MGE Quel marketing pour les ingénieurs?

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Quel marketing pour
les ingénieurs ?
N
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écessité de
développer une
stratégie de
marque, de renforcer
la notoriété d’une offre,
comprendre les attentes
du client au-delà du
cahier des charges
techniques, positionner
une solution, analyser un
marché, renforcer notre
relation client… autant de
préoccupations désormais
partagées avec les départements techniques voire
pleinement assumées par
les ingénieurs.
Analyse sur ce regain
d’intérêt du marketing
auprès des ingénieurs.
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Les trois raisons
du développement
du marketing dans
« l’univers ingénieur »
L’intérêt manifeste et grandissant pour le
marketing dans les secteurs industriels et
technologiques résulte de plusieurs évolutions. La première, d’ordre macroéconomique, tient à la vigueur
concurrentielle de pays à forte croissance (ex. « B.R.I.C ») où le nombre annuel d’ingénieurs diplômés dépasse de
loin ce que l’Europe et les États-Unis
sont capables de « produire ». Les technologies de l’information et la rapidité
de diffusion des innovations (time to
market) accompagnent ce mouvement.
Résultat : face à des entreprises plus
concurrentielles, aussi efficaces technologiquement et proposant des prix très
attractifs, la domination technologique
usuelle ne peut plus suffire.
La seconde évolution est d’ordre organisationnelle : dans la pratique, et
malgré ce qui précède, de nombreuses
entreprises BtoB ont eu tendance à ne
pas disposer de responsables « senior »
en charge du marketing1. Les concepts
et pratiques BtoC les plus populaires les
confortaient d’ailleurs souvent dans
l’idée que le marketing était soit inaccessible soit inapproprié au regard des
réalités complexes auxquelles sont
confrontées leurs organisations. Toutefois, de profonds changements ont été
opérés ces dernières années par acculturation, avec :
1. l’intégration au cœur même des organisations BtoB de « l’orientation
client »,
2. la formation des ingénieurs aux pratiques du marketing
3. et enfin le recrutement accru de diplômés d’écoles de commerce et de
management dans des environnements
techniques.
De fait, le décalage temporel initial dans
l’adoption du marketing entre le
contexte BtoC et le monde professionnel
est soudain devenu paradoxalement un
puissant levier pour en faciliter l’application dans les différents contextes B to
B. Il est possible de bénéficier des meilleures pratiques observées en B to C
(tout en évitant les abus qui ont parfois
pu y être observés) et simultanément
d’intégrer les connaissances cumulées
dans les pratiques managériales et les
recherches académiques dans le domaine professionnel.
Enfin, la troisième évolution est d’ordre académique avec, d’une part un
plus fort contenu marketing dispensé
dans les écoles d’ingénieurs (qui va bien
au-delà de la simple sensibilisation) et
d’autre part des champs de recherche
qui, en marketing, embrassent davantage les réalités d’affaires des entreprises
industrielles et technologiques (marketing de projet, stratégies d’appels d’offres, réseau et montage de projets
industriels…).
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Christophe Bénaroya, professeur de marketing
à l’ESC Toulouse
Responsable de l’OP Management BtoB, Barcelone
Responsable de l’English track, Mastère Marketing
Management & Communication
Auteur/Co-auteur de plusieurs ouvrages consacrés au
marketing BtoB (notamment « Marketing BtoB » et
« Marques BtoB » avec Philippe Malaval et
« L’efficience commerciale en BtoB » avec H. Lagrasse)
1
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Cf. Chapitre 14, Spécificité de la relation professionnelle, in MBA Marketing ouvrage collectif, à paraître en 2011, éditions Eyrolles.
Le marketing pour
ingénieur : un intérêt
concurrentiel, sectoriel
mais aussi professionnel
Ces différentes tendances ont profondément modifié la relation du marketing
avec le « monde des ingénieurs ». Ces
derniers en ont une meilleure compréhension, dépassant les caricatures de
surface (marketing = publicité, marketing = communication superficielle…) :
les dimensions relationnelles, comportementales, attitudinales, affectives sont en
effet cruciales pour aller au-delà de la
seule performance technique et technologique2 (souvent imitable). Pour les ingénieurs, la dimension marketing
s’avère indispensable au développement
de leurs activités face à la concurrence
(identification des besoins, compréhension des enjeux de marché, efficience
commerciale…).
