
La Lettre du Psychiatre • Vol. V - n° 3 - mai-juin 2009  |  47
Résumé
dont H.G. Gadamer souligne qu’ “elle représente, 
au sein des sciences modernes, une unité théo-
rique qui associe une connaissance théorique et 
un savoir pratique, mais qui ne peut en aucun cas 
être comprise comme l’application pratique d’une 
science”, de sorte qu’elle “est une forme particulière 
de science pratique, concept qui a disparu de la 
pensée moderne” (4).
Certes, tout dans la médecine moderne ne relève 
pas de cette science pratique. Car la nature que la 
science moderne prend comme objet n’est pas la 
nature telle qu’elle a été définie jusqu’ici, à partir 
du concept grec de physis, comme cet ordre global 
et ce principe d’équilibre capable de se maintenir de 
lui-même à travers le changement. Il s’agit d’une 
nature objectivée au sein de laquelle les rapports 
de cause à effet sont isolés, de sorte que l’événe-
ment naturel est considéré comme relevant de lois 
mathématiquement quantifiables, permettant ainsi 
à l’homme non seulement d’agir sur elles mais aussi 
de contrôler avec précision ses propres interven-
tions. Cependant, ces interventions mêmes, qui 
relèvent d’un tout nouveau concept de la technique 
comprise comme application d’un savoir, ne consti-
tuent pas à proprement parler une thérapie, un 
service rendu à la nature, mais plutôt un artisanat 
hautement perfectionné, comme l’est l’acte chirur-
gical, qui ne prend sens qu’à partir du moment où 
l’on a dissocié la maladie de la personne et où on 
la traite comme une entité à part dont il s’agit de 
se rendre maître. La médecine prend aujourd’hui 
de plus en plus la forme d’une telle technique, 
c’est-à-dire d’une science appliquée. Or, plus le 
domaine de l’application s’élargit, plus la place 
du jugement personnel et de la science pratique 
du médecin se réduit, et plus l’acte médical prend 
une forme impersonnelle. La médecine moderne a 
certes accompli d’immenses progrès au cours des 
deux derniers siècles. Il faut toutefois reconnaître 
que le domaine de ce qui ne peut pas être soumis 
aux techniques médicales d’aujourd’hui demeure 
important et qu’à cet égard, comme H.G. Gadamer 
le souligne, la médecine clinique qui sert de fonde-
ment à la recherche dans la médecine moderne “ne 
représente […] qu’un infime secteur comparée à 
l’étendue du problème humain auquel l’ensemble 
de l’art médical est censé répondre” (5).
La maladie  
en tant que phénomène 
existentiel global
C’est ici la notion de “tout”, ce que les Grecs 
nommaient holon, qu’il s’agit de prendre en 
considération, car c’est à partir d’elle que philoso-
phie et médecine peuvent être mises en relation. 
Platon, dans un passage de l’un de ses Dialogues, 
le Phèdre, établit un parallèle entre l’art oratoire et 
l’art médical en ce que le premier concerne l’âme 
et le second le corps, et explique, par la bouche de 
Socrate, qu’il est impossible de connaître la nature 
de l’âme sans connaître la nature du tout. Ce à 
quoi son jeune interlocuteur réplique qu’à en croire 
Hippocrate, le fondateur de la médecine grecque, on 
ne peut comprendre quelque chose au corps que de 
la même manière. H.G. Gadamer, qui cite ce passage 
(6), veut ainsi opposer le caractère holistique de 
la médecine grecque à la spécialisation du savoir 
propre aux sciences modernes. Car ce que prend en 
compte cette médecine antique, c’est l’ensemble du 
contexte naturel et de l’environnement social dans 
lequel vit le malade. Ce qui est donc en question 
pour elle est ce qui constitue le fondement même 
de la santé, à savoir un rapport harmonieux avec le 
milieu à la fois naturel et culturel, que le malade, 
qui l’a perdu, doit précisément se réapproprier. 
H.G. Gadamer explique en effet que la santé n’est 
autre que ce constant processus de stabilisation de 
l’équilibre qui est à l’œuvre dans ces phénomènes 
rythmiques que sont le souffle, le métabolisme 
et le sommeil, lesquels, comme on le sait bien, 
ne sont pas perturbés par des causes purement 
physiques, le “tout” dont parle Platon englobant 
l’ensemble de la situation existentielle du malade. 
On en arrive ainsi à une définition beaucoup plus 
complète de la maladie que celle que nous donne 
la science biologique, puisque la perte de l’équi-
libre qu’elle constitue ne renvoie pas seulement à 
un état de fait biologico-médical, mais aussi à un 
événement biographique et social (7). Dès lors, 
on mesure le danger que comporte en elle-même 
toute intervention, puisque toute tentative de 
compenser un trouble de cet équilibre par l’action 
d’un contrepoids menace d’entraîner une perte 
d’équilibre nouvelle. 
La médecine n’est ni une science théorique ni une technique, mais davantage un art ou une 
science pratique. Le rôle du médecin ne consiste pas à provoquer, mais simplement à favo-
riser le rétablissement de la santé chez celui qui a perdu son équilibre à la fois biologique et 
existentiel. C’est à partir d’une telle conception holistique de la maladie que s’impose l’idée 
que le traitement médical passe nécessairement par une relation de langage entre médecin et 
malade. Or c’est dans le cadre de la psychiatrie que la relation thérapeutique prend sa forme 
la plus problématique, ce qui rend nécessaire le dialogue entre médecins et philosophes.
Mots-clés
Art médical
Thérapie
Dialogue
Analyse existentielle
Sollicitude
Highlights
Medicine is neither a theoretical 
science nor a technology, but 
an art or a practical science. The 
physician’s role does not consist 
in inducing, but merely in facili-
tating the recovery of the health 
of the patient who has lost at 
the same time his biological 
and existential balance. Such 
a holistic conception of what 
is a disease imposes the idea 
that the medical treatment 
involves necessarily a rela-
tion of language between the 
physician and the patient. It is 
in the domain of psychiatry that 
the therapeutic relation finds 
its most problematic form, 
which leads to the necessary 
dialogue between physicians 
and philosophers.
Keywords
Medical art
Therapy
Dialogue
Existential analysis
Concern