production en raison
d'une plus grande rusticité des variétés récentes, ainsi
qu'en résistance des plantes à la verse et à la casse. En
revanche, il n’en a pas été de même pour la valeur ali-
mentaire, ce critère n'ayant été pris en compte pour
l’inscription des variétés qu'à partir de 1999. Les maïs
fourrage récents ont ainsi une valeur énergétique
moyenne de 7 % inférieure à celle des variétés plus
anciennes.
A
u niveau d’une ration journalière comprenant 16 kg
de maïs fourrage ingérés, cette diminution de la valeur
alimentaire de l'ensilage de maïs représente environ
l'énergie nécessaire à la production de 1,8 kg de lait.
Apports de la génomique à
L’exemple du maïs fourrage
Après une période de dix ans (de 1985 à 1996) au cours de laquelle ont
été mises en œuvre des biotechnologies sur les plantes, la génomique s’est
progressivement imposée dans le but d’accélérer la compréhension du
contrôle génétique des caractères agronomiques. Voici un tour d’horizon
des méthodologies utilisées, à travers l’exemple du maïs fourrage.
Alain Murigneux*,**, Jean-Pierre Martinant*,***, Yves Barrière****
* Biogemma, Campus
universitaire des Cézeaux,
24 avenue des Landais,
63170 Aubière
** alain.murigneux@
biogemma.com
*** jean-pierre.martinant@
biogemma.com
**** Inra, Unité de génétique
et d’amélioration des plantes
fourragères,
BP6, 86600 Lusignan
(1) Caboche M (2006)
Biofutur
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Ce déficit doit alors être compensé par 800 g d'ali-
ments concentrés par vache et par jour. Cette dérive
de la valeur énergétique des variétés vers de plus faibles
valeurs peut être de type aléatoire. En effet, l'essentiel
de la sélection a porté sur des qualités des maïs grain
plutôt que sur celles des maïs fourrage, avec la perte
« par hasard » de caractères non pris en compte par
la sélection. Cette dérive peut aussi provenir de liai-
sons négatives entre critères. La recherche de plantes
à port dressé, tolérantes à la verse, et surtout résistantes
à la casse à maturité du grain peut être contradic-
toire avec celle de l'amélioration de la valeur alimen-
taire de la plante entière.
La digestibilité des parois végétales
L
e principal facteur de variation de la valeur énergé-
tique d'un ensilage de maïs, pour une teneur en grain
donnée, est la digestibilité des parois végétales de la
plante au sein du rumen
*1
des vaches laitières. Les
parois végétales sont constituées essentiellement d’une
structure fibrillaire cellulosique, noyée dans une matrice
de composés phénoliques et d’hémicellulose.
A
vant l’ère de la génomique, différentes études avaient
montré que la teneur en lignines est le principal fac-
teur limitant de la dégradabilité de ces parois.
Toutefois, d’autres facteurs influencent de façon impor-
tante la digestibilité de ces parois, comme la com-
position biochimique des lignines et la fréquence des
liaisons covalentes entre les composés de la paroi.
L'amélioration de la valeur alimentaire du maïs ensi-
lage se fera donc à travers des démarches de géno-
mique permettant de comprendre les mécanismes
dirigeant la quantité et l'organisation des différents
composants de la paroi, ceci conduisant ensuite à des
critères de sélection.
C
omme illustré sur la
figure 1
, les parois végétales du
maïs sont majoritairement constituées de sucres (cel-
lulose, xylose et arabinose), d'une petite quantité de
protéines pariétales particulières, le tout noyé dans une
matrice de lignines. Des acides hydroxycinnamiques
(acide p-coumarique et acide férulique) sont également
présents, ce dernier étant fortement impliqué dans
les liaisons entre constituants. Les lignines résultent de
la polymérisation, catalysée par des peroxydases et des
laccases, de trois alcools (monolignols) ayant respec-
tivement un, deux ou trois groupements –OCH
3
sur
leur noyau aromatique.
