Les Amis de la Pologne Association loi 1901 N° 46 – Juin 2016 Editorial Que d’évènements survenus en quelques mois ! En France, l’ignominie et la barbarie ont frappé à Paris, le 13 novembre, plongeant le pays dans la peur. Les Français ont su heureusement relever la tête pour que la vie continue et en tout premier lieu, notre association qui a maintenu son magnifique concert Chopin pour fêter ses 35 ans d’existence et commémorer l’indépendance de la Pologne. En Pologne, le nouveau gouvernement est loin de faire l’unanimité et les manifestants se rassemblent dans les rues pour protester et sauvegarder leurs libertés. Il y a heureusement des sujets plus légers dans l’actualité culturelle et touristique. Même si nous ne pouvons nous empêcher de verser une larme sur la disparition de « Sir Tadeusz », nous retrouverons notre sérénité dans les jardins fleuris de clématites ; notre connaissance de la Pologne s’enrichira grandement en découvrant la personnalité hors du commun de Jozef Czapski et le dernier roman de Joanna Bator. Ce nouveau bulletin nous donnera également l’occasion de poursuivre notre cycle historique avec un évènement méconnu : celui de la guerre de succession en Pologne au XVIIIe siècle et de découvrir comment une communauté tatare mène sa vie tranquille dans le nord-est du pays. En cherchant les petits nains, parcourons les rues de Wrocław, capitale européenne de la culture en 2016 et ne perdons pas l’occasion d’aller en Pologne dès le mois de novembre prochain, à petit prix, par un vol direct pour Varsovie. Jean-Noël Dragon Sommaire n°46 Politique : Evolution politique en Pologne ………………….………...……………………… p. 2 La vie de notre association ……………………………………………………………………. p. 3 Evènements culturels en Pologne : inauguration du pavillon Czapski ……….………….. p. 4 Wrocław capitale européenne de la culture 2016 ... p. 5 Evènement vu : Joanna Bator à la librairie Ombres Blanches ……………………………. p. 6 Tytus Brzozowski et ses aquerelles oniriques ………………………………………………. p. 7 Un peu d’histoire : la guerre de succession de Pologne …….……..……………………… p. 8 Les 1050 ans du baptême de la Pologne ……………………………… p. 9 Clématites, Clematis, Powojniki ……………………………………………………………… p. 10 Un petit coin de Pologne : La mosquée tatare de Bohoniki ……………………………….. p. 11 Sir Tadeusz …………………………………………………………………………………..…. p. 12 Notez bien ………………………………………………………………………………………. p. 12 Politique Evolution politique en Pologne En ce mois de mai 2016, plusieurs évènements agitent les Polonais et les font sortir dans la rue pour manifester. les dossiers soient traités dans leur ordre de dépôt. En attendant son examen, le texte en question est supposé constitutionnel et applicable. Le Parti Droit et Justice (PIS) a certes gagné les élections législatives en octobre 2015 mais tout le monde est loin d’être d’accord avec la nouvelle politique mise en place et le virage « à droite toute » du nouveau gouvernement. Alors que le Tribunal Constitutionnel a invalidé et déclaré cette loi inconstitutionnelle dans son intégralité, la première ministre Beata Szydło a annoncé qu’elle ne respecterait pas ce verdict, considérant ce tribunal illégitime. Les divisés. De son côté, le président du Parlement Européen Martin Schulz a accusé l’équipe polonaise au pouvoir d’avoir fomenté un véritable coup d’état et le Conseil Européen menace la Pologne de sanctions qui pourraient aller jusqu’à la priver de son droit de vote. Polonais apparaissent maintenant bien Le 7 mai dernier, à l’avant-veille de la journée de l’Europe, ils sont descendus en masse dans les rues de Varsovie mais pour des motifs différents ; les uns, traditionnalistes et nationalistes, pour dire au gouvernement qu’il ne va pas assez loin dans sa politique eurosceptique, qu’il faut que la Pologne montre davantage d’indépendance vis-à-vis de l’Europe ; les autres, plus de 200 000, pour protester contre la politique du gouvernement, pour dire qu’ils veulent préserver la place de la Pologne dans l’Europe, qu’ils ne veulent pas être isolés, qu’ils ne veulent pas faire marche arrière. Pour les « pro » le PIS est le seul parti politique capable de redresser l’économie du pays bradée, selon eux, aux intérêts européens laissant à l’écart de la prospérité une part importante de la population. C’est le seul parti capable aussi de préserver les valeurs catholiques traditionnelles menacées, selon eux, par l’Europe. Les autres, les « anti » ont peur de voir leurs libertés étouffées par les nouvelles lois. Par exemple celle sur les médias publics votée dans la nuit du 30 au 31 décembre 2015 et promulguée dès le 7 janvier par le président Andrzej Duda. Cette loi permet désormais au gouvernement de nommer et de démettre les dirigeants de la radio et de la télévision publiques polonaises, désignés jusqu’alors par un concours organisé par le conseil national de l’audiovisuel, l’équivalent polonais du CSA français. Un autre projet de loi divise profondément l’opinion polonaise, celui de l’interdiction totale de l’avortement déposé au Parlement par des associations anti-IVG. En Pologne, l’IVG est autorisée si la santé de la mère est en jeu, si la grossesse résulte de viol ou d’inceste et en cas de malformation grave ou de maladie congénitale de l’embryon. L’Eglise de Pologne voudrait arriver à une interdiction quasi-totale de