Bulletin 46 - Les amis de la Pologne

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Les Amis
de la
Pologne
Association loi 1901
N° 46 – Juin 2016
Editorial
Que d’évènements survenus en quelques mois !
En France, l’ignominie et la barbarie ont frappé à Paris,
le 13 novembre, plongeant le pays dans la peur. Les Français
ont su heureusement relever la tête pour que la vie continue
et en tout premier lieu, notre association qui a maintenu son
magnifique concert Chopin pour fêter ses 35 ans d’existence
et commémorer l’indépendance de la Pologne.
En Pologne, le nouveau gouvernement est loin de faire
l’unanimité et les manifestants se rassemblent dans les rues
pour protester et sauvegarder leurs libertés.
Il y a heureusement des sujets plus légers dans
l’actualité culturelle et touristique. Même si nous ne pouvons
nous empêcher de verser une larme sur la disparition de « Sir
Tadeusz », nous retrouverons notre sérénité dans les jardins
fleuris de clématites ; notre connaissance de la Pologne
s’enrichira grandement en découvrant la personnalité hors du
commun de Jozef Czapski et le dernier roman de Joanna
Bator.
Ce nouveau bulletin nous donnera également l’occasion
de poursuivre notre cycle historique avec un évènement
méconnu : celui de la guerre de succession en Pologne au
XVIIIe siècle et de découvrir comment une communauté
tatare mène sa vie tranquille dans le nord-est du pays.
En cherchant les petits nains, parcourons les rues de
Wrocław, capitale européenne de la culture en 2016 et ne
perdons pas l’occasion d’aller en Pologne dès le mois de
novembre prochain, à petit prix, par un vol direct pour
Varsovie.
Jean-Noël Dragon
Sommaire n°46
Politique : Evolution politique en Pologne ………………….………...……………………… p. 2
La vie de notre association ……………………………………………………………………. p. 3
Evènements culturels en Pologne : inauguration du pavillon Czapski ……….………….. p. 4
Wrocław capitale européenne de la culture 2016 ... p. 5
Evènement vu : Joanna Bator à la librairie Ombres Blanches ……………………………. p. 6
Tytus Brzozowski et ses aquerelles oniriques ………………………………………………. p. 7
Un peu d’histoire : la guerre de succession de Pologne …….……..……………………… p. 8
Les 1050 ans du baptême de la Pologne ……………………………… p. 9
Clématites, Clematis, Powojniki ……………………………………………………………… p. 10
Un petit coin de Pologne : La mosquée tatare de Bohoniki ……………………………….. p. 11
Sir Tadeusz …………………………………………………………………………………..…. p. 12
Notez bien ………………………………………………………………………………………. p. 12
Politique
Evolution politique en Pologne
En ce mois de mai 2016, plusieurs évènements
agitent les Polonais et les font sortir dans la rue pour
manifester.
les dossiers soient traités dans leur ordre de dépôt. En
attendant son examen, le texte en question est
supposé constitutionnel et applicable.
Le Parti Droit et Justice (PIS) a certes gagné les
élections législatives en octobre 2015 mais tout le
monde est loin d’être d’accord avec la nouvelle
politique mise en place et le virage « à droite toute » du
nouveau gouvernement.
Alors que le Tribunal Constitutionnel a invalidé et
déclaré cette loi inconstitutionnelle dans son intégralité,
la première ministre Beata Szydło a annoncé qu’elle ne
respecterait pas ce verdict, considérant ce tribunal
illégitime.
Les
divisés.
De son côté, le président du Parlement Européen
Martin Schulz a accusé l’équipe polonaise au pouvoir
d’avoir fomenté un véritable coup d’état et le Conseil
Européen menace la Pologne de sanctions qui
pourraient aller jusqu’à la priver de son droit de vote.
Polonais
apparaissent
maintenant
bien
Le 7 mai dernier, à l’avant-veille de la journée de
l’Europe, ils sont descendus en masse dans les rues
de Varsovie mais pour des motifs différents ; les uns,
traditionnalistes et nationalistes, pour dire au
gouvernement qu’il ne va pas assez loin dans sa
politique eurosceptique, qu’il faut que la Pologne
montre davantage d’indépendance vis-à-vis de
l’Europe ; les autres, plus de 200 000, pour protester
contre la politique du gouvernement, pour dire qu’ils
veulent préserver la place de la Pologne dans l’Europe,
qu’ils ne veulent pas être isolés, qu’ils ne veulent pas
faire marche arrière.
Pour les « pro »
le PIS est le seul
parti politique capable de redresser
l’économie du pays
bradée, selon eux,
aux intérêts européens laissant à
l’écart de la prospérité une part importante de la
population. C’est le seul parti capable aussi de
préserver les valeurs catholiques traditionnelles
menacées, selon eux, par l’Europe.
Les autres, les « anti » ont peur de voir leurs
libertés étouffées par les nouvelles lois.
Par exemple celle sur les médias publics votée
dans la nuit du 30 au 31 décembre 2015 et promulguée
dès le 7 janvier par le président Andrzej Duda. Cette loi
permet désormais au gouvernement de nommer et de
démettre les dirigeants de la radio et de la télévision
publiques polonaises, désignés jusqu’alors par un
concours organisé par le conseil national de
l’audiovisuel, l’équivalent polonais du CSA français.
Un autre projet de loi divise profondément
l’opinion polonaise, celui de l’interdiction totale de
l’avortement déposé au Parlement par des
associations anti-IVG. En Pologne, l’IVG est autorisée
si la santé de la mère est en jeu, si la grossesse résulte
de viol ou d’inceste et en cas de malformation grave ou
de maladie congénitale de l’embryon.