L
es proportions respectives de chacun de ces mono-
lignols contribuent aux caractéristiques chimiques et
stéréochimiques des lignines. Des voies métaboliques
modèles ont été décrites pour la synthèse de ces dif-
férents constituants sur différentes espèces végétales.
Des espèces telles Arabidopsis thaliana ou des espèces
de ligneux comme le peuplier ou l'eucalyptus ont beau-
coup apporté dans la compréhension de ces voies de
biosynthèse.
l‘amélioration des plantes
Figure 1 Schéma d’une paroi secondaire de cellule de tige de maïs
© D.R.
*1Premier compartiment
de l’estomac des ruminants
(panse).
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Dossier
Génome et diversité chez les plantes cultivées
Génomique de la valeur alimentaire du
maïs fourrage
Bioanalyse et valeur alimentaire du maïs fourrage
L
a bioanalyse a ici pour objectif la recherche de gènes
de maïs impliqués dans la synthèse de la paroi cellu-
laire. Elle s'appuie sur le principe d’homologie de
séquence qui existe entre deux gènes d’espèces diffé-
rentes ayant la même fonction biologique. Des
séquences de gènes et, pour le riz et Arabidopsis, de
génomes entiers sont disponibles dans des bases de
données publiques. Pour certains de ces gènes, leur
fonction a été déterminée par des études expérimen-
tales. Afin d’espérer retrouver des gènes homologues
sur le maïs, il fallait disposer d’un nombre significa-
tif de séquences propres à cette espèce. En 1998, lorsque
le projet Génoplante a vu le jour, le premier travail a
été l’obtention de séquences de maïs.
L
e séquençage du génome du maïs, de par sa taille (22 fois
plus grand que le génome d’Arabidopsis et six fois plus
que le génome de riz) et sa complexité (plus de 80 %
de séquences répétées intergéniques) n’était ni éco-
nomiquement ni techniquement envisageable dans le
cadre de ce projet. Aussi, 200 000 séquences nommées
EST (expressed sequence tag qui sont en fait des
séquences partielles des transcrits du génome de maïs)
ont été produites, dérivées de plusieurs dizaines de
banques d’ARNm collectées à partir de différents
organes de maïs à différents stades de développement.
A
fin d’éviter la redondance d’information, ces 200 000
séquences ont été ajoutées aux séquences publiques
du même type, puis l’ensemble a été regroupé, grâce
à des logiciels informatiques, en séquences chevau-
chantes provenant du même gène par un procédé
appelé « contigage »,
qui a conduit à l'obtention de
près de 50 000 contigs. C'est cette base de données
de contigs qui est utilisée pour identifier les gènes de
maïs homologues à des gènes connus chez d'autres
espèces, parmi lesquelles les espèces modèles.
P
ar exemple, un des derniers gènes clefs de la voie
de biosynthèse de la lignine identifié chez Arabidopsis
thaliana, et dont la fonction a été démontrée sur cette
espèce modèle, est le gène de la cinnamate 3-hydroxy-
lase (C3H). En raison de la dégénérescence du code
génétique, l’homologie est meilleure lorsque l’on com-
pare des séquences protéiques plutôt que des séquences
nucléiques d’espèces différentes. Pour le gène de la
C3H, une similarité de 83 % (sur toute la longueur du
gène) est ainsi observée entre la séquence protéique
déduite de la séquence du gène d’Arabidopsis thaliana
et la séquence déduite d’un des contigs de notre base
de données. Le même travail a été réalisé également
pour un gène d'UDP-glucose déshydrogénase, impli-
quée dans la synthèse des hémicelluloses (arabinose et
xylose). Ce gène a été isolé chez le soja et un pour-
centage de similarité de 95 % a été observé avec deux
contigs de maïs. Cette étape clef de bioanalyse permet
de proposer une liste de séquences de maïs corres-
pondant à des gènes candidats pour lesquelles on a
associé, in silico, une fonction biologique qui reste à
valider.