l’avortement, ainsi que l’entendait le communiqué de l’Episcopat du 30 mars lu dans toutes les églises du pays « …en ce qui concerne la protection de la vie des enfants à naître, nous ne saurions nous satisfaire du compromis existant… » Même si la croyance religieuse est forte en Pologne, l’opinion n’est pas unanime sur le sujet. A la lecture de ce communiqué, une partie des fidèles a quitté les églises en signe de protestation. Y aura-t-il un durcissement de la loi malgré les milliers de manifestants dans toutes les villes de Pologne ? Droit à l’avortement ou pas ? Cette situation met la majorité conservatrice dans l’embarras : elle ne veut pas s’opposer à l’Eglise catholique, sa principale alliée politique et à une partie de son électorat – 23 % des Polonais souhaitent un durcissement de la législation actuelle – mais elle ne veut pas non plus s’attirer d’autres critiques de l’opposition. Jean-Noël Dragon Une autre loi a ému non seulement l’opinion publique mais encore les instances européennes. Il s’agit de l’adoption, le 29 décembre dernier, de la loi réformant le Tribunal Constitutionnel qui statue sur la conformité à la Constitution des lois et des traités et des actes règlementaires émanant des autorités centrales de l’état. Cette loi impose un quorum difficile à réunir de 13 juges sur 15 pour statuer et exige que 2 Les Amis de la Pologne n° 46 La vie de notre association Une salle comble pour le concert Chopin du 27 novembre 2015 qui clôturait une assemblée générale rassemblant seulement 18 adhérents… Pour le coup, le bilan des activités variées et nombreuses de l’association présenté par notre président est tombé à plat. Passés inaperçus aussi son annonce de démission à la fin de l’année 2016 et son appel à candidature pour sa succession et aux bonnes volontés pour une plus grande implication des adhérents. Il est bon de rappeler que notre association compte une centaine de familles adhérentes. Revenons à notre concert. Un succès que nous devons à Frédéric Vaysse Knitter qui, ne cédant pas à la psychose après les attentats du 13 novembre, est venu jouer Chopin avec fougue, délicatesse et talent . Plus récemment, le 2 mai 2016, en ouverture de la Semaine de l’Europe, nous avons mis à l’honneur le théâtre polonais et Tadeusz Kantor en proposant le spectacle théâtral Volkantornado à la salle de La Brique Rouge à Toulouse. Mis en scène par Kasia Kurzeja et interprété par la Compagnie POLLEN, ce spectacle déjà présenté à Toulouse et en MidiPyrénées, a recueilli cette fois encore les applaudissements d’un public nombreux. Dany Dragon Grand succès aussi pour notre traditionnelle soirée Epiphanie-Kolędowanie le 8 janvier 2016. Partager les vœux de nouvelle année, verre à la main autour d’un buffet garni, est un plaisir renouvelé chaque année. Quand, en plus, les kolędy et les chants sont emmenés par la voix envoutante de Karolina Popczyk…. Les Amis de la Pologne n° 46 3 Les évènements culturels en Pologne Inauguration du Pavillon Józef Czapski à Cracovie Décidément, les nouveaux musées poussent comme des champignons en Pologne ! Après de nombreux lieux d’exposition modernes et multimédia récemment ouverts à Varsovie : le Musée Chopin (2010), le Musée de l’Insurrection de Varsovie (2004), le Musée de L’Histoire des Juifs polonais POLIN (2014) et plusieurs nouveaux musées cracoviens tels que le Musée du Rynek souterrain inauguré en 2010, le Musée de l’Art Contemporain MOCAK ouvert en 2011 ou encore la nouvelle CRICOTEKA inaugurée en 2014 (cf. bulletin n 43), l’ancienne capitale polonaise se dote d’un nouvel endroit passionnant à visiter : le Pavillon Józef Czapski. Le bâtiment, fraichement inauguré le 23 avril 2016, attire déjà une multitude de visiteurs que l’œuvre et la vie de cet artiste et écrivain hors pair émeuvent et interpellent. Le pavillon est situé à quelques pas des Planty et jouxte le Palais Hutten-Czapski (ancêtre de Józef) où on peut, par ailleurs, admirer une impressionnante collection numismatique. Qui était Józef Czapski ? Que peut-on découvrir dans ce lieu moderne et lumineux ? Dans tous les esprits, Józef Czapski est avant tout lié à la Kultura parisienne, à Jerzy Giedroyc et à Maisons-Laffitte. Tous connaissent également ses bouleversants témoignages écrits en 1945 et publiés par Instytut Literacki à Paris sous le titre Wspomnienia starobielskie et puis Na nieludzkiej ziemi ( Souvenir de Starobielsk et Terre inhumaine pour les titres en français) qui retracent les efforts de l’écrivain pour faire connaître la vérité à propos des goulags et du massacre de Katyń. Mais peut-être connaîton moins ses œuvres picturales auxquelles le nouveau musée fait la Czapski : autoportrait part belle. 