L’Eglise de Pologne voudrait arriver à une
interdiction quasi-totale de l’avortement, ainsi que
l’entendait le communiqué de l’Episcopat du 30 mars lu
dans toutes les églises du pays « …en ce qui
concerne la protection de la vie des enfants à naître,
nous ne saurions nous satisfaire du compromis
existant… » Même si la croyance religieuse est forte en
Pologne, l’opinion n’est pas unanime sur le sujet. A la
lecture de ce communiqué, une partie des fidèles a
quitté les églises en signe de protestation.
Y aura-t-il un durcissement de la loi malgré les
milliers de manifestants dans toutes les villes de
Pologne ? Droit à l’avortement ou pas ?
Cette situation met la majorité conservatrice dans
l’embarras : elle ne veut pas s’opposer à l’Eglise
catholique, sa principale alliée politique et à une partie
de son électorat – 23 % des Polonais souhaitent un
durcissement de la législation actuelle – mais elle ne
veut pas non plus s’attirer d’autres critiques de
l’opposition.
Jean-Noël Dragon
Une autre loi a ému non seulement l’opinion
publique mais encore les instances européennes. Il
s’agit de l’adoption, le 29 décembre dernier, de la loi
réformant le Tribunal Constitutionnel qui statue sur la
conformité à la Constitution des lois et des traités et
des actes règlementaires émanant des autorités
centrales de l’état. Cette loi impose un quorum difficile
à réunir de 13 juges sur 15 pour statuer et exige que
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Les Amis de la Pologne n° 46
La vie de notre association
Une salle comble pour le concert Chopin du 27
novembre 2015 qui clôturait une assemblée générale
rassemblant seulement 18 adhérents…
Pour le coup, le bilan des activités variées et
nombreuses de l’association présenté par notre
président est tombé à plat.
Passés inaperçus aussi son
annonce de démission à la fin de
l’année 2016 et son appel à
candidature pour sa succession et aux
bonnes volontés pour une plus grande
implication des adhérents. Il est bon
de rappeler que notre association
compte une centaine de familles
adhérentes.
Revenons à notre concert. Un succès que nous
devons à Frédéric Vaysse Knitter qui, ne cédant pas à
la psychose après les attentats du 13 novembre, est
venu jouer Chopin avec fougue, délicatesse et talent .
Plus récemment, le 2 mai 2016, en ouverture de la
Semaine de l’Europe, nous avons mis à l’honneur le
théâtre polonais et Tadeusz Kantor en proposant le
spectacle théâtral Volkantornado à la salle de La
Brique Rouge à Toulouse. Mis en scène par Kasia
Kurzeja et interprété par la Compagnie POLLEN, ce
spectacle déjà présenté à Toulouse et en MidiPyrénées, a recueilli cette fois encore les
applaudissements d’un public nombreux.
Dany Dragon
Grand succès aussi pour notre traditionnelle
soirée Epiphanie-Kolędowanie le 8 janvier 2016.
Partager les vœux de nouvelle année, verre à la main
autour d’un buffet garni, est un plaisir renouvelé
chaque année. Quand, en plus, les kolędy et les chants
sont emmenés par la voix envoutante de Karolina
Popczyk….
Les Amis de la Pologne n° 46
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Les évènements culturels en Pologne
Inauguration du Pavillon Józef Czapski à Cracovie
Décidément, les nouveaux musées poussent
comme des champignons en Pologne ! Après de
nombreux lieux d’exposition modernes et multimédia
récemment ouverts à Varsovie : le Musée Chopin
(2010), le Musée de l’Insurrection de Varsovie (2004),
le Musée de L’Histoire des Juifs polonais POLIN
(2014) et plusieurs nouveaux musées cracoviens tels
que le Musée du Rynek souterrain inauguré en 2010,
le Musée de l’Art Contemporain MOCAK ouvert en
2011 ou encore la nouvelle CRICOTEKA inaugurée en
2014 (cf. bulletin n 43), l’ancienne capitale polonaise se
dote d’un nouvel endroit passionnant à visiter : le
Pavillon Józef Czapski.
Le bâtiment, fraichement inauguré le 23 avril
2016, attire déjà une multitude de visiteurs que l’œuvre
et la vie de cet artiste et écrivain hors pair émeuvent et
interpellent. Le pavillon est situé à quelques pas des
Planty et jouxte le Palais Hutten-Czapski (ancêtre de
Józef) où on peut, par ailleurs, admirer une impressionnante collection numismatique.
Qui était Józef Czapski ? Que peut-on découvrir
dans ce lieu moderne et lumineux ? Dans tous les
esprits, Józef Czapski est avant tout lié à la Kultura
parisienne, à Jerzy Giedroyc et à Maisons-Laffitte.
Tous connaissent également ses bouleversants
témoignages écrits en 1945 et publiés par Instytut
Literacki à Paris sous le titre Wspomnienia starobielskie et puis Na nieludzkiej ziemi ( Souvenir de
Starobielsk et Terre
inhumaine pour les
titres en français) qui
retracent les efforts de
l’écrivain pour faire
connaître la vérité à
propos des goulags et
du massacre de Katyń.
Mais peut-être connaîton moins ses œuvres
picturales auxquelles le
nouveau musée fait la
Czapski : autoportrait
part belle.
