Bernard Viallatoux: pour la double compétence Monsieur Bernard Viallatoux est actuellement en charge de la gestion des carrières au sein de la direction des Ressources Humaines du groupe BNP PARIBAS. En outre, il suit de près la vie des écoles puisqu'il fait partie du conseil d'administration de l'ISEP. • Un intérêt modéré pour le profil “ingénieur pur” Je suis quelqu'un qui connaît surtout les métiers de la banque et en ce sens je ne me sens pas autorisé à parler des profils d'ingénieur technicien qui travaillent dans le secteur informatique de production du groupe et qui ne souhaitent en général pas faire carrière dans d'autres secteurs de l'entreprise. Au-delà des spécificités du milieu bancaire, je pense qu'un profil intéressant de cadre est celui qui a acquis une double compétence: Ecole d'ingénieur + DESS ou Mastère économie, gestion, finances. En effet, les formations d'ingénieurs de base confèrent un profil que nous recherchons (rigueur, rapidité d'analyse, esprit synthétique...) mais souvent sans un vernis d'ouverture sur le monde économique, nous avons bien souvent affaire à des individus qui sont moins à l'aise dans la communication avec les autres personnes de formation gestion et qui sont difficiles à intégrer dans les métiers bancaires en relation avec la clientèle. J'ai personnellement enseigné l'économie à l'ISEP mais les cours “d'ouverture” en école d'ingénieur demeurent insuffisants. J'avais en général affaire à des étudiants qui me semblaient immatures sur ce plan parce qu'ils n'avaient pas cette appréhension du monde économique et je disposais de trop peu d'heures pour assurer une formation solide de base. • Des comportements différents Les attentes des jeunes diplômés (ingénieurs, gestion) se situent essentiellement autour de deux revendications: La prise rapide de responsabilités et le souhait d'un organigramme plat (Refus d'une hiérarchie rigide). Vu sous l’oeil du DRH, ce qui différencie aujourd'hui les diplômés ingénieurs des diplômés école de commerce, c'est que bien souvent les L’avenir des ingénieurs à l’orée du troisième millénaire - 4 janvier, 2002 - page 83 premiers sont un peu moins volatiles, plus attachés à une rémunération stable, et préférant un cadre défini. Les seconds sont probablement plus sensibles aux incitations financières (rémunérations variables) et peut-être plus volatiles....Cette dichotomie persistera-t-elle dans les comportements? Malgré les qualités indéniables de l'ingénieur, je conserve néanmoins et ce de manière générale, l'image d'un individu bien structuré mais souvent dérouté par les changements. • La gestion de carrière Ainsi, nous venons de vivre l'expérience d'une fusion entre deux grandes entreprises et il est évident que l'adaptabilité était le maître-mot pendant ces restructurations. En tout état de cause, je pense que l'avenir appartiendra à ceux qui savent s'adapter à des situations nouvelles, et ce sans réticence. Notre politique est maintenant d'organiser dans tous les métiers du groupe une réflexion sur un éventuel changement de poste tous les 3 ans. Un entretien de carrière est alors réalisé pour faire le point et préparer une évolution si celle-ci n'a pas été anticipée, que ce soit par le responsable ou le cadre luimême. L'ingénieur, et plus généralement le cadre en milieu de carrière, qui est resté "mono-produit" risque gros. En ce sens, toute personne doit veiller à acquérir plusieurs cordes à son arc. Néanmoins, on peut reconvertir un ingénieur qui “vieillit mal” dans des activités de contrôle, de sécurité...mais il y a peu de places dans ces secteurs non créateurs directs de valeur ajoutée. • Une tentative intéressante De 1992 à 1999, nous avions créé une école interne informatique, appuyée sur un vivier constitué alors de jeunes ingénieurs diplômés en chimie, biologie par exemple qui ne trouvaient pas de travail dans leur secteur. Après 9 mois de formation en alternance, nous disposions ainsi de jeunes informaticiens formés à nos métiers. Malheureusement ce projet risque de ne pas avoir d'avenir car nous trouvons plus difficilement aujourd'hui des jeunes intéressés par ce type de reconversion. L’avenir des ingénieurs à l’orée du troisième millénaire - 4 janvier, 2002 - page 84 • Malgré ses qualités, l'ingénieur d'aujourd'hui ne sera peut-être pas le manager de demain Il est évident que l'adaptabilité demeure le point fort des profils des cadres de demain. En ce sens, il faudrait que les écoles développent de plus en plus les périodes de stage et plus particulièrement à l'étranger. Maîtriser l'anglais et les outils bureautiques sont devenus des impératifs. Certains pensent que le manager de demain sera apatride; je ne sais pas..... Mais dans tous les cas je ne suis pas sûr qu'il soit nécessairement un ingénieur de formation si ce dernier ne fait pas d'effort vers l'acquisition d'une double compétence. L’avenir des ingénieurs à l’orée du troisième millénaire - 4 janvier, 2002 - page 85