4 Né en 1896 à Prague, dans une famille aristocratique polonaise, Józef Czapski passa son enfance en Biélorussie, puis fit des études de droit à Saint-Pétersbourg et de peinture à l'Académie des Beaux-Arts à Cracovie. Il participa à la guerre polonosoviétique en 1920 pendant laquelle il s’illustra par un grand courage. Entre 1924 et 1933, il séjourna à Paris où il fonda avec quelques amis artistes le mouvement kapiste, très influencé par l’œuvre de Paul Cézanne. Il rentra ensuite en Pologne où il continua son œuvre artistique, en exposant ses tableaux et en écrivant des articles dans des revues culturelles. Lorsque la Seconde Guerre éclata, Czapski fut arrêté par les Soviétiques le 27 septembre 1939 et envoyé au camp de Starobielsk. Avec quelques 400 officiers de l’armée polonaise, il échappa de justesse au massacre de Katyń. Après les accords Sikorski-Maïski, il quitta l’URSS avec l’armée du général Anders. C’est alors qu’il fit connaissance de Jerzy Giedroyc, de Zofia et Zygmunt Hertz ainsi que de Gustaw HerlingGrudziński, ses futurs collaborateurs et amis. En 1942, le gouvernement polonais de Londres le chargea de la mission officielle de recherche des officiers polonais disparus en Union soviétique. Le fruit en furent ses écrits intitulés Terre inhumaine. Après la Seconde Guerre mondiale, Czapski vécut en exil en France, à Maisons-Laffitte, avec Jerzy Giedroyc, Zofia et Jerzy Hertz ainsi qu’avec son frère Henryk qui rejoignit le groupe un peu plus tard. Il participa à la fondation et à la rédaction de la revue Kultura dans laquelle il publia une série d’essais sur l’art et sur la littérature. Il était l’un des personnages incontournables de la Kultura parisienne. Homme sensible, bon, joyeux droit et agréable, il était très apprécié de ses amis. Giedroyc l’appelait, non sans humour, son « ministre des affaires étrangères ». Pendant sa longue vie parisienne, Czapski exposait ses peintures en France, en Belgique, en Grande Bretagne, en Suisse et au Brésil. Il publiait également des articles dans la presse française, notamment dans Le Figaro Littéraire. En revanche, il fallut attendre les changements de 1989 pour que ses écrits et ses peintures soient connus en Pologne. Il mourut en 1993 à Maisons-Laffitte. Les Amis de la Pologne n° 46 Le nouveau musée de Józef Czapski est un lieu où se croisent tous ces parcours et toutes ces histoires. On y admire les peintures de l’artiste, ses souvenirs et ses manuscrits. C’est un lieu fait aussi bien pour les amateurs de peinture que pour les passionnés de l’Histoire du XXème siècle. Sur les trois niveaux que contient le bâtiment, on parcourt la vie et l’œuvre de l’artiste, guidé par des panneaux biographiques clairs et aidé par des jalons de l’histoire universelle. On peut y admirer les tableaux de l’artiste, lire sur des écrans tactiles quelques extraits de son Journal, boire un cappuccino dans la reconstruction d’un café parisien tapissé d’affiches faites de la main du peintre, s’arrêter dans une bibliothèque - salle de lecture et lire quelques pages de ses écrits, s’attarder dans son cabinet de travail, reconstitué à l’identique, tel qu’il était à Maisons-Laffitte. Un espace est prévu pour des expositions temporaires. Actuellement, on peut y voir douze tableaux de Czapski peints entre 1957 et 1986, offerts au Musée par les collectionneurs et amis de l’artiste, Barbara et Richard Aeschlimann. Le Pavillon Czapski est conçu comme un centre de documentation et de recherches autour de l’œuvre de l’artiste et de l’art contemporain. Le Musée National de Cracovie, propriétaire des lieux, y propose des conférences, des stages pour enseignants, des ateliers et des visites scolaires, des débats. Autant d’occasions de mieux connaître toutes les facettes de cet homme d’exception. Anna Wodniecka-Masson Wrocław capitale européenne de la culture 2016 Après six années de réflexion, un jury de treize experts a choisi les villes de Wrocław et de DonostiaSan Sébastian comme capitales européennes de la culture. Le mois de janvier 2016 a vu l’inauguration de ces festivités mises en scène par Chris Baldwin. La ville et ses 1500 figurants, tous habitants de Wrocław, va offrir aux spectateurs une foule d’activités sur le thème « la renaissance de Wrocław après la seconde guerre mondiale ». Si vous avez la chance de vous promener dans cette région au mois de juin vous écouterez avec passion les nuits européennes de la littérature. Des œuvres contemporaines seront lues par des personnalités de la culture polonaise et vous pourrez admirer des acrobates, danseurs et musiciens, en tout 60 spectacles le long de l’Oder. En juillet, le Pays Basque sera à l’honneur avec une édition spéciale sur le sport, le cinéma, la littérature et l’art culinaire. Les Amis de la Pologne n° 46 Au mois d’août, les chorales, vocalistes et amateurs de chant animeront les jours et les nuits de cette superbe ville. En septembre, le style « fantastique » débutera avec la « convention polonaise des amateurs du genre fantastique » et la présentation de films, musiques et œuvres littéraires. Novembre fêtera le théâtre avec les « meilleures » pièces et les « meilleurs » artistes mondiaux… En décembre, le prix du cinéma européen sera décerné, lors d’un prestigieux repas de gala, par les membres de l’Académie européenne du cinéma pour clôturer cette année. J’espère vous avoir donné l’envie de faire un détour par Wrocław cet été et n'oubliez pas d'y chercher les 396 petits nains (nombre arrêté au 24 avril 2016) disséminés dans toute la ville et les 18 cachés dans ces pages. Bonnes vacances. Véronique Olifirenko 5 Evènement vu Joanna Bator à la librairie Ombres Blanches Dans le cycle des rencontres avec les écrivains polonais contemporains, le 4 décembre dernier, nous avons accueilli à Toulouse Joanna Bator, romancière, lauréate du prestigieux prix littéraire Nike. Avant d’ouvrir le débat, Kinga Joucaviel, animatrice de la séance, a