l’action et le temps 1 Le principe de moindre action Le mot ”action” associé au principe de ”moindre action” a un sens différent selon le phénomène naturel qui répond au principe. La découverte du principe et du mot est due à Fermat, un magistrat et donc, dirait-on aujourd’hui, un spécialiste en droit civil, un amateur en sciences mathématiques et physiques. Fermat observe que la lumière suit toujours le trajet sur lequel la durée pour passer d’un point à un autre est la plus courte. En optique, le sens du mot ”action” est la durée du trajet lumineux et l’optique, à l’échelle humaine, est dominée par le principe de moindre action dit dans ce cas, principe de Fermat. Ainsi par exemple, la loi de Descartes relative à la déviation de la lumière lors de son passage, de l’air, dans l’eau, se déduit du principe de Fermat, joint aux deux vitesses de la lumière, soit dans l’air, soit dans l’eau. Un siècle après Fermat, Lagrange observe que les lois de la mécanique régissant le mouvement des corps matériels, se déduisent toutes d’un principe de moindre action, l’action dans ce cas exprimant un caractère mécanique défini à l’origine par Maupertuis comme le produit des trois termes, la masse, la vitesse, un petit déplacement d’un corps matériel. Lagrange définit l’action comme une somme de termes liés à l’énergie d’un corps matériel le long d’une trajectoire vue comme une suite de petits déplacements isochrones. (La dimension de cette action est donc celle d’une énergie multipliée par un temps). Le mathématicien Euler avait précisé les conséquences du principe de moindre action sur les caractères de la trajectoire. Aujourd’hui, la mécanique quantique qui régit les lois de la physique au niveau des particules, un niveau microscopique, bien inférieur à l’échelle humaine, la relativité générale qui régit les phénomènes d’attraction gravitationnelle à l’échelle humaine et à l’échelle de l’univers, mais non à l’échelle des particules, les théories issues d’une géométrie ”non commutative” qui régiraient les lois physique à toutes les échelles, sont basées les unes et les autres sur un principe de moindre action. Malheureusement ; dans ce dernier cas, les concepts de non commutativité et d’action sont difficiles à définir sans appel au langage mathématique. Le principe de moindre action peut gouverner également le comportement d’agents économiques. L’action est alors bien évidemment l’opposé d’une richesse. Plus généralement, le comportement d’un agent économique peut être vu comme la recherche d’un maximum lié par des contraintes, par exemple un maximum de satisfaction dépendant de consommations diverses dont la valeur totale est limitée par un budget. Les mathématiciens proposent pour ce problème, le calcul des variations et la solution d’Euler-Lagrange qui induit la définition des multiplicateurs de Lagrange. Ces multiplicateurs ont une interprétation économique, ce sont des prix. Ainsi tous les termes de la mécanique, masse, énergie, vitesse, accélération, action, etc ont un analogue en économie politique, (nous venons de voir que l’analogue de l’action est l’opposé de la richesse) et tous les termes de l’économie politique, prix, taux d’intérêts, productions, etc ont un analogue en mécanique. Le quantum d’action, mis en évidence par Planck en 1905, est l’analogue d’un quantum de valeur de tel ou tel bien non divisible, une voiture automobile par exemple, car il n’existe ni demi automobile, ni centième d’automobile. Autre exemple, le spin d’une particule, comparable au quantum de Planck, a donc aussi pour analogue une valeur attachée à un bien, 1 par exemple l’écart de valeur entre un pain frais et un pain rassis, ou bien les surestaries à régler éventuellement à un armateur. Les spécialistes n’ont que faire des analogies mais les philosophes doivent au contraire les connaı̂tre pour en tirer partie car le langage est à la fois le vecteur de toute pensée et le reflet des évènements naturels. 2 Le temps Nous nous sommes efforcés de présenter l’incidence d’un résultat mathématique sur divers aspects de la science physique, le principe d’incertitude, les interférences d’une particule avec elle-même, le principe de relativité de Poincaré, l’égalité des masses inertielles et gravitationnelles, les corrélations quantiques à distance et instantanées dans les systèmes intriqués, le principe de moindre action. Nous n’avons pas exposé chacun des sujets ab ovo, nous avons seulement exposé sur chacun d’eux un aspect nouveau, important, et ignoré jusqu’à ce jour. Nous suivrons cette voie à propos du temps. Cependant, pour parler utilement du temps, il faut certes connaı̂tre les réflexions à ce sujet de Kant, celles d’un philosophe, mais plus encore celles de Poincaré qui connaı̂t parfaitement les travaux de Kant et qui a réfléchi à ce concept en mathématicien et en physicien. Nota : Mentionnons au passage que Poincaré s’est écarté de Kant et aussi de Hilbert à propos de la vérité des mathématiques. Kant est décédé en 1801 et 100 ans après, Hilbert croit pouvoir condamner sa conception des mathématiques, celle du ”jugement synthétique” au