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Né en 1896 à Prague, dans une famille
aristocratique polonaise, Józef Czapski passa son
enfance en Biélorussie, puis fit des études de droit à
Saint-Pétersbourg et de peinture à l'Académie des
Beaux-Arts à Cracovie. Il participa à la guerre polonosoviétique en 1920 pendant laquelle il s’illustra par un
grand courage. Entre 1924 et 1933, il séjourna à Paris
où il fonda avec quelques amis artistes le mouvement
kapiste, très influencé par l’œuvre de Paul Cézanne. Il
rentra ensuite en Pologne où il continua son œuvre
artistique, en exposant ses tableaux et en écrivant des
articles dans des revues culturelles. Lorsque la
Seconde Guerre éclata, Czapski fut arrêté par les
Soviétiques le 27 septembre 1939 et envoyé au camp
de Starobielsk. Avec quelques 400 officiers de l’armée
polonaise, il échappa de justesse au massacre de
Katyń. Après les accords Sikorski-Maïski, il quitta
l’URSS avec l’armée du général Anders. C’est alors
qu’il fit connaissance de Jerzy Giedroyc, de Zofia et
Zygmunt Hertz ainsi que de Gustaw HerlingGrudziński, ses futurs collaborateurs et amis. En 1942,
le gouvernement polonais de Londres le chargea de la
mission officielle de recherche des officiers polonais
disparus en Union soviétique. Le fruit en furent ses
écrits intitulés Terre inhumaine. Après la Seconde
Guerre mondiale, Czapski vécut en exil en France, à
Maisons-Laffitte, avec Jerzy Giedroyc, Zofia et Jerzy
Hertz ainsi qu’avec son frère Henryk qui rejoignit le
groupe un peu plus tard. Il participa à la fondation et à
la rédaction de la revue Kultura dans laquelle il publia
une série d’essais sur l’art et sur la littérature. Il était
l’un des personnages incontournables de la Kultura
parisienne. Homme sensible, bon, joyeux droit et
agréable, il était très apprécié de ses amis. Giedroyc
l’appelait, non sans humour, son « ministre des affaires
étrangères ». Pendant sa longue vie parisienne,
Czapski exposait ses peintures en France, en
Belgique, en Grande Bretagne, en Suisse et au Brésil.
Il publiait également des articles dans la presse
française, notamment dans Le Figaro Littéraire. En
revanche, il fallut attendre les changements de 1989
pour que ses écrits et ses peintures soient connus en
Pologne. Il mourut en 1993 à Maisons-Laffitte.
Les Amis de la Pologne n° 46
Le nouveau musée de Józef Czapski est un lieu
où se croisent tous ces parcours et toutes ces
histoires. On y admire les peintures de l’artiste, ses
souvenirs et ses manuscrits. C’est un lieu fait aussi
bien pour les amateurs de peinture que pour les
passionnés de l’Histoire du XXème siècle. Sur les trois
niveaux que contient le bâtiment, on parcourt la vie et
l’œuvre de l’artiste, guidé par des panneaux
biographiques clairs et aidé par des jalons de l’histoire
universelle. On peut y admirer les tableaux de l’artiste,
lire sur des écrans tactiles quelques extraits de son
Journal, boire un cappuccino dans la reconstruction
d’un café parisien tapissé d’affiches faites de la main
du peintre, s’arrêter dans une bibliothèque - salle de
lecture et lire quelques pages de ses
écrits, s’attarder dans
son cabinet de travail,
reconstitué à l’identique, tel qu’il était à
Maisons-Laffitte. Un
espace est prévu
pour des expositions
temporaires. Actuellement, on peut y voir
douze tableaux de
Czapski peints entre
1957 et 1986, offerts
au Musée par les collectionneurs et amis
de l’artiste, Barbara et
Richard Aeschlimann.
Le Pavillon Czapski est conçu comme un centre de
documentation et de recherches autour de l’œuvre de
l’artiste et de l’art contemporain. Le Musée National de
Cracovie, propriétaire des lieux, y propose des
conférences, des stages pour enseignants, des ateliers
et des visites scolaires, des débats. Autant d’occasions
de mieux connaître toutes les facettes de cet homme
d’exception.
Anna Wodniecka-Masson
Wrocław capitale européenne de la culture 2016
Après six années de réflexion, un jury de treize
experts a choisi les villes de Wrocław et de DonostiaSan Sébastian comme capitales européennes de la
culture.
Le mois de janvier 2016 a vu l’inauguration de ces
festivités mises en scène par Chris Baldwin. La ville et
ses 1500 figurants, tous habitants de Wrocław, va offrir
aux spectateurs une foule d’activités sur le thème « la
renaissance de Wrocław après la seconde guerre
mondiale ».
Si vous avez la chance de vous promener dans
cette région au mois de juin vous écouterez avec
passion les nuits européennes de la littérature. Des
œuvres contemporaines seront lues par des
personnalités de la culture polonaise et vous pourrez
admirer des acrobates, danseurs et musiciens, en tout
60 spectacles le long de l’Oder.
En juillet, le Pays Basque sera à l’honneur avec
une édition spéciale sur le sport, le cinéma, la
littérature et l’art culinaire.
Les Amis de la Pologne n° 46
Au mois d’août, les chorales, vocalistes et
amateurs de chant animeront les jours et les nuits de
cette superbe ville.
En septembre, le style « fantastique » débutera
avec la « convention polonaise des amateurs du genre
fantastique » et la présentation de films, musiques et
œuvres littéraires.
Novembre fêtera le théâtre avec les « meilleures »
pièces et les « meilleurs » artistes mondiaux…
En décembre, le prix du cinéma européen sera
décerné, lors d’un prestigieux repas de gala, par les
membres de l’Académie européenne du cinéma pour
clôturer cette année.
J’espère vous avoir donné l’envie de faire un
détour par Wrocław cet été et n'oubliez pas d'y
chercher les 396 petits nains (nombre arrêté au 24 avril
2016) disséminés dans toute la ville et les 18 cachés
dans ces pages.
Bonnes vacances.
Véronique Olifirenko
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Evènement vu
Joanna Bator à la librairie Ombres Blanches
Dans le cycle des rencontres avec les écrivains
polonais contemporains, le 4 décembre dernier, nous
avons accueilli à Toulouse Joanna Bator, romancière,
lauréate du prestigieux prix littéraire Nike.
Avant d’ouvrir le débat, Kinga Joucaviel,
animatrice de la séance, a présenté l’auteure et a
donné un éclairage sur le livre Le Mont-de-Sable,
récemment publié en France.