présenté l’auteure et a donné un éclairage sur le livre Le Mont-de-Sable, récemment publié en France. Joanna Bator est née en 1968 à Walbrzych, ville post-allemande proche de Wrocław, dans une famille d’intelligentsia, mais aux origines ouvrières. Sa fascination pour le théâtre de Witkacy l’amène à l’École d’art dramatique, qu’elle abandonne pourtant pour entreprendre les études d’anthropologie des cultures et de philosophie. Enseignante à l’Université de Varsovie, elle effectue plusieurs voyages liés à ses recherches, en Grande Bretagne, aux USA et au Japon. Séduite par la culture japonaise, elle écrit, en 2004, un recueil de reportages Japoński wachlarz [Éventail japonais], son premier succès littéraire. Parmi ses autres livres, citons : Kobieta [La Femme] 2002, Piaskowa Góra [Le Mont-de-sable] 2009, Chmurdalia 2010, Ciemno, prawie noc [Il fait noir, presque nuit] 2012, Rekin z parku Yoyogi [Le Requin du parc Yoyoga] 2014, Wyspa łza [L’île-larme] 2015. La narration polymorphique rend difficile la classification de ces livres, à la fois documents historiques, sociaux, traités anthropologiques et romans de fiction. Joanna Bator est également journaliste, chroniqueuse pour « Gazeta Wyborcza » et elle fait partie du jury du Prix international Ryszard Kapuściński. Le Mont-de-Sable, traduit en français par Caroline Raszka-Dewez et publié en 2014 aux Éditions Noir sur Blanc, est le 2ème roman de l’auteure, 6 aussitôt acclamé par la critique comme un des meilleurs romans de sa génération. Le Mont-de-Sable est le nom d’une cité qui existe réellement à Walbrzych, ville de charbonnage en Basse-Silésie dans le Sud-ouest de la Pologne, sur les territoires dits « récupérés » de l’Allemagne. C’est également la terre d’asile ou d’accueil des Polonais déportés, après la guerre, des différentes provinces polonaises déshéritées, le plus souvent des régions annexées par l’URSS. Dans l’immeuble le plus grand de cette cité nommé Babel, habite Stefan Chmura avec sa femme et sa fille. Stefan est mineur et rêve « d’un avenir meilleur », mais il s’apercevra que, dans cette Pologne de la combine et de la débrouille, il n’y a pas de place pour des rêveurs… La narration abonde en de nombreux flash-back qui constituent des « récits dans le récit » racontant les histoires qui reconstituent la généalogie de la famille Chmura. Le fil « narratif » du roman est l’histoire de Dominika, fille de Stefan ; le lecteur l’accompagne dès la naissance à travers les années scolaires, son premier amour (avec un prêtre) jusqu’au départ à Varsovie pour les études. Elle est « différente », malaimée, mal comprise, mais dotée de talents inespérés… Concentré sur le destin d’une famille « classique » polonaise, le roman dresse le panorama d’une société du temps du PRL, qui naît, prospère, puis se désagrège. Cette fresque sociale acerbe, magistralement construite, dépeint les frustrations et les rêves d’une société prisonnière de mythes sur le passé idéalisé, de traumatismes historiques, d’endoctrinement idéologique et de restrictions dans tous domaines. Cependant, l’auteure est préoccupée surtout par la condition des femmes – filles, mères et grand-mères qui, confrontées à la réalité brutale et triviale, tissent cette histoire familiale, appelée par certains critiques saga féministe. Le roman est passionnant et dense ; les digressions récurrentes et l’absence de dialogues obligent à une lecture attentive. Mais la langue, son véritable atout esthétique, dynamise l’action et la lecture. Elle est savoureuse et très diversifiée stylistiquement car elle mélange différents « discours » : langage châtié et réflexif, parfois archaïsant, Les Amis de la Pologne n° 46 avec dialectes régionaux, jargons sociaux, discours figés de la propagande, créations néologiques, emprunts, fragments de poèmes et anecdotes. Le public réuni ce soir-là, composé de lecteurs polonais, mais également d’habitués français de la librairie, a découvert une jeune romancière qui, de prime abord, a pu paraître timide et fragile, mais qui a surpris par la fermeté de ses convictions et la pertinence de ses propos. Le regard qu’elle porte sur la société polonaise, à la fois critique et empreint d’empathie, remet en question l’image héroïque et doloriste, celle d’éternels « trompés par l’histoire », qu’ont les Polonais d’eux-mêmes. Il va de soi que certaines questions, concernant notamment les libertés de la femme, déchirée entre le langage incitatif des médias et restrictif de l’Eglise, ont suscité un vif débat, en particulier entre les femmes « traditionnalistes » et les femmes émancipées. L’auteure, d’une voix posée, armée de connaissance des faits concrets, a su « calmer le débat » et réconcilier les voix divergentes des femmes, toutes impressionnées par ce roman qui propose une écriture épique novatrice, qui surprend par la sincérité et la pertinence d’observation et qui réunit, dans une parfaite harmonie, humour, ironie et imagination. Kinga Joucaviel L'aquarelliste Tytus Brzozowski L'architecte et aquarelliste polonais Tytus Brzozowski crée de magnifiques aquarelles surréalistes de Varsovie. Si la capitale de la Pologne n'est pas réputée pour sa beauté, le talent de Tytus est de réussir, sous un soleil radieux, à magnifier ses bâtiments et à la rendre splendide grâce à une touche de