profit d’une construction logique de bout en bout. La thèse de Hilbert s’est effondrée aujourd’hui à la suite des travaux de Gödel. Poincaré propose de fonder la vérité des mathématiques non point sur le ”jugement synthétique” de Kant, mais sur le ”principe d’induction”, à savoir : Si une propostion dépendant d’un nombre entier n est vraie pour n = 1, si supposée vraie pour un nombre entier n − 1, elle est vraie pour le nombre entier n, alors elle est vraie quel que soit le nombre entier n positif. Les efforts de Hilbert, Russel, Peano, Couturat, et quelques autres, pour démontrer le principe d’induction, sont restés vains. Le principe d’induction reste au coeur des mathématiques. La mécanique classique utilise des référentiels galiléens, et le temps est le même dans tous ces référentiels. Le principe physique de cette mécanique est le principe de relativité selon lequel aucun système physique n’est modifié par une transformation galiléenne. Cette transformation est telle que le temps mesuré par une montre de poignet est le même quelle que soit la vitesse de l’observateur qui emporte avec lui cette montre pour mesurer le temps. Le temps de la mécanique classique est donc universel. Le principe physique de la mécanique classique est mis en défaut par l’observation des mouvements de particules, lesquels peuvent mettre en jeu des grandes vitesses. Pour répondre à ces observations, Poincaré propose un autre principe physique, un principe de relativité selon lequel aucun système physique n’est modifié par une transformation de Lorentz. Or cette transformation est telle que les montres que portent deux observateurs en mouvement l’un par rapport à l’autre n’indiquent plus le même temps. En ce sens, le caractère universel du temps disparaı̂t. Il renaı̂t cependant avec l’existence d’un nuage universel de particules de masse. le nuage universel Voici maintenant en quoi, le résultat mathématique sur lequel nous nous appuyons sans cesse, modifie cette situation. Ce résultat suggère l’existence d’un nuage universel de particules ténues. Nota : Cette hypothèse n’a rien d’extraordinaire. Rappelons que nous sommes traversés à chaque instant par des milliards de neutrinos. Bien entendu, nous n’affirmons nullement que ces particules ténues sont des neutrinos. Ce nuage confère une masse à toute particule matérielle, qu’elle soit au repos par rapport à la 2 vitesse du nuage, (une vitesse moyenne des particules qui le composent), ou qu’elle soit en mouvement dans ce nuage à une vitesse quelconque v. Cependant cette masse inertielle n’est pas invariante, elle est celle d’un cortège ou d’un sillage de ces particules ténues qui accompagne la particule matérielle, et ce cortège est d’autant plus nombreux, grand, massif, que la vitesse v de traversée du nuage par la particule matérielle est plus élevée. Il existe donc un référentiel privilégié, celui dans lequel v = 0, caractérisé par une masse inertielle minimum. Désignons par temps universel le temps dans ce référentiel. Le temps indiqué par les chronomètres dépend de la masse inertielle de leur balancier relié à un ressort de rappel, donc le temps affiché par un chronomètre dépend de sa vitesse par rapport au nuage universel. Retour sur l’histoire du temps Poincaré a proposé le principe de relativité suivant : AUCUN SYSTEME PHYSIQUE N’EST MODIFIE PAR UNE TRANSFORMATION DE LORENTZ, et il a déduit de ce principe une mécanique nouvelle en accord avec les observations des phénomènes électromagnétiques mais au prix d’un abandon du concept antérieur d’existence d’un temps universel. Cependant il n’a pas défendu avec passion cette mécanique et il n’a même pas relevé quelques emprunts abusifs, en Allemagne, la ”découverte” de ”l’espace-temps” à Göttingen, par exemple. Son statut dans le monde scientifique lui permettait bien entendu de ne pas s’en occuper, de minimis non curat prætor. Néanmoins nous le soupçonnons d’une autre pensée que nous allons faire voir mais qui requiert quelque attention. Poincaré connaı̂t les vues de Kant sur le temps, un concept pur de l’entendement, un sens interne, un sens qui s’impose à nous avant que nous puissions raisonner logiquement. Ce genre de définition du temps ne plaı̂t guère à un physicien qui envisage d’abord de définir le temps comme étant le caractère affiché par un bon chronomètre. (Bien entendu, Kant n’ignore nullement la possibilité d’un telle définition.). Le physicien observe ensuite que tous les bons chronomètres indique le même temps, et il est tenté de poser un principe : Il existe un temps universel. En un certain sens, il rejoint Kant par là même, car un principe, n’est pas démontré, il est reçu comme une notion première Kantienne, et il devient un paradigme. Cependant, l’épreuve expérimentale subsiste, et le principe doit être abandonné si on découvre un chronomètre qui ne marque pas le même temps que les autres. Il se trouve qu’on découvre ce chronomètre, via l’observation des phénomènes électromagnétiques, c’est tout simplement le chronomètre d’un voyageur qui va très vite. Poincaré ne recule pas devant le rejet d’un paradigme, il