Cartographie génétique de segments chromoso-
miques associés à la valeur alimentaire
À
la base même du travail de tout sélectionneur, on
trouve la notion de brassage génétique, qui va per-
mettre l'obtention dans une descendance de nouvelles
répartitions des allèles présents chez les lignées paren-
tales afin de sélectionner les combinaisons les plus
appropriées à l’objectif fixé au départ.
• Brassage génétique et génotypage
L
e brassage repose sur la redistribution aléatoire du
matériel génétique des deux parents lors de la méiose.
À l’intérieur d’un même chromosome, par le jeu des
crossing-over, on pourra retrouver côte à côte un locus
provenant d’un parent et un locus provenant de l’autre.
On parle ainsi de recombinaison entre ces deux loci,
et le pourcentage de recombinaisons sera d’autant plus
élevé que les deux loci seront plus éloignés sur un même
chromosome, jusqu’au stade d’indépendance. Ce prin-
cipe est utilisé pour construire des cartes génétiques.
L
a caractérisation d'un ensemble de marqueurs molé-
culaires polymorphes entre deux parents, ou génoty-
page, est réalisée sur une descendance d’individus
apparentés, par exemple ceux issus du croisement de
deux lignées homozygotes. Cette descendance est obte-
nue par autofécondation de l’hybride entre les parents,
puis fixation, par autofécondations
*2
successives, de
150 à 400 individus pris au hasard dans la première
génération en disjonction. Une telle carte génétique est
ainsi utilisée pour placer sur le génome les gènes qui
ont été retenus par exemple dans l’étape de bioana-
lyse. Cette étape est appelée cartographie génétique.
• Utilisation des QTL
D
’autre part, la majorité des caractères d'intérêt agro-
nomiques, et la valeur alimentaire du maïs fourrage en
est un exemple, sont des caractères polygéniques et
quantitatifs. Sur le même principe que la cartographie
de gène, les corrélations entre la valeur phénotypique
des individus issus d’une même population et la ségré-
gation en descendance de chacun des marqueurs molé-
culaires permettent la recherche de QTL. Les QTL
(quantitative trait loci) sont ainsi définis comme des
zones chromosomiques impliquées dans la variation
d’un caractère quantitatif.
Autofécondation d'une plante de maïs : en prenant du pollen
sur la panicule et en le portant directement sur les soies, il y
a autofécondation de la plante, ce qui permet de passer les
gènes à l'état homozygote et donc de fixer les caractères
favorables.
© Y.B./INRA
*2Fécondation d'un
ovule par du pollen issu
de la même plante.
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L
a cartographie génétique de gènes d’une part, et de
QTL d’autre part, permet l’identification de gènes qui
co-localisent avec des QTL de valeur alimentaire du
maïs fourrage et qui sont donc potentiellement res-
ponsables des variations du caractère à ce locus. Ces
gènes sont classiquement appelés gènes candidats. Les
travaux actuellement publiés montrent qu'il y a au
moins 24 localisations sur le génome du maïs impli-
quées dans la lignification et/ou la digestibilité des
parois cellulaires. S'il n'y a pas de gènes candidats clairs
pour environ la moitié de ces QTL, en revanche cer-
taines localisations ont permis la découverte de gènes
candidats dont on n'aurait pas, a priori, supposé un
effet déterminant.
