IRAK arguments autour d'une guerre annoncée Début février 2003, il y a autant de raisons de faire la guerre à l'Irak que de risques de ne pas la faire. Mais quelles sont ces raisons au-delà des idéologies et de l'émotion du moment ? (d'après "le Dessous des Cartes" – févr. 2003) le "Croissant fertile" Ce que l'on appelle, depuis l'Antiquité, le "Croissant fertile", c'est la région qui va, partant de l'ouest, du Nil et du Jourdain, au monts du Taurus (où naissent les fleuves essentiels que sont le Tigre et l'Euphrate) au nord, jusqu'à la basse Mésopotamie à l’est. la Naissance de civilisations Cette présence abondante de l'eau contribue, vers 9000 avant JC, au développement de civilisations en basse Mésopotamie. "le Pays entre les fleuves" La Mésopotamie tire son nom du grec "mésos", qui veut dire "milieu", et "potamos", qui veut dire "fleuve". La Mésopotamie est donc le pays entre les fleuves. C'est aussi pour cette raison que les peuples arabes nommeront plus tard la région Al Iraq, c'est à dire "le rivage" en arabe. la Naissance de l'agriculture et de l'irrigation Avec la présence de cette eau abondante, apparaît l'agriculture, puis les premiers réseaux d'irrigation. Grâce à l'agriculture, les populations vont alors devenir sédentaires. Premières cités-États et première forme d'écriture Cette sédentarisation aide les hommes à fonder les premières cités-États. C'est aussi dans cette région qu'apparaît sans doute la première forme d'écriture, l'écriture cunéiforme. Ces écritures, notamment des documents comptables, ont été retrouvées à Babylone, vers le milieu du 19e siècle l'Empire babylonien de Nabuchodonosor L'ancienne Babylone est située à quelques 90 km de la Bagdad d'aujourd'hui. Babylone a été une ville commerçante puissante. L'empire babylonien s'est étendu très à l'Ouest, sous le règne du roi Nabuchodonosor. la Profondeur historique de l'Irak Voila une région qui possède une grande profondeur historique. Pourtant, depuis plus d'une décennie, on ne fait écho à ce pays que pour parler de la guerre, d’un régime de dictature et d’Irakiens rendus misérables par ce régime, et d’embargo appliqué depuis la guerre du Golfe de 1990. l'Irak aujourd'hui L'Irak est un pays qui fait 435 000 km², avec Bagdad pour capitale. On y repère le Tigre et l'Euphrate. les Populations de l'Irak Le pays est peuplé de 23 Mns d'habitants : Kurdes - en jaune - au nord du pays (ni Turcs, ni Arabes, et représentant 17 % de la population) ; Arabes représentant 60 % de la population et divisés en deux groupes principaux (Arabes sunnites - en vert - dont le clan d'origine de Saddam Hussein, les Takritis, situé de la région de Tikrit ; et Arabes dit "des marais" - en marron - musulmans chiites, car c'est à Kerbala qu'est né le chiisme), plus quelque 3 % d'arabes chrétiens. le Pétrole, richesse de l'Irak L'Irak détient environ 10 % des réserves mondiales de pétrole. Les principales nappes sont situées au nord du pays, près de Mossoul et Kirkouk, et au sud près de la frontière du Koweït. En 1989, avant la guerre du Golfe, l'Irak était le 3e producteur mondial de pétrole. les Zones d'exclusion aérienne ("no fly zones") Depuis la fin de la guerre du Golfe, l'Irak est sous embargo et découpé en deux zones d'exclusion aérienne, une au nord du 36e parallèle et une au sud du 33e parallèle. Deux zones où patrouillent, et que parfois bombardent, les avions britanniques et américains en mission pour l'ONU, pour affaiblir le potentiel d'armement de l'Irak. la Souveraineté limitée de l'Irak Une superposition de cartes révèle que la localisation de la "no fly zone" du nord correspond à peu près à la localisation des populations des Kurdes d'Irak, et la "no fly zone" du sud correspond à la localisation des Arabes chiites des marais, le long de la frontière de l'Iran. Ils s'étaient eux aussi révoltés contre le pouvoir sunnite à la fin de la guerre du Golfe. les Implications sur la région d'une intervention contre l'Irak La Turquie est réticente à une intervention. En tant que membre de l'Otan, elle a été un porte-avions américain lors de la guerre du Golfe, elle redoute surtout les réactions au Kurdistan (en bleu) et leurs conséquences pour la Turquie. le Voisin koweïtien Le Koweït a peu voix au chapitre. Il s'est vu libéré en 1991 de l'invasion irakienne par la coalition arabo-occidentale. Le Koweït accueille aujourd'hui du pré-positionnement de matériel. l'Iran en étau ? En cas de changement de régime en Irak, l'Iran se retrouverait comme encadré, à