Joanna Bator est née en 1968 à Walbrzych, ville
post-allemande proche de Wrocław, dans une famille
d’intelligentsia, mais aux origines ouvrières. Sa
fascination pour le théâtre de Witkacy l’amène à l’École
d’art dramatique, qu’elle abandonne pourtant pour
entreprendre les études d’anthropologie des cultures et
de philosophie. Enseignante à l’Université de Varsovie,
elle effectue plusieurs voyages liés à ses recherches,
en Grande Bretagne, aux USA et au Japon. Séduite
par la culture japonaise, elle écrit, en 2004, un recueil
de reportages Japoński wachlarz [Éventail japonais],
son premier succès littéraire. Parmi ses autres livres,
citons : Kobieta [La Femme] 2002, Piaskowa Góra [Le
Mont-de-sable] 2009, Chmurdalia
2010, Ciemno, prawie noc [Il fait noir,
presque nuit] 2012, Rekin z parku
Yoyogi [Le Requin du parc Yoyoga]
2014, Wyspa łza [L’île-larme] 2015. La
narration polymorphique rend difficile
la classification de ces livres, à la fois
documents historiques, sociaux, traités anthropologiques et romans de
fiction. Joanna Bator est également
journaliste, chroniqueuse pour « Gazeta Wyborcza » et elle fait partie du
jury du Prix international Ryszard
Kapuściński.
Le Mont-de-Sable, traduit en
français par Caroline Raszka-Dewez
et publié en 2014 aux Éditions Noir sur
Blanc, est le 2ème roman de l’auteure,
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aussitôt acclamé par la critique comme un des
meilleurs romans de sa génération.
Le Mont-de-Sable est le nom d’une cité qui existe
réellement à Walbrzych, ville de charbonnage en
Basse-Silésie dans le Sud-ouest de la Pologne, sur les
territoires dits « récupérés » de l’Allemagne. C’est
également la terre d’asile ou d’accueil des Polonais
déportés, après la guerre, des différentes provinces
polonaises déshéritées, le plus souvent des régions
annexées par l’URSS. Dans l’immeuble le plus grand
de cette cité nommé Babel, habite Stefan Chmura avec
sa femme et sa fille. Stefan est mineur et rêve « d’un
avenir meilleur », mais il s’apercevra que, dans cette
Pologne de la combine et de la débrouille, il n’y a pas
de place pour des rêveurs…
La narration abonde en de nombreux flash-back
qui constituent des « récits dans le récit » racontant les
histoires qui reconstituent la généalogie de la famille
Chmura. Le fil « narratif » du roman est l’histoire de
Dominika, fille de Stefan ; le lecteur l’accompagne dès
la naissance à travers les années scolaires, son
premier amour (avec un prêtre) jusqu’au départ à
Varsovie pour les études. Elle est « différente », malaimée, mal comprise, mais dotée de talents
inespérés…
Concentré sur le destin d’une famille « classique »
polonaise, le roman dresse le panorama d’une société
du temps du PRL, qui naît, prospère, puis se
désagrège.
Cette
fresque
sociale
acerbe,
magistralement construite, dépeint les frustrations et
les rêves d’une société prisonnière de mythes sur le
passé idéalisé, de traumatismes historiques,
d’endoctrinement idéologique et de restrictions dans
tous domaines. Cependant, l’auteure est préoccupée
surtout par la condition des femmes –
filles, mères et grand-mères qui,
confrontées à la réalité brutale et
triviale, tissent cette histoire familiale,
appelée par certains critiques saga
féministe.
Le roman est passionnant et
dense ; les digressions récurrentes et
l’absence de dialogues obligent à une
lecture attentive. Mais la langue, son
véritable atout esthétique, dynamise
l’action et la lecture. Elle est
savoureuse
et
très
diversifiée
stylistiquement car elle mélange
différents « discours » :
langage châtié et réflexif, parfois archaïsant,
Les Amis de la Pologne n° 46
avec dialectes régionaux, jargons sociaux, discours
figés de la propagande, créations néologiques,
emprunts, fragments de poèmes et anecdotes.
Le public réuni ce soir-là, composé de lecteurs
polonais, mais également d’habitués français de la
librairie, a découvert une jeune romancière qui, de
prime abord, a pu paraître timide et fragile, mais qui a
surpris par la fermeté de ses convictions et la
pertinence de ses propos. Le regard qu’elle porte sur la
société polonaise, à la fois critique et empreint
d’empathie, remet en question l’image héroïque et
doloriste, celle d’éternels « trompés par l’histoire »,
qu’ont les Polonais d’eux-mêmes. Il va de soi que
certaines questions, concernant notamment les libertés
de la femme, déchirée entre le langage incitatif des
médias et restrictif de l’Eglise, ont suscité un vif débat,
en particulier entre les femmes « traditionnalistes » et
les femmes émancipées. L’auteure, d’une voix posée,
armée de connaissance des faits concrets, a su
« calmer le débat » et réconcilier les voix divergentes
des femmes, toutes impressionnées par ce roman qui
propose une écriture épique novatrice, qui surprend
par la sincérité et la pertinence d’observation et qui
réunit, dans une parfaite harmonie, humour,
ironie et imagination.
Kinga Joucaviel
L'aquarelliste Tytus Brzozowski
L'architecte et aquarelliste polonais Tytus Brzozowski crée de
magnifiques aquarelles surréalistes de Varsovie. Si la capitale de la
Pologne n'est pas réputée pour sa beauté, le talent de Tytus est de
réussir, sous un soleil radieux, à magnifier ses bâtiments et à la rendre
splendide grâce à une touche de surréalisme et de lumière qui donne un
charme coloré à la ville.
Des motifs inhabituels, comme des dés, des théières, émaillent le
paysage et pourtant tout à l'air bien réel, même les métros qui sortent des
immeubles au dixième étage. Le peintre décrit ses aquarelles comme la
"ville de ses rêves" et tout comme les rêves semblent défier l'espace et le
temps, ses peintures rassemblent les éléments du présent et du passé.