Par ailleurs, les ingénieurs qui rejoignent
des entreprises travaillant sur les marchés visant essentiellement le consommateur final (L’Oréal, Danone, Unilever,
Procter & Gamble, Henkel….) ont un
besoin impérieux de comprendre les
stratégies marketing mises en place pour
être en phase avec les orientations de
marché et impulser des innovations auprès des équipes marketing. Ils travaillent alors dans des départements R&D
aux côtés du marketing voire dans un
service de marketing avancé. Mais ce ne
sont pas (encore) ces entreprises que les
ingénieurs privilégient (toujours largement préférées à ce jour par les étudiants d’écoles de commerce), comme
en témoignent les études parues régulièrement dans la presse sur leurs entreprises préférées (EADS, Thales, Veolia…).
Dans un registre plus BtoB, l’ingénieur
disposant d’une formation « business »
est très rapidement éligible et performant dans les fonctions liées à l’ingénierie d’affaire dans les ventes
complexes. Ceci permet assez vite de
disposer d’un profil plus flexible et gestionnaire de centre de profit, d’établissement, de business unit. Des
programmes mêlant étudiants d’écoles
de commerce et écoles d’ingénieurs permettent d’ailleurs d’initier très tôt la
mixité des profils avec par exemple :
• des programmes de cours en commun
tel que Credige,
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• les rapprochements
dans le cadre des PRES
avec notamment
Toulouse Tech qui
regroupe ENAC,
ENFA, ENIT, ENM,
ENSA, ENSGTI,
ENSTIMAC, ENVT,
EI PURPAN,
Groupe ESCT,
ICAM, INP-ENSAT,
• le programme
Team (TE.chnology
a.nd M.anagement)
qui associe un élève
gestionnaire de l’ESC
Toulouse et un élève
ingénieur ISAE/SUPAERO,
l'ENSEEIHT, l'EMAC, l'INSA,
l'ICAM ou l'ENM.
D’ailleurs, on a pu
observer un phénomène
symétrique, dont la fréquence s’accroît, parmi
les étudiants de programmes ESC qui décident de prolonger leur
formation une fois diplômés, pour suivre des
Mastères Spécialisés dans
des écoles d’Ingénieurs
(parmi les étudiants de
l’Option BtoB de Barcelone deux candidatures pour Centrale Paris ces dernières années) et près de 25 % des
étudiants de l’ESC Toulouse travaillent
dans le secteur industriel.
Disposer d’une double culture, telle que
celle acquise dans des formations de
type MBA (exemple : Aerospace MBA,
MBA Consulting) ou Mastère Spécialisé
(exemple : Mastère Marketing Management & Communication de l’ESC Toulouse) permet non seulement aux
ingénieurs de disposer d’une vision plus
complète de leur activité mais également d’accéder à des postes managériaux complets et à plus forte
responsabilité (chaque année quelques
dizaines d’ingénieurs sont diplômés en
moyenne par le Groupe ESCT). Il s’agit
d’un accélérateur de carrière leur évitant
le parcours balisé reposant traditionnellement sur des missions très techniques
les premières années pour confier progressivement des fonctions managériales, budgétaires et commerciales sans
y être pour autant ni réellement préparés, ni formés, ni fondamentalement attirés. Cette situation suscite d’ailleurs
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parfois de vraies inquiétudes auprès des
ingénieurs promus à des postes à responsabilité, éloignés de leur formation
d’origine. Les formations proposées par
les écoles de commerce et de management et destinées aux ingénieurs (parfois
en « intra » avec des contenus spécifiquement développés dans et pour le
contexte de l’entreprise) visent précisément à leur enseigner les concepts, outils et techniques mais aussi la démarche
marketing de manière à améliorer leur
profil et leur parcours professionnels.
Cette ouverture à de nouvelles méthodes, de nouvelles approches marketing enrichit considérablement le profil
des ingénieurs qui disposent d’outils permettant non seulement de travailler efficacement mais également de « vendre »
et de promouvoir leurs réalisations.
C’est d’ailleurs un bénéfice collatéral
inattendu : la sensibilisation marketing
permet aussi aux ingénieurs de mieux
« se vendre » en interne grâce à l’adoption d’un « personal marketing » !
Cf. L’efficience commerciale en BtoB, éditions EMS.
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