l'Est par un régime désormais pro-américain à Kaboul, et à l'Ouest, par l'Irak. D'un point de vue américain, l'Iran serait ainsi plus facile à infiltrer, mais peut-être aussi à stabiliser : c'est l'Irak qui a déclaré la guerre à l'Iran en septembre 1980. Conséquences pour la Jordanie et la Syrie La Syrie se trouverait plus directement sous des pressions américaines, tant pour faire évoluer la situation au Liban, qu'en Palestine et donc en Israël. La Jordanie qui a signé un traité de paix avec Israël en 1994, a une importante population palestinienne, acquise à l'Irak. La Jordanie pourrait être une tête de pont pour l'offensive américaine ou, au contraire, le théâtre d'une contre-offensive irakienne. les Craintes saoudiennes face à une intervention en Irak Pour l'Arabie Saoudite, un succès américain en Irak signifierait avant tout une moindre dépendance des États-Unis vis-à-vis des réserves saoudiennes de pétrole. Une raison qui explique sans doute la vive opposition de Ryad à toute attaque contre Bagdad ! le Prépositionnement américain au Moyen Orient Le prépositionnement américain dans la région comprend des bases américaines (et de l'OTAN) et des points d'appui (matériel et logistique) qui pourraient être utilisés lors d'une éventuelle intervention militaire américaine contre l'Irak. Ceci dit, la guerre commence toujours avant la guerre : en ce début février 2003, nous assistons alors peut-être à une grande opération de bluff diplomatique, militaire, médiatique pour obtenir le retour des inspecteurs de l'ONU... justement sans avoir à faire la guerre ! Et voilà ce que sont à cette date les 2 argumentaires... lequel choisir ? L'argumentaire CONTRE : Depuis la charte de San Francisco en 1945, l'équilibre international est fondé, dans le Droit, sur le fait qu'un pays ne doit pas déclarer la guerre seul. C'est le principe de Sécurité Collective. Ce doit être une décision du Conseil de Sécurité des Nations Unies, pas des seuls États-Unis. A qui appartient-il de dire s'il y a danger ? Quels doivent être les critères d'évaluation ? Par qui doivent-ils être établis ? Quelles sont les preuves ? La guerre préventive ouvre la porte à toutes les dérives dans l'intervention s'il n'y a pas légitimité juridique. Il est dangereux de remplacer un ordre injuste... par un ordre non moins injuste puisqu’imposé par la force. Une telle action américaine unilatérale viendrait alimenter ce qu'il s'agit justement de réduire : la haine anti-américaine, l'accroissement du fossé Nord-Sud, la confirmation de l'invasion de la maison de l'Islam par les Infidèles. Une nouvelle guerre au Moyen-Orient peut entraîner une déstabilisation des frontières de cette région. Cela remettrait en cause la carte établie par les traités de Sèvres et de San Remo de 1920. De plus, il n'y a pas de guerre à zéro mort. C'est un mensonge, surtout pour ceux qui sont au sol. Toute guerre s'inscrit dans un enchaînement. Elle peut naturellement se retourner contre Israël, et on ignore tout des projections politiques pour l'après-guerre. D'ailleurs, pourquoi ne pas exposer avec clarté les plans, non pas militaires, mais politiques ? L'argumentaire POUR : Depuis 1998, l‘État irakien ne veut plus se conformer aux résolutions de l'ONU, dont certaines prévoient des visites des usines d'armement chimique, biologique, par des inspecteurs assermentés. Pourquoi ce refus de la transparence ? À l'heure de la lutte contre le terrorisme, l'inquiétude devant ce refus est évidemment légitime. L'Irak est un État qui a déjà déclaré deux fois la guerre : à l'Iran le 22 sept. 1980, au Koweït le 3 août 1990. L'Irak a déjà utilisé ses armes chimiques et biologiques lors du 1er conflit ; il les a même utilisées contre son propre peuple, les Kurdes d'Irak, provoquant la mort de quelque 4000 personnes à Halabja en 1988. Ces inquiétudes ne sont pas seulement américaines, israéliennes. Elles sont aussi arabes. En 1991, la coalition contre l'Irak comptait dans ses rangs de nombreux États arabes, souhaitant avant tout la stabilité régionale et la stabilité du prix du baril de pétrole ! A l'échelle mondiale, on constate depuis 40 ans les évolutions économiques et démocratiques de l'Asie et de l'Amérique latine. Seul le Moyen-Orient arabe est comme figé car il y a captation du pouvoir politique par des régimes soit autocratiques, soit théocratiques. En renversant Saddam Hussein, les États-Unis espèrent pouvoir placer à Bagdad un régime ami démocratique pouvant devenir un modèle dans le monde arabe.