Tytus Brzozowski est diplômé de la
Faculté d’Architecture de Varsovie. Il a
aussi étudié et travaillé en Finlande où il
a fait des recherches sur la sobriété de
l’art et du design nordiques.
Chantal Bordenave-Mankowska
Les Amis de la Pologne n° 46
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Un peu d’histoire
La Guerre de Succession de Pologne :
le commencement de la fin.
Le XVIIème siècle marque assurément un net recul
de la puissance polonaise dans le concert des nations
européennes. Alors que la France, l’Angleterre et
l’Espagne se lancent à la conquête des Amériques et
des Indes, alors que la Russie s’agrandit considérablement à l’Est en colonisant la Sibérie, la Pologne se
retrouve en proie à des luttes intestines.
Tout d’abord, la Pologne est un pays de plaines
qui n’a pas de frontière naturelle. Au cours du Grand
Siècle, la population est paysanne à 85 % et le servage
est encore très répandu. La bourgeoisie commerciale
est relativement peu nombreuse et limitée aux
quelques grandes villes. Le commerce est en effet en
grande partie aux mains des juifs (les primats
catholiques de Pologne tenant l’exercice de métiers
commerciaux à finalité mercantile comme malsain, ils
en déconseillent la pratique à leurs fidèles). De plus il
n’y a pas d’unité de langue : on parle polonais,
ukrainien, biélorusse, lituanien, russe, letton ou
allemand ; ni d'unité religieuse : la moitié de la
population est catholique, l'autre moitié est orthodoxe,
protestante ou juive. Le roi est élu par la Diète selon le
principe du liberum veto (la majorité absolue est
requise)… Pour l’élection d’Henry de Valois au trône de
Pologne en 1573, les chroniqueurs rapportent que
certains députés de la Diète en sont venus au sabre.
Les puissances environnant la Pologne soudoient
donc grassement les nobles polonais (selon un principe
relativement proche du lobbying actuel) pour placer un
de leurs partisans à la tête de l’Etat. Car si la Pologne
est encore peu industrielle (la Silésie, riche terre
minière, appartient alors à l’Autriche), c’est un pays de
cocagne à l’impressionnante production agricole. Le
Grand Siècle a par ailleurs été particulièrement
éprouvant pour la Pologne, le Déluge ayant miné la
puissance du pays avec la révolte des Cosaques
(1648-1667), la guerre russo-polonaise (1655-1662) et
l’invasion suédoise de 1655-1667. La survie de l’Etat
polonais à la fin du siècle tient du miracle. Miracle
accompli par Jan III Sobieski qui restaurera la grandeur
de la Pologne au cours de son règne (1674-1696).
Le XVIIIème siècle semble cependant débuter à
l’image de la déshérence du XVIIème. Frédéric-Auguste
de Saxe, grand électeur saxon, se fait élire roi de
Pologne sous le nom d’Auguste II en 1697 grâce aux
faveurs des moscovites (remportant l’élection contre le
Prince de Conti, candidat soutenu par la France). Lors
de la guerre russo-suédoise (dite Grande Guerre du
Nord, 1700-1721), les forces suédoises envahissent la
Pologne, chassent Auguste II (qui se réfugie à Moscou)
et placent Stanislas Leczynski sur le trône en 1704.
8
Son règne fit long feu puisque les russes chassèrent
les suédois en 1709 et replacèrent Auguste II sur le
trône. Stanislas se réfugia alors dans la principauté de
Zweibrücken (à la frontière lorraine) que le roi de
Suède venait de lui céder pour services rendus en
1714. Une dizaine d’années plus tard, en 1723, le
Régent de France mourut et Louis XV (alors âgé de 13
ans) choisit le Duc de Bourbon comme premier
ministre. Celui-ci, descendant de la branche de Condé
des Bourbons, était l’adversaire résolu du Duc
d’Orléans, héritier de la Couronne si Louis XV décédait
sans héritier mâle. Il fallait donc à tout prix au premier
ministre marier le roi et lui assurer une descendance.
La seule dame noble en âge de procréer (mais
suffisamment « mature » pour le faire rapidement) était
Maria, la fille de Stanislas Leczynski. Le mariage eut
lieux en 1725, Louis ayant quinze ans et Maria vingtdeux, faisant de Stanislas (qui n’avait pas renoncé à
ses prétentions sur le trône de Pologne) le beau-père
du roi de France…
Le 1er septembre 1733, le roi de Pologne, Auguste
II, décède. Il faut donc élire un nouveau roi, et la
rupture est consommée… L’Autriche et la Russie
soutiennent l’accession au trône d’Auguste III (fils du
roi défunt), alors que la France soutient Stanislas. Un
sosie de Stanislas embarque ostensiblement à Brest
sur un navire de la Royale, pendant que Stanislas
prend discrètement la route de la Pologne par voie de
terre. Il arriva à Varsovie le 8 et fut finalement élu le 12.
Quasi immédiatement, la Russie dépêcha des troupes
en Pologne pour placer Auguste III sur le trône. A la
suite de plusieurs escarmouches et d’un vaste
mouvement tournant de l’armée russe, Stanislas et ses
maigres forces se retranchèrent finalement dans la
forteresse de Gdansk le 22 février 1734. La marine
française alors disséminée dans ses colonies aux
Amériques et aux Indes, il était fort difficile d’envoyer
des troupes en Pologne rapidement. Louis XV détacha
2 000 hommes aux ordres de Louis de Bréhan, prince
de Plélo, un officier tenant à la fois de l’aventurier et du
diplomate, pour dégager Stanislas et le ramener en
France. Pendant ce temps, l’armée française
marcherait contre l’Autriche en Italie du Nord pour
forcer (on l’espère) par des victoires l’empereur
d’Autriche à soutenir la candidature de Stanislas et à se
retourner contre la Russie.