• Quelques exemples
U
ne des régions souvent impliquées et expliquant une
part élevée de la variation de lignification et de diges-
tibilité de paroi est la région 6.06 du chromosome 6
du maïs. Dans cette région a été cartographiée une per-
oxydase (ZmPox3), dont l'implication dans la ligni-
fication n'était pas antérieurement connue et qui
semblait par ailleurs peu exprimée lorsqu'elle avait été
étudiée. De même, la région 4.05 du chromosome 4
du maïs apparaît impliquée dans la lignification et la
digestibilité du maïs fourrage. C'est aussi dans cette
région qu’ont été cartographiées la mutation bm3 et
le gène de la caffeic-acid-O-méthyltransferase (COMT)
du maïs. Enfin, le gène de la caffeoyl-CoA-O-méthyl-
transférase 2 (CCoAOMT2), également impliqué dans
la biosynthèse des monolignols, a été cartographié dans
la région 9.02 du chromosome 9 du maïs qui supporte
aussi des QTL de lignification et de digestibilité des
parois. Ceci étant, un résultat de co-localisation ne per-
met pas d'entériner la validité d'un gène candidat. Les
intervalles supportant les QTL peuvent contenir des
dizaines, voire des centaines, de gènes. Par ailleurs, les
gènes liés à la lignification et à la mise en place des
parois peuvent être regroupés en clusters de gènes, dont
certains de fonction inconnue, et incluant de plus des
facteurs de régulation de chacun ou d'un ensemble de
gènes. Il y a donc nécessité de valider chaque gène can-
didat potentiel.
• Chez les plantes modèles
L
a recherche de QTL chez les plantes modèles peut aussi
être une voie efficace pour arriver plus rapidement à
des gènes candidats. Même s'il existe des différences
fondamentales entre les monocotylédones et les dicoty-
lédones en termes de lignification, les monocotylédones
ne formant pas de « bois », il y a suffisamment de
ressemblances pour les parois cellulaires pour qu'une
plante comme Arabidopsis puisse être utilisée comme
modèle de recherche pour le maïs. La hampe florale
d'Arabidopsis a ainsi été utilisée comme modèle de la
tige de maïs pour rechercher des QTL de lignification
et de digestibilité des parois. Les résultats obtenus à ce
jour confirment la présence de gènes de la voie de bio-
synthèse des monolignols sous les QTL de hampe flo-
rale d'Arabidopsis. Mais ces recherches ont aussi mis
en évidence le rôle important que pourrait tenir la régu-
lation par l'auxine dans la mise en place des tissus ligni-
fiés et des parois, et corrélativement leur digestibilité
ultérieure. Ceci ouvre un domaine de recherche rela-
tivement inattendu dans la compréhension de la varia-
bilité de la valeur alimentaire des plantes fourragères.
Mutagenèse, génétique inverse
et transgenèse pour la validation
fonctionnelle des gènes
L
’attribution d’une fonction à un gène (génomique
fonctionnelle) est une étape clé dans les programmes
de génomique. Aujourd’hui, les méthodes de géno-
mique fonctionnelle sont multiples et basées soit sur
l’utilisation de la transgenèse (ADN-T, ARN antisens,
ARN interférence…) soit sur l’utilisation d’éléments
mutagènes exogènes (EMS, irradiation, VIGS…) ou
endogènes (éléments transposables). Chaque méthode
a ses propres avantages et inconvénients, et peut s’ap-
pliquer avec plus ou moins de facilité et d’efficacité à
l’ensemble des espèces végétales. Différentes approches
de validation fonctionnelle sont utilisées dans le cadre
de ce projet.
Mutagenèse
D
epuis plus de cent ans, un très grand nombre de
mutants spontanés a été décrit chez le maïs, relatifs en
particulier à la forme, la texture, la couleur du grain,
au port de la plante et de ses feuilles, à la coloration
de différentes parties de la plante. Ces mutations sont
en général monogéniques et récessives. Quatre mutants
ayant les nervures centrales des feuilles de couleur brune
ont ainsi été successivement décrits entre les années
1930 et 1950.
I
l a de plus été mis en évidence à partir des années
1960 que ces mutants avaient des lignines parti-
culières et une digestibilité de parois cellulaires plus
ou moins augmentée. Le gène bm3 est celui qui
confère aux maïs l'amélioration la plus importante
de la valeur alimentaire. La mutation bm3 a été iden-
tifiée en 1995 comme étant une délétion d'une par-
tie de l'exon 2 du gène de la COMT
(2)
qui catalyse
une étape clé de la biosynthèse du monolignol por-
tant deux unités –OCH3. Les plantes bm3 ont en
conséquence des lignines anormales, et en plus faible
quantité.