surréalisme et de lumière qui donne un charme coloré à la ville. Des motifs inhabituels, comme des dés, des théières, émaillent le paysage et pourtant tout à l'air bien réel, même les métros qui sortent des immeubles au dixième étage. Le peintre décrit ses aquarelles comme la "ville de ses rêves" et tout comme les rêves semblent défier l'espace et le temps, ses peintures rassemblent les éléments du présent et du passé. Tytus Brzozowski est diplômé de la Faculté d’Architecture de Varsovie. Il a aussi étudié et travaillé en Finlande où il a fait des recherches sur la sobriété de l’art et du design nordiques. Chantal Bordenave-Mankowska Les Amis de la Pologne n° 46 7 Un peu d’histoire La Guerre de Succession de Pologne : le commencement de la fin. Le XVIIème siècle marque assurément un net recul de la puissance polonaise dans le concert des nations européennes. Alors que la France, l’Angleterre et l’Espagne se lancent à la conquête des Amériques et des Indes, alors que la Russie s’agrandit considérablement à l’Est en colonisant la Sibérie, la Pologne se retrouve en proie à des luttes intestines. Tout d’abord, la Pologne est un pays de plaines qui n’a pas de frontière naturelle. Au cours du Grand Siècle, la population est paysanne à 85 % et le servage est encore très répandu. La bourgeoisie commerciale est relativement peu nombreuse et limitée aux quelques grandes villes. Le commerce est en effet en grande partie aux mains des juifs (les primats catholiques de Pologne tenant l’exercice de métiers commerciaux à finalité mercantile comme malsain, ils en déconseillent la pratique à leurs fidèles). De plus il n’y a pas d’unité de langue : on parle polonais, ukrainien, biélorusse, lituanien, russe, letton ou allemand ; ni d'unité religieuse : la moitié de la population est catholique, l'autre moitié est orthodoxe, protestante ou juive. Le roi est élu par la Diète selon le principe du liberum veto (la majorité absolue est requise)… Pour l’élection d’Henry de Valois au trône de Pologne en 1573, les chroniqueurs rapportent que certains députés de la Diète en sont venus au sabre. Les puissances environnant la Pologne soudoient donc grassement les nobles polonais (selon un principe relativement proche du lobbying actuel) pour placer un de leurs partisans à la tête de l’Etat. Car si la Pologne est encore peu industrielle (la Silésie, riche terre minière, appartient alors à l’Autriche), c’est un pays de cocagne à l’impressionnante production agricole. Le Grand Siècle a par ailleurs été particulièrement éprouvant pour la Pologne, le Déluge ayant miné la puissance du pays avec la révolte des Cosaques (1648-1667), la guerre russo-polonaise (1655-1662) et l’invasion suédoise de 1655-1667. La survie de l’Etat polonais à la fin du siècle tient du miracle. Miracle accompli par Jan III Sobieski qui restaurera la grandeur de la Pologne au cours de son règne (1674-1696). Le XVIIIème siècle semble cependant débuter à l’image de la déshérence du XVIIème. Frédéric-Auguste de Saxe, grand électeur saxon, se fait élire roi de Pologne sous le nom d’Auguste II en 1697 grâce aux faveurs des moscovites (remportant l’élection contre le Prince de Conti, candidat soutenu par la France). Lors de la guerre russo-suédoise (dite Grande Guerre du Nord, 1700-1721), les forces suédoises envahissent la Pologne, chassent Auguste II (qui se réfugie à Moscou) et placent Stanislas Leczynski sur le trône en 1704. 8 Son règne fit long feu puisque les russes chassèrent les suédois en 1709 et replacèrent Auguste II sur le trône. Stanislas se réfugia alors dans la principauté de Zweibrücken (à la frontière lorraine) que le roi de Suède venait de lui céder pour services rendus en 1714. Une dizaine d’années plus tard, en 1723, le Régent de France mourut et Louis XV (alors âgé de 13 ans) choisit le Duc de Bourbon comme premier ministre. Celui-ci, descendant de la branche de Condé des Bourbons, était l’adversaire résolu du Duc d’Orléans, héritier de la Couronne si Louis XV décédait sans héritier mâle. Il fallait donc à tout prix au premier ministre marier le roi et lui assurer une descendance. La seule dame noble en âge de procréer (mais suffisamment « mature » pour le faire rapidement) était Maria, la fille de Stanislas Leczynski. Le mariage eut lieux en 1725, Louis ayant quinze ans et Maria vingtdeux, faisant de Stanislas (qui n’avait pas renoncé à ses prétentions sur le trône de Pologne) le beau-père du roi de France… Le 1er septembre 1733, le roi de Pologne, Auguste II, décède. Il faut donc élire un nouveau roi, et la rupture est consommée… L’Autriche et la Russie soutiennent l’accession au trône d’Auguste III (fils du roi défunt), alors que la France soutient Stanislas. Un sosie de Stanislas embarque ostensiblement à Brest sur un navire de la Royale, pendant que Stanislas prend discrètement la route de la Pologne par voie de terre. Il arriva à Varsovie le 8 et fut finalement élu le 12. Quasi immédiatement, la Russie dépêcha des troupes en Pologne pour placer Auguste III sur le trône. A la suite de plusieurs escarmouches et d’un vaste mouvement tournant de l’armée russe, Stanislas et ses maigres forces se retranchèrent finalement dans la forteresse de Gdansk le 22 février 1734. La marine française alors disséminée dans ses colonies aux Amériques et aux