propose un nouveau principe de relativité et il abandonne le concept de temps universel. C’est une méthode et c’est celle qui prévaut encore aujourd’hui, elle est devenue un nouveau paradigme. Pourtant, il est fort possible qu’il ait envisagé une autre méthode, une méthode selon laquelle on conserve un temps universel et on transforme la loi fondamentale de la mécanique classique. Cette loi s’appuie sur un caractère d’un corps matériel, sa masse inertielle, disons m, invariante. Selon cette autre méthode à laquelle Poincaré a dû penser, on recherche comment la masse m pourrait dépendre de la vitesse v. Autrement dit, par cette méthode, on continue à faire confiance à Kant en conservant un temps universel et on va poser que le fonctionnement d’un chronomètre, un système physique, n’indique nullement un temps universel, parce que le principe de relativité galiléenne de la mécanique classique est écarté. Dans cette approche on ne remplace pas un principe de relativité par un autre, on écarte tout principe de relativité et les principes de relativité antérieurs n’y sont vrais qu’en première approximation. Nota : Les affichages d’un chronomètre sont en proportion inverse de la masse inertielle m. Il reste à trouver un référentiel privilégié à l’aide de résultats affichés par divers chronomètres, ce qui est possible précisément parce que ce référentiel est celui dans lequel un chronomètre immobile avance par rapport à tout autre chronomètre. Le temps universel est le temps affiché par ce 3 chronomètre. Poincaré est à même de construire avec la plus grande facilité l’une ou l’autre des deux théories et nous le soupçonnons d’avoir opté pour la première parce que Lorentz, un physicien, lui fournissait l’approche. Or Poincaré est un mathématicien et il sait qu’il existe une autre approche, ce qui le retiendra toujours de s’engager à fond dans la défense de la première méthode. Tel est notre soupçon. La fin des temps Le temps, ce concept d’emploi si commun, n’a pas aujourd’hui de définition physique satisfaisante car les deux théories largement acceptées, celle de la relativité générale et celle de la mécanique quantique, sont divergentes à cet égard. En bref, d’une part, il n’existe pas de temps universel en relativité générale, d’autre part, il existe en mécanique quantique, un paramètre universel dit ”temps”, qui ressemble fort au temps galiléen, celui de la mécanique classique. Au début du vingt et unième siècle, ce défaut majeur persiste en dépit des efforts de nombreux physiciens théoriciens qui ne reculent cependant devant aucune hypothèse audacieuse. Ainsi, les théories des cordes qui n’ont pas reçu le plus petit élément de confirmation expérimentale depuis plus de trente ans, sont encore l’objet de travaux incessants parce que susceptibles de concilier mécanique quantique et relativité générale. Les théories nouvelles de mécanique et de gravitation que nous proposons ne se situent pas dans cette voie, elles reposent bien davantage sur les principes de la théorie des gaz ou de la thermodynamique, l’émergence d’une flèche du temps à partir du désordre. Le désordre est dans la distribution des particules du nuage universel. Ce nuage induit les effets relativistes et, lorsqu’on l’ignore, on est conduit naturellement à poser le principe de relativité selon lequel les phénomènes physiques ne sont pas modifiés par une transformation de Lorentz. Ipso facto, le temps universel disparaı̂t au profit du temps de Minkowski. Au contraire l’introduction de ce nuage universel dans l’espace physique, permet, sachant la cause des effets relativistes, d’en tenir compte pour rétablir un temps universel, le temps basé sur un chronomètre particulier, celui de vitesse nulle par rapport au nuage universel. Ce temps est orienté parce que cette vitesse nulle est issue du désordre. L’existence du nuage universel est à la base de l’entendement commun du temps, le concept premier dont Kant postulait l’existence, et qui ne se confond pas avec le concept que Newton, bien des années auparavant, avait repris dans les Principia, à savoir le temps galiléen, car Newton en fait un temps réversible. Le temps commun, celui qui est ressenti par tout un chacun est irréversible, de même que l’entropie, car issu du désordre. Le nuage universel est le complément nécessaire de la mécanique newtonienne. Ce complément induit une interprétation nouvelle de toute masse inertielle, à savoir, celle d’un cortège de particules de masse. Ce cortège a une composition variable dépendante de sa vitesse dans le nuage universel. Il a une forme de symétrie quasi sphérique à vitesse nulle, quasi ovalisée à vitesse non nulle, qui induit le spin en mécanique quantique. Ce complément engendre ainsi, à la fois, la mécanique relativiste et la mécanique quantique, en tant qu’approximations statistiques. Enfin ce complément engendre aussi la gravitation et la force électrique par simple effet d’écran, mais ceci est une autre histoire moins directement reliée au temps. Paris le 1 juin 2010, revu le 11 décembre 2012, revu le 18 avril 2013, Raoul Charreton e-mail : [email protected] 4