Coupes histologiques de tiges de différentes lignées de maïs
illustrant la variabilité génétique de l'intensité de la lignifi-
cation. Plus la proportion de tissus colorés en rouge est éle-
vée, plus la lignée est lignifiée et indigestible ; les tissus
colorés en bleu sont digestibles.
© Y.B./INRA
(2) Vignols F
et al.
(1995)
Plant Mol Biol
39, 942-52
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BIOFUTUR 266 • MAI 200638
Dossier
Génome et diversité chez les plantes cultivées
L
’utilisation en création de variétés de la mutation bm3
a été jusqu'à ce jour limitée par les défauts agronomiques
de ce matériel, en particulier avec une diminution de la
productivité, de la précocité et tenue de tige en végéta-
tion et à maturité ensilage, et cela en dépit de la très impor-
tante amélioration de la valeur alimentaire. Toutefois, la
mise en évidence d'une liaison entre COMT inactivée par
mutation spontanée et une valeur alimentaire accrue
du maïs fourrage est le principe même de l’utilisation
de la mutagenèse comme outil de validation fonction-
nelle dans un programme de génomique. Cela ouvrait
par ailleurs une voie ciblée d'amélioration aux obtenteurs
de maïs fourrage. En effet, des plantes ayant des enzymes
COMT de faible activité en raison d'une modification de
séquence touchant un site actif, ou en raison d'une modi-
fication de la régulation de l'expression du gène corres-
pondant, pourraient avoir un niveau agronomique
convenable et une digestibilité améliorée.
• Transposons
L
e développement d’une population de mutagenèse
à saturation a ainsi été mis en place afin de valider
en particulier des gènes de la voie de biosynthèse des
parois végétales. La méthode développée est fondée
sur l’utilisation du transposon Mutator, un élément
transposable endogène du maïs. L’élément Mutator
correspond en fait à une famille d’éléments autonomes
(MuDr) ou mobilisables (Mu1…) possédant tous les
mêmes séquences terminales ou « pied du transposon ».
Chaque plante contient plusieurs éléments et à chaque
méiose, plusieurs nouvelles mutations sont crées dans
chaque plante. Les mutations sont crées par inser-
tion de l’élément Mutator (quelques milliers de paires
de bases) dans ou à proximité des gènes.
U
ne collection de 42 000 plantes mutantes (appelée
« machine à gènes », MAG) a été ainsi créée et est uti-
lisée pour la recherche de mutations dans des gènes d’in-
térêt. Le nombre d’insertions germinales indépendantes
créées dans cette population est estimé à 200 000 à
400 000. Les insertions Mutator sont réparties de façon
aléatoire dans tout le génome, avec toutefois une forte
préférence pour les régions riches en gènes. Il devient
ainsi possible de rechercher dans ces populations la
présence d’une insertion de Mutator dans un gène d’in-
térêt à partir du moment où la totalité ou une partie
de la séquence nucléotidique du gène est connue.
C
ette approche, connue sous le nom de « génétique
inverse », consiste schématiquement en une amplifica-
tion PCR réalisée sur l’ADN de ces plantes, avec une
amorce spécifique sur le pied du transposon, qui s’hy-
bridera sur toutes les insertions de Mutator présentes
dans la plante, et une amorce spécifique du gène. Un
produit d’amplification PCR est ainsi obtenu à partir
de l’ADN d’une plante si et seulement si les séquences
complémentaires des deux amorces sont dans un voisi-
nage génomique proche, autrement dit si le transposon
est inséré dans le gène, ou dans ses régions 5' et 3'.