En mai 1734, Plélo et ses hommes touchent terre
à quelques encablures de Gdansk. Il va coordonner
l’assaut de ses 2 000 braves avec les 3 000 défenseurs
afin de briser le cordon de 20 000 russes assiégeant la
ville. La bataille va durer toute la journée du 27 mai.
Les Amis de la Pologne n° 46
Ayant réussi à franchir trois
règne d’Auguste III. La France
redoutes ennemies, les français
obtient de l’Autriche le duché de
vont finalement se faire tailler en
Lorraine que Louis XV confiera à
pièces par l’armée russe. Le
son beau-père polonais. Ce
comte de Plélo, trente-cinq ans,
dernier l’aménagera avec le soin
meurt à la tête de ses troupes,
et le bon goût que l’on sait. Les
criblé de balle et le visage
nobles polonais ayant suivi
affreusement sabré. Le grand
Stanislas mirent leur épée au
Chateaubriand cite cet épisode
service du roi de France, créant
dans ses Mémoires d’Outrele régiment de cavalerie « Royal
Tombe en ces mots : « Mon père
Polonais », qui se couvrira de
mit pied à terre et se trouva au
gloire au cours de la guerre de
mémorable combat que quinze
Succession d’Autriche et de la
cents Français, commandés par
Guerre de Sept ans. En Pologne,
le brave Breton, de Bréhan comte
Auguste III réussira à stabiliser
de Plélo, livrèrent le 27 mai 1734,
l’Etat jusqu’à sa mort en 1763.
à quarante mille Moscovites,
Les dissensions au sein de la
commandés par Munich. De
noblesse, apparues au cours de
Bréhan, diplomate, guerrier et
la guerre de Succession, aboupoète, fut tué et mon père blessé
tiront, comme on le sait, aux trois
deux fois » (les chiffres avancés
grands partages de la fin du
sont sujets à caution). De Bréhan
siècle.
ne parviendra pas à dégager
Louis XV et Maria Leczynska
Stanislas Leczynski. Un mois
eurent un fils Louis, dauphin de
après la mort de son potentiel
Mort du comte de Plélo devant Gdansk, 1734.
France. Non sans ironie, celui-ci
sauveur
français,
Stanislas
épousera en 1747 Marie-Josèphe de Saxe et de
s’évadera discrètement de la citadelle assiégée
Pologne, fille d’Auguste
. III. Les deux grands-pères des
déguisé en marin pour se réfugier en Prusse puis
époux étaient donc ennemis jurés… Ce couple aura,
rentrer en France. Il ne reverra plus jamais la Pologne.
entre autre, trois fils qui règneront sur la France : Louis
Les français eurent plus de succès en Italie du
Nord, notamment à San Pietro en septembre 1734. Le
traité de Vienne de 1735, ratifié en 1738, entérine le
XVI, Louis XVIII et Charles X.
Nils Jacquin-Tkaczuk
966-2016 : les 1050 ans du baptême de la Pologne
En 962, Mieszko 1er, fils de Siemomysł et
descendant du légendaire Piast, succède à son père et
devient duc des polanes qui donneront le nom de
Pologne au pays. Il règne sur la grande Pologne, la
Cujavie et la Mazovie qui sont convoitées par le Saint
Empire romain germanique. En 963, Wichman, comte
de Saxe au service du margrave Gero, envahit la
Pologne et écrase les polonais. Mieszko 1er doit
reconnaître la suzeraineté du Saint Empire.
En 965, pour
conjurer le danger
tchèque
au
sud,
Mieszko fait alliance avec la Bohème en épousant la fille de Boleslav 1er de
Bohème : Dubravka appelée ensuite Dobrowa. En 966, Mieszko fait un voyage en
Tchéquie et, de là, avec son beau-père, il part se faire baptiser selon les rites latins
de l'Eglise romaine afin d‘éviter une conversion forcée par les allemands et
l‘incorporation de la Pologne dans le Saint Empire.
Son baptême qui s'inscrit dans un mouvement plus global de conversion
chrétienne des populations slaves de l'est de l'Europe, fait de Mieszko 1er le
fondateur de la Pologne telle qu'elle perdurera sur les plans politique, territorial et
surtout religieux, entre Saint Empire romain germanique et Russie orthodoxe.
Sources Wikipedia
Mieszko 1er par Matejko
Chantal Bordenave-Mańkowska
Les Amis de la Pologne n° 46
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Clématites, Clematis, Powojniki …
Elles
portent
des
noms
de
personnages illustres, des noms de
batailles, elles symbolisent la patrie
polonaise. Ce sont des clématites. Elles
s’appellent Błękitny Anioł, Polish Spirit,
Warszawska Nike, Kardynał Wyszyński,
Westerplatte, Emilia Plater, Kacper, Jan
Paweł II, Dorota, Monte Cassino, Fryderyk
Chopin, Matka Siedliska, Danuta, Général
Sikorski … ou bien tout simplement Stefan
Franczak du nom de leur obtenteur. On ne
peut pas toutes les citer car sur les 80
cultivars qu’il a créés, plus de 60 sont
enregistrés officiellement. Certaines se
sont vues décerner des médailles d’or et
d’argent au Plantarium de Boskoop aux
Pays-Bas,
le
plus
grand
salon
professionnel international de la pépinière.
D’autres ont reçu le prestigieux Award of
Garden Merit de la part de la Royal
Horticultural Society de Londres qui
récompense les meilleurs spécimens et
qui fait la promotion du jardinage et de
l’horticulture en Grande-Bretagne et en
Europe. Elles sont connues dans le monde
entier grâce à leur créateur.
