Au-delà du cercle de qualité:
SISCare pour une promotion interdisciplinaire
de l’adhésion au traitement
Quelle que soit la maladie considérée, ce chiffre d’un patient sur
deux est malheureusement constant. Les facteurs en cause sont
multiples, et variés et concernent un grand nombre de traite-
ments: le nombre de médicaments à prendre, la complexité du
traitement, mais aussi les appréhensions et idées préconçues
des patients tout autour de leur maladie ou l’ambivalence
constante entre le désir de guérison et le désir d’éviter les con-
traintes liées au traitement ne sont que quelques exemples de
tels facteurs.
Cette tendance à la non-observance, qu’on pourrait déjà presque
appeler naturelle (et qui n’est donc pas toujours un choix con-
scient du patient, mais plutôt un signe d’une forme particulière de
maladie), revient cher aussi bien en termes de santé que
financièrement (presque 5% des coûts de santé totaux)2.
L’augmen tation du nombre de traitements, les échecs thérapeu-
tiques, les complications et les hospitalisations (répétées) font
augmenter les coûts3. Une amélioration de la qualité doit donc
inclure la recherche de signes d’une adhésion insuffisante au
traitement, et le cas échéant un recours à des stratégies permet-
tant de résoudre ce problème.
À l’évidence, les patients ont des difficultés à avouer à leur mé-
decin (prescripteur) qu’ils ne prennent pas leurs médicaments
comme prévu: ils craignent de le décevoir et de compromettre
ainsi la précieuse relation patient-médecin. Le médecin a de sa
part la possibilité de découvrir grâce à l’entourage et à d’autres
professionnels de santé quels sont les patients susceptibles de
profiter d’un suivi particulier. Surtout les pharmaciens peuvent
être d’une aide précieuse en cela parce qu’ils ont un aperçu des
médicaments prescrits aux patients par différents médecins
traitants et du rythme auquel les patients viennent présenter les
ordonnances médicales pour obtenir les médicaments. Le
système tarifaire de la LAMal pour les pharmaciens inclut aussi
des positions allant au-delà dans ce domaine («entretien de
polymédication», «piluliers semainiers», etc.), pouvant être pres-
crites par le médecin.
L’équipe du Prof. Olivier Bugnon à la PMU (Policlinique médicale
universitaire) de Lausanne a développé une approche interdisci-
plinaire (médecins – pharmaciens – personnel soignant) qui a fait
ses preuves dans ce domaine. L’évaluation de l’adhésion du pa-
tient au traitement à l’aide de semainiers ou de piluliers électro-
niques constitue le point de départ pour des entretiens réguliers
de motivation entre le pharmacien et le patient. Dans le cadre de
ces entretiens, le pharmacien s’efforce de cerner en collaboration
avec le patient quels sont les facteurs opposés ou favorables à
une bonne observance et d’aider le patient à développer des
stratégies adaptées à sa situation individuelle. Il informe aussi le
médecin traitant sous forme de rapports d’entretiens afin de per-
mettre une continuité du traitement4. Cette méthode SISCare
éprouvée est actuellement appliquée par une trentaine de phar-
macie en Suisse romande dans le cadre du suivi interdisciplinaire
des patients atteints de maladies chroniques ou recevant des
traitements complexe (liste disponible sur www.sispha.ch)5.
Si un médecin a des doutes concernant l’observance d’un patient
(non-obtention des résultats thérapeutiques attendus, patient
«réfractaire» aux traitements, etc.), il peut recommander dif-
férentes méthodes pour promouvoir l’observance. À côté des
stratégies organisationnelles classiques (rappel par SMS, piluliers
semainiers, divers calendriers, etc.), qui sont plutôt inefficaces
dans le cas d’une non-observance «intentionnelle», il peut pre-
scrire un «entretien de polymédication». Le pharmacien établit
alors un aperçu des traitements médicamenteux du patient dans
le cadre d’un entretien avec lui et évalue la possibilité de mettre
en place un contrôle de l’adhésion au traitement. Dans le cadre
d’une coopération interdisciplinaire centrée sur le patient, le phar-
macien tient alors régulièrement le médecin traitant au courant de
l’évolution de la situation.
L’adhésion au traitement est un défi central pour le système de santé1. On sait
effectivement que près d’un malade chronique sur deux ne prend pas ses médi-
caments conformément au programme thérapeutique élaboré par le médecin, et
ce, en dépit de tous les efforts déployés par celui-ci. Comment promouvoir une
meilleure observance thérapeutique?
1 Sabaté E., World Health O. Adherence to long-term Therapies: Evidence for Action. Organisation mondiale de
la santé, 2003.
2 Advancing the responsible Use of Medicines: Applying levers for change. IMS Institute for Healthcare
Informatics, 2012.
3 Anguish I., Decrey Wick E., Fonjallaz M. H., Clivaz Luchez P., Jotterand S., Locca J. F., Bugnon O. Ordonnance
de sortie d’hôpital: un défi pour la continuité des soins et la collaboration interprofessionnelle. Rev Med
Suisse 2013; 9: 1021-5.
4 Schneider MP, Herzig L., Hugentobler Hampai D., Bugnon O. Adhésion thérapeutique du patient chronique:
des concepts théoriques à la prise en charge ambulatoire. Rev Med Suisse 2013; 9:1032-6
5 Krummenacher I., Cavassini M., Bugnon O. Schneider MP. An interdisciplinary HIV-adherence program
combining motivational interviewing and electronical anti-retroviral drug monitoring. AIDS Care
2011;23:550-61.