• Une trentaine de mutants
A
insi, dans le cadre des travaux sur la valeur alimentaire
du maïs ensilage réalisés avec Génoplante, une trentaine
de mutants, « touchés » dans une quinzaine de gènes dif-
férents, principalement de la voie de biosynthèse de la
lignine et la voie de biosynthèse des hémicelluloses, a été
isolée. Des couples de lignées de maïs quasi-isogéniques
*3
pour la mutation sont ensuite développés.
L
’analyse phénotypique de ces couples isogéniques
nous permet de valider l’identité et la fonction du gène
candidat dans l’espèce. En effet, si ce gène a un effet
déterminant sur la synthèse de paroi, alors le fait de le
muter doit se traduire par une modification de la com-
position ou teneur de ces parois. Les tests phénoty-
piques utilisés peuvent être des tests moléculaires et
biochimiques. On peut par exemple :
- rechercher une diminution de l’expression du gène
ou de l’activité de l’enzyme correspondant au gène
muté. On a ainsi montré qu’un mutant d’insertion dans
un gène d’UDP-glucose déshydrogénase présente une
forte réduction de l’activité de l’enzyme correspon-
dante dans les tissus végétatifs de la plante
(3)
;
- rechercher une modification de la quantité de sub-
strats ou de produits de la réaction enzymatique cata-
lysée par le produit du gène d’intérêt ;
- évaluer la digestibilité des parois, grâce notamment
à des tests de digestibilité in vitro, à l’échelle de la
plante entière. Dans ce cas, on recherche simultané-
ment à valider la fonctionnalité du gène (si cela reste
à déterminer) et à établir si le gène en question joue un
rôle central ou crucial dans le processus global. Des
résultats positifs allant dans ce sens ont été obtenus
pour quelques gènes impliqués dans la voie de bio-
synthèse des lignines. À titre d’exemple, la dérégula-
tion partielle d’un gène de la voie de biosynthèse des
monolignols diminue de 10 % la quantité de lignines
et améliore de 10 % la digestibilité des parois de la
partie verte de la plante.
Transgenèse
C
omme outil de validation fonctionnelle, et outre la
dérégulation par mutagenèse d'insertion, la trans-
genèse est aussi un outil remarquable. Les objectifs
sont les mêmes, avec en revanche quelques spéci-
ficités et complémentarités. Si la mutagenèse inser-
tionnelle génère le plus souvent des inactivations
partielles ou totales et récessives, la transgenèse per-
met des inactivations (ARNi), mais aussi des sur-
expressions de gènes. Dans les deux cas, la
modification par transgenèse est dominante, ce qui
permet l’évaluation de son effet dans le cadre de
croisements où un seul des parents est modifié ; en
résumé les analyses génétiques peuvent être réali-
sées plus rapidement.
P
ar ailleurs, la transgenèse permet une surexpression
ou une inactivation de gène candidats sous le contrôle
de promoteurs gouvernant des expressions consti-
tutives ou spécifiques à certains organes de la plante
et ou à des stades de développement bien définis. La
surexpression pourra par exemple être recherchée
lorsque la mutation insertionnelle d’un gène induit
un problème de développement de la plante et ne
permet donc pas des conclusions sur le rôle du gène
dans le caractère étudié. L’inactivation par trans-
genèse est également un outil puissant lorsque le gène
d’intérêt est dupliqué sur le génome. En effet, dans
ce cas, la transgenèse permettra une inactivation des
deux gènes simultanément, ce qui n’est pas le cas
pour la mutagenèse d’insertion. En conclusion, les
deux approches de validation fonctionnelle que sont
la transgenèse et la génétique inverse sont très com-
plémentaires et l’identification des gènes clés passe
par la mise en œuvre de ces processus, y compris
l’évaluation au champ des plantes modifiées.
(3) Karkonen A
et al.
(2005)
Biochem J
391, 409-15
*3Les deux plantes sont
identiques pour l’ensemble
du génome sauf pour le locus
portant le gène d’intérêt, pour
lequel une plante possède
l’allèle muté et l’autre l’allèle
non muté.
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