Indes, il était fort difficile d’envoyer des troupes en Pologne rapidement. Louis XV détacha 2 000 hommes aux ordres de Louis de Bréhan, prince de Plélo, un officier tenant à la fois de l’aventurier et du diplomate, pour dégager Stanislas et le ramener en France. Pendant ce temps, l’armée française marcherait contre l’Autriche en Italie du Nord pour forcer (on l’espère) par des victoires l’empereur d’Autriche à soutenir la candidature de Stanislas et à se retourner contre la Russie. En mai 1734, Plélo et ses hommes touchent terre à quelques encablures de Gdansk. Il va coordonner l’assaut de ses 2 000 braves avec les 3 000 défenseurs afin de briser le cordon de 20 000 russes assiégeant la ville. La bataille va durer toute la journée du 27 mai. Les Amis de la Pologne n° 46 Ayant réussi à franchir trois règne d’Auguste III. La France redoutes ennemies, les français obtient de l’Autriche le duché de vont finalement se faire tailler en Lorraine que Louis XV confiera à pièces par l’armée russe. Le son beau-père polonais. Ce comte de Plélo, trente-cinq ans, dernier l’aménagera avec le soin meurt à la tête de ses troupes, et le bon goût que l’on sait. Les criblé de balle et le visage nobles polonais ayant suivi affreusement sabré. Le grand Stanislas mirent leur épée au Chateaubriand cite cet épisode service du roi de France, créant dans ses Mémoires d’Outrele régiment de cavalerie « Royal Tombe en ces mots : « Mon père Polonais », qui se couvrira de mit pied à terre et se trouva au gloire au cours de la guerre de mémorable combat que quinze Succession d’Autriche et de la cents Français, commandés par Guerre de Sept ans. En Pologne, le brave Breton, de Bréhan comte Auguste III réussira à stabiliser de Plélo, livrèrent le 27 mai 1734, l’Etat jusqu’à sa mort en 1763. à quarante mille Moscovites, Les dissensions au sein de la commandés par Munich. De noblesse, apparues au cours de Bréhan, diplomate, guerrier et la guerre de Succession, aboupoète, fut tué et mon père blessé tiront, comme on le sait, aux trois deux fois » (les chiffres avancés grands partages de la fin du sont sujets à caution). De Bréhan siècle. ne parviendra pas à dégager Louis XV et Maria Leczynska Stanislas Leczynski. Un mois eurent un fils Louis, dauphin de après la mort de son potentiel Mort du comte de Plélo devant Gdansk, 1734. France. Non sans ironie, celui-ci sauveur français, Stanislas épousera en 1747 Marie-Josèphe de Saxe et de s’évadera discrètement de la citadelle assiégée Pologne, fille d’Auguste . III. Les deux grands-pères des déguisé en marin pour se réfugier en Prusse puis époux étaient donc ennemis jurés… Ce couple aura, rentrer en France. Il ne reverra plus jamais la Pologne. entre autre, trois fils qui règneront sur la France : Louis Les français eurent plus de succès en Italie du Nord, notamment à San Pietro en septembre 1734. Le traité de Vienne de 1735, ratifié en 1738, entérine le XVI, Louis XVIII et Charles X. Nils Jacquin-Tkaczuk 966-2016 : les 1050 ans du baptême de la Pologne En 962, Mieszko 1er, fils de Siemomysł et descendant du légendaire Piast, succède à son père et devient duc des polanes qui donneront le nom de Pologne au pays. Il règne sur la grande Pologne, la Cujavie et la Mazovie qui sont convoitées par le Saint Empire romain germanique. En 963, Wichman, comte de Saxe au service du margrave Gero, envahit la Pologne et écrase les polonais. Mieszko 1er doit reconnaître la suzeraineté du Saint Empire. En 965, pour conjurer le danger tchèque au sud, Mieszko fait alliance avec la Bohème en épousant la fille de Boleslav 1er de Bohème : Dubravka appelée ensuite Dobrowa. En 966, Mieszko fait un voyage en Tchéquie et, de là, avec son beau-père, il part se faire baptiser selon les rites latins de l'Eglise romaine afin d‘éviter une conversion forcée par les allemands et l‘incorporation de la Pologne dans le Saint Empire. Son baptême qui s'inscrit dans un mouvement plus global de conversion chrétienne des populations slaves de l'est de l'Europe, fait de Mieszko 1er le fondateur de la Pologne telle qu'elle perdurera sur les plans politique, territorial et surtout religieux, entre Saint Empire romain germanique et Russie orthodoxe. Sources Wikipedia Mieszko 1er par Matejko Chantal Bordenave-Mańkowska Les Amis de la Pologne n° 46 9 Clématites, Clematis, Powojniki … Elles portent des noms de personnages illustres, des noms de batailles, elles symbolisent la patrie polonaise. Ce sont des clématites. Elles s’appellent Błękitny Anioł, Polish Spirit, Warszawska Nike, Kardynał Wyszyński, Westerplatte, Emilia Plater, Kacper, Jan Paweł II, Dorota, Monte Cassino, Fryderyk Chopin, Matka Siedliska, Danuta, Général Sikorski … ou bien tout simplement Stefan Franczak du nom de leur obtenteur. On ne peut pas toutes les citer car sur les 80 cultivars qu’il a créés, plus de 60 sont enregistrés officiellement. Certaines se sont vues décerner des médailles d’or et d’argent au Plantarium de Boskoop aux Pays-Bas, le plus grand salon professionnel international de la pépinière. D’autres ont reçu le prestigieux Award of Garden Merit de la part de la Royal Horticultural Society de Londres qui récompense les meilleurs spécimens et qui fait la promotion du jardinage et de l’horticulture en Grande-Bretagne et en Europe. Elles sont connues dans le monde