Stefan Franczak est né le 3 août 1917
à Jeziorna, dans la voivodie de Łódź. Issu
d’une famille paysanne nombreuse, il est
le douzième des quatorze enfants. Elevé
dans la foi, il suit pendant la guerre des
études d’agriculture puis entre comme
novice au couvent de Kalisz et deux ans
plus tard au Collège des Jésuites de
Varsovie. Nous sommes en 1948, la
Pologne est sous domination russe. La
communauté jésuite n’entretient pas de
bons rapports avec le pouvoir en place qui
lui refuse la construction d’une église à la
place de leur ancien potager. De peur de
se faire confisquer ce terrain, les Pères
proposent alors d’en faire un jardin public,
ce qui est toléré par les autorités. Frère lai,
Stefan Franczak est chargé de cette
restauration, une tâche dont il s’acquittera
avec diligence et surtout avec passion
allant jusqu’à développer une collection
impressionnante de plus de 900 plantes
dont des iris, des hémérocalles et des
clématites, ses fleurs préférées. Sa
patience n’a pas de limite. Il s’attaque
d’arrache-pied au nettoyage du jardin et
découvre des pousses de fleurs. Car pour
créer de nouvelles plantes hybrides, il faut
faire des croisements. Savoir attendre le
bon moment, agir avec précision et
Jan-Paweł II
Westerplatte
Polish spirit
délicatesse… un travail artisanal avec
pince à épiler, ciseau, pinceau… pour
prélever les étamines d’une première fleur
et frotter le pollen sur le pistil de la
deuxième. Puis semer les graines,
observer, sélectionner, cela demande
parfois plusieurs années. La réussite n’est
pas toujours au rendez-vous. L’obtention
est un travail d’orfèvre.
Un pépiniériste anglais du nom de
Jim Fisk lui apporte son soutien et
contribue à faire connaître ses créations
dans le Royaume-Uni, en Europe de
l’Ouest et aux USA. Raymond Evison de
Guernesey rendra célèbre une petite
bouture que lui a donné Stefan Franczak
et qu’il baptisera « Polish Spirit ». La
renommée du simple jardinier dépasse les
frontières. Il publie un livre, écrit des
articles et donne des interviews.
Lors de la chute du communisme, les
Jésuites ont enfin l’autorisation de
construire leur église mais cela suppose le
départ de Stefan Franczak qui en fait part
à l’International Clematis Society. Ses
amis se mobilisent et bien que le projet
soit maintenu, il est autorisé à rester dans
son jardin dont il voit la surface se réduire
à quelques ares.
Stefan Franczak
Emilia Plater
Błękitny Anioł
Warszawa Nike
Danuta
Le 4 mars 2009, le président de la
République Lech Kaczyński le décore de
la Croix de Commandeur de l’Ordre
Polonia Restituta en reconnaissance de
son travail exceptionnel dans le domaine
de la culture des plantes ornementales et
de sa contribution au patrimoine mondial.
Il est décédé le 6 juillet 2009 à Gdynia
et il est enterré au cimetière de Powązki à
Varsovie. Cet homme d’exception et d’une
grande modestie est reconnu comme un
obtenteur de renommée mondiale. Pour
notre plus grand bonheur ses clématites
continuent à fleurir nos jardins.
Szczepan Marczyński et Władysław
Piotrowski continuent son travail sur une
pépinière de neuf hectares avec des
équipements modernes et un personnel
qualifié. Leur clématite Marie Skłodowska Curie a obtenu une médaille d’or en
septembre 2014 lors de l’Exposition
Flowers Expo de Moscou. Leur dernier
cultivar porte le nom de Stefan Franczak
en l’honneur du célèbre moine jésuite et
jardinier polonais.
Pierrette Calmel
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Les Amis de la Pologne n° 46
Un petit coin de Pologne
La mosquée tatare de Bohoniki
Les Polonais et les Tatars cohabitent depuis la fin
du XIIIème siècle avec la venue de tribus d'origine turcomongole fuyant les guerres intestines de la Horde d'Or.
Si les premiers contacts n'ont pas été très amicaux, ils
ont très vite, dès le XIVème siècle, été intégrés dans
l'armée polonaise. Tout le monde sait le rôle crucial
qu'ils ont joué à Grunwald en 1410 et à Vienne en 1683
et, plus près de nous, durant les deux guerres
mondiales.
Ces immigrés sont généralement des hommes. Ils
se marient avec des polonaises, adoptent souvent
leurs noms de famille et vont progressivement
délaisser le turc pour adopter les langues slaves. Le
métissage n'a néanmoins jamais remis en cause le
sentiment d'appartenance à une identité tatare. Leur
pratique de l'Islam sur des terres chrétiennes, leur
culture nomade et guerrière et la réputation qu'ils se
sont forgée y sont pour beaucoup.
On considère qu'entre 3000 et 5000 tatars vivent
encore en Pologne. Ils sont concentrés à l'extrême
nord-est du pays, dans la voïvodie de Podlasie, le long
de la frontière biélorusse. Ils participent aux fêtes
catholiques, découvrent parfois les joies de la vodka et
de la charcuterie et leurs femmes qui ne sont pas
voilées ont les mêmes droits que les hommes. Leur
Islam est jugé laxiste par les zélotes arabes de la
religion de Mahomet et quand, un vendredi saint, l'un
des imams d'une mosquée de Poméranie a voulu
interdire à ses fidèles d'échanger des vœux pascals
avec leurs voisins chrétiens, la communauté des
Tatars est entrée en ébullition.
ce n'est sa couleur verte et les croissants de lune en
tôle sur les tours on pourrait la prendre pour l'une des
églises voisines.
Mosquée de Bohoniki et son imam
A Bohoniki, 36 km au nord de Kruszyniany, la
mosquée est encore plus petite. L'imam, un homme
chaleureux, fait visiter avec plaisir ce lieu de culte aux
dimensions d'une maison de poupée. La salle de prière
est couverte d'une moquette, une cloison agrémentée
d'un rideau de dentelle sépare la partie des femmes de
celle des hommes et le minbar est minuscule.
Parmi les descendants célèbres des tatars, on
peut citer la sculptrice Magdalena Abakanowicz, le prix
Nobel Henryk Sienkiewicz et l'acteur Karolis Bušinskis,
tatar lituanien, plus connu sous le pseudonyme de
Charles Bronson.
