L’avenir des ingénieurs à l’orée du troisième millénaire - 4 janvier, 2002 - page 83
Bernard Viallatoux: pour la double
compétence
Monsieur Bernard Viallatoux est actuellement en charge de la gestion des
carrières au sein de la direction des Ressources Humaines du groupe BNP
PARIBAS. En outre, il suit de près la vie des écoles puisqu'il fait partie du conseil
d'administration de l'ISEP.
• Un intérêt modéré pour le profil “ingénieur pur”
Je suis quelqu'un qui connaît surtout les métiers de la banque et en ce sens je
ne me sens pas autorisé à parler des profils d'ingénieur technicien qui
travaillent dans le secteur informatique de production du groupe et qui ne
souhaitent en général pas faire carrière dans d'autres secteurs de l'entreprise.
Au-delà des spécificités du milieu bancaire, je pense qu'un profil intéressant
de cadre est celui qui a acquis une double compétence: Ecole d'ingénieur +
DESS ou Mastère économie, gestion, finances. En effet, les formations
d'ingénieurs de base confèrent un profil que nous recherchons (rigueur,
rapidité d'analyse, esprit synthétique...) mais souvent sans un vernis
d'ouverture sur le monde économique, nous avons bien souvent affaire à des
individus qui sont moins à l'aise dans la communication avec les autres
personnes de formation gestion et qui sont difficiles à intégrer dans les métiers
bancaires en relation avec la clientèle.
J'ai personnellement enseigné l'économie à l'ISEP mais les cours “d'ouverture”
en école d'ingénieur demeurent insuffisants. J'avais en général affaire à des
étudiants qui me semblaient immatures sur ce plan parce qu'ils n'avaient pas
cette appréhension du monde économique et je disposais de trop peu
d'heures pour assurer une formation solide de base.
• Des comportements différents
Les attentes des jeunes diplômés (ingénieurs, gestion) se situent
essentiellement autour de deux revendications: La prise rapide de
responsabilités et le souhait d'un organigramme plat (Refus d'une hiérarchie
rigide). Vu sous l’oeil du DRH, ce qui différencie aujourd'hui les diplômés
ingénieurs des diplômés école de commerce, c'est que bien souvent les
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premiers sont un peu moins volatiles, plus attachés à une rémunération stable,
et préférant un cadre défini. Les seconds sont probablement plus sensibles
aux incitations financières (rémunérations variables) et peut-être plus
volatiles....Cette dichotomie persistera-t-elle dans les comportements?
Malgré les qualités indéniables de l'ingénieur, je conserve néanmoins et ce de
manière générale, l'image d'un individu bien structuré mais souvent dérouté
par les changements.
• La gestion de carrière
Ainsi, nous venons de vivre l'expérience d'une fusion entre deux grandes
entreprises et il est évident que l'adaptabilité était le maître-mot pendant ces
restructurations. En tout état de cause, je pense que l'avenir appartiendra à
ceux qui savent s'adapter à des situations nouvelles, et ce sans réticence.
Notre politique est maintenant d'organiser dans tous les métiers du groupe
une réflexion sur un éventuel changement de poste tous les 3 ans. Un entretien
de carrière est alors réalisé pour faire le point et préparer une évolution si
celle-ci n'a pas été anticipée, que ce soit par le responsable ou le cadre lui-
même.
L'ingénieur, et plus généralement le cadre en milieu de carrière, qui est resté
"mono-produit" risque gros. En ce sens, toute personne doit veiller à acquérir
plusieurs cordes à son arc. Néanmoins, on peut reconvertir un ingénieur qui
“vieillit mal” dans des activités de contrôle, de sécurité...mais il y a peu de
places dans ces secteurs non créateurs directs de valeur ajoutée.
• Une tentative intéressante
De 1992 à 1999, nous avions créé une école interne informatique, appuyée sur
un vivier constitué alors de jeunes ingénieurs diplômés en chimie, biologie par
exemple qui ne trouvaient pas de travail dans leur secteur. Après 9 mois de
formation en alternance, nous disposions ainsi de jeunes informaticiens formés
à nos métiers.
Malheureusement ce projet risque de ne pas avoir d'avenir car nous trouvons
plus difficilement aujourd'hui des jeunes intéressés par ce type de
reconversion.
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• Malgré ses qualités, l'ingénieur d'aujourd'hui ne sera peut-être
pas le manager de demain
Il est évident que l'adaptabilité demeure le point fort des profils des cadres de
demain. En ce sens, il faudrait que les écoles développent de plus en plus les
périodes de stage et plus particulièrement à l'étranger.
Maîtriser l'anglais et les outils bureautiques sont devenus des impératifs.
Certains pensent que le manager de demain sera apatride; je ne sais pas.....
Mais dans tous les cas je ne suis pas sûr qu'il soit nécessairement un ingénieur
de formation si ce dernier ne fait pas d'effort vers l'acquisition d'une double
compétence.
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