entier grâce à leur créateur. Stefan Franczak est né le 3 août 1917 à Jeziorna, dans la voivodie de Łódź. Issu d’une famille paysanne nombreuse, il est le douzième des quatorze enfants. Elevé dans la foi, il suit pendant la guerre des études d’agriculture puis entre comme novice au couvent de Kalisz et deux ans plus tard au Collège des Jésuites de Varsovie. Nous sommes en 1948, la Pologne est sous domination russe. La communauté jésuite n’entretient pas de bons rapports avec le pouvoir en place qui lui refuse la construction d’une église à la place de leur ancien potager. De peur de se faire confisquer ce terrain, les Pères proposent alors d’en faire un jardin public, ce qui est toléré par les autorités. Frère lai, Stefan Franczak est chargé de cette restauration, une tâche dont il s’acquittera avec diligence et surtout avec passion allant jusqu’à développer une collection impressionnante de plus de 900 plantes dont des iris, des hémérocalles et des clématites, ses fleurs préférées. Sa patience n’a pas de limite. Il s’attaque d’arrache-pied au nettoyage du jardin et découvre des pousses de fleurs. Car pour créer de nouvelles plantes hybrides, il faut faire des croisements. Savoir attendre le bon moment, agir avec précision et Jan-Paweł II Westerplatte Polish spirit délicatesse… un travail artisanal avec pince à épiler, ciseau, pinceau… pour prélever les étamines d’une première fleur et frotter le pollen sur le pistil de la deuxième. Puis semer les graines, observer, sélectionner, cela demande parfois plusieurs années. La réussite n’est pas toujours au rendez-vous. L’obtention est un travail d’orfèvre. Un pépiniériste anglais du nom de Jim Fisk lui apporte son soutien et contribue à faire connaître ses créations dans le Royaume-Uni, en Europe de l’Ouest et aux USA. Raymond Evison de Guernesey rendra célèbre une petite bouture que lui a donné Stefan Franczak et qu’il baptisera « Polish Spirit ». La renommée du simple jardinier dépasse les frontières. Il publie un livre, écrit des articles et donne des interviews. Lors de la chute du communisme, les Jésuites ont enfin l’autorisation de construire leur église mais cela suppose le départ de Stefan Franczak qui en fait part à l’International Clematis Society. Ses amis se mobilisent et bien que le projet soit maintenu, il est autorisé à rester dans son jardin dont il voit la surface se réduire à quelques ares. Stefan Franczak Emilia Plater Błękitny Anioł Warszawa Nike Danuta Le 4 mars 2009, le président de la République Lech Kaczyński le décore de la Croix de Commandeur de l’Ordre Polonia Restituta en reconnaissance de son travail exceptionnel dans le domaine de la culture des plantes ornementales et de sa contribution au patrimoine mondial. Il est décédé le 6 juillet 2009 à Gdynia et il est enterré au cimetière de Powązki à Varsovie. Cet homme d’exception et d’une grande modestie est reconnu comme un obtenteur de renommée mondiale. Pour notre plus grand bonheur ses clématites continuent à fleurir nos jardins. Szczepan Marczyński et Władysław Piotrowski continuent son travail sur une pépinière de neuf hectares avec des équipements modernes et un personnel qualifié. Leur clématite Marie Skłodowska Curie a obtenu une médaille d’or en septembre 2014 lors de l’Exposition Flowers Expo de Moscou. Leur dernier cultivar porte le nom de Stefan Franczak en l’honneur du célèbre moine jésuite et jardinier polonais. Pierrette Calmel 10 Les Amis de la Pologne n° 46 Un petit coin de Pologne La mosquée tatare de Bohoniki Les Polonais et les Tatars cohabitent depuis la fin du XIIIème siècle avec la venue de tribus d'origine turcomongole fuyant les guerres intestines de la Horde d'Or. Si les premiers contacts n'ont pas été très amicaux, ils ont très vite, dès le XIVème siècle, été intégrés dans l'armée polonaise. Tout le monde sait le rôle crucial qu'ils ont joué à Grunwald en 1410 et à Vienne en 1683 et, plus près de nous, durant les deux guerres mondiales. Ces immigrés sont généralement des hommes. Ils se marient avec des polonaises, adoptent souvent leurs noms de famille et vont progressivement délaisser le turc pour adopter les langues slaves. Le métissage n'a néanmoins jamais remis en cause le sentiment d'appartenance à une identité tatare. Leur pratique de l'Islam sur des terres chrétiennes, leur culture nomade et guerrière et la réputation qu'ils se sont forgée y sont pour beaucoup. On considère qu'entre 3000 et 5000 tatars vivent encore en Pologne. Ils sont concentrés à l'extrême nord-est du pays, dans la voïvodie de Podlasie, le long de la frontière biélorusse. Ils participent aux fêtes catholiques, découvrent parfois les joies de la vodka et de la charcuterie et leurs femmes qui ne sont pas voilées ont les mêmes droits que les hommes. Leur Islam est jugé laxiste par les zélotes arabes de la religion de Mahomet et quand, un vendredi saint, l'un des imams d'une mosquée de Poméranie a voulu interdire à ses fidèles d'échanger des vœux pascals avec leurs voisins chrétiens, la communauté des Tatars est entrée en ébullition. ce n'est sa couleur verte et les croissants de lune en tôle sur les tours on pourrait la prendre pour l'une des églises voisines. Mosquée de Bohoniki et son imam A Bohoniki, 36 km au nord de Kruszyniany, la mosquée est encore plus petite. L'imam, un homme chaleureux, fait visiter avec plaisir ce lieu de culte aux dimensions d'une maison de poupée. La salle de prière est couverte d'une moquette, une cloison agrémentée d'un rideau de dentelle sépare la partie des femmes de celle des hommes et le minbar est minuscule. Parmi les descendants célèbres des tatars, on peut citer la sculptrice Magdalena Abakanowicz, le prix Nobel Henryk Sienkiewicz et l'acteur Karolis Bušinskis, tatar lituanien, plus connu sous le pseudonyme de Charles Bronson. En 1679, le roi Jan III Sobieski, n'ayant pas d'argent pour payer le tribut, leur a octroyé des terres dont le village de Kruszyniany où les tatars ont construit une mosquée. Elle est bâtie sur un plan rectangulaire (10 mètres sur 13), toute en bois avec des fenêtres en ogive. Les toits des deux tours sont en forme de bulbe. Les charpentiers qui l'ont construite n'avaient probablement jamais vu de mosquée…et si Le minbar L'imam, ayant fait ses études de théologie à Lyon, s'exprime dans un français parfait, il répond gentiment à toutes les questions même aux plus saugrenues « Peut-on être tatar sans être musulman ? Non, Etesvous aussi muezzin ? Oui je suis imam, muezzin, enseignant et accessoirement je passe l'aspirateur sur les tapis » dit-il en riant. La visite terminée, après avoir calligraphié nos prénoms en arabe sur une carte postale, il nous invite à aller voir dans son jardin une yourte tatare et, si nous le désirons, à nous rafraîchir dans la maison d'hôte que dirige son épouse. Il enfourche son vélo, passe devant pour nous montrer le chemin et nous fait un grand signe d'adieu de la main. Mosquée de Kruszyniany Les Amis de la Pologne n° 46 Chantal Bordenave-Mankowska 11 Sir Tadeusz Notez bien Poème écrit un soir de tristesse juste après le premier de l'an. Comme quoi l'année a mal commencé ! Seriez-vous intéressé par une chorale et/ou un groupe folklorique polonais à Toulouse ? Si c’est le cas, donnez-nous vos coordonnées au 05 61 81 55 61 ou par mail à [email protected] Oh mon Dieu ! Quel malheur ! Misère de misère Aujourd’hui, ce matin Sir Tadeusz est mort Il s'est éteint d'un coup et, malgré mes prières, Il me laisse tout seul accablé de remords. Mais quel cruel destin me frappe et me punit, Pourquoi donc aujourd'hui tout mon monde s'effondre Pourquoi suis je plongé en plein jour dans la nuit, Me contraindre à pleurer, gémir et me morfondre. Oh mon Dieu ! Quel malheur, misère de misère. Ce matin s'en est fait, Sir Tadeusz n'est plus ! Mais que lui ai-je fait, qu'est ce qui lui a déplu Il était là chez nous, plus qu'un ami,… un frère A qui je confiais tout, mes espoirs, mes regrets. Il savait de ma vie tous les petits secrets, Et tous mes souvenirs étaient dans sa mémoire. Tout ce que j'aurais dû cacher dans une armoire : Les films des enfants, et leurs tout premiers pas Ce que l'on a vécu et que l'on n’oublie pas, Que l'on aimait revoir comme un film qui passe, Qui resterait de nous je crois l'unique trace. Oh mon Dieu ! Quel malheur, misère de misère Il reste là, éteint, muet et sans lumière Tadeusz je t'en prie, reviens encore à nous J'en appelle au Bon Dieu, à Bouddha, à Vishnou ? A tous les saints du ciel et même aux apôtres A tous les vrais prophètes, ainsi qu'à tous les autres Aux savants, aux chercheurs, à quelques érudits, A tous ceux qui pourront lui redonner la vie Comme le fit Jésus et que l'on croit bizarre Au fond de son tombeau ressuscitant Lazare. Il était le seul lien qui m'unissait à vous Et à tous les amis que j'ai un peu partout. Je voudrais un instant, avant qu'elle ne soit noire Qu'il me rende tout ce qu'il a dans sa mémoire Oh ! Malheur de malheur ! Oh ! Ultime tristesse Vous aurez tous compris d'où me vient ma détresse, Horrifié, plein d’effroi, submergé de stupeur. Vous aurez tous compris pourquoi mon sang se glace Sir Tadeusz c'était tout juste un mot de passe Car il s'agit, hélas, de mon ordinateur. Nouvelle liaison aérienne Toulouse-Varsovie Antoine Jankowski, Consul Honoraire de Pologne à Toulouse y travaillait depuis trois ans et en avait fait une de ses priorités. Ses efforts n’ont pas été vains puisque le 26 janvier, Catherine Gay, directrice de la stratégie de l’aéroport de Toulouse Blagnac lui annonçait officiellement que la compagnie irlandaise Ryanair allait s’implanter à Toulouse et créer deux vols par semaine, entre Toulouse et Varsovie. Antoine Jankowski est heureux de la création de cette nouvelle ligne : « Ainsi, nous serons nombreux à aller passer nos fêtes près des nôtres en Pologne ; les échanges scolaires et universitaires se feront plus nombreux et à moindre coût et les partenaires économiques se rencontreront plus facilement et à moindre frais » Ecrit le 05 Janvier 2016 sur mon vieil ordinateur dont je ne me servais plus depuis 6 ou 7 ans. Daniel Curylo Les Amis de la Pologne N°46 Directeur de la publication : Jean-Noël Dragon Maquette : Georges Mańkowski ISSN 1639-21191 Les Amis de la Pologne Association loi 1901 - 57, rue Bayard, 31000 Toulouse. Adresse postale : 271 Route de Narbonne, 31400 Toulouse Président : Jean-Noël Dragon Président d’honneur : Jacques Arlet Secrétaire générale : Dany Dragon Trésorier : Gérard Calmel Conseillers : Pierrette Calmel, Kinga Joucaviel, Anna Masson, Véronique Olifirenko, Monique Ratajczak, Leszek Tabis www.lesamisdelapologne.net