En 1679, le roi Jan III Sobieski, n'ayant pas
d'argent pour payer le tribut, leur a octroyé des terres
dont le village de Kruszyniany où les tatars ont
construit une mosquée. Elle est bâtie sur un plan
rectangulaire (10 mètres sur 13), toute en bois avec
des fenêtres en ogive. Les toits des deux tours sont en
forme de bulbe. Les charpentiers qui l'ont construite
n'avaient probablement jamais vu de mosquée…et si
Le minbar
L'imam, ayant fait ses études de théologie à Lyon,
s'exprime dans un français parfait, il répond gentiment
à toutes les questions même aux plus saugrenues
« Peut-on être tatar sans être musulman ? Non, Etesvous aussi muezzin ? Oui je suis imam, muezzin,
enseignant et accessoirement je passe l'aspirateur sur
les tapis » dit-il en riant.
La visite terminée, après avoir calligraphié nos
prénoms en arabe sur une carte postale, il nous invite
à aller voir dans son jardin une yourte tatare et, si
nous le désirons, à nous rafraîchir dans la maison
d'hôte que dirige son épouse. Il enfourche son vélo,
passe devant pour nous montrer le chemin et nous fait
un grand signe d'adieu de la main.
Mosquée de Kruszyniany
Les Amis de la Pologne n° 46
Chantal Bordenave-Mankowska
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Sir Tadeusz
Notez bien
Poème écrit un soir de
tristesse juste après le
premier de l'an.
Comme quoi l'année a
mal commencé !
Seriez-vous intéressé par une
chorale et/ou un groupe folklorique
polonais à Toulouse ?
Si c’est le cas, donnez-nous vos
coordonnées au 05 61 81 55 61 ou
par mail à [email protected]
Oh mon Dieu ! Quel malheur ! Misère de misère
Aujourd’hui, ce matin Sir Tadeusz est mort
Il s'est éteint d'un coup et, malgré mes prières,
Il me laisse tout seul accablé de remords.
Mais quel cruel destin me frappe et me punit,
Pourquoi donc aujourd'hui tout mon monde s'effondre
Pourquoi suis je plongé en plein jour dans la nuit,
Me contraindre à pleurer, gémir et me morfondre.
Oh mon Dieu ! Quel malheur, misère de misère.
Ce matin s'en est fait, Sir Tadeusz n'est plus !
Mais que lui ai-je fait, qu'est ce qui lui a déplu
Il était là chez nous, plus qu'un ami,… un frère
A qui je confiais tout, mes espoirs, mes regrets.
Il savait de ma vie tous les petits secrets,
Et tous mes souvenirs étaient dans sa mémoire.
Tout ce que j'aurais dû cacher dans une armoire :
Les films des enfants, et leurs tout premiers pas
Ce que l'on a vécu et que l'on n’oublie pas,
Que l'on aimait revoir comme un film qui passe,
Qui resterait de nous je crois l'unique trace.
Oh mon Dieu ! Quel malheur, misère de misère
Il reste là, éteint, muet et sans lumière
Tadeusz je t'en prie, reviens encore à nous
J'en appelle au Bon Dieu, à Bouddha, à Vishnou ?
A tous les saints du ciel et même aux apôtres
A tous les vrais prophètes, ainsi qu'à tous les autres
Aux savants, aux chercheurs, à quelques érudits,
A tous ceux qui pourront lui redonner la vie
Comme le fit Jésus et que l'on croit bizarre
Au fond de son tombeau ressuscitant Lazare.
Il était le seul lien qui m'unissait à vous
Et à tous les amis que j'ai un peu partout.
Je voudrais un instant, avant qu'elle ne soit noire
Qu'il me rende tout ce qu'il a dans sa mémoire
Oh ! Malheur de malheur ! Oh ! Ultime tristesse
Vous aurez tous compris d'où me vient ma détresse,
Horrifié, plein d’effroi, submergé de stupeur.
Vous aurez tous compris pourquoi mon sang se glace
Sir Tadeusz c'était tout juste un mot de passe
Car il s'agit, hélas, de mon ordinateur.
Nouvelle liaison aérienne Toulouse-Varsovie
Antoine Jankowski, Consul Honoraire de Pologne à
Toulouse y travaillait depuis trois ans et en avait fait une
de ses priorités.
Ses efforts n’ont pas été vains puisque le 26
janvier, Catherine Gay, directrice de la stratégie de
l’aéroport de Toulouse Blagnac lui annonçait
officiellement que la compagnie irlandaise Ryanair allait
s’implanter à Toulouse et créer deux vols par semaine,
entre Toulouse et Varsovie.
Antoine Jankowski est heureux de la création de
cette nouvelle ligne : « Ainsi, nous serons nombreux à
aller passer nos fêtes près des nôtres en Pologne ; les
échanges scolaires et universitaires se feront plus
nombreux et à moindre coût et les partenaires
économiques se rencontreront plus facilement et à
moindre frais »
Ecrit le 05 Janvier 2016 sur mon vieil ordinateur dont je ne
me servais plus depuis 6 ou 7 ans.
Daniel Curylo
Les Amis de la Pologne N°46
Directeur de la publication : Jean-Noël Dragon
Maquette : Georges Mańkowski
ISSN 1639-21191
Les Amis de la Pologne
Association loi 1901 - 57, rue Bayard, 31000 Toulouse.
Adresse postale : 271 Route de Narbonne, 31400 Toulouse
Président : Jean-Noël Dragon
Président d’honneur : Jacques Arlet
Secrétaire générale : Dany Dragon
Trésorier : Gérard Calmel
Conseillers : Pierrette Calmel, Kinga Joucaviel, Anna Masson,
Véronique Olifirenko, Monique Ratajczak, Leszek Tabis
